THE ROYAL ChNADm INSTITUTE
MÉMOIRES
DE
L'ACADÉMIE DES SCIENCES
INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
DE TOULOUSE
MEMOIRES
DE
L'ACADÉMIE DES SCIENCIÎS
//l
INSCRIFPIONS ET BKLLES-LETTRRS
DE TOULOUSE;
DIXIEME SERIE. — TOME X.
TOULOUSE
1 M PH I M ICH 1 1^: DOUE A DOUH E- V\\ IV AT
3 '.) , HUE SAIN l' - H 0 M K , o\)
1910
AS
t-\0
AVIS ESSENTIEL
L'Académie déclare que les opinions émises dans ses Mémoires
doivent être considérées comme propres à leurs auteurs, et
qu'elle entend ne leur donner aucune approbation ni impro-
bation.
608437
Kcrire le nom de l'Aca-
démie ou Société qui reçoit
le volume.
Reçu iic l'Aciuienn'c Jt',) ScienccA, Inôctipticn^
et Bellc^-Lctice.) de Toiiloii,)e, le K'oliinie in-S^ de
r année i(jlO , ioiue X (" X "'' ^àiie).
A . Je. 19
Signer lisiblement et
dr^mntT l'«(iresse exacte.
I
ÉTAT DES MEMBRES DE l'aGADÉMIE. VII
ETAT DBS MEMBRES DE L'ACADEMIE
PAR ORDRE DE NOMINATION.
OFFICIERS DE L'ACADEMIE
COMPOSANT LE BUREAU.
M. le baron Desazars de Mgntgailhard, >î<, Président.
M. Fabre (Charles), Q L, §, professeur à la Faculté des sciences,
Directeur.
M. DuMÉRiL (Henri), ^| T., professeur à la Faculté des lettres. Secrétaire
perpétuel.
M. Mathias, O I-, professeur à la Faculté des sciences de Clermont-
Ferrand, directeur de l'Observatoire du Puy-de-Dôme, Secrétaire
perpétuel honorait e.
M. GiRAN, if I., professeur à la Faculté des sciences, Secrétaire adjoint.
M. Maurel (Edouard), 0. ^, O l., professeur à la Faculté de méde-
cine, Trésorier perpétuel.
M. Crouzel (Jacques), 0 I,, bibliothécaire en chef de la Bibliothèque uni-
versitaire, Bibliothécaire de l'Académie (nomination de 1908).
ASSOCIÉS HONORAIRES NATIONAUX.
M. B. Baillaud, 0. ^, O I., membre de l'Institut, directeur de l'Obser-
vatoire, à Paris.
M. Mistral (Frédéric), C. ^, à Maillane (Bouches-du-Rhône).
M. N
M. N
M. N
M. N
VIII ÉTAT DES MEMBRES DE l' ACADEMIE.
ASSOCIES HONORAIRES ETRANGERS.
1860. Don Fhancisco de Cardenas, anc. sénat, membre de l'Acad. des
sciences morales et politiques, calle de Pizzaro, 12, à Madrid.
1878. Sm Joseph DaltonHookeii, anc. direct, du Jardin- Royal de botani-
que de Kew, associé étranger de l'Institut de France, à Londres.
M. N
M. N
ACADÉMICIENS-NÉS.
M. le Préfet de la Haute-Garonne.
M. le Maire de Toulouse.
ASSOCIÉS LIBRES.
1859-1889. M. Ad. Baudouin, ancien archiviste du département de
la Haute-Garonne.
1886-1897. M. Moquin-Tandon, Q L, professeur à la Faculté des
sciences, allées Alphonse-Peyrat, 4.
1886-1908. M. Parant (Victor), # A., docteur en médecine, directeur
de 11 maison de santé des aliénés, allées de Garonne, 17.
1885-1908. M. Frébault, || L, professeur à la Faculté de médecine,
boulevard Carnot, 75.
1880-1910. M. Hallberg, ^, f> L, §, professeur honoraire à la Fa-
culté des lettres, rue Lamarck, 9.
M.N
M.N.....
M.N
M.N
M.N
ASSOCIÉS ORDINAIRES.
CLASSE DES SCIENCES.
PREMIÈRE SECTIOrV. — Sciences mathématique».
MATHÉMATIQUES PURES.
1886. M. Rouquet (Victor), -î^, p I., professeur honoraire de mathé-
matiques spéciales au Lycée de Toulouse, rue Valade, 17.
1909. M. Drach, i> L, prof, à la Faculté des sciences, rue du Japon, 12.
M.N
ÉTAT DES MEMBRES DE l' ACADÉMIE. IX
MATHÉMATIQUES APPLIQUÉES ET ASTRONOMIE.
1885. M. Abadie-Dutemps, ingénieur des arts et manufactures, rue In-
gres, 21.
1893. M. CossEKAT, Q l., professeur à la Faculté des sciences, direc-
teur de l'Observatoire de Toulouse.
1901. M. JuppoNT, CJi A., ingénieur des arts et manufactures, allées
Lafayette, 55.
4905. M. Yersepuy, ingénieur, directeur de l'usine à gaz, rue Périgord, 7.
1908. M. Saint-BlaiNCat, i| I., astronome adjoint à l'Observatoire, rue
du Dix-Avril, 66.
M. N... .
PHYSIQUE.
1896. M. Marie, Q I., professeur à la Faculté de médecine, rue de
Rémusat, 11.
1904. M. Camichel, Q l., professeur à la Faculté des sciences, rue An-
dré-Délieux, 29.
M. N
DEUXIÈAIIi: 8ECTIO:\. — Sciences physiques et naturelles.
CHIMIE.
1873. M. JouLiN fLéon), 0. ^, rue des Arts, 7.
1885. M. Sabatier (Paul), ^, i| I., ^, C. ►!<, correspondant de l'Ins-
titut, doyen de la Faculté des sciences, allée des Zéphirs, 11.
1895. M. Fabre, 41 ï., ^, professeur à la Faculté des sciences, rue
Fermât, 18.
1909. M. GiRAN, Q I , prof, à la Faculté des sciences, rue de Metz, 29.
1910. M. Hérissom-Laparre, 0. ^^, ingénieur en chef des poudres et sal-
pêtres, directeur de la Poudrerie.
ZOOLOGIE.
1907. M. Labat, ^, 0. ^, C.I A., docteur en médecine, directeur de
l'Ecole vétérinaire de Toulouse, à l'Ecole vétérinaire.
1908. M. Lkclainche, ^, 0. ^, Q A., professeur à l'Ecole vétérinaire,
rue Ingres, 25.
1908. M. Abklous, Q I., correspondant de l'Institut, professeur à la
Faculté de médecine, allée des Demoiselles, A bis.
1910. M. Girard, $, professeur h l'Ecole vétérinaire, rue Joliment, 9.
ÉTAT DES MEMBRES DE l' ACADÉMIE.
BOTANIQUE.
1903. M. Leclerc du Sablon, Q I., professeur, doyen honoraire de la
Faculté des sciences, rue du Taur, 79.
1909. M. Prunet, *ftî, ip> I., g, professseur à la Faculté des sciences,
grande rue Saint-Michel, 14.
GÉOLOGIE.
1891 . M. Garrigou (Félix), Q l., chargé de cours à la Faculté de méde-
cine, rue Yalade, 38.
1892. M. Caralp, Q I., professeur ta la Faculté des sciences, rue de
Réniusat, 21.
MÉDECINE ET CHIRURGIE.
1888. M. Maurel (Edouard), 0. ^, Ql., professeur à la Faculté de mé-
decine, houlevard Carnot, 10.
1901. M. Geschwind, G. ^, p A., médecin inspecteur de l'armée
(cadre de réserve), allée des Demoiselles, 29.
1907. M. Tourneux, |> T., professeur à la Faculté de médecine, rue Phi-
lomène, 14.
1910. M. Jeannel, Q I., doyen de la Faculté de médecine, rue Ozenne, 1 .
■ M. N
CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
1884. M. DuMÉRiL (Henri), # L, bibliothécaire honoraire de l'Université,
professeur à la Faculté des lettres, rue Montaudran, 80.
1886. M. Lapierre (Eugène), Q l., bibliothécaire honoraire de la ville,
rue des Fleurs, 18.
1890. M. LÉCRivAiN, 0 I., professeur à la Faculté des lettres, rue
des Chalets, 37.
1890. M. Crouzel (Jacques), 4> L, bibliothécaire en chef de la Bibliothè-
que universitaire, ^^ue des Trente-six-Ponts, 82.
1891. M. Massip (Maurice), # L, bibliothécaire de la ville, rue de la
Pomme, 30.
1894. M. le baron Desazars de Montgailhard, ^, rue Merlane, 5.
ÉTAT DES MEMBRES DE l' ACADÉMIE. XI
1899. M. Pasquier, Q I., archiviste du département, rue Saint-Antoine-
du-T, 6.
1899. M. Cartailhac, ^, O L, C. ►î^, correspondant de l'Institut, mem-
bre non résidant du Comité des travaux historiques et scienti-
fiques, rue de la Chaîne, 5.
1901. M. DE Santi, 0. !^, médecin principal de la Compagnie des Che-
mins de fer du Midi, rue Deville, 11.
1903. M. F. Dumas, 0 I., doyen de la Faculté des lettres, Porte-
iMontgailhard, 6.
1907. M. l'abbé Maisonneuve, chanoine honoraire, doyen et professeur à
l'Institut catholique, rue Saint-Remésy, 12.
1908. M. Marsan, if l., professeur à la Faculté des lettres, boulevard
de Strasbourg, 74.
1908. M. Eydoux, avocat, rue Boulbonne, 14.
1908. M. Barrière-Flavy, Q I., boulevard d'Arcole, 14.
1909. M. TouRRATON, ^^, 0 A., présid. du Tribunal civil, r. Pharaon, 28.
1910. M. Saint-Raymond (Edmond), rue des Paradoux, 51.
1910. M. Trouverez, O I.; professeur à la Faculté des lettres, rue du
Pont-de-Tounis, 1.
M. N
M. N
COMITÉ DE LIBRAIRIE ET D'IMPRESSION
1909. M. JUPPONT.
— M. Labat.
~ M. l'abbé Maisonneuve.
1910. M. Versepuy.
— M. Prunet.
— M. Massip.
COMITE ECONOMIQUE.
1909. M. Abadie-Dutemps.
— M. Marie.
— M. Eydoux.
1910. M. Leclainche.
— M. Abelous.
— M. Marsan.
ECONOME.
M. Abelous.
XII ÉTAT DES MEMBRES DE l'ACADÉMIE.
ASSOCIES CORRESPONDANTS.
Anciens membres lilulaircs devenus associés correspondants.
CLASSE DES SCIENCES.
1874-. M. Léauté, 0. »}^, membre de l'Institut, ingénieur des manufac
tiires de l'État, professeur honoraire à l'Ecole polytechnique,
administrateur délégué de la Société industrielle des Télépho-
nes, boulevard de Courcelles, 20, à Paris.
1895. M. d'Ardenne, docteur en médecine, à Malirat, par Villefranche-
de-Rouergue (Aveyron). "
1900. M. Maillet, || A., ingénieur des ponts et chaussées, répétiteur à
l'École polytechnique, 11, rue Fontenay, à Bourg-la- Reine
(Seine-et-Oise).
1904. M. Le Vavasseur, || I., professeur .à la Faculté des sciences de
Lyon, 14-3, avenue de Saxe.
1910. M. Mathias, Q L, professeur k la Faculté des sciences de Cler-
mont-Ferrand, directeur de l'Observatoire du Puy-de-Dôme,
10, cours Sablon.
1910. M. Roule, ^, i} ]., ^, C. ti*, professeur au Muséum d'histoire
naturelle, 57, rue Cuvier, à Paris.
CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
1878. M. Loubers (Henri), 0. ^, conseiller à la Cuur de cassation, rue
d'Assas, 28, à Paris.
1881. M. CoMPAYRÉ, C. ^, 41 L, membre de l'Institut, inspecteur
général de l'Instruction publique, à Paris.
1889. M. Thomas, ^, # L,. membre de l'Institut, professeur à la Faculté
des lettres, 10, rue Léopold-Robert, à Paris.
1896. M. Fabreguettes, 0. t^, conseiller k la Cour de cassation, rue Ri-
chelieu, 85, à Paris.
1898. Ms^ Douais, || I., évêque de Beauvais.
1910. M. Fauvel, professeur d'histoire naturelle et de physiologie à la
Faculté libre des sciences d'Angers,
1910. M. Renauld,^ A., professeur au collège Rollin, à Paris.
KTAT DES MEMBRES DE L ACADEMIE. XIII
CORRESPOiNDANTS iNATIONAUX.
CLASSE DES SCIENCES.
1818. M. RoNJEAN, pharmacien, ancien président du Tribunal de com-
merce , à Chambéry (Savoie).
1849. M. llÉiiARD (llippolyte), ^, docteur-médecin, place Laborde, 12 bis,
à Paris.
18G1 . M. NoGUÈs, ingénieur civil des mines, professeur de physique indus-
trielle ta l'Université de Santiago (Chili).
1861. M. Delore, ex-chirurgien en chef de la Charité, ancien professeur
adjoint d'accouchements à la Faculté de médecine, Romanèche-
Thorins (Saône-et-Loire).
1861 . M. Rascol, docteur en médecine, à Murât (Tarn).
1872. M. Chauveau, C. ^, inspecteur général des Ecoles vétérinaires,
membre de l'Institut, avenue Jules-Janin, 10, Paris-Passy.
1872. M. Arloing, C. -î^*, || L, correspondant de l'Institut, professeur à
la Faculté de médecine, directeur de l'Ecole vétérinaire, quai
Pierre-Acéze, 2, a Lyon.
1888. M. Rel (Jules), Q A., botaniste, direct' du Musée, à Gaillac (Tarn).
1888. M. SiCARD, docteur en médecine, avenue de la République, 1, à
Réziers (Hérault).
1890. M. Rouillet, docteur en médecine, place Capus, 1, à Réziers
(Hérault).
1891 . M. Willotte (Henri), ^, ingénieur en chef des ponts et chaussées,
lauréat de l'Académie, rue de Rrest, 6, à Quimper (Finistère).
1898. M. E. Reer, pharmacien, rue Sainte-Odile, 6, à Strasbourg.
1901 . M. Emile Relloc, chargé de missions scientifiques au Ministère de
l'Instruction publique, rue de Rennes, 105, à Paris.
1908. M. Joseph Comère, QX., pharmacien honor., quai deTounis, 60,
à Toulouse.
1909. M. Chalande (Jules), # A., rue des Paradoux, 28, à Toulouse.
1910. M. Lala, Q l , ij, maître de conférences adjoint de physique à la
Faculté des sciences, boulevard de Strasbourg, 16, à Toulouse.
1910. M. Raylac, CJ a., docteur en médecine, professeur agrégé à la
Faculté de médecine, médecin en clu^f des hôpitaux, rue de
la Pomme, 70, à Toulouse.
XIV ETAT DES MEMBRES DE L ACADEMIE.
1010. M. BvuDiER, C.| A., docteur en médecine, agrégé, chef des travaux
de physiologie à la Faculté de médecine, rue Saint-Etienne, 10,
;\ Toulouse.
1910. M. Dop, C.I A., chargé de cours à la Faculté des sciences, rue Jon-
quières, 26, à Toulouse.
1910. M. Mengaud (Louis), professeur agrégé au Lycée, rue Lakanal, 7.
CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
1848. M. Tempier, avoué prés le Tribunal civil, à Marseille.
1863. M. HossiGNOL, homme de lettres, à Montans, par Gaillac (Tarn).
1872. Dom du Bourg (Antoine), religieux bénédictin, à Paris.
1875. M.Serret (Jules), avocat, homme de lettres, rue Jacquart, 1, à
Agen.
1879. M. DE DuBOR (Georges), attaché à la Bibliothèque nationale, place
de Valois, 5, à Paris.
1881 . M. Chevalier (Ulysse), ^, Q L, chanoine honoraire, à Romans
(Drôme).
1882. M. l'abbé Larrieu, ancien missionnaire apostolique en Chine, mem-
bre de plusieurs Sociétés savantes, curé à Montbardon, par
Saint-Blancard (Gers).
1882. M. Tardieu (A.), Officier et Chevalier de plusieurs Ordres étran-
gers, membre de plusieurs Sociétés savantes, etc., à Herment
(Puy-de-Dôme).
1885. M. EspÉRANDiEu (E.-J.), ^, >ï< , <y> L, correspondant de l'Institut,
commandant à l'état-major général, 59, route de Clamart, à
Vanves (Seine).
1887. M. le marquis de Croizier, ^, OI., président de la Société
académique indo-chinoise de France, grand'croix du Christ du
Portugal et grand - officier de plusieurs ordres étrangers,
boulevard de la Saussaie, 10, parc de Neuilly, à Paris.
1887. M. SoucAiLLE (Antonin), 0 I , secrétaire de la Société archéolo-
gique, scientifique et] littéraire de Béziers, correspondant du
ministère de l'instruction publique, avenue Saint-Pierre, 1 , à
Béziers (Hérault).
1888. M. Ed. FoRESTiÉ, ^, archiviste de l'Académie des sciences, lettres
et arts de Tarn-et-Garonne, rue de la République, 23, à
Monlauban.
ETAT DES MEMBRES DE L ACADEMIE. XV
1891. M. n.-P. Cazac, Q L, C. >l^, 0. *, >J<, de l'Académie de
Mikon, ancien vice-président de la Société académique des
Hautes-Pyrénées, proviseur du Lycée de Bayonne (Basses-
Pyrénées).
1910. M. Gros, Q I., inspecteur primaire, quai de Tounis, 24, à Toulouse.
CORRESPONDANTS ETRANGERS.
CLASSE DES SCIENCES.
185G. M. Paque(A.), professeur de mathématiques à l'Athénée royal de
Liège (Belgique), rue de Grétry, 65.
1871. M. Bellucci (Giuseppe), docteur en histoire naturelle, professeur
de chimie à l'Université de Pérouse (Italie).
1897. M. Cabreira (Antonio), ^, membre de l'Académie des sciences
de Lisbonne et de l'Institut de Coïmbra, 36, rua da Alegria,
Lisbonne.
1899. M. PiLTSCHiKOFF (Nicolas), professeur de physique cà l'Université
d'Odessa.
1908. M. le Dr Da Costa FEimEiRA, à Lisbonne (Portugal).
1909. . M. le chevalier de Lindheim, consul général de Roumanie, I. Grill-
parzerstras?e,5, àVienne.
CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES -LETTRES.
1859. M. Levv Maria Jordao, avocat général à la Cour de cassation du
Portugal, à Lisbonne.
1907. M. le professeur Doct. Giovanni di Casamichele, via Vitt. Em., 20,
à Lucca (Italie) .
XVI ETAT DES MEMBRES DE L ACADEMIE.
NECROLOGE
(au 15 FÉVRIER 1911.)
ASSOCIÉS ORDINAIRES.
M. Basset, *{^, #1., professeur honoraire à la Faculté de médecine.
M. Deloume (Antonin), ^, Q I., doyen honoraire de la Faculté de droit.
CORRESPONDANTS NATIONAUX.
M. Bastié (Maurice), docteur en médecine, à Graulhet (Tarn).
M. Debeaux, 0. -î^, pharmacien principal de l'armée, en retraite.
MÉMOIRES
DE
L'ACADÉMIE DES SCIENCES
INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
DE TOULOUSE
SYNTAXE DES VERBES COMPOSES
DANS PSELLOS (Suite).
KATA— (suite).
-xavcupY£uo;j.ai ac. Clir., 61, 18 tc-j; ôp.ocpuXou;. Cf. Bas., 1, 468.
-7:éi):Kcô ^ à7:6 gén. B. G., IV, 446, 2. Cf. B. G., V, 49, 19 àvwOEv x.
^ è7c( (^a^. B. G., IV, 446, 2.
* àTTo ^en., £-1 <:^«/. B. G., IV, 446, 2 "EXXr^Œt oczcT àvwOsv
xàç 6u'/àç àzç Ttov U7:£py,£u^jiv(.)v GçatpôJv y, — cjOat £7:' ct7,ovo[j.îa xà^
7:A£io'j; y-pciiTovcç èvTajOa Cw^/Ç.
-TTi-To) ^' gén. Chr., 9, 13 tou Tx-ou.
àxo é^e'fi. C/^r., 177, 5. Cf. Hom., II., XVI, 386.
£i; ac. Pat.., 649 A x. sic to pXac7f^a£Îa6ai toÎç lOvsaiv.
è-iac. C/<r., 177, 5.
àxi gén... ir.i ac. CJir., 177, 5 àxb ty)(; \JT.ivr^q •/. — (ov l-l ty;v
v/)Tr<v. Cf. Demetr. Phal. et Tlies.
-TÛ.iaab} au ps., ^ \).zxd gén. Pat., 897 A y.—yArri \).iO' GoaTs;.
-TzXio) * T.pôç, ac. Chr.., 124, 33 xaxaxAîjjaç xpcs; xbv Tupavv£ry
£-£'.Xr^[j.[j.év5v ; 204, 17.
-xovT'Çw rfa^ B. G., V, 175, 9 r})v "EXXr^v xr^ OaAaxxY) y. — ouji.
Cf. D. S., 13, 86.
-xxuco /;^>z. /nt*., 203 x. x'.vi^. Cf. Ar., Ran., 1179.
-péw £i; ac. Pat., 789 C £t; aùx6v; Méd., 380. Cf. Tlier., 1, 5.
^ £7c( ac. Paf ., 792 B èxl xbv XéÔYjxa.
IQe SKRIK. — TOMK X. 1
2 MÉMOIRES.
xxxa —
-pr,YVj[j.i dq ac. Chr.. 83, 14 d; soa^oç xaTcppr^^vuio. Cf. Str., 223.
■^ xaxa ^^n. C/ir., 38, 30 y.aià yY);.
-ptÇ5(.)-to ^ dat. C/ir.^ 168, 4 Tf^ -(f^.
-pt-TÉw-à) £t; ac. Pat., 829 G sic ou; rrjv twv aTOcrTéXoiv y, — z\Jai
7rp:cr-oYop(av. Cf. Maiietho, 4, 288.
et -piTTTo) * c^«^. Chr., 126, 34 ty] yy) y.aTéppiTTTO.
■^ £tc( ^m. C/ir., 59, 7 eauxcv Itui Ttvoç y. — wv cTTpw[;.v^ç.
— ay.£uâCco * àx ^m. Fa^., 557 A y,a-£a — [jivot el^lv è/. /.puGoD.
-j-ato-w ci; ac. Pa^., 1041 G tcv 'Apic7X0TéXr,v elq ty)v eauToO SoÇav.
Gf. Luc, De mar., 2, 2.
— j-cipo) £tç ac. Pa^, 965 A si; xcv àypcv.
—Gxoyà^iù, au moy.., gén. B. G.., IV, 333, 23 xwv Tupayi/àTwv.
" Gf. Basil, (voir Thés.) et Tlieopli., Instit., 1, 17, 271.
— GTpaTY)Yé(o-w ac. Chr., 12, 23 tgv aji^y-paxopa. Gf. PoL, 3, 71, 1.
— c7Ùp(o £i; ac. Pa^., 549 G £1; y.p'/;[j.vsb; y.al ÊapaOpa y.aTaa'jpévTaç.
Gf. D. Ghr., 1, 196; Poil., 1, 125.
— Tocajo) Tivà (xi) c^a^ Pa^, 549 D i% 7:péêy.'a y.aiaTâTT£t<; cpwxi tou
Œou 7:poc70)7:ou. Gf. Pol., 8, 11, 5; Ghrysipp. (Athen., 6,
267 b).
-Téavo) ^ aç ac. Pat., 548 G, D dq [xupiy.ç c5?a; ; 796 G ; Ps., 87 A,
132 k;B.C. H., I, 127,22.
— i(Oy)|j.i £tc( ^en. C/^y., 41, 31 è^l Tf^; jxptop-^ç /.axéOexc. Gf. Hom.,
P., 3, 293.
— xQ)v[j,a(t)-w gén. Clu\, 67, 31 ':râT^; app£voç hhuùq-, 82, 10; 221, 12;
230, 25; B. G., V, 49, 16; 127, 25.; 285, 16; 511, 5; P5.,
75 B. Gf. Pol., 3, 103, 5.
- xp£/(.) gén. Chr., 56, 19 -^av-b; xcu Y£v:u; y.ax£xp£/£v ; ylcc, 383, 13;
' 402, 13. Gf. Alh., 220 c; D. L., 7, 187.
ac. Chr., 10, 24 y.a-éîpap.s xr^v £y.£ivsu 7:po[j//j0£iav ; ^cc,
48, 14.
- xpu^aw-b) ^cn. C/ir., 154, 6 xy]; toj y.p7.xojvxcç à6£>ar<pia; ; 174, 4;
175, 22; 235, 10; 240, 32; B. G., IV 443, 27; P. G., V,
61, 21 ; 127, 13; 251, 7; 264, 20; 446, 27; 467, 25; Pat.,
1181 D x(ov /ap'Xfov. Gf. Greg. Naz., 1, 167 b; Eustath.,
1616, 32.
-u6p(Ç(.) rtC. Ps., 93 B xbv /pwxa aùxou y,— ou^i. Gf. Soph., EL, 522;
Eur., P/., 698.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSES.
•/.aTa-
!J-£Ta-
-uXaxTéo)-w gén. B. G.^ V, 253, 13 kov wicv toO 7:p(i)TsaJV.pf(Ti<;
y.— Yjaac. Cf. Bas., 3,360.
-u-Ep'o^avcûciAai * ^en., C/ir., 229, 31 y,— aôai xivcç ; J?. G., V, 457,
19 TOij IpWTOÇ.
-cpépw T'.và (ti) "^ gén. Acc, 46, 5 t:v (^xjfAsa isu Opcvou ; M?;., 43.
[Thés, ne porte cette synt. que pour le sens : enfoncer
dans; Geop., 2, 2, 3.]
èy. gén. Pat.^ 1177 A tttt^vcv è/, toD àépo; ; /*5., 77 A.
£i; ac. Ch)\, 48, 8 d^ tusg'.v y.aTsvexOsi; ; 232, 20; Ps., 77 A.
Cf. Alex. Aph., Probl.; Hesych.
èx gén., ci; ac. Ps., 77 A xb opa;j.a èy, y.(0[j/,y,Yi; S(i)t;,oAo/îa;
— Ypcv£(o-Û) ^en. C/ir., 11, 21 tÔw T.Ep\ xh crôj^.a y.ca[j.;./^ ; 24, 11
35, 23 xf,q (ioL7Ûdooq ; 58, 32 ; 67, 4 ; 73, 14 ; 75, 22 ; 77, 19
143, 11, 14; 150, 14; 152, 16; 181, 6; 199, 32; 230, 12
236, 12; 248, 27; B. G., IV, 441, 11; 451, 31; 452, 7
B. G., V, 34, 13; 493, 4, 18; 508, 7; 513, 23; 521, 14
538, 22; ^ ce, 411, 11 ; Ps., 76 A ; Inv., 202; Pat., 657 D,
905 B, 909 A, etc.
[*ac. Le ms. Chr., 11, 21, porte tcv x:a[j.cv, corr. par
l'éd. en twv yôjixwv.]
—■/piz[j.y.',-M'^.v. dat. B. G., V, 533, 22 -at; cjuvfjOîai y., cpwvatç.
-6y)ç{Ccij.3'.': tî Ttvo: C/^r., 90, 30 OâvaiGv toutou ; 158, 19 ; Acc, 35, 7.
* t{ T'.vt Chr., 146, 4 àfatpsaiv ajToiç tcov o[j,[xâTwv y,. Non
classique. Cf. Thés, sur Basil., Ep. ad Deni., 834, 26.
— (opùojj.ai. Cf. y,aTOCjpc[xai.
META-
-âyo) £'!; ac. Chr., 219, 7. Cf. PoL, 5, 1, 9; Hdn., 3, 5, 2; 8, 10.
"^TTpô; ac. B. G., V, 437, 5 r.zWzX zpcç xà y.p£iTT(.)
i;.£TYix6r,7av.
*èy. ^^n. C/ir., 219, 7.
dq ac.^, èy. f/cn. C/ir., 219, 7 tov y.ojjxcv £i; xà^iv èy, ty);
-aXXacGo) £t; ac. Z^. (5^., V, 500, 16 tyjv 07;rr)V dq £T£pav [j.— arai
TTO'.dTYlTa.
4 MEMOIRES.
-a[j,£(6w ^dq ac. Chr., 146, 14; B. G., V, 383, 7 iJ.— Of^aexai eiç
fAuy.uTYîxa; 500, 19; B. C. H., I, 130, 19.
^iizà gén. B. C. H.,l, 130, 19.
ly.gén. CJir., 146, 14. Cf. Mosch.,2, 52.
"^ àxc gé7i.^ "^ûq ac. B. c. H.^ \, 130, 19 là \h — [/eva àç'
èxépcu févou; £iç sTspcv.
£x gén."^^ dq ac. Chr..^ 146, 14 i^ àx[r^ç y.ai la/uoç dç
— ap[j.dÇ(.), mécL-2yss.j dat. Chr.., 49, 34 toT'; ttpsjwtcck; y,al icTç y.aipotç
[j.sOr^piJLo^sTo. Cf. Hermias, p. 219 f.
TTpôç ac. Chr.^ 47, 31 xpbç Tcaciav loéav toW 6[j.iXo6vtwv
\).—\).vKq; 154, 2; 169, 30; 177, 4: 178, 15; 201, 3; 256, 14;
B. G., V, 98, 15; Pat., 905 A. Cf. D. H., 10, 51; Philo.,
de V. on., 2.
-6aLV(.) dq ac. Pat., 736 D, 780 B, 1032 A, 1180 G ûq GopiwBstç
Tzpiq ac. Ps., 77 B T.poq i\LÏ [j.ETy.6i6rfAe.
àr.6 gén. Pat., 736 D, 1032 A.
àiuo gén., dq ac. Pat., 736 D à^' stéocu [j. — si eic è'-spcv;
1032 A. Cf. Luc, ^m., 24.
-6âXXw ctç ac. C/?r., 3, 18; B. G.,1Y, 372, 9; B. G., V, 96, 19;
527, 23; Pat., 708 D, 749 D, 792 B; Ps., 153 A; Par.,
147, 8;P/z.,XVI, 525.
Trpoç ac. 5. 6r., V, 244, 15 [j.sxaêéoX'/î^a'. Tïpbç zy.q èv icuici;
(pa)vaç;418, 7; Pa^, 861 G.
èzi ac. Chr., 98. 6 èx' àWo xt [j.£xa6£6X*rî[jivcç ; 5. G^., V,
499, 5.
i% gén. Clir., 3, 18.
àTuo ^cn. B. G., V, 499, 5.
ly.gén., dq ac Chr., 3, 18 è; àv£t[jivo'j /3(cu £iç xb auvxovov
(J.£X£6âXX£XC.
(XTub ^cn. ird ac. B. G., V, 499, 5 \}.. xb xoj 'ApiaxoxéXouç
)>OYty.bv "Op^avov à^rb xou à^açojç l'ut xb aaç-éç.
-6'.!âCo) ilz ac. B. G., V, .527, 18 xaùxr^v sic xr^v zp£''xxova [j,— £iv xw
AbY(;). Cf. Pol., 1, 41, 4.
■>^7:pfç ac. Chr., 202, 14 rpb^ xbv y.paxcjvxa [X£xa5i6acraç
xbv Xgyov; b. g., V, 297, 20; T3:.,.348; An. Ass., IX, 215.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSES. O
-6:jX£uo), au ?noij. (changer de détermination pour; d'où :
accepter en se ravisant), "^ ac. Chr.y 195, 20 àXXo ti twv
eXaTicvtov |x — aôai.
-St$a)[j,i Tivi Tivo; C/îr., 110, 17 a ctuvsiXyj/eiv, tcutwv zaj'.v ix£Téca)xa ;
^cc, 386, 16. Cf. Eur., Or., 450.
-£i|j.i (et -épxoiJ.ac) ac. P5., 186 G ci xà; gavaùjouç twv ts^vôjv
[j. — |j.£voi. Cf. Ar., Arch,^ 121.
£Îç ac. C/ir., 215, 10 £iç tcv Mr/av)). y) tyjç gaaiXeia; (j.ixf^Xôe
8taoo/Y].
— £pao)-w (transvaser dans) ci;; ac. Pat., 1125 B [j. — jOwi^.ev Otug 0£C'j
£i; Tc:::v àuXov. Cf. Diosc, 5, 26.
-£-/w ^en. C/ir., 77, 24 rr^ç auvécEtoç [x. ; 233, 16; 245, 16; B. ^.,
IV, 431, 20; B. G., V, 467, 15; 495, 18; An. Ass., XIII,
250 ; Pat., 701 B, 716 B, 800 D, 828 B, 856 A, 864 G, 872 G,
920 A, 1073 A, 1177 B, etc. (Saephis).
en regard : [).".iyo[fm "^ br.ô gén. (participari ex) Pat.,
701 A c'j iraç vouç [j.£T£/£Tai uTib Tcar^ç ^'J'/,'')?, et, plus loin
encore, 6 vojç Gtu' cùo£[j.iaç «I^u/yî;; [aeOextoç icr-iv.
— i'y)[j-i èx ^^/z. Ps., 50 A [j,£Ô£iç £x TÛv /Eipwv xàç Xapiiaç. Gf. Syncs.,
cité par Thés.
— iGTT^ij.i gén. Chr.^ 98, 19 [j.. tcDtov twv [îiaaiAEitov ; 171, 20 iGiv Tf,S£;
i?. a., IV, 314, 20; 405, 17; 446, 14.
au PS., £i; ac. B. G., V, 92, 19; Ph., XVI, 529.
ax6 ^^n. B. G., V, 92, 19.
àxo ^en., ciç ac. /?. G., V, 92, 19 £t; O-^pîwv icéav àrb kov
Xp£lTTCV(OV [XOp^WV [J- [Xîôa.
- xaAéto-îo £i; ac. Ch)\, 114, 15 eu to BuÇâviiov. Gf. Philostr., IIe7\,
538.
* ^<^n. C/ir., 100, 30 [A— Eiiai zf^q G-cpopia;.
— y.ivé(.)-(o, ■'^ £i; rtc. Pat., 1180 D [j.. t};v àj7ri8a vuv \j.b/ £t; §£^ù, vjv
c£ £i; £jd)vu[j.a; T^,, 365.
-7,C[A'Çf.) "^rpcç ac. P5., 137 B Ta [/îv [j, — vte; Tzpoz :'ù; -/.aiaipEiv
£Oo;av.
-Xavyàvo) f7cn. P«^., 829 B to)v TTîpiiTMij.âKov tj-
-Aa;j.6àv(i) gén. CJir., 238, 31 XéY(»v (y.ai) Trpi^Ewv [a. ; Pa^, 577 B,
677 D; PS., 137 B.
-lAopç/C(.)-(o "^ ÈTÎ ac. (7//r., 239, 2^i \).—^cf.z auTsv (.s'/c. /c^.) ètti t3
ocy.sjv 9piy,(.)G£ST£pCV.
6 MÉMOIRES.
[XZICH. —
-)f ^./
p6q ac. Chr.^ 96, 6 jj. — [jàvm'j T.poq xb Xa[j.-pcT£po
-or/i(o-w ^7:p6; ac. -G. G., IV, 447, 16 6 Tcpbç là ôîïa [j.ETor/z/iaaç
àvâxTopa.
-c'.xtCw "^ âx ^én. Pa^., 657 A.
dq ac. Pat., 657 A. Cf. Luc, de sacrif., 11; Argum,,
A?\ Pac, in eod. Veii. (cf. Thés.).
"^ èx gén., dq ac. Pat.., 657 A èy. toutcov [xsTwy.taO-^aav dq
àper/jv.
— cvo|j.âÇ(o "^ £1; ac. Ch?\.,^221, 32 |x. si? o Xéycviat.
— c'/cXcùo) "^ Tupcç ac. B. ^., V, 152, 7 [j.sxwxcTsuO'/jjav Tïpbç 'Ol^-^Ç-
-7ur^oaw-ô) iizi ac. B. G., V, 200, 27; Ps,, 11 G. Cf. Athen., 7, 281.
àTTo gén. B. G., V, 200, 27. Cf. J. Ghrys., de prec.
(voir Thés.).
aTco ^e?^., £711 ac. /?. 6^., V, 200, 27 à^' £T£ptov àzùpwv £9'
£T£pa [J. — av àxupa.
— TTixTio :i; ac. Chr.., 71, 30 [x — £i £t; ibv àvî^'^bv f^ tqD xpâxcuc ciaBo/r; ;
i5. 6^., V, 436, 13,490, 18.
m/r., "^^rpcç ac. Pa^, 864 A Tcpbc ôlqv.o\) \).. oyjiij.oL.
—izoiiiù-îù ^ zlq ac. Chr.y 106, 32 d; tyjv aùir^v t-?;ç ^vwir^ç icéav [;,£T£-
Tuotf.er^Œocv; 168, 2; 5. 6^., V, 100, 18.
^ 7:p5c; ac. C/i7\, 211, 24 xpbq xb |j.a)vax(OT£pov [j. — 0-/;a-£!70at ;
B. G., V, 418, 7; T^., 365,7.*
■^ £ûi ac. £?. (t., IV, 439, 6 èirl xà xpîdTo) xbv p(ov [j.£Ta-
- péto d.q ac. Pat.., 656 B dq ikq (]^i»/à; [j.£T£ppu'^. Cf. Athen., 5,
212 A; Jos., B. /., 1, 4, 5.
' P'jO[j.((Ig) "^Tipcç ac. CV^r., 83, 8 [j. — aOa'. Trpbç xb £jcryr^ij.ov£ax£pov;
^. 6?., V, 68, 15.
- c7y,-/;vo(i)-Ô3 "^ TTpcç ac. i?. (t., V, 85, 16 7:pbç xbv vcr^xbv 7:apa5£iŒCv
[J.£X£T/.r,VWJ£V.
-7xéAA(.) "^£1; ac. i?. O., V, 418, 27 xr^v Bii/usiv £iç £'jçp2a6v/]v
[j.£X£jx£X7.£v. [Thés, ne porte le verbe que dans la forme
moyenne].
-7Tp£cp(i) T.Çiôq ac. C/ir.., 32, 6 7:pbç àGurq()i7-tpzv ^(ov [j.£X£7xpa'::xo ;
B. G., IV, 444, 22.
■ (r/r,\xoc-Âlo) "^ £i; ac. C/ir., 93, 8 [x — Ô£taav £ic; gacriXabv |3suA£ux-/ip'.Gv;
PS., 120 G.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSES. 7
;xîTa —
7:apa —
-Taa^o), méd. ps., r.Ç)iqac. Ch)\, 188, 24 j;.— ;â[j/.vo; 7:pc; Tr/; y.psÎTTO)
Wrci. Cf. Philo., 2,393, 18.
■^ ÏT ac. Clu\, 183, 20 è-i -rb 7Ôvr,Ô£ç [AiTiTa—ETO ; i?. G.,
V, 450, 8.
-^ à-c é^m. i?. (7., V, 450, 8.
* â7:i ^e/l., £::( ac. B. G., V, 450, 8 à-b twv TrXr^Osocwv
àY^pôv £7:1 ty;v ày^EXar^v Ç '>"''r'' [J.îTîTâçavTo.
--t(Oyj[j.i ac^. g^ moy., gén. Chr.^ 170, 23 twv SaTtAEiwv aj-bv [x — C7t
:Tpâ?£wv;170, 27; P5., 124 A.
£t; «C. (7/ir., 152, 7 xb xpâTo; £i^ ia-j-bv [j.£Ta6£70ai ; 238, 13;
B. G., V, 436, 15; Pat., 780 B, 1012 A.
Tcpcc; ac. C/ir., 67, 6 Trpb^ xbv 0£bv [;.— xai ; 70, 14; 195, 14;
B. G., V, 450, 17. Cf. Pol., 3, 111, 8.
ïizi ac. B. G., IV, 373, 8. (Cf. Hdt., 5, 58.)
^h.gén B. G., IV, 373,8.
à-îzz gén. B. G., V, 450, 17. Cf. Fol., 17, 3, 5.
* £/, gén., ird ac. B. G., IV, 373, 8 va OaXajrr^; iz\ tV
r,â£'.pSV (J.£T£l(Ô£TO.
à-o, gén., Tupiç «c. /?. G., Y. 450, 17 à^' bépa; irpbç Exépav
[J.£T£t£6Y)V ^(o-r)v.
— Tpéro) ■'^ TTpc; ac. 5. 6^., IV, 367, Î4 7:pbç xà èvavxia [i — [j.£voç.
— xu7:ba)-(o £l; ac. Pat., 861 B £?;; iï^r^ T/r^ixixiù^ ]x — [j.£vov.
—'ui^iù elq ac. Chr., 105, 23 zlq xà; uTC£pY}9r^o'j; pi.£X£V£Yy.i»)v àp-/âç ;
269, 4; J5. ^., V, 215, 10; 572, 19; Pat., 1025 A; P,s\,
69 B.
TCpôc; ac. B, G., V, 74, 19 izphq xb £'j£X7:'. ;j..; 324, 27;
469, 19; Pal., 605 C, 905 B; Ps , 56 A :upbç xàç •;i[j.£X£pa;
O£(op''aç xà XcY'.a [j.£T£V£Yy.£tv.
£-{ ac. B. G., V, 528, 26 \).. xô Oy)Xu è-irl x*/^v -izoorq^ooiT^ xoj
0-riX£o;.
— -/(opéfo-Ô) £l; ac. B. G., V, 228, 8 £•!; £X£pav or/.:'j;jivr<v tj..
T.pôq ac. Pat., 864 B Tcpbc àXXo cr/^[xa. Cf. PliiL, Demetr.,
29.
HAPA—
-a-ffé/Ad) £i; «C. Ch7\, 43, 36 T:apaYY£(Xa; âç xo'j; icciYjxtxo'jc XÔY^'^-i
5. ^., IV, 410, 16.
« MEMOIRES.
-âvw dq ac. B. G., IV, 453, 80.
^ àr.ô gén. B. G^ IV, 453, 30; 454, 5; P^ï^, 732 D.
VA gén. Pat., 656 C è/. tcO [xyj cvto; T.apriyOr,q. Cf. Dion.
Aresp.; voir Thés.
a-o gén., dq ac. B. G., IV, 453, 30 àWo à~' àXXou Tcapa-
YvVte; clç TY]V 'îrpWTr^v y,:p'j^f|V.
-atp£(i)-co Tivi (t() Tivcç ylCC, 389, 1 Twv àTC7:r([j.aT(ov xa/' àv tiç aÙTCV
TrapatpYjjYiTai. Cf. Eiir., /. T., 25.
— a7.cXo'jOé(o-a) (^«^. i?. (7., IV, 403, 1 ^laat 7:apr//.GXouOYî7.o); ; B. G.^
V, 488, 4 ; Pat., 857 D ; Rhet., Y, 599, 4.
-aWdaao) dq ac. Chr., 11, 32 z— cucrr^ç sic to yeTpov apyr,ç. Cf. Plut.,
i2ow.,26;Philotr , 601.
"^ ây, gén. Chr., 71, 10 è; JTrepêaXXojar^ç ei^ èxsTvov aiâooç
7:apY)X)vaTT£.
— a[j.'.).Xao|j.at-w|j.a'. f^a^. 5. (?., IV, 390, 11 tw [j.sy^^V cp(0(7-'?îpi
::— ŒÔai. Cf. Phot., ^i?., 378, 8.
-a-GAau(o ^e>^. C//r., 3, 24 if.q gasiXsLatç ; 44, 12; 88, 32; 235, 3;
B. G., V, 89, 21 ; 313, 19, 21 ; 453, 1 ; Pat., 828 G. Cf. Phil.,
2, 36; Luc, Alex., 2, 45.
-6aiv(o (transgresser) ac. Pat.., 549 A ty]v ivTcX-}]v t:.
-6a}s).w Tiva (it) dat. Pat., 901 B oko i^obXti TrapaéaAetv ; P5., 83 B
TU. to:tcv TCO crui; 131 G; intr., B. G., V, 220, 7 Tïavr^Yupsai
où TU.
Tupcç ac. Chr.., 19, 1 Tupbç hiouq av eT/î i:o!.poL6y.\eï^ '.^ Pat..,
GXIV, 197D.
-êXéxw (despicere) ac. (xiva, tO Pa^, 545 D TuapeêXé^axo jj.s 6 t^ç
Sr/.aioa6v'/îç r.kioq. Gf. Pol., 6, 46, 6; Nyss., 2, 292.
-Yi(T)voiJ-at dat. Chr., IIQ, 9 tu. tÔ gasiXci; 187, 28; 189, 14; 209. 2;
227,26; B. (?., V, 319, 17.
"^ aTuo gén. Pat., 708 D dcTub t'?;c; tcI)v acripwv aTucppotaç tw
cw[j.aTi TU — Tau
* £7. ^î'i. ^55., XIII, 261, 5 ^ri r^Oi/.Y] I? lOsuç tu— xat.
— Ypocçw (ia^. Pat., 971 B (écrire le long de) y.av o'jtcoç Tuapaypacpst?
(leg. TU — tpsis) xouTotç; 1012 B tivi ypacpYjv c&cvou. Gf. Synes.,
202 A.
ky. gén. Pat., 950 A l^saxt tu — crôai ox; èÇ àvap^upiaç com-
petit exceptio de non numerata pecunia.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSES. 9
xapa —
— SoYi^axCÇd) ^ Ti Pat.j 817 A 'KOLpE^o^\Ldx{(j<x'^ eyspaiv àXXoTpiwv.
— Buvac-ceud) f?a^. C/r/\, 10, 12 i:. ÏTépiô.
— sixaÇto c?«^. Pat.^ 553 D ïtcttg) as irapsixaja cpc[j.iy.(t)TaT(i) ; 558 G,
564 G, 572 A, B, 613 A, 617 A, 624 A, 649 B, Qic.^ saepnis.
— £t{j.t (sTvai) eîç «C B. G., IV, 372, 6 iq rauTO TîapY^ffav (peut-être
corr. — f^crocv). Gf. Hdt., 1, 9, etc.
-z.i\)A (et -épxo[xai) ac. Pat., 808 B, 853 B xàç 7:apà tc BjÇàvi'.cv
7c. >c(b[/.aç. Gf. Hom., /^., 8, 239; Hdt., 7, 109; etc.
£l;ac. C/ir., 123, 9.
■>^àx6 ^^?z. C/^r., 123, 9; Pat., 600 G (2 fois) Tcapf.XOcv
àx' aÙTwv (twv àYTéXiov).
■^ £7. ^en. Pat., 600 G TrapvjAÔov èy, twv aY^éXcov.
à7:6 ^e?i., £?; ac. Ch7\, 123, 9 àzb twv a7.£uocp6p(ov £t(; xb
(7Tp axr^Yîïv xap£Xr^XuOo)(; .
— £Xy.66) £7, ^é"n. Rliet., III, 697, 10 X£T6X|j.Y)xa'- g' i\ cjpavcD xy)v vÙ7.xa
7uap£>a6ov. Gf. Pol., 9, 20, 6.
— éoi7.a 6?a^. Ps., 152 A xàXXa xoTç ty)ç 'rj[;.£xépac; Tuapeoixcxa aùXyîv;.
Gf. Diosc, 2, 189.
— ôapp'jvci) ^Tupoç ac. Ch7\, 114, 18 x. (xtvà) 7:pc; x-}]v eI'cjcoov.
-{7:xaii.ai "^ ac. P<2^, 1172 D -?] [j.éXiaaa x — xai xb pé$ov.
— laioi-w dla^. Pat., 624 B oùBèv Tuaptaoîixa'. xt^ sùtoota x-^ç Ôeixr^xoç.
-{c7T-f)|7.i, aç^ et moy., dat. Chr., 232, 9 xw aùxoxpixopi ; 5. 6^., V,
289, 9; 372, 19; Pat., 596 B. Gf. ^Pat., 857 G à^^cD luapa-
axàç XYJç 7,X(vy;(;.
— 7.£q;.ai C^a^. Pa^., 764 G £7.dax(;) àaxépt [j-éviaxa £xy] 7:apaV£ixat ;
Ps.,74B.
-7.£X£6w xiv{ + infin. Pat., 685 G t:. a-jxw çpuY£tv. Gf. Pol., 7, 16, 2 ;
Plut., M., 195 a.
-/.oTTxo) £t; ac. B. G., IV, 355, 27 àç xà gaaO.Eta; 431, 8; B. G., V,
28, 27; Pat., 549 B, 852 B, 1184 A. Gf. N. T., Joli , 20,
11, etc.
— Xa{j.6ivG) (xi) £7. ^^71. Pat., 1156 A xàç èx xwv (iapêâpow çYjiJ.a;
TCapaXa[i.6<3tvovx«(;.
— XoY(Çoi;.ai * x£p{ ac. J?. (7., IV, 446, 24 r. — vat 7U£pi xb irpâYixa.
-[xévG) rfa^. Chr., 145, 17 xo) x*jpavv£6cravx'..
— lJ.£xp£(i)-o) dat. B. G., IV,. 318, 21 xoDxo r^oiu) xi; av û^zi TTEipaxr^pic-j
7:apaiJ.£xpY;a£t£v. Gf. Luc, Proni., 15; PJut., Af., 1042 d.
10e si':aiE. — TOME X. 2
10 MÉMOIRES,
xapa —
izpoç ac. Clir.^ 262, 31 xauxa cùt, av iiç 7:apa[j,£Tf£tv T.ph:;
£T£psv SûvaiTc ; B. G., IV, 419, 31.
—\j.i-^vu\>l Ti dat. Pat., 832 G cl tw [j.î}ay,paT(i) -t: — vie; xb Sr^X'/5Tf,picv.
-Çé(i) ûîC. Inv., 315 Tcv xapacv aùiq) ';:D tccBcç TrapaHécjaç. Cf. Anth.,
7, 478; Hld.,5, 32.
"^ TTpcç ac. P^., 91 A Tïpbç xà £Ùx£Xéax£pa xwv G'7:oy.£qjivo)v
7:apaçé£tv éauxcuç. (Cf. dat. dans Eun., J9. 97.)
-or/iw-w ^a^ ^. ^., V, 395, 11 x(5 ''^5-^; Pa^, 1172 A.
-o>acr6aivw -^ gén. B. G., IV, 450, 4 xoj céovxo;.
-oiJ.cic(ù-w (^af. Pa^., 572 A xo(Ùxy;v y.pivo) tu — ot.
-o?6va), ai^. moî/., -ûpcç ac. B. G., V, 300, 29 T.phq -yjq 6£p|j,oxépcuç
xôv ).iY(ùv TU— p.£VG;. Cf. Pol., 2, 22, 2.
— op{j.â(o-ô) Ttva et; ac. Pat.^ 593 G elç à^pav zoLpzp\j.x xouç 0-/;p£Uxàç.
Gf. Xén., Cyr., 2, 3, 12.
7:pc; ac. Clir.^ 102, 20 £y.£Tv:ç \xz 'Tupcç xouxo 7:ap(i)p[;.Y3C7£.
Gf.Pol.,1, 4, 2.
— oxpùvw Tïpéç ac. 5. 6^., V, 416, 27 aou 7:pcç xouxi îj.£ ■:: — vxoç.
Gf. Luc, ro^.,35.
-TTciOw (xivà) ^ £i; ac. 5. (?., IV, 385, 2 cùS' av xiç Pac-/a(vo3v £?; àXXo
[X£ 7:apa7:£''a£i£V.
-T,i\).ruù dat. Pat., 669 B aypiç av aùxcv 7:apa7:£[xtl;"f] xoJ vw donec eum
ad mentem transmiserit. Gf. Plut., Sol., 29.
£iç ac. C/i?\, 230, 20 £t; fiaarA£iav.
— cxeudCo) -lîpcç ac. Pat.., 637 B xo6xou; 'ïïap£(7y,£uac:a TTpcç xpt^Guç
Gfox'^piaç; P5., 145 G, 149 B.
-^axcx^aÇojj.ai ^cn. ^. (3^., V, 290, 8 xou |j.£XXovxoç tt. Gf. Sext.,
173 Bhn.
— acpaXXw gén. Pat.., 661 G 7:ap£C7cpaXY][ji,£V xat xt x-^ç à}//50£faç. Gf. Pd.,
N., 11, 41; 0pp., ^.,3, 200.
— xac7c7w rfaif. Ps., 123 B oxav èy, xwv x£ac77.po)V 7:X£Upwv xéaaapo-iv l'aaiç
çâAay^i Tïapaxa^Yjxat xiç.
-x£(vw dcTTo gén. Pat.., 1157 B.
■)^ £7ui ac. Paf., 1157 B.
à-Tuf ^cn., * £7:t ac, \).Er/j. gén. Pat. ,1161/ B àTub xy^c 'QpCTrtaç
£7:1 Bûaiv -ruapaxETvov i^i/p'^ xy;ç MeyapiScç.
— xpéTUd) £ki ac Chr.., 194, 24 è^l ôâx£pcv ::. [)Àpcq.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 11
xa pa-
ît—
méd. ps., gén. Chr., 182, 29 el xauTY); Trapaipaxer/) i?;;
— Tpéçiw, aups.. dut. Chr., 156, 16 oùy, oXi-^r^ t'-p'iç *'J'c<? Traps-rpéçîTo
était nourrie à ses côtés (à sa table). Cf. Anth., 211 f ;
Plut., Artaœ., 27.
-Tpé/;o ac. CJir.^ 108, 30 oùoè xaûrr^v TuapéSpat^.ov ; 226, 5; 267, 9;
^ i?. 6^., V, 510, 24 ; B. C. H., I, 201.
dat. Pat.^ 901 'B xou tcXsiscji 7ïapacpa[jivTc?. Cf. Honi.,
IL, 22, 157.
— Tpiê<o dat. Ps., 186 G 6 "/pujovvwij.wv tcv y^p^j^h? t. — £'. vq aîOw ty^
Yva)[j.cvi. Cf. Hdt., 7,'l0.
-Tuv/âvco c^a^. C/ir., 258, 13 :? :: — cvts; ajxw ; Pat., 664 A.
-çépo) TTpc;; ac. Chr. 178, 22 7:pcç touxô [j-e xap-/;vsYy,av 6ia;.
-cpOeipo) "'^ Ti Tivi (■'^insinuer corruptivement quelque chose à
quelqu'un) Pat., 1181 D Ga{[;-o)v xi; vcYjjxa-ïa x-.va cujsX/r'.cjxiai;
[j.£7xà x^ 4"^Zfi <72U TCapéç-ôîtps.
~9'jx£uto dat. Ps., 55B TrapaTUcçùxEuxai xy^ dy.ôvi xoj y,£c7[i,cu. Cf. Porph.,
Ani. Nymp., 32, auquel se réfère Psellos; Pat., 780 B
-/Mpéo)-w XI xivi ^CC, 398, 21 xauxa xw TCaxptap/Y] i: — 7£X£; 41, 20
xiv( xivo; C/i;\, 2, 14 xou tuXsiovo; aùxw t:.; 10, 3; 62, 8
93, 3; 174, 4; 190, 15; 203, 28; 227, 15; 230, 30; 236, 1
237, 5; 243, 27; 255, 31; B. G., IV, 305, 31; 342, 14;
412, 19, etc., sœphis.
-'>x6m g&n. B. G., V, 150, 20 t:— £-. tô)v xoj [j-E^aXcu i/viov. Cf. Plut.,
M., 971 e.
REPI—
- âvo) cl; ac. Chr., 54, 11 xb xpâxc; si; xb ^évc; t:. ; i?. 6r., V,
431, 19. Cr. Xen., Ages., 1, 15; Poil., 5, io2;9, 122.
^àr.ôgén.B. G., V, 431, 19.
•^ àxo gén., el; ac. B. G., V, 431, 19 (aùxYjv) à^b xwv
ày.p3x*^jX(ov £l; x'rjv [j.saéx'/jxa 7::ptif)YaYcv.
-aipi(.)-(o X'' xtvo; C/^r., 253, 30 x-?;; y.î^aX-^; TC£pt£Xo[j.£vr^ xb y,âX'jiJ,[j,x ;
Pa^,672A.
-i-xf.) ^^<ir^ Pâ!^, 896 A [j-îxwxo) rspiaç/Osiç.
-auYa2;(.) ac. Chr., 38, 3 xà; èy.sivou 7:£prr;uYaG£ y,:pa;. Cf. Hhl., 8, 9.
12 MÉMOIRES.
-SiXliù Tiva Tivi Ch7\, 264, 16 xivà tt^ asovtt^ t;. Cf. Hom., IL, 11,
454; Plat., ^2/>"i?-, S19b.
èTCi dat. Pat., 549 G :u~[jiv*/3 et:' à^éXaiç. (C/f. de Spt.,
Ca7it. Cant.)
au ps., ac. Pat.^ 557 B 'zgiyr^^oq Tcspi^séAYj^ivoç tyjv xaTcei-
vsçpoaùvYjv ; 672 B, 913 G.
-Ypaçd)"^ èv dat. Pat.., 552 G èv ^ t:— [j.ai.
— Buo) Tiva Tt ^CC, 41, 22 B6o xb [lo^fT/r/o'^ -ûspiSucraç xpiêwvicv.
Gf. App., Cet;., 5, 67.
— sXiffao) <^a^. C/ir., 192, 6'aùvXov nvà xspisXi^aç auxô. Gf. Poil., 5, 18e.
int7\, ^ ac. (s'enrouler autour de) D. G.., V, 403, 1
— eilj.t (et -i^yo\)m) ac. Pac, 1165 A. TcepisAsuaY] xà àv6r^.
— Ça)vv'j[j.u ait moy.., ac. CJir.., 2, 7, 20 xr;; '?;7£[Aov[av -^ — [xsvsc;
5. 6=., V, 107, 30. Gf. Plut., Rom., 16.
— *rî/éco-w <2C. P5., 138 G oî xéxxiysç xbv àspa -:: — ojcl Gf. Plut., M.,
720 d.
"^£i<; «C. -S. 6^., IV, 326, 2 sxp'^v xr^v vs*/]xy]v (jyXr^i-^^(y. dq
Sl-kol^to!. 7r£piY)XYiŒ£'.v xà Tiépaxa.
-(7ixa{j.at ac. Paf ., 1172 D x— xai xauxr^v. Post cl. Vid. Thés. : Nie.
Dav., in Greg. Naz., p. 81, 11.
tr..^ xtvi XI Chr., 49, 20 xciauxr^v aùxf^ izepihxriai T^^v cppoupâv.
— i(TX*r][xi m^r., ac. (xiva) C/zr., 200, 34 oi icsptsaxr^ycxiQç Yiixaç TiGÙyccGcn^;
B. G., IV, 378, 5. Gf. Eschl., fr. 395; Hdt., 1, 43, etc.
au moy., elq ac. Chr., 1, 17 TCîpujxaxai ri gacjiXsia dç
Baaasiov. Gf. Plut., Per., 6.
—y.aXuTTxco ac Pat., 545 D véçou; -t: — d^avxcç |j.£ àOeiaç.
■^ uizô (sous) gén. Pat., 669 A bizo àaxa/ucov ai'xou -:: — \).vku.
(Gf. le cîa^. seul dans Plut., M., 51 d.)
—y.e\.\ioL'. ac. Pat., 545 B xb xyjç àasêstac; (52C. leg) axcxo; tï — [jivcu;.
Gf. Thcr., 23, 14; Plut., Arat., 17.
— xu-/,Xco)-o) ac. C/ir., 199, 19 xoùxcuç /opbç -TCîpiey.uy.Xco ; 206, 9;
227, 21 ; Pat., 580 A, 604 A, 641^A.
—\oL[).6hiù ac. Chr., 87, 30 6pto[j.£V xbv hpov T,tp'.eiXr,'^ii::c; olzov ; Pat.,
557 D, 580 A, 680 A, etc., saepius.
-vocrxéw-w ac. Chr., 248, 18 Supiav r.—i).ivoz; Pat., 600 B. Gf. Ar.,
PI., 121.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSES. 13
— ooeûo) ac. Ch7\^ 240, 5 yjX(ou xuy.Xov -:: — aavxc;.
-xtTUTco dat. B. (9., V, 203, 28 tïoXaoT; àêouXïjTciç t: — pi-ev 7:pâ7{X3cai ;
Pa^, 644 B, D.
— -Xy;0(o é)'^^- Chr.^ 94, 35 OâXaxTav èHavTXïÎTai ^r^Yl-'-'^'^^'^'' Xpucrwv
TTspixXïiOcujav. Cf. Q. Sm., H, 160.
—TîT'jjJO) ac. Ps., 66 B TO 7:Aé-fiJi.a toDxov TC£pt7:'cuÇa{;,£Vov xal oiai^av £?;
{/.éaov. Cf. Eur., Med., 1706; /. .4., 992.
— TToXîùo) (versari), èv <^tt^ Pat.^ 561 G èv aùifi (tyj 'EyaX-rjaia) t:.
Cf. Kall., Schol. Nie. Al., 339.
—T.o\iii)-(ù ac. Pat.^ 641 B wç b opciç ty)v y.Ticnv t: — gvk Class.;
cf. Plat., Phaed?\,2m b.
— oy.tpxaw-w * ^?a/. /?. (t., V, 465, 10 tw nuOavopsdj) ::. BéYi^air,
P5., 77 B.
—aizxcù-u) èy. ^e?i. i?. (7., V, 470, 27 è/, S-joiv èriaipoçtov Tiepiaicw.
Cf. Fol., 1, 76, 5.
— Ti'0*rj|j.( Ti Tiv. Pat.^ 893 B TrîpiTiôsl? ko [xezùi'Sïiù.
— TpéTïw (ti) £t; ac. B. G.^ V, 417, 22 ty^ paaiXeia 7:£ptéxp£({>a; ty;v
alTx6vr)v elç ej^o^iav. Cf. N. T., Âp., 26, 24; Jos., i^. /.,
9, 4, 4.
-Tpé/w gén. B. G., IV, 394, 10 xf^ç oooO. Cf. Nicand., Th., 503,
542.
—TJY/^w (/a^. CJir.^ 216, 24 ictç àvavTictc t. — wv.
— çpâxT03 xt -ivn Acc.^ 48, 22 cxîTuaax'/jpbtç o-Xciç xâvxoôev èauxoùç
t:— vxa;. Cf. Theniist., Or., 21 b; Pliot., Ep., 28, 38.
— ^pov£w-w ^^n. Pat.^ 869 B xyîç à3pav£(a; i:.
— çuXaGŒO) (xivà) "^ àirô ^^n. Pat.., 60i C tt — vx£(; xr;; (^u/yjv à7:b xwv
£7Ui6o'jX£UOVX(i)V 7rv£U{xaxcov x^; T.orr,piy.z.
—96(1) xt Tivt P5., 82 G y; oùgiç où -Kipi^uig xcuxo) zxepi.
— -/aîvci) c?a?. 5. (t., V, 407, 11 eu 7:£p7a{v£i; xw p£6[xaxi ; Gf. Glem.
AL, 242.
— /:/p£UC.) *^ cV ^to^. /?. G., IV, 310, 28 7U£p'.£)rip£l)£V aJXO) £V XO) £rc£' -^
— Xpio) ^ double ac. /V(^,856 A èvyp-aij.axâ xiva 7:£pi/p{ca; xô) ocpOaA[X(ô.
— (oOéw-o)"^ TCpiç ac. Pat., 821 B ot.'foi^(v.-fi k\j.ï TrepiwaO-fjvat Trpb; tXtYYcv.
14 MÉMOIRES.
npo—
— àyto (xivi) gén. Ps.^ 123 A Tcpoia^i; XéYsxai to tou;; t^iAcuç Trccafciv
Tr^ç Twv oTiXiTtov ©àXa7Yo;. Arstd. Œcon., 2, 30.
sic ac. Clir., 222, 20 akoù; t.. elz r.zXzixov ; B. G., IV,
314, 6.
ïrd ac. B. G., IV, 314, 14, 22 £7:1 tï)v (ia^iAsiav ; B. G., V,
276, 25.
£x ^e?2. 5. 6^., V, 477, 11 tyjv àreipiav èy, tcu Ivbç 7:poYÎ/6at
aTUCfpaivoiJievoç.
■^[X£/pi ^m. Pa^., 1181 D [ji/pi T(7Jv Kapa7r,[j.(ov rr^ç
£ÙTU/^ta; Tï.
- 6aiva) ây. ^e^. i?. G., IV, 392, 8 è; àçsr/jpia; ::pc6£5v/.(;jç. Cf. Luc,
^. C071S., 29.
- êaXXo), ^r., Pa^., 916 B tu. ÇY;r/3'j.a; m^r., P5., 147 G GiYaT£, y.ai ty)v
T'/i[j.£pcv GÙ 'Âpo6aXX£T£ ne me posez pas de questions.
Cf. Arstd., 1, 41.
med. ps.^ gén. (se porter devant) C/ir., 8, 35 6 lï
TipcSéoX-riTo T^q dvAoLq §uva[X£(i)c.
-^àTuc ^m. i?. G., IV, 424, 12 Tb Zzv.tXv à-o twv tcD 'Vaigu
TTpoêsêX-^aBai àvaioXcov.
-êtcâÇo) <^a<f. (7/ir., 236, 24 6 tt; PacrfA£ta t:— jO£':ç ; Ps., 162 G.
Cf. Spt., Deut., 6, 7. '
£i; ac. Pat., CXIV, 188 A, G ou Tuposê-êa^av £?; Trpaçiv xr^v
àp£Tf(V.
^ izpôq ac. Chr., 229, 24 r.. iivà Tupbç tyjv PacriXsiov àpy;/]v.
■^1::': ac. C/zr., 244, 10 è-l Tuacrav èv£pY£iav ::.; B. G., V,
449, 14.
"^■^— rffiÇo) (^a^. Pa^., 560 G upcîYytaaca tw 7ïoOou[jiv(o Ao^to.
-£'.[;.'. (et -£p/2[xaO gén. Chr., 9, 6 t^; c^iXav^o;. Gf. Xén., C?/r.,
2, 2, 7;
£i; ac. CUr.^ 264, 9 pic TCpoïouca èç àxpov ; i?. (t., V, 455, 3.-
^ -jTpi; ac. Pat., 1073 G a^alpav xcotojaav Tupcç Yj[j.a;.
âxi ac. Pat.., IIOOD ï-kX [j//]7.iaTcv Trpobjcra. Gf. Xen., Cyr.,
^ 6,3,9.
^ 'Ir.ô gén. B. G., IV, 305, 7 tow ougTv àç' cov 7:pc£V/]XuO£i
TTVrojv; 305, 12; 445, 9; B. G., V, 459, 3; 495, 15; Pat.,
1048 D, 1069 G, 1085 B, 1152 G ; 0. C, 12, 26.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSES. 15
VA gén. B. G., V, 6, 5 è/, tcicutwv -^virr^zcpor^ y; èixY) xpoeXif;-
XuOe [j:h-T,p', Pat., 616 D, 649 D, 709 G, 1049 D, 1073 G;
Med., 969. CL Xen., HelL, 7, 5, 25 ; Luc, etc.
— é-/(ù gén. Pat.., 708 G Tuavxwv twv ar£p[;.aT(i)v xpsé/E'..
-rf|'£C[;.a'.-cîi{j.a'. ^e^i. Pa^, 792 D Trpor^YctTai y; àcTTpaiTY; ty^ç gpuvxYîc ;
793 B. Cf. Xen., ffipp., 4, 5; Pol., 12, 13, 11.
-06(1) gén. Ace, 63, 24 x — siv toj XaoO. Gf. Eur., /on., 805.
-izvr^^.i, act. et moy., gén. B. G., V, 269, 8 ::av7(.)V àvcprov
ro; 'EUaccç ::poiaTaTai ; 491, 13; 530, 23; Acc, 393, 5 r,
42,8; Pa^,829B.
dat. Pat., 868 A ïxipo\q excpot Trposjr/jy-^ccr'.v. Gf. Hdt.,
1, 129;Sopli. Aj., 1133.
— {cr/w eu ac. Pat.., 861 G (2 fois) t:. ttç ajxb xi yp(.)[j.àx(ov ei8y).
Gf. Dexipp., ^/5^. ^^c, 16, 6.
— y.aOaipto "^xiva x'.vo; Pat.., 569 B à-'.crxiac; y.al /.TAixc, 7:psy.axapfiévx£;.
— xaXéw-C) £1;; ac. P«f., 935 B £i; xà [rr^xépwv TpaYjj.axa xcb; -iraTca;
TTpsy.aXeîxa:.
-y,£'.[j.ai dat. B. G., V, 59, 18 xoîç àXT^ciç 7:pcy.£ÎcrÔai ; Pat.. 1181 B.
-y.'.vBuv£6(o ^en. Chr., 137, 20 cr^wv tu. Gf. Xén., Hier., 10, 8.
-V.ZT.-ZIÙ £lç ac. Pa^, 588 G dq y.cCkà^ ; 620 A.
TTpcç ac. Pa^., 548 B izaay. (j.£XXouTa 'Vj/y; 7:pbç àp£Tà; 7:pc-
y.f7:x£tv ; 560 G.
£v c?a^. P«/., 549 G -rj vùj;.^/] xpc/.ctl^aaa âv [j.£xavo(a. Gf. D. S.,
^^c, 554, 69.
— y.ptvo) <7én. Chr., 246, 3 x(7)v àXXo)v rpoy.£y.pixai.
-y.uXivo£C|j.ai-ou[j.a'. ^m. ^CC, 66, 27 iz. x(ov ttoowv.
— y.67:xo) f7m. Chr., 198, 9 6 f^Xts; 7:pox£y.'Jcpwç xcj opiÇovxs; ; 208, 4.
Gf. Alephr., 3, 30; Babr., 116, 3.
-[j.£A£xâw-o) XI P5., 142 G iz — vx£ç xà £p(.)XY)|j-axa.
-pr^7X£U(.) aumoy., xtvi xi C/ir., 120, 8 aùxY^ ^y.:jCLi[a-^ -p5£pr,GX£!j£XS.
Gf. Alcphr., 1, 37.
au ps.., dat. Pat.., 541 A r< i: — Ô£Taa X(o Xpi^xo) 'Ey.y.Xr,(j(a.
-co£'j(.)* £iç ac. Ps.^ 64 G t: — œeiç £iç areipsv.
-TélAZo) Tzpéq ac. Pat., GXIV, 208 A xoùç àyiouç Tupb; U7:£py.:a(xicv
2;(or,v xauxr^vTu — vxa;. Gf. Plut., Pyrrh., 717, 16.
£7:( ac. Chr., 227, 22 £7:1 xà [aei^w ^aaiXeia. Cf. Synes., 55.
7:Y)5aw-â) ô'^'n. C//r., 8, 30 xy); çâXafi'o; ::— a ; /'.s'., l''3 A.
Gf. Babr., 107, 13; A. Tat., 2, 34.
16 MÉMOIRES.
7:po-
TZPOZ-
-:rcÀeiAéa)-ÔJ gén. Ps., 136 G TuaipiSoç %. Cf. PoL, 2, 48, 1.
— T(Or;{;.t Tiva (t() tivoç C/^r., 259, 24 tcOto twv iraviov -::.; i^. (?., V,
226, 2.
£içac. C7ir., 83, 23 e?ç àyopàv Tipoùxiô-^; Pa^, CXIV,188G.
Cf. Hdt., 1, 206, etc.
—ipéizcù TZpôq ac. Pat., 537 B tu — i^evoç izpcq io àY0c6cv.
— çépw iv.gën. A . 6^r., III, 112 e? axpwv Trpoçépsxai xà xpia xwv /stXéwv.
— Xéo) éi'^^. C/ir., 88, 16 Baxpuwv pojç TrpoexsTxo xwv otpôaXjj.wv; i?. Cr.,
V,282, 15.Poet. (cf. Hom., ^. i?À., etc.) etHdn., 5, 5, 16.
dat. Clir.^ 66, 11 àxâar^ç 7:pox,u6£Î!7-/;ç auxw xf^ç -7:0 A£o);.
Cf. Onestae Anth. Pal., 11 46. '
aTuo ^en. Pat.., 541 G à'i>' ou 'Kpoyio^To.i oî xy)ç BiSaaxaAiaç
xpcuvou Gf. Hom., //., 2, 465.
d; ac. Pa^., 701 A £i; xb aTretpov TupoysTxat -fj Y£Vv*/)(7'.ç.
~X(^péw-u) £i; ac. C/ir., 74, 23 dq [jà-^ol t:.; 171, 31.
lizi ac. Chi\, 213, 26 tu. èTui xb péXxtov. Gf. Luc, Z)c m07H.^
12, 2.
npo2—
-dY(ù <^a^. B. G., y, 175, 10 xV "Hpav t— cri x(o Au; Pat., 1173 D.
"^■^— àvxàw-o) <:?a^. B. G., IV, 323, 30 ^olgiXzÏ Trivxa TcpoGTi'ny..
— azxG) c^a^. 5. (t., V, 58, 17 'i:6x£pcv xoùxwv '7upc7adi2{j.£v xw Oew v^
cùS£X£pov; Tz., 349 ; A7\ miss., 614, 14.
-apaaaco ac. Chr., 84, 14 xàç irûXaç.
x( xtvt 5. 6r., V, 270, 1 ; 525, 12 oj/ éxépctç xàç /.EçaXàç
Tupoaapaaaouatv (SZC ?C^. ^ro Tîpocappaaouatv). Gf.. Luc,
t^cmcr., 15, 2; D. G., 48, 47.
— apiAot^G) dat. Cfi7\, 27, 25 J^r^^j^iBaç xivàç tt — {xévrj xô aœjji-axt ; 182, 21 ;
B. G., V, 61, 17; 90, 21; 491, 25; 517, 3;' Pat., 1012 G.
et -apfjLoaaco, ^r. et int7\, dat. Ace, 45, 14; Rhet., V, 601, 4;
^r. miss., 614, 17, 24.
— apxût(j)-â) dat. Chr., 27, 26 tu — waa Éauxrjv TrpoaapxYjjxact ; 5. G., V,
234, 28.
:rp6ç ac. P5., 91 A iauxoùç tc. Tupb; xyjv jxtjj/^aiv. Gf. PoL,
• 3, 46, 8.
-6a(va) dat. B. G., IV, 426, 12 tu — £i xoîç TU£pl £y,£tvov SivjY'/jiJi.aat.
SYNTAXE DKS VERBES COMPOSEES. 17
;oc —
-êâAAw (fjft . B. 6r., V, r)01, T) TM y.jv. /.ai T(o ■/.â-:(;) ;a:v:j r.pzziîxWiy ;
/V//.. :)68 A. 905 R: /^s■.. ;r, C. Cf. Eiir.', /V/., 731.
"^ krd gén. Clir.. ()4, '2(5 è--. tt,: ;;.£-; :xAcz:A£a); TTp:TZ7£V£T:.
— Géo) C?a^. 5. (9., IV, 3'2"2, IS zlz il àva-f/zr^; 7:pG70cC£[j.£Oa y; -CGG/.£(;j.£Oa.
Cf. Hdt., 6, 1J9;D. S., 17, 41.
— sYT^Cti) t7\ et mtr., dat. Cfir.^ 45, S2 TupoaeY^'Ta; to) 7:Gr|'!xaTi;
198, 27; 222, 9; 242, 17; i^. O., IV, 329, 9; 3:5:., 2.;'; IL G.,
V, 105, 15; 150, 21 ; 333, 23; Ace, 66, 15; Tj., 352; Pat.,
565 B, 785 C, 792 A, 805 D, etc., saepîus. Cf. {tr.) Luc,
vlw., 53; (intr.) Anth., 7, 442; D. S., 3, 16.
ac. Pat., 935 A (vers) ::. ty); ::£Tpaç xb t:pct£':/;.t;j.x.
Cf. Luc, Arnov., 53.
-cr/.iCw <^^/<5t^. B. G., V, 171, 15 tcv agvgv tw sl'Bsi 7:pG7£iy.aÇGv.
-=i[jA (et -ép/o[j.ai) <^a^ C/^r., 7, 17 iivi ; 65, 17 'v/Aa-ziz Trpoa'.ivT.; :
91, 19; 134, 25, 207, 5; 255, 20: B. G., V, 271, 10; 322, 4;
534, 11 ; 535, 23; Ace , 401, 26; 73, 29; Ps., 75 B, 77 A,
84 B, 88 A, 93 C.
ac. Chr., 34, 6 oùy. av irpc^totTO izoXuT^.'kzXq d'/.ooz\).i;.
Cf. Eur., Aie, 471.
£i; ac. Chr., 41, 8 ei; v^^v T,T/r;{\jpv/ r.pzzeXtuazy.zvoz r^■JZZl-
Zip', (jc/i. Pat., 877 C zcL/daç ïtjizÏz -zà^ leAsuxà: -£:''. tbv
T.ZZZr^l'ZT) £!J,aVT£UOVXO.
•£'::'/£ipé(.)-r.) ■'^ gén. Cll)\, 97, 4 tgj [jiX^.ovio;.
-=py.'f>Xb)dat. B. G., Y, 376, 8xa( l'.va tcùto) 7:pzar,pTn^cLzz. Cf. D. H.,
Camp., 9.
-£p£lC(j) rf6</. P.S'., 132 C -bv àv/,(,)Va TY^ 7f, -pG7rip£t7£V. Cf. l*ol.. 4.
19, 3.
— £703, (fct . et y>^o// , <J(tl. li. G., I\'. :/i:>. 19 ir, 7.aAA(vTY; tmv m^mv
g: 7:pc7£/si;.£V ; /y. ^/., V, 14, H: r,;;i). 'j}; /'.//.', ll;VJ li,
1136 C;Vur., 403, 6; 45, 7.
-Yi/.o) dat. Chr.. 98, 15 èy.£':v(;) -.; 240, 12; B. G.. i\ , 324, l'i ;
B. G., V, 515, 16, Pai, 1017 H, etc.
-Y,AG(.)-Ô') (^/i. C/îr., 244, 34 7:poaY)Ao)!jivr/^ (-hco y.xi :i:v -:ir,: :/,;;.: /r,v ;
P.s , IVi A. Cf. I). S , 4,29, V); IMiit., M.. V.'i; !..
-'':r^\).\, moy., ne. Chr.. litC). 2ti -pz-'f^7.■/.xz Tr,v -^; :;,.//
10e SKHIK. — TOMl'; \. 3
18 MRMOIRKS.
TZpOÇ
—i(jvri\ki dal . Fat., 1173 A tw Oj[xo) - — -x'.. Cf. Eschl., Sept., V26 ;
Hdr., 1, :29, etc.
-7,aAé(i)-;7) si- ^^c. Pa^., 561 A. £u oeTzvov; 684 B. Cf. Xen , Mém.,
2, 9, 5.
-y.£i;j.at <:to^ j5. G., IV, 311, 7 Guvvota Trpcj/.EiV^'^sç ; 322, 18; 352, 23 ;
421, 7; B. G., V, 464, 6; Ps., 61 A; An. Ass., IX, 214.
— y. AT) p 6(0- G) dat. Pat., 1028 G ojaia ^u^jv/mc, izpzcvLZ'AXrfpiùixirQ br^z^ou-
aioiq. Cf. Plut., M., 738 D ; Luc, ^w., 3.
-xvùÇw, <:m >9?0i/., (^a/. B. G., V, 460, 1 xcïc k[xoXq tucoI t: — [j.i^oi.
Cf. Hld., 7, 10; 9, 10.
— y.oA/sd(o-G) ^^«^ 5. G., V, 445, 25 oùj^l lô XpujiTTTro) TipoT/£y.cAX'rj[;.£6a;
Pa^, 660G, 1128G.
-/.CTÛK.) dq ac. Pat., 672 G zlq izlziix-fi-cf.. Gf. Aret., 123, 45.
-y.pouM dat. Chr., 62, 7 [^acriXEi ; 112, 27 ; 236, 7,B.G.,Y, 230, 7;
/Icy:., 66, 29.
xp6ç «c. ylcc, 403, 25 Tupcç (j/r<o£|j.{av twv '?;[j.£T£p(ov -â — ci
(corr.) çwvwv.
-y.Tâo{j.ai-(7j|j.ai xi xivt 5. ^., V, 435, 13 'k — [A£vcç tw ciy,£({o xai xb
àXXcxpiov.
-y.uv£o)-w 6?a/. C.r., 43, 20 xw fiaaiAEÎ; ^. (t., V, 53, 28; Ace,
392, 28. Gf. N. T., Matth., 2, 2 et 11; /o/i.. 4, 23, etc.
— XtrapÉcù-Ô) "^ «C. /i. ^., V, 207, 11 x — oùaYjç aùxcv x-^ç [îiaaiXiSoç ^
-aapxupÉw-u) x( xivi (léuioigiier de quelque chose en faveur de
quelqu'un) Pat., 569 D -;:— wv xw A^yw xw xyjc v6[A(5r^c ;
.4n. ^s.s., IX, 213. Gf. Plut., ^W5^, 25'.
— {j.£iotâ(i)-a) t/<^^. C/iy\, 72, 32 axsiBàv xcuxoj {j.£xa6oAY] TrpaYiJ.axtov
K— a£t£. Gf. IMut., M., 28 a, etc.
~ljJ.-(YJi).i dat. B. G., V, 171, 29 Aiwvt 7:p2créiJ.i?£v ; Pat., 1020 D.
-vE'jw <:^a^. B. G., V, 513, 26 auçiax£U£iv £7îc/£'.pci3c7'. â — vxat ; 535,
8, 10. Gf. Orib , p. 123.
^ TTpcç ac. CJir., 184, 1 r.poq xb Y£V£Ô}aaAoYr/.bv [Ji-ép:;
7:psc7V£v£uy.a.
1, Beaucoup de verbes qui, quoique se construisant avec le dat.,
étaient susceptibles de s'employer passivement, se sont ainsi em-
ployés, à l'époque bj^zantine, avec Vac. La préposition contenue dans
le verbe favorisait le développement de cette tournure.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 19
irpoç—
— oty.£'.c(i)-o) dat. Chr,^ 175, 18 xcv [j.àv -w SaatAît -KpoGcoxeitosa; ^. ^..
IV, 350, 15. Cf. Str., 244 ;P\ut, Ant ^ 60, etc.
— c'./.éa)-(o rfrt/. Pa^, 1032 B Trpcato/sîw-ai ty^ Yji/ôiépa ^u/^.
-oy.éAXo) rfrt^. C/?r., 262, 18 toi; }dij.=ii Cf. Aret., Caus. m. diut.^
2, 10.
-cij.'.A£(o-(o rffl'/. C/?r., 50, 11 Oeîstç àvapâai : 72. 17; 90, 2 (cf. empl.
absol., 26, 1; 134, 32); 5. ^;., IV. 371, 29; 5. 6^., V, 7, 19;
86, 27; 104, 26; 206, 21 ; 271, 14; 281, 21 ; 286, 20; 308, 25;
361, 7; 367, 5; 463, 22; 464. 6; 467. 26; 468, 7; 507, 10;
Ace, 413, 22, 24; 69, 24; Pat.. 576 D, 593 B, 609 C,
613 A, etc., saepius; An. Ass., IX, 216, 222; B. C. H.,
1,131, 9; 207.
— ov£'.$(Ç(o ^ Tivî Tivoç Pat.^ 1165 A TY^ç èTricioXY]; o'jx' è7ï£Yy,a).éc77.qx(
cet o5t£ TCpoaovcioicraiiJ.i.
-op[jL{Ç(i) dat. Chr., 75. 26 tw Xtfjivi. Cf. Luc. ^^î?., 1 ; E]l., F. ^.,
8,5.
^h.gén. Chr., 199, 13.
*£i';ac. C/ir., 199, 13.
* £x ^m.. £Îç «C. 67zr., 199, 13 èx guOoO £iç Ya/z/jv-r^v z.
-ouôiÇo)^ 6^6?/. C/ir., 167, 13 xb yclvu t"»^ ytÏ ; ^- ^-^ ^^ 269, 29.
(Cf. TCpoacuBfe xa|j.a{, dans Procop., B. Gotth., 4, 8.)
— TraîÇto c^rtif. C/l/'., 91, 2 y; TïXvjQùr 'KpcaïuaiÇavTEç tcûtciç ; ^B. 6^., V,
247, 30; Pat., 1173 B. Cf' Xéri., Mém., 3, 1, 4.
— iraXafw c?rt^. 5. (?., V, 345 7 6 'Iaxà)6 'KÂkot.i à^véXo) '::pcjz:aXa{aaç
f^TTYjTai.
-7:£AâÇ(o dat. Chr., 89, 29 7rpccrx£>vaW tô pY)(j.aTi; 137. 22; 144, 3;
262, 1; 256, 15; B. G., IV, 431, 14; B. G., V, 64. 2:
511,8; Ace. 75, 7; As., 162 A ; An. Ass., IX, 207, 1.
- Tréxci/ai (/<:</. Pat., 836 C xoTç £iBo)Xci<; âx xoO àçavcD^ Sa{[j,ovéç xiv£<;
Tipcaxxàvxcç TiapaxaOéCcvxat. Cf. Eschl., Pr., 555; Xén.,
Mém., 3, 11, 5.
- kV^vui^/! x{ xtv. .0. ("r., V, 81, 26 *^ Oavaxr^cpcpcç v:;7s; oBcvxaç aci Tp:7-
7cV)aacra. Cf. Eur., fr. 680; D. C, 63, 2.
-TTiuxc.) 6?«^. CVir., 65, 11 7c. ToTç £y.£(vou Y^vaTt ; 192. 9 ; Pat., 781 A.
784 A, 808 D, 1075 h (corr. (1(3 Boiss. ; ms. cpûaiv), 1184 B.
-TrXâaao) xt xivi ^cc, 402, 27 /pj^f, y£9aXf^ /.^^p^Ç ^^-^^ 7::Ba; icpoc-
TTAâxTciç (.S7V- /(v/.). ce. BÎul.^ M , 831 a.
20 MÉMOIRES.
— TCiaito dat. Pat., 756 C f^xtç TrpoaTuxaiou^a xtvl àviiiuTro) ové[j.aTi.
Class.; cf. Dém., 104.
— péw rf/'«/. Ch7\, 145, 9 cî 7:A£tcuç tô aÙTcxpoticpt 7:pcc£pp6"/;crav :,
191, 11. Cf. PluL, M., 760 a ; Brut.. 16.
— TYj*/.(.) dat. B G., V, 446, 3 IlXâTcovt y,3!l 'Axa8r^jj.{a 7:pcc7T£rr(7.évai ;
530, 26. Cf. Plut., M., 524 d, 600 C.
-xi^r,\j.i, act. et moy.^ dat. Ch7\, 137, 16 ko 3«(Ti}.£t ^pocrO-riacaBai
l)rendi'e paili pour le roi; 171, 34; B. G., V, 152, 19;
445, 19; Pat., 1180 C; Ace. 393,8; B. C. H., I, 195.
-Tpiyjù dat. B. G., V, 456, 20 i:—guc;ol tw àvBpi. Cf. Ar., Av., 759;
" Xén., An., 4, 3, 10.
-Tptêo) Tt Tivi C/?r., 102. 14 ijm)\).ov aùxo) ; 202, 31 àXX(ùv àX'Xo xt
t:— vx(.)v èiio( ; i?. (7., V, 60, 25 ; 446*, 6. Cf. D. C, Prooem., 5.
—'jçaivco dat. Pat., 1044 B tyjv àXo^ov ^'^X'*!'' '^ — iJ.i^TfV xo) Xo^ty-û.
-ç^épo), cfrt^. x( xtvi r/;r., 38, 17 cùBé xtva 7upoaYiV£Yy.£ xw TrptîcYtJ-axt
l/.Y;xav/;v; 53, 31 ; 54, 29; 220, 21, 30; Pat., 54i'b, 589 D;
Ps., 90 A.
au moy. (se comporter à l'égard de), dat. Chr., 7, 1 ;
42, 24; 239, 29; 256, 13 b.aaxo) £7:i£iy,(7); 7:pccr'f£pqj.£voç.
-'^£Ùv(o ^/«^ C/«r., 6, 21 (;) 7:poa7rc(p£UY6x£ç ; 90, 14; 156, 34. Cf. Plut.,
Pomp., 46.
*u7:o «c. Pa^, GXIV, 204 C r^\xO^^) X(T)V tt — vxwv Ottc x-r;v
a-/.éT:Yîv aou.
-90£Y7O{j.ai xiva C/^r., 153, 30 7rpûa£çO£Y?axc [rrj 96£Y?â|J.£Vov. Cf. Eur.,
^/c, 331 ;^/j9;;., 1097.
-ooix^w-ôj f/a^ C/^r., 115, 12 Tra/.Xaxr^ -k— av ; ll7, 33; B. G., V,
'229, 13. Cf. Str., 644; D. H., Rhet., 9, 11.
-'^ûw ^?6^/. B. G., V, 530, 26 -zcXq a/;/i;;ac7i TïpoaTTeçùy.aai ; P5. 83 C.
— o(ov£w-G) 6?rtL i?. 6^., IV, 414, 27 ÔTicaa àvaaxàvxi 'Kpoaçwvo"-/[j.-:V 0£w ;
^. ^., V, 86, 27. Cf. D. L., 7, 7; N. T.. /!;?., 22, 2.
-/pâoi;.ai-(op.ai (/«?. i?. G., V, 510, 30 xcD 'ÀTrcaxcAou tt — (JGj/ai pYjixaxi ;
P«r^.,868A.
-/wpéw-w rf<2^ C/ir., 65, 28 xw paai>v£Î ; 66, 2; 191, 26; 5. (9., IV,
428, l;i?. G., V, 22, 24.
TTpoç ac, B. G., IV, 340, 11 xb Tupbç Tuàvxa TïpoaxeywpYjxéç.
Cf. Hdt., 1, 172; 8, 60.
-6a6w c^a^ B. G., V, 535, 7 tu— £tv X6J oùpavw. Cf. Pd., fr. 86, 2.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 21
2YN— et ZYN—
* * -avaXX'.âÇo) dat. B. G., Y, 221, 4 GJV/jaOy.aciJ.ai aoi toîc 7a[j.'.xcïç
TTpociiJ.istç y.al èfj.oÙTOiç ax'pxY){j.aat c — aci;,ai.
-aYâAXo|j.at rfa^ 5. G., V, 486, 29 âXXa [izi y.oivf^ aovaYaXXctaOs.
Cf. Greg. Naz., I. 703 A ; In Julian. lnv.,'\, 10.
-aYstpo) ây. ^en. B G., \, 497, 18 èy. xwv XcOt Ta; àpîxà; à^spixwv tyiv
£j9r^[AÎav 7 — £iv suoOsv.
— avpu-véw-w *dnt. B. G., V, 21. 11 o-'ov'y.a jj.ot [jicwv YJvrJ<y/ juvy)-
Ypuxveiç àvaYivway.ovTt.
* ^ - a^upTsùo) rfa^ ^cc, 387, 4 a— vtîç TauTYj.
-â>) dat. Chr., 237, 36 xtva tivi.
cu r/c. r/^r., 136. 13 cic Tajxb j. xà cTpaTsuixa-ra; 252, 11 ,
5. G.. IV, 401,2; Pat, 692 B, 921 C, 1100 B; Ps.,83G;
An. Ass., XIII, 277, 14.
Tcpcç ac. Pat., 664 B izpcç xaur^v àvaiaiiy-wç juyayôeTja.
£x éC^^^- P<^«t, 1100 B èy, TÔJv {j-epr/.wv a — -ceci,
h, gén., £i; ac. Pat.., 1100 B è; Ivtatcu a — xai £i; TuXrOo;.
-x7o)viÇciJ.at rf^t ;?. (9., IV, 384, 3 cruvY)Y(.)viÇ£T6 aot ô àSsXçc;; 5. G.,
V, 419, 12.
-acixéw-w cf^/. ^. G., V, 278, 2 cuvaSiy.YjG-rjjcxai tw àBiy.cufxévo).
- a^w (^«t B. G., V, 67, 15 qcîoucri auvfiS£ ; 262, 15 ] Pat., 853 A.
— aOpotÇo) £l; ac. Pat., 921 D o juvaOpoiaaç âxaviaç £iç 'àv xuxxiov ;
B. C. ^., I, 128, 5.
irJ. ac. Pat., 673 D £7:t xb auxi.
— 7.'.v£o)-Ôj rfat C/?r., 39, 26 xw Twpâ-fiAax'..
-aipéro-ô) e?ç «c. Chr., 193, 21 c. a'; cpâXa-ffaç ; ^^i. .Iss.. XIII,
256, 12.
—cuipo), au moy., dat. B. G., V. 506, 7 [rr, îpYÎ^cic [j.si £l [j.y) jsi
auyxopoôavxio) xai auvaipc^xai. Cf. Plut., Galt).^ 18, etc.
— r/.[;,âCw cî^t Acc, 404, 2 ô a'jvaxj^.âî^aç Ilopcpupto) xw^iXcaccpo) ; P«t,
1048 A; B. C. H., I, 131, 24. Cf. Arslt.', fr. 420; PoL,
Plut., Luc, etc.
-ay.oXouOéto-o) rfat C/ir., 237^ 8 xà o' àXXa xcùxco c7avr<y.cXc60£'. ;
^n. /I5i-., IX,207, 26.
-aA^étù-to rfat /^. G., V, 19, 5 àXpvcjj.évciç 7uvy;X7£i ; 421, 4; 455, 19;
^cc.,409, 13.
28 MÉMOIRES.
**— «{j^aupcto-Ô), OU inoy.y dat. Pat,, 1048 B cruva/ij-i^cuai' xe tw
(j(0|jLaTt "/.al G— vTai. Cf. Eust. Thess., J9. 396, Tafel.
—cL\).iWdc\j.0Li~G)iJ.ixi dat. B. G., IV, 394, 12 xzioù'oiç àvBpaat a — [xevoç;
410, 12. Cf. Naucratiusa/;. Sirmond. opp.,\,foL h, recto,
fin (éd. Venet.).
—a^^x'^y.d'Çb) * eiç ac. Chr., 231, 29 xb vicr^jj.a £?ç TO'Jxé [j.e j — ai.
— a7uoSY)|xéw-(i) rf«^. 5. G., V, 28, 22 àv5p'' xtvi twv xàvu ^ewaitov K£pl
Toùç X07CUC (^pa/^u Ti ai)va':ioSY)[j.Y;aaç ; 172, 9. Cf. D. S., 4, 4.
-aiToXauto ^m. B. G., IV, 406, 31 auvaTCoXauaco xwv èxeivcu y.aXfov ;
413, 27; 427, 1. Cf. D. S., ^^'C, ^. 22, Mae; Luc, Mus.
bac, 8.
-âTCTG) dat. Chr., 24, 12 -^ii^épaç ^uvr^xis vuHf ; 99, 20; 5. G., IV,
395, 25; 5. G., V, 457, 10; 509, 3; 520, 1; Pat., 544 C,
557 B, 669 C, 1025 C, 1040 A, 1085 C, 1132 A ; Pat., CXIV,
208 A. Poet.; cf. Eur., H., f. 213; Ai., Th., 925, etc.,
etNonn., 1, 467.
* {A£Tâ gén. An. Ass.., XIII, 263, 8 Œuvr,pi,iAéva [ki-à. ty]c
çauXoTYjTOÇ.
h dat. B. G., V, 452, 3 cr. r.xnaq èv evl Ypa|j.|j.aTt. Cf. Eur.,
Bacch., 545, 615.
£711 dat. Ps., 60 B £7ul tcùto'.ç xai xà AciTuà auvairiéov.
Cf. Bion, 2, 5.
TTcpi ac. Pat., 564 C 7U£pl lauTv Guvâ'J>Li. Class. (Arstt.,
^.^.,3,7).
— ap£ay.ti) c^a^. /*«^, 1048 C xoXç Ov/]ty)v vo[j.{Ço!jg'.v aJTYjv g.
— apô|jL5(i)-û * dat. Pat., 1145 B Tupocpopiy.w Xé^w auv/ip6[j.o)G£v.
-apiB|xé6)-ô3 cfa^. Chi^., 141, 9 tuXt^Oc; TioXt-iyaov tw /.oittû gt{ç£'. 0.,
171, 16; B. G., IV, 445, 2; B. G., V, 255,* 23; 260, 27;
304, 27; 362, 3; 451, 16; ^cc, 398. 30.
"*^ (j.£Tâ gén. B. G., V, 316, 26 \).iTà lôjv àTy/£GTiTcov g — G) ;
^cc, 407, 35; Ps., 151 C £T£pa [xitol tîôv {j.ù9wv g — vxcç.
— ap[;.6^tù rfa^. C/ir., 17, 19 g— cGaç xaï; iXaiç xb Gxp axc7:£oov ; 18, 28;
148, 30; 154,8 ;5. (9., V, 176, 11; An. As.s.,Ylll,20S, IS-
iy. gén. Pat., 905 D èv, izi^Tiq lUxç Hurripfj.oGTat. Cf. Xén.,
rm,5, 31.
£i; rtc. .4n. ^ss., VIII, 212, 28 g. £i(; àv.piSr, guij.ttyjciv.
- aGO£vÉo)-to tto^. B. G., Y, \Q\,1 g. xûÏç aGÔEvouGU Cf. Greg. Nyss.,
III, 264 a; Jean Kuchait. (Fabric, B. G., VIII, 632, fin).
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 23
■^^-axTaXo) dat. Ff. G., V, 411, 31 tw vecyiag) s — £i« àTiaAcvTt.
— auA!çC[j.at f/rt^ B. G.^ W , 521, 29 -aïç toj a:£Acpcj [Jiovaï^ xw ©avxaa-
[;.axi C7 — £xai. Cf. A «nia Comn., 272 C; Prov., 22, 24.
— au;âvto (et — aù^o)) dat. Pat.., 897 A. auvao^cjjisvov Taîç xtjç a£A'/jv*/j;
ixùÇYja£ai; P5,, 82 H, 84 C
— 6a(v(i) dat. Pat., 1128 B èr/jYr^j'.ç xw Xpi!7Xiavr/.(0 Xc^fo a — cucra ;
P5., 152B; Met^., 977.
£x( ^''«^ P<2/., 545 C c-£p £-1 xcT; à7:sjx:Xoi; c:'jix6é6rf/.£.
-6âAX(o, <2C^ et moy., dat. B. G.., V, 531, 11 ^\i\x6t6\r;/.cf.^i^ àWri'Knq
x(o X^'^P- i ^^-5 ^1 I^ au[j.6£6Ar<xat xoj TUpâ^H'^'^' '0 opo^-rj; 80 A.
act. et moy., izç^iz ac. Pat.. 1056 G -rj 7:£pl ^u/r,; (zayjôeg-
xâxY) Yvwatç ■Âipoç TTajav ipiAsjocpiav a-u[j.oiXA£xai.
£i; «C. P^f^., 1056 G 'f) O£(op(a xcO •?;[jL£X£poi> voO /.al £iç 6£oXo"ï'{av
|j.£Yâ}.a c7'j[ji.6iAA£Ta'. ■ a'j[j.QâAA£i Sa 'fjjATv /.ai '^pb; xr^v ^U7i*/.r,v •.
£7. ^en. Pat.^ 1044 A è^ Éxépwv aùxoD auYYP^tl^-lJ-âTwv cufji,-
6aX£Îv Ijxiv.
— 6xxx(2^(i) rfa^. 5. (r., V, 36, 16 yj cpu/Y) xw cra)|J.aTi au[j.é£6à-xiaxa'..
Gf. Hld , 4, 20.
— êa7iX£j(o ofa^ C//r., 19, 26 xw 'ItoàvvY] (ruvcéaaf A£ua£v ; 113, 19.
Gf. Pol., 30, 2, 4; Pliit.,'L2/c., 5.'
-6i6dCw dat. Chr., 13, 5 j— wv à\\i[koiq; 98, 1.
£l(; r?C. C/ir., 11, 27 xi x^c àp/YJc £i;; àpjxoviav ^aa'.Aiy,Y)v 7. ;
B. G., IV, 352, 30.
—êioieùbi * <:^<^/. P.s'., 94 A xojxs •^jjj.Tv xc Çwov 7 — £'. -î^Staxa.
— 6ic(.)-w 6?a^. J5. 6r., V,214, 24 xw NrACAiw ju|ji,6£6((oyv£v. Gf. ju^aw-o).
-Y£vvâ(0-w^ £tç rtC. ^. C. H y I, 129, 18 STUcaa èç gt6X(a auYTîyîv-
-Yi(Y)vs[j.at tto^ C/ir., 205, 22 èx£iv(i) |j.5v(p auYT£Tovcx£c ; B.G.^ IV,
307, 5 ; 356, 8 ; 365, 28 ; B. G., V,'223, 24 ; 238*, 17 ; 253, 16 ;
427, 12; 505, 19; 520, 26; Pat., 672 B, 8'i0 G, 1017 G;
B. C. H., 1,319; Tz., 357.
xivi ^ £iç ac. Ace, 66, 28 o'Jxoj; de, ôj^iXtav 0£u) juv£y(v£xo.
-Yt(Y)va)ax(.) x( ûivt C/<>\, 104, 34 âuyYvwOî [j.oi /.al tg5xg ; B. O., V,
493, 15.
1. Noter dans la niAmo phrase l'alternance des deux tours tk -h «c.
et TT&o; 4- ac.
2 Construction sin^ndiôre, toutofois. Pont-être ley juYyeyevTJxaatv,
à lactif, forme posléiienre du parfait de au^^î{y)^ou<xi.
24 MÉMOIRES.
— YVM[j-ovéa)-(o dat. {gén. de la cause), B. G., IV, 387, 15
xa( [izi c7L»YYva)[xsvotT,; àû x%q èxl toj Af^to -iXp.r^ç ; 422, 20.
Cf. Epiphan., I, 410 G, 798 A, etc.
Ypâ'fo) ^bfdat. B. C. H.^ 1, 310, 26 h liueaiv aùxà auYYpf^^'^^^P-voç .
-Béo) Tt P^^/., 700 G; xiva xivi ^. ^., V, 456, 15 Tc^q auv§£5e|jiévYjç
àvSpi. Gf. Eur., P/i., 538.
— BY3|jiioupYéo)-w rfa^. B. O:^ IV, 446, 4 xàç auvOYjjj.ioupY^^lJ'^vaç (t]^j/àç)
ToTç aa)ij.ac7tv. Gf. lainbliq. (Stob., Ed. phys.. l, 1068).
— îtaiTâw-w, a^^ moy., dat, B. (7., IV, 444, 10 TïVcUij.aT'.y.otç àvBpaai
G-aôai; P^?^, 849 B ; Tz., 350, 351. Gf. Plut., Num., 4.
ooÇaCw Ttv( "^ èx( dat. B. G., V, 183, 11 iizi toTç au-cT; ô 7 — wv
IXcfvW à7U£7.0Y£ÏTO BsaiTYÎTOÇ.
— GuaTuxéw-(o * t/(^^ C/ir., 227, 24 g — aavxe; èxsivw.
-sYYiÇo) ^^/^. Pa^., 844 A a— Cwv xw oùpavô ; 848 A. Gf. D. S. , 2, 51 ;
3, 72; Pol., 3, 69, 13.
—cSptaCw dat. B. G.., V, 563, 15 -ao c?7,-:((o 7— crwv 7:axp(. Gf. Phst.,
)5/W., 480, 28.
— £i{ji.i (auvETvai) dat. Chr.., 114, 29 x^ ^uvaixl c:uv£C7ciJi,£Vo^ ; 153, 21
235, 19; 250, 2'4-; B. G., V, 40, 12; 172, 9; 234, 19; 270, H
357, 7; 431, 2; Pat., 757 G, 857 B, 909 B; Ps., 143 A
Ace, 413, 27.
— £ilAi (et -£pxo[j.at) c?a^. C/ir., 192, 33 eXç xaùxb £y,£ivw guveXOeTv ;
5. G., IV, 325, 2; ^. G., V, 9, 10; 477, 29; ^cc., 413, 27;
An. Ass., XIII, 276, 13 1.
£ic ac. Chr.., 136, 31 £i<; xaùxb xaç ^^/bi[f.oLq auv£XY)Xi>6oT£ç ;
175^34; 192, 33; 206, 20; B. G., V, 9, 10; Pat., 920 G ;
B. C. H., I, 195; A^i. Ass., XIII, 275, 2.
Tupcç ac. Chr., 88, 24 Tupo;; \ls aTu^o) cuv£XYjAuÔ£xr<v.
£x ^en. B. G.., V, 9, 10. Gf. Zonar., Annal., I, 25 b.
èy, ^^?i. £iç ac. B. G,, V, 9, 10 auvr^XôéxYjv àXXvjXoiv èy. xfiç
aux'^ç op.otcxY]xoç £iç XY)V IVr^v 6[j.cvoiav.
— £(p(i)* Tupoç ac. C/ir., 41, 21 o\ xàXXa xpo;; xoîîxo auv£tpovx£(;; Pat.^
561 D.
— £Xa6v(o ûc, ac. Chr., 103, 4 £lç xaùxb xéXoç auv£Xa6va)v. Gf. Anth.,
7, 604.
1. Je lis, avec le ms., àTreTsXsaav, dont tv sTSoç, comme le prouve
siTouv, sq., est le complément direct.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 25
juv —
-ev:(.)-a) ti dat. Pat., ^\))i A y.^-yXq 7uvr,v(0[jiéviv._Gf. Sext., Adv.
Maih , 9, 130.
—éTîoaat dat. Chr., 87, 26 w yA-(iù auv£i7ï6[xr^v; 90, 19; 151, 34*
160, 18; 5. G., V, 83;2.
-"£pav'Z(o f/a^. (/iJé? destination) B. G , IV, 422, 28; B. G., V, 22, 5.
(it) £7, ^CH. 5. (t., IV, 422, 28 £l [j.Yj Tiç a'jTfj xbv è? àirâvTwv
Xéywv C7uv:pav(c7£i£v; /?. (?., V, 381, 10 a — tjci Ia iropiaiJ.wv
Btxaûov ç,y.vicy.q xivâ;.
(ti) EIÇ aC. i?. 6r., V, 22, 5 \).rizh ti coi £VTfj6£V £?; £UfY;-
jjL'av a'jv£pa7ic:a',[/£v ; Ps.^ 52 A.
-£7T'.à(.)-(r) daf. Ch7\, 183, 15 tguto) ; B. G., V, 37, 21.
*^— £u^''jsps[jiG)-a) tiJa^. i^. (7., IV, 444, 18 [j/)î j — £Tv toutw G'jvaij.£Voç.
— 2uO'j[jio)-(o c^a^ B. G., IV, 378, 27 ihjzq OL-(^i\o\jq c — £Tv £-/,£Îv(;).
Cf. Tliem., Or., 8, 102 d. ['l'hes. ne porte ce verbe que
sous la forme moyenne.]
— .uvi^w dat. Ace, 68, 6 cpr/wv xf, 'OXu|ji'Kta^i a — [j.£Vc^. Cf. Soph.,
0. i?., 982.
-£U(i)'/éo;j,ai-c;j!j.a'. <^a^ B. (7., V, 415, 13 cr — VTat TuaTpî ; ^n. Ass.^
" IX, 211. Cf. Luc, F. ^., 2, 15; Ep. sat., 36, etc.
-Çâ(o-ô) dat. B. G., V, 34, 18 vw cuÇf| i^ivo) ; 204, 24; 206, 4; 234,
18, 29; 371, 19; Pat., 916 B. Cf. cru|j.6i6(o.
-Ç£6YVUiJ.'. c?«?. C/iA'., 99, 18 tw riX^pw auÇ£uxO£TTa; B. G., V, 79, 13
[):qipvAOLXç /£p<Tt auÇ-:6;aGa ; /*a^ , 957 B, 1081 B. Cf. Arstt.,
ad Nie, 10, 8.
^"^-rfiiTAiô dat. Ps., 93 B a. tw Oép£t. (Constr. comme GuvY|6àw;
cf. Plut., M., 409 a.)
—rfio\j.y.i dat. B. G., V, 161, 3 to) -kC.jj.vi'w a — Tai ; 172, 13; 221, 4;
455,21.
—Tf/icù-b) dat. B. G., V, 517, 8 a. txTç Taa£at twv /opSwv. Cf. 'l'ii..
Char., 6; Bol., 2, 29, li.
hi'ùj,) dut. B. G., IV. 3'.)'i. T) i/.£':v(;) rj^/--(ir,\û);. Cf. (ieorg. Sync,
122 A.
— 6au[j.a(^(i) "^ <^^</. /'///.. 908 C tcjt(;) ùï iuvfia()\j.7.'Ct axi c7'JYxapTép£t.
— Ô)a6(.) t^a^. Pttt-, 757 D cjvO/aSoiJ.évwv t(ov jc)[xaT(i)v àAAriXo^.
Cf. Plut., M., 427 (L r!\ <•.
-Ovf)ax(i) ^/a/. P. G.. \\ 79. -J:^ tjvOzv^Tv tt; O/.r^cr/.ojcrrj ; P^//., 9i:> A.
Cf. Soph.. 7'/'., 798; fr. 690.
iO« SÉRIE. — TOME X. 4
26 MÉMOIRES.
(TUV
-i7Tr^|j.i £7. gé)i. B. (7., IV, 424, 8 -z /.patxa -^jt^wv è? èvavxtwv auvéjTr|/,£
^ùcriwv; i?. G., V, 186, 8; 538, 8; B.C. H., l, 207; Rhet.,
V, 604, 2. Cf. Ps., 152 A. èxeiOcV xà Travia cruvéaTYjxe
■^ aTTO ^m. Pat., 792 A xà vécp*^ auvfcrTavxat àxc rr^c yy^ç y,at
ÔaXaacYjç ; 1148 B.
-•/.aXuTuxto 6?a^. Pat.^ 111 B ocTpâxw c: — \}.v)oz. Cf. Hom., Oc?., 5,
293;Them., 59 b.
— %apx£p£co-w ^ dat. Pat., 908 G xouxw Bà C7uv6a6|j.a^£ y.al cuY/,apxép£t.
— 7.£i[jt,ai £/. gén. Chr., 265, 26 àx Bus^v xoTv èvavxisiv ^ — [j.£voç ; 5. ^.,
IV, 310, 27; B. G., V, 40, 15; Pat,, 561 A, 713 G, 800 B,
1041 A, 1069 D, 1080 B, 1081 A, G, 1125 A, 1149 B, G, etc.;
Ps., 118 G; Tz., 356; An. Ass., XIII, 275; Rh. Mus., I,
623, 13; 624, 3; 626, 1 ; etc., saepius. Glass.
H.£xâ gén. Pat., 813 D a-(X£voç ij.£x' àXXou. Gf. Th., II. P.,
1,2,1.
£t; ac. Chr.., 268, 20 èç xoDxo [j.aXuxa ç — [j.£vci ottioç xyjv
— /,£pàvvu[j/. C^a/. 5. ^., IV, 455, 26 xàç iSéaç Tuâca; à7J.YjAa'.; £i; çtXiav
c:uv£A£paaxo. Gf. Anth., 11, 154.
£/, ^en. B. 6^., V, 18, 14 éj àjj.^oTv xouxwv yj àp£XY] auv£-'
7i/.paxo;241, 1 ; 453, 7; Ps., 74 A.
£iç ac. B. G.., IV, 455, 26 xiç xàç tBéaç àXX-qXaiq zlq çtAïav
c7UV£y,£paaaxo.
— y.ivSuv£U(o tifa^. ^. (r., IV, 334, 23 èoîixvjEV olq auv£y,ivouv£U£
xivBuv£6ovxt ; 5. ^., V, 513, 1.
-xiv£G)-àj (ia^ Pat.., 1068 G a — OriaExai aùxû ; P6'., 60 G. Gf. Luc,
Apol., 5.
—x-'pvaiJLat *£ic «c. 5. (3^., V, 477, 16 dq xaùxb cjv'/'tpvâij.svx ; Ps.,
52 A.
— y.Xaito C?<^^. 5- (t., V, 411, 20 xoTç |j.£V auY7.Aaj7o;j.ai yAaicuGi.
Gf. Luc, As., 22; Anth., 9, 573.
-xXfvw «^a^. C/zr., 235,34x0 .8aatA£Î auvcxéy.Xivxc. Gf. Pol., 7, 12,4.
Gf. GL>VV£U(i).
— y.oivo)véw-u) xivi ^én. 5. G., Y, 88, 17 xwv aùxwv TCaiO£U[j.ax(i)V g.;
99, 22; 522, 24.
xivi *£7u( ^e?2. C^?\, 88, 26 g— £Tv xô gaaiAsî iizi i-qz
xay,o)j£{A)c.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 27
(7UV
— y,oXXâ(o-w dat. Acc, 37, 12 wç àTCsppr^YjjLÉva (jiXr, t:T; jviaivoujt
a— a; PS., 125 A. Cf. Luc, Aleœ., 14.
* Tcpi; <^C. P«^., 1140 A 01 è[i,xa6£Ïç xpb? -ajxa 7 — ^Tai.
-xopu6avTiâio-(o ^ dat. B.G.^Y^ 506, 7 [j.y] GpytÇc'.ô [j.si, £? ;jr, gsi j-jv-
xcpuêavTtw; /Icc, 400, 11.
— xpîvw dat. Chr., 13, 18 toi; TrpoXaêojcri t7. £V£CT(oTa GDf/.pt'var;
231, 31. Cf. Anth., 12, 204; Plut., C. Gracch., 4.
TUpÔÇ «C. Ch7\., 49, 2 JU^XplVOfJ.EVOÇ KpCÇ ÈXEIVOV 6 'I(oâvvY]ç ;
164, 16; 5. (9., V, 472, 20; P«r., 905 B, 1173 B; Ps.,92C;
Afeé^., 352. Glass. (Arstt., Rhet., 1, 9, 38) et Pol., 4, 11, 1.
— xpoTsw-à) èx ^en. 5. G., V, 453, 11 ib è/, tuXsicvwv (TUYX£y,poTT,[;ivov.
Cf. Hdn., 2, 14, 12.
—v.pzùcù dat. Pat.., 792 G a — [i.évcov aAAYjXotc xôv vsçwv.
-y.uêcuo) dat. B. C. H., I, 130, 1 a — aavta tyj ArjiJ.rjTpi. Cf. Hdt., 2,
122, etc.
— Xé^w £i; rtC. Chr.^ 187, 33 £i; Taùib auv£iX£Y[jivsi.
— AOY''(^o(j.at £7. ^en. Pa^., GXIV, 185 D va -zCù-^ uiyxipiùv -x irptoxa
a— |jL£vcç. Gf. Arstt., Rhét., 1, 2, 13; Pol., 9, 30, 8.
— [j.apTJpéw-w dat. Ch7\^ 107, 28 {j.ci cu[jL[j.apTupY)a£T£ ; Acc, 386, 8.
— [j.a/£G)-ô) dat. Ch7\, 122. 32 œ — vtwv èvuov aùiou. Gf. Soph.,
Ant., 7^0; Ph., 1366, etc.
— {j.£Yc66v(o c^a^. Ps., 82 B auvauravEi tw SECTroTY] /.at (7uij.|j.£7£6uv£'.. (Gité
par Thés, d'après Psiell.).
-(X£i6w-ô) c?ai. Pat.., 897 A auvau$:[/£Vov y.at a — [j-£Vov xaT; tyjç jeat^vy);
a'j?Y;a£ai. Gf. Eustath., /^.,.834, 59.
-(XY5/avaci;.at-a)[j.at c?«^ 5. ^., IV, 401, 25 zoAAà ko 'Apyt[j.ifjS£t
G— [XEvo;. Glass. (Xén., Cî/?\, 1, 6, 11, etc.)
-Ix'YV'Jjj-i dat. Pat., 772 B oià ic (j^^\xi\}Xyjici.^ aÙT-i^ ir;^ àvaO'j[j<(ajiv ;
^n. ^ss., XIII, 267.
aups.., ^ £y. ^en. 5. (9., V, 538, 11 yj (xéaY) àpixovia à? «[j^^o-
xépwv To)V ày,p(i)v cru[j.iji[;.i7,Tai.
-v£y.p6(.)-(ï) c?a^ Pat., 548 A auvvExpwOeïaa Xpiaiw ; 552 A, 601 B,
640 G. Gf. Anon., Laud. Calvitii, 44, 19 (éd. Miller).
•vEuo) dat. Chr.y 235, 34 to) pacriXcT auvvEvvEuy.aai te y.al auvEyixXtvxo.
Gf. Luc, Anach., 1.
xp6ç ac. Chï^.., 4, 7 xb jxpaxiwxr/.cv àxav cuvvejcv e/cov zpbc
xb èy.Eivou pcuXyjiJ.a. Gf. Pol., 3, 32, 7.
28 MÉMOIRES.
ffUV —
-cSsùto dat. Pat., 808 A, B a. xw y^Xio). Cf. Plut., Pom/^., 40;
M.,609d.
-c'Ba t( xivi B. G., IV, 388, 24 a'j{j.'KavT£ç cuvicraji xo) àvopl xy)v li:\ xoTç
or/iw-w dat. Chr., 27, 15 ^ auvcox-z^crev. Cf. Esch., C/i., 909;
Soph., Tr., 545.
— crz-i'Cto c^a^ B. G., IV, 324, 28 a — £t xoDxov eauxû xoîç àBùxoiç ;
5. (?., V„457, 12.
-cAicr6a(v(o dat. Acc, 397, 22 [j.y] 6 Xcnzhq aùxYj aovoXiaOYjaY) oXy.éç;
B. C. //., 1, 318. Cf. Plut., M., 807 d.
—o\).iXicù-b) dat. Chr.^ 78, 2 àvop£ç sic xàYw auvw^jiXr^aa ; 79, 7;
J9. 6=., V, 64, 1; 431, 2; 444, 5; 522, 2; P«^, 905 B; ^cc,
398, 19; 23, 32. Cf. N. T., Ap., 10, 27.
- o\).z\o^iiyi-(i) t( xivi Chr., 92, 33 aùxY] a — eT xà irpoç x*}]v àpy;rjv \ B. G.^
IV, 318, 13; 327, 20; 5. (7.,' V, 233, 8; 234, 16. '
-opy^M-G) dat. B. G., V, 467, 14 aé ^e a)(j.Y)v auvop)^ifjaaa6a( [j.c:.
Cf. Plut., M., 13 a ; Luc, Sait., 11.
- 7:aO£(o-Ô) C?a^. Ps., 138 C cr — aOs -zXçïr.izoiç.
--afÇco <:/a^. 5. 6^., V, 64, 2 Bspa^raîvaiç auvéTuat^s. Cf. Soph., 0. /?.,
1109.
—Travrj'/upiCw cl!a^. Chr.., 246, 30 ai>[j.7i;avY)Yupi^£i xcTç ^aaiXsuouat.
Cf. D. H., 4, 25. Plut., Demetr., 25.'
— TiapsBpsuw c^a^ Pa^., 868 A àXXct àAXoiç a — criv. Cf. Luc, 3, 268.
-tAt/jù b. g., V, 410, 23 xw ppé^si auvénaa/ ov ; 454, 28; Pat.,
' 617 D ; Ace, 409, 12; 0. C, :.^5.
— TCevÔéco-o) dat. B. G., V, 366, '22 Tva y.at àY]p au|j.7U£vOYi \j.oi.
Cf. Esch., C/i., 199.
- 7:£paiva)(xi) elç ac. B. G», IV, 315, 16 èç xoOxo xoùç Xo^ouç èxEtvwv
au[j.7:£pavavx(i)v ; i?. (9., V, 148, 16. Cf. Nicetas, Ction., 3 d.
"^ èv dat. Pat., 817 A auveTuépavav xy]v xoXaar^ èv xpivw.
ex ^en. (concludere ex) Pat., CXIV, 185 D èy, xwv
xpoxépwv xà 0£ux£pa xyj (pûaet a — [jl£voç. Class.
— 7uéxoiJ.ai ûîa^ C/ir., 265, 8 xoiç y^P*^^^'? au[j.'jréx£C76at. Cf. Philostr.,
Imag., 812, /?n.
— XYjyvuii.i èy. ^én. B. G^., IV, 309, 8 è^ biiikiù^ eiSôv aL>[j.7C£'jïYi*fa{J.£v ;
5. 6?., V,348, 17.
— -KiTTxo) cZaif. Chr., 40,. 2 Tcivxa auv£7:£7cxo)y,£t aùxto xà Sua/Epr; ; Pat.,
857 B.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 29
— zXéy.(ji) dat. Pat., 661 D a» /.ai' £7:i6u[/''av xw TCOVYîpw a — {j.evai ;
821 A, 1036 A.
^ Siâ ^^n. Pat.^ 736 B au[X7r67:X£YlJ'évY) Bià iroXXwv.
— TCvéo) 6Za^. C/i/\, 117, 10 ''va aÙTO) aï paaiXiBeç au^j.Trvéwat {sic leg.
pro 7U{j,7UV£((»)ai).
— 7:oA£y.é(o-ti) zivi y,aTx r/^n. Chr.^ 211, 4 y.aià twv ^apêàptov tw PaaiX£Ï
ou{ji.7UoX£i/.Y;aovTar .
— z2p£joiJ-ai dia^. P5., 145 G où/l Ti^aYtotç a — aôai ^Xâvicv.
— -TrpaacTa) rfa^. fî. G.^ V, 176, lO^o^Xà loÛTto /.al tôv y.oivwv juvéTipaEa.
-péTuo) dat. Pat.. 616 A àXXY)Xoiç cr-viaç. Cf. Pd., iV^., 3, 119;
Arislot., 1, 12; Plut., Phil., 11.
— pocTUTo) "^ £i; ac. B. 6^., V, 403, 24 èç àaxbv tc'jç àv£[;.cu«;.
— péo) «îa^. -S. 6^., Y, 513, 27 tcT; '?)iJL£-£poiç auv£ppur,y.6T£ç auYYpa[j,|j,aji.
Cf. Luc, Herm.. 86.
£Îç ac. ^CC, 37, 2 £iç TY)-" [j.sYaXyjv cuvsppu-^^y.aat ÔàXaTxav.
xp6ç rïc. ^. (t., IV, 316, 21 tcO Travxb; [j-épcuç r^^^oc, èy.£Tvsv
(7uv£ppuY)y.6Tcç ; Pi'., 74 G. Glass. (Xén., //^//., 2, 3, 18).
- cry.£uaÇ(j) xi /.axa gén. Chr,., 38, 13 xbv xax' ocjxoî) au!7y,£uaî[c(jL£Vov
^i-^cL-zo^ 0L%vm\\i^y.^. Gf. Plut., Artaœ., 18.
— T/.tpxâo)-o) * ^af. 5. (?., V, 412, 1 xo) v£CYiXw (7.
-ffxato-o) c^a^. commodi Chr.^ 110, 15 aùxà xfi è[jt,Y^ cuvEfficafftJcpLr.v
(tuxf) pour mon âme.
— axaup^M-o) dat. B. G., V, -^150, 16 b Xpiaxcç ('•> ;:uv£axa6pto[j.at ; Pat..,
616 G, D; 652 B. Gf. N. T., Marc] 15, 22; GaL, 2,20.
-~ax£A/(i) £tç TifC. -G. 6?., V, 515, 21 elq ^pT/yicn'^ ^iacpop:v xb -rX-^Ôcç
!Tuv£ax£'.À£ x(T)v T^Otov ; Pr/i., 861 B.
TTpGç rtr. P.S., 81 G 6 voOç auvéaxaXxat lupbç xy;v B6va[j,tv.
-cjxpax£6(.) dat. Chr., 203, 29 xivà tô,v ^—\).bnii'^ i\).oi\ 249, 22;
B. C. H., I, 131, 10.
-7xpaxY)Y£(i)-ô) rf«^. 5. G., IV, 400, 27 auv£axpaxâYY]c7£ axpaxr^^^Tç.
Gf. Str., 6, 114.
—jxpécpa) £iç ac. P5., 79 B £?<; èa-jxb Œujxpa^év.
-jçatpcw-G) rfa^ Pa/., 785 D xy^ yy^ y.a'i a^xb a— îj.£vsv. Gité par Thés.
d'après Psell.
-a/ra^-af^'^w rfa^ Pa^, 557 B xf^ /pda a— [j.£voî. Gf. N. T , Rom.,
\2,\\\Petr.,\k. ' .
30 MÉMOIRES.
auv —
-axoXâÇfo dat. B. G., 449, 18 Scw. Cf. Ath., 168 a; Plut.,
Dio., 17, etc.
— TaAai7:(jûpé(o-â) dat. B. G.^ IV, 346, 6 TaXairtopouiAÉvou cuvcxaXat-
xo)p£i. Cf. Aret., Caus. m. ac.^ 2, 2.
— lâaaa) C?a/. C}l7\^ 125, 23 toutoiç a'JVTSTayijivoc.
et; ac. Pat.., 928 A Tobç voixr/.cùç a. cl; piéXiov. Cf. Plut.^
ac.,30.
Tupéç ac. 5. (7., V, 453, 15.
iy.gén.B. G., V, 453. 15.
ây. gén.., %pô<; ac. B. G., V, 453, 15 èv. oiaçcpwv zpsç ts ajxb
— TeAé(i)-a) c?a^. (faire un sacrifice avec quelqu'un) Chr., 58, 20
01 èy.ElV(p (T'JV'U£T£X£/,CT£Ç.
(contribuer) £iç ac. B. G., IV, 327, 23 to-jto auvTsXéast
£tç h{y.tù\tio\) u:r6B£atv; 5. 6r., V, 22, 7. Cf. Arstt., H. A.^
3,3, 1, etPhil., .SoZ., 20.
TCpiç ac. C/27\, 34, 10 t( àv œuvteXoî*/) rpb; xbv Oeïov xr^ç
cja£6£iaç cxcxcv; ^?i. Ass., XIII. 253. Cf. Arstt. G. A.^ 1,
12, et Plut., Lyc, 25.
— xiÔYjixi XI dat. Chr., 103, 19 xctç 7:pbç èy.îTvsv £Y/.o)[j.(oiç xoù; uTiEp
aùxou Xô-'ioMq ?!Jvx£G£i7.a ; 225, 31.
EX é^en. Pa/., 545 A âÇ eGvwv auvExéOr, ; 696 B, 1141 D;
Ps., 66 B; Par., 144, 14.
"^ £7u( ac. C/^r., 35, 16 àXXo èx' àXXo) cuvxiGeiç.
-xp£/a) rfa^. Pa^, 1184 B cuvBpajj.wv xpoaopaacvxi.
£1? ac. Chr., 190, 26 è; xaùxb 7uv§cûpatj.r,yix£; ; 5. (t., V,
155, 30; Pat., 929 B. Cf. fr. Thés. (Athen., 10, 454 c).
TTp6c ac. B. (7., IV, 446, 31 £t xàXXa c7uvBpà{j.ot r.çtcq dcpExf^ç
£ÙSox'V,aiv ; 5. 6^., V, 297, 19; Ace, 36, 23. Cf. Hdt., I, 53.
-xuyyivo) dat. 5. ^., V, 411, 9 cpfXo'.ç GUVX£6^ciJ.ai îXapa xfj ^vwij.y] ;
^ Pat., 832 A.
-xupavvéco-u) ^ dat. Acc, 42, 4 iy.Eivw 7 — £Îv eÏAexo.
-u^l^éco-w c^a^ Pat., 617 D cruvutl^oSeY) xoi Xpiaxw ; 652 B Cf. Cléni.,
780.
— çépo) (^a^. Pa^, 876 A eI' roxé aoi auvEVsyÔEiYjij.ev.
Eiç ac. C/ir., 16, 11 xavxa èç xaùxb (S2C /C^.) cjuvEvr^voxo); ;
107,' 10, 18; 5. (?., V, 224, 5.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 31
auv —
'J7C£p
— 9=67(1) dat. Chf\, 145, 10 (tw) ©jycvti rj[j.âé9£UY- '' y-^t cJUY*/.a-é9UYïV.
Cf. Hdt., 4, 11, Eur., P/i., 167).
-^Ostpo) dat. Pat., 1049 D cr— lai aiJio>.
— cptAoaoçéw-ô) T'.vi Ti 5. G., IV, 444, 12 a — £Îv toutw là ty^ç ojaiaç ;
/W, 20; ^. G., V, 49:, 11. Cf. Str., 757. '
— (ppovTiÇa) c?a/. C/i7'., 205, 19 xwv (7U[j.(ppov-cc7avT(i)v ajT(5. Cf. Syn., 23.
— '^6pw dat. B. G ., V, 541, 15 d y.al xr^ iXJï a'j[j.7U£çupY]Tat ; Pat.,
833 G ; Glass. (Plat., Phîl., 51 a) et cf. Diosc, 2, 26.
-cîùfo dat. B. G.^ V, 270, 1 1 au^j^Tré^uxa ty^ <^u/y^ ; 529, 12 ; Ps., 77 B,
83 A.
£7. ^e^^. B. G., V, 71, 30 iv. twv 7:poy.ap7u(cov ^axtuXoi a'j[X7U£-
9U7iT£ç. Cf. Th., P/., 4, 12, 3.
— çcov£(o-w 6/a^. -fî. G., IV, 354, 7 irûç av ô p.ovaBr/.cç /Sicç tw y.pyi=zoL'
Ttxw au[jLcpcûVYjaei£V.
-/^aipw cZa^. B. G., V, 307, 14 cùriaipi i).zi; 411, 21; Pa^, GXIV,
208 A.
-Xop£Ûo) * dat. P5 , 80 B g—zi èy,£iva) ; Pat., GXIV, 208 A.
— y(op£o)-w Tivî Ti C/^r., 67, 35 a-uY/top£T xaùrf] xr^v irpbc ajxbv ciacSov ;
107, 26 ; Ace, 398, 34 ; 73,^ 30.
'YREP—
-dYaiÀai ac. 5. (7., V, 522, 3 ts rfizq bizipr^yda^^. Gf. EL, F. H.,
12,1.
- aYaTCaw-o) ^^n. Cfir., 230, 8 (atjibv) twv àX7>(i)v u. Gf. Jos., ^. /.,
12, 4, 6.
— aYwvtÇo{jLat gén. Pat.., 613 D ociioD; 628 D 'jravTs; y.aXo'J G — jOjcu
Gf. App., C/î;., 1, 96; Jos., B. J., 2, 12, 7.
— ai'pw, ai^ ps., gén. B. G., IV, 379, 14 iracYjc uTcspapOeic 96j£a)r ;
B. G., V, 535, 6. Gf. D. S., 20, 91. '
-ay.cvTtl^o) ac. (xt) Prt^., 904 A x?;v Ar|iJ.oa6£vr/.Yîv Y^'^jxxav u. Gf. Ar.,
PI., 666.
xiva xtvi B. G., IV, 403, 26 xw otà iiâvxfov èXOEÎv xoù; ojxw
5i£Ar/AuOsxa; jTUEp'/îxcvxias. Gf. Ar., Av.., 363; Luc, /nd, 14.
-àAAoïj.ai <7m. C/ir., 80, 21 xou àîâ-^pou; 'j^[j.£vc(; ; Ps., 162 A.
Gf. Honi., P., 5, 138; 0pp., H., 3, 103; El., N.A., 12,47.
32 > mémoire's.
'JlT£p
ac. Chr.^ 7, 23 aùiriv ttjv ôiXaaaav ; 109, 2; 218, 8; An.
Ass., IX, 221. Cf. Hom., IL, 20, 237 et class.
— a7:oXoY£0[j.at-ou[xai ^dn. Chr.^ 189, 29 twv aujTpaf/jYwv uTïepa-oXo-
7r;aaa6at èxetvou £7cr/.£x,£tpY]/.éxa)v ; /Icc, 389, 3, 15; 416, 19.
Ti Tivoç iy. (?., IV, 396, 29 oùx l/co 5 xt Û7r£pa7coXoYY)ao[ji.ai
Tou àv^pcç; 5. ^., V, 205, 6.
^^-apTàto-ô) Trpcç ac. Pcl^., 797 B ux£p'^pTiQTai r^çto;; Yj|;.aç 6 P6p£ioç
TUOXOÇ.
-6a{va) ac. Chr., 162, 3 £6§o|XY)%oaTbv U7:£p5àc7a Itoç ; 174, 28; Pa^.,
943 B; PS, 143 G.
— 6àXAa) ac. Pa^., 901 B twv aoçiaTEuaâvxwv irapa6aX£Tv ; 905 B;
^cc.,36, 3.
dat. (xiva Tivi) Pat., 901 B èxdaTOu iraai -Trâviaç u'7:£p6aX6vTO;;.
aumoy., ac. Chr., 118, 33TCaaav çùaiv uTCep£6aXX£T0 àpp£va;
223, 29 ; 234, 17.
— eXauvd) Ttvà (xt) "^ £Ïç xi Pat., 565 A yf^v xaaav u';:£pYjXaa£V eiç xyjv
Yj5u6oxp6av uvae suavitate ceteris omnibus regionibus
antecellit.
—BJjyo^M gén. B. G., V, 262, 13 xr^ç ï^%q br.s.peù'/ri Cwvjç- Cf. Glém.,
p. 868.
-é^w ac. Pa^., 685 G u. xà y.oTXa ; 805 B.
gén. Pat., 661 B 0. xwv ItiI yy^ç àvBpwTUJov.
— /j/^éw-u) ac. B. G., IV, 419, 25 aaATrrf? xàç àXXaç u7i£pY)XY;c7affa.
Gf. Arstd., 1, 123.
-iBpuo) gén. Pat., 1152 B u — [aevoi xwv ôeûv; 0. C, 18. Gf. Dionys.
Areop., De dîv. nom., 2, 10, p. 532(66?. Antv., de Ghristo).
— iTTxatJLat ac. Pat., 656 D xoùç vo£poù<; oçôaXixobç xy^ ày,axaX'/jt]^ia u — [/.at.
Gf. Hom., //., 13, 408; Od., 8, 192; Soph., Ant., 113.
gén.B. G., Y, 408, 11 uTCpiTïxajjLai xwv X£t[xo)va)v. Gf. Ghor.,
153, 23.
— x£i{Aat ^^n. r/îr., 215, 28 b — cOai xr^ç xûv xu^^axtov e^rtppoY^ç ; Pai^.,
588 D, 597 A, 645 A, 649 A, B, lUlB, 1157 G; Pat.,
GXIV, 120 G.
xivo? ^ e(q XI B G., IV, 304, 20 xb u — aOai xwv £7:iaY][Aoxép(i)v
£tç àp£X-r;v.
— -/.ukXo) ac. Pat., 549 B èv xw xy)v èxt^àvetav xwv alo-ôrjxwv u'ji;£px64'at.
Gf. Plut., Lyc, 15; them., 293 b.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 33
'jTuep—
inzo —
gén. Ch}\, 182, 32 twv xâvxtov G-Ep-Au^ai \ B. G., V, 539,
24. Cf. Luc, Luct., 16.
-cpâw-o) (7^w. B. G., IV, 379, 19 irivitov uTispiotov; Pa^., 665 B,
905, F^, D; Ace, 411, 11.
— Traui) â!C. 5. C. H.^ I, 129, 9 tojtcv tov àpiOjj.cv [xu0£u6|j.£v:'. j — sl.
Tivi Tivi (surpasser quelqu'un en quelque chose) Ps.,
75 B èvtcu; u— £1 Tfj /apix^ Class. (Dém., 1217, 18).
-TtY)Bd(o-w ac. CUr., 141, 28 ty5v Ta^puv u— vt£c;; 5. 6r., V, 49, 27;
Ace, 36, 4; ^>z. .455., IX, 222. Cf. Ar., Vesp., 675; Luc,
Ind., 7.
* gén. B. G., V, 539, "^Q ^pay^u ti toj àépc; jttepskV^^tsv.
— a-ou$aÇo) ^ gén. Ace, 41, 13 y.àv luavj tiç èy.Eivou u — £tv iOéXci.
— Tsivco «C. -5. G., IV, 304, 11 'j7:£pT£(v£i xbv }v6y2v tû ty^;; àp£TYiç
HiTe6oç. Cf. Arstt., iV/c, 3, 1, 7.
ai* moy., gén. Ps., 124 A oiav -r; çi^ay; tt^ç èvavi'ia;
0 — T£'>/]Tai (52C /^^. /?ro 'jkîv.t.) lorsque la phalange déborde
sur la phalange opposée ^ Cf. 0-£p£XT£ivG).
-t''6y3[j.i int. * gén. B. G., IV, 420, 26 xw cuva[/£i toj \hftv) tôW
àXXtOV UTUEpcTlÔElÇ.
-oaXaYY^'Ç^ * ac. P5., 124 A oiav icî; B-jal xépaji T7)v èvaviiav
uâ^pcpaAa-fYic'f). Vid. Thés., art. •j7:£p9a>.aYY£a).
-(pp2V£a)-a) ^én. P«^., 537 B tcutwv. Chiss. (Eur., Bacch., 1326;
Ar., iVtt^., 1400, etc.).
<p(i)véu)-u) ac. B. G., V, 480, 8 oaa tyjv cpuaiv u'jr£p£9a)VY)aav. Cf. Luc,
i2/i. ;?raec.,13;Philstr., 194.
'Yno—
a^xcoviÇo) Ti Ttvi P5., 149 A ty;v yv.ç>i ty; Yvaôw u — vteç sôulenii
de la main son menton. (Constr. analogique de 'j7:oti6y;{x(
V. Tivi.) Cité par Thés.
-iv^o TTpfç ac. Ch}\, 101, 33 o( \j.h T.pzc xb irpa^^xa uttyjyov.
aiv(aao;jai B. G., V, 132, 23 tcDto yj à/voyoç j — xai ; Pat., 625 A.
Cf. Dém., 348, 6, et Plut., Rom., 8.
1. Cf. Gemoll, Leœ. de Xénophon, HelL, u::ecTe(v£^Oai xo x^pa;.
lO» SÉRIE. — TOME X. 5
34 MÉMOIRES.
UTCO
-aipéw-w gén. An. Ass.^ VIII, 210, 8 tov ^t^ tyjç àp/^Y^ç ha^zXô^vioq.
-TAOùtù dat. Pat., 880 D xoiç y-V/iTopaiv 0 — atv.
gén. Pat.., 597 G y.xXsaâo-Y)? [j,cu toOtov Tupbç à7:6Xauaiv, ou/
'j7:'/jx,oua£V ; 600 A.
-avxao)-^) c?ai. C/ir., 69, 25 loaTTcp Ôeû u7uavTY]a£iv {jiXXovTe;; ; 100, 35 ;
B. G., IV, 365, 21; 447, 28; B. G., V, 576, 3; 577, 10;
/Icc, 42, 21.
ac. B. G., V, 577, 8 (dans un texte en langue vulgaire)
uâY;vr^a£v ty)v 'AêiÇcu lyz^jQT). Tour byzantin. Cf. Appian.,
C/î?., 5, 45.
-avua^c.) dat. Chr., 91, 6 u— atv aiioTç. Cf. Pd., P., 8, 13; Eschl.,
Pers., 834.
-apy/o ^en. Pa^., 705 G rîiç Oeiaç [xcipaç u. ; etc.; saepius.
— 6aîvioac. r2:.,349, 15 5 à'r]p tû Tuup j-oêiêr^y,!. Gf. Theodoret., 4, 155.
— 6Xé7:o) ^ Tivi Ti ^. (t., V, 53, 21 0 — cusa \xoi tyjv ô[jMXfav.
-Ypaij,[AaT£6to dat. Chr., 82, 24 t(o [^aai^sT; 98, 14; 235, 12.
-Sù(o ac. C/ir., 14. 13 ojtco; uzéBu ty;v aréYYjv ; 257, 27 ; Pat., 837 G,
848 G, 856 A; Ps., 89 G. Cf. Hom., Od.\ 4, 435; 5, 481 ;
Plut., Thés., 6.
-£ix(o dat. Chr., 243, 26 j. aùif^ ; ^. (9., IV, 410, 11 ; Inv., 223.
^ 7:p5ç ac. C/ir., 136, 14 r.çtoq xà £X£ivcov u. (;iouX£U[j.aTa.
—v.\).\ (et - £p/c(j.xO ac. B. G., V, 510, 31 u7:£X0à)v xcv to5 Kupfou Çuycv;
Pat., CXIV, 196 D. Gf. Hom., Od., 5, 476; 12, 21.
— £07C(o ac. B. G., IV, 319, 30 Xav6âv£t xtc Gsép-ouaa xà Ivocv y£tpicr^
aiàÔ£c^. Cf. Eschl., Ch., 464; .4^., 270; Philslr., 500.
-Ô-rjYw £1? ac. Pat., 848 G £1^; £[jt[j.av£tc; £p(OTaç. Gf. Suid., siib. v.
-vq\)A, inir., gén. Ch7\, 244, 24x7);; à'/.pi6=iaq b<^f,v.s..
— iaxY]|j.i (subjicio) "^^cyi. Pa^. ,616 A y,axà xàç u!p£C7xÔJx7; auxwv Buvâjjiîtç.
(nasci ex) âx ^c^. Pat., 556 G è; r^ç y; àxoXaata u — xai.
a^^ moy., ac. Pat., 816 A £7ïI axaupou xr^v véxpwa'.v 'juoaxa;.
— y.£i[j.ai (^a^. C/ir., 108, 23 àXXai p.aÔYjcrs'c xauxaiç 'jTCix£r/xat ; 199, 9;
Pa^., 916 A, 928 B; Ps., 160 B.'
— -Âivéw-ÔL) * £-î ac. C/ir., 88, 5 ï\)k |jpa-/uc xiç ix' £a£Tvov 'j7U£xtv£t 6u[j.5ç.
-yXiK^dat. Ps.,94G'j — £ixw TCcS£y.£X£uovxLGf. Nonn.Dion.,43,47.
— -/.)a'va) dat. B. G., V.. 526, 2 xy] xoj xay.cîj ^eu^Xy] xbv xpayj^Xcv 0 — vxaç ;
Pa^, 588 A; ^cc, 409, 16. Gf. Hom'. Od., 5,^463; Anth.,
9,71; Orph., ^4r^.,851.
-[jivw (sustineo) ac. Pat., 1144 A u. xyjv Suva^xtv.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 35
uiro —
—'Ki[j.'Kkriit.i au ps., gén. Chr.^ 31, 28 Oapacu; br.oTÙ.ricdziq. Cf. Plut.,
M., 289 a.
gén. de la chose dont on est rempli, ac. de la partie
remplie CJu\^ 9, 11 ay.cTcu; uTwO-XoaOévTa ty)v y.E^aArjv ; 157,
10; 231, 18. Cf. Luc, de inar., 12, 2.
-xiTîKo "^Tzpoq ac. Chr.. 73, 11 -z Tzpôq xtva uTTO'Ke^rTwyiç le fait d'être
tombé sous la dépendance de quelqu'un.
— TUXYjŒJco ac. Chr.., 125, 26 Tuavxcov ÛTro-ir^ravTfov èzEivsv ; 126, 8.
Cf. Eschl., P/\, 960.
-péo) rfa^. C/ir., 6, 9 O-oppsou^aç aÙTo) xàç skrcioaq cpwv. Cf. Eur.,
/•/\ 499, 5.
dq ac. Pal., 1153 G et; xc ciwOb^ û-eppur^ TcâOoç. Cf. Plut.,
iV2C., 1.
-(jTzd(ù-bi "^ 6^a^. C/^r., 142, 31 'Ii(X[j.[lou 'wKoaTzoLGOdrqq aùxô. Mais, sans
doute corr. b-cTraaOEiŒ-^; (Bury).
-avqpi^iii (sustineo) ac. Pat., 605 B uTrsjxYjp'^av Xptjxoj xy;v
'Ey.y>r,7{av. Cf. Theophyl. Sim., //«s^., 109 d.
— crupéço) "^ 7:p6; ac. Chr.., 143,33 r.pbz xcv yipcc/.x G — atv; Pa^, 804 G
£701 ac. Chr., 68, 10 è-t xyjv eir}] vbrccrxpé'l^a;. Gf.Hdt.,4, 140
— axp(I)vv'j[j.i (Za^. Ch)\, 12, 9, 34 UKCJxpwjavTsç koLUzouq xw XlxXvjpw
Gf. Eur.,ire/., 59.
-xcxjaw rfa^ P5., 73 A u — [j.îvgv xc i à[j.'^c-épo',q. Gf. PoL, 3, 36, 7
Plut., Luc, etc.
— x(6Y][j.t XI ofa^ 5. 6!=., V, 323, 12 oiov [xaYi^iov uTuexéOr^v xcïç çQ^yy^^?
Pa^., 616 A ; An. Ass., XIII, 261.
-xpé^co (praetercurro) ac. Pat., 1076 B (2) G7:o5pa|X5î)(ja xcv vcyjxcv
(p(079cpcv. Gf. Héliod., 8, 16, 403.
— ^lovéw-w * £tç ac. Pa/., 848 A elq xb xoD ày.o6cvxcç eu; ({;tOup(Ç(ov
— /aXaw-w /7C?^. -B. 6^., IV, 417, 14 OLzpi\).x u-cyaAa x(ov cejfj.wv xr;;
svwaeo);; 5. (?., V, 221, 9. Gf. EL, N. A., 12, 46.
— /wpéw-w xivi xivcc C/ir., 200, 12 sy.aaxcç uTre/wpîi Oaxépco xy;;
oiaX£Ç£0)ç. Gf. Ar., lùm., 790.
* ^én. c?e ^a personne B. G., IV, 325, 17 uTrr/wpYjcrav
aÙTcu céder la place à quelqu'un.
gén. de la chose B. G., IV. 375, 23 xcu Opcvcu b — Yjaai;
376, 24 ; 410, 10. Gf. Plut., Apoph., 237d ; Greg. Naz., etc.;
vid. Thés.
ird ac. Chr.^ 237, 26 li:\ xy;v [J.OY^^'/ j—zÏ.
36 ' MEMOIRES.
11. VERBES COMPOSÉS AVEC DEUX PRÉPOSITlO^iS
I. ier élément : 'ANTI—
'ANTAN(A)—
-/.Xâoj-(o Tzpiq ac. Pat.^ 796 A à — xat yj ^^^zxio&. c^J^iç 'Kçioq tov '?(7aov ;
PS., 60 B. Cf. Jos., ^. /., 8, 1, 3.
•{(TTY][j-i * :rpcç ac. B. G., IV, 331, 1 r^fzq rr/; twv 7:aOGJv àviavéaiYj
cpcpav.
'ANTAnO—
-zpivo[j.xi ^ Tiva Pat., 568 B à. xbv vj[x^(cv. Thés, renvoie bien à
Psell. {loc cit., in Can^ Catit., 1, 15) mais pour le sens
seulement, sans citer le texte.
* 7:p:<; ac. Pat.., 685 A yj v6[xçir| à — [j.irq zpoq tcv vujj.^îcv.
'ANTIAIA-
■(jziWiù Ti c?a^. Pat., 1057 D à. i-V; uXyj xat auvOéio) ç6a£i.
Cf. Sexl., P., 1, 9.
'Kpôç ac. Pat.., 1009 B ri Ypaç-}] icpbç xyjv oiy.r^v àvii^iéaTaXiat ;
1073 G. Cf. Schol. Hephaest., p. 1.
'ANTEI2—
-v.[JA ^TTpo; ac. Chr.. 69, 5 izçibq aùxà (là hiy.zopOL) à— y)£1.
çépo) ^ Tigén. Ps., 142 A è'to; Bs xîvcç eux àvTciasvéYy-^û "^^ axOicç îr.ç
YXwxrrj;; ^cc, 398, 14.
'ANTEN— , 'ANTEM—
-6âAAoj T'. ^ci/. C/ir., 265, 15 Ac^otç à— £i Xc^cuç; Ace, 414, 7.
Cf. Th., ZT. P., 9,8, 7.
'ANTEK— , 'ANTEI—
-TaCo) T'. rf^^^ 5. (9., IV, 432, 30 à'/.^loïc oc—ixvki. Cf. D. H., VI,
754, 7.
T.poz ac. Ace, 385, 11 ïrj. r.pzq i/.v.vy. zzhz iwv aîpsGEtov
Ai^cu; à— Çr^-E. Gf, Plut., iV/., 65 b.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 37
'ÀNTEn(l)-
— aivéïo-fo ac. Pût., 568 C à — aaaa y; rj\).o'q ibv vjjj.^tov.
-pouXsùo), «c^. et moy.^ ^dat. Chr., 75, 17 fepoç Oa-épo) à— si ;
192, 17.
— o£iy.v'JiAt, au moy.^ dat. B. G.^ V, 190, 6 el \).ri cpopiixoç ujj-tv B6?a'.[X'.
Tw T£x,vix(i) à — |;-£vo;. Cf. Plut., Ant., <?3.
**-yAa{o) dat. Chr.., 228, 5 rT] [).'/)-:?{.
— xXjCw Ti ^. (t., V, 385, 15 y.av aj-rb; cXy] ce àvTS'Kiy.Xujto "kT^yt^.
Cf. Nicet. Eugen., 9, 34.
^^-TzXr^actsidat. B. G., V, 486, 11 à— vtwv àWr^Xoi:;.
ANTIKAT(A)- (-KAO-)
—rt\)M dat. B. G., IV, 345, 4 à—\j.=vzq tw csaxoTY]. Cf. Xen.,
Hîpparch., 8, 20.
— (air^ai ac^, Tt c/a^. P5., 81 A à — et xb [jixpov Ty;ç "rjiJipx; tw ty];
vuy.Tcc;.
moy ., dat. Chr.., 250, 31 toÎc èvavT'c-; à — aOat; 255, 21;
B. G., V, 113, 19.
xpcç «c. C/ir., 257, 4 à — xai irpcç xojxcv.
'ANTinAP(A)-
^*— /.ivé(o-w ^en. Chr.., 51, 17 xôiv ScSsYt'*-''^'' dcvxirape/.îvîi.
—t\\i.\{e{—iç>/o\j.cLK)dat. Ps.., 123 G oxav ::avx£; âvxticapéXCcojiv aùxw èr'
(xjTTiîa. Cf. Olympiod. (Cousin, /. des Sai\, 1835, p. 149).
-/(opéw-w cia^. B. G., IV, 310,25 à— vxe; oiXXt^Xok;. Cf. Basil. M.,
tJO/. 2, ^. 70 E.
'ANTIHEPI—
-àY(o ??2^t/. ^5., (/a^. i?. ^., V, 473, 5 à — [jm x(o p:uX£6{j,axi.
Cf. Ptol., Math, comp.,!, 213 e.
-l'jTYjj;/. ?9?e<:^. ;?5., ^^«^ ^n. Ass., XIll, 273, 13 à — (j.evsv xco
e£pij.(p; cf. Pat., 781 G. Glass.
*7rp:ç ac. A7i. Ass.., XIII, 273, 10 à— xa-, xb 6£p^».bv irpc;
xb ^l^uxpîv.
'ANTI2YN-, 'ANTI2Yr—
—v.pi'fo) XI * dat. Chr.., 93, 17 o); [j.yj I'/î'.v £X£pac à — Tvai xaùxa'.;;
/y. (7., IV, /i26, 2.
* Tzoiq ac. B. G.^ IV, 308, 24 Sus ce x'.v(.)v -fzz oClVc^.zm^
38 MÉMOIRES.
IL ier élément : 'AHO—
'AnAN(A)—
-(GTY3[xt, au moy., gén. B. G., IV, 488, 20 tcj BuÇaviiVj à— xar,
Pa^., 1165 A. Glass.
'AnOKAT(A)-, (-KAO-)
■'iQxr^\jx, act. et moy., z\q ac. Pat.^ 904 G £i; sauTov auOiç à — xai ;
1125 G. Gf. PoL, 8, 29, 6.
III. i^r élément : AIA—
AIAMOI—
-pàXXo) Tcepi ^en. C/zr., 83, 23 [).ri B — wv 'ûspi toj ttXsiovoç.
Gf. Théophyl. Simoc, ffist., 174, A.
AlAnO— (AIAO— )
■i'q\)A, au ps.., ^ gén. B. G.^ V, 54, 4 o'jq où xaTécT/ov xou uttvcu
AIEK—, AIEZ—
siy.i (et —ip'/o\).y.{) ac. Pat., 601 D S'.E?£p/c|jivr^ xàç tojv o)vWV
cpùjst;. Glass.
IV. ier élément : 'EK—
'EZAN(A)-
(crxr^lj.i ^en. Chr., 203, 15 toj ôpévou è?avaa-iç; 237, 13. Gf. Soph.,
0. C, 47; ^î^^,297.
-t(7)(^(o "^ Tipôç ac. Pat..) 861 G yp6i\j.oiTéq iivoç eBoç Tupbç ib toj !TO)[j.aTc;
è — wv Tïépaç.
'EEAnO—
-aTéXXto ■'^Tupôç ac. C/i?\, 255, 35 Ypa|j.[j.aTa Trapà toD pa^tXéwc; irpoç
âxEtvov è^aTTsaTéUcvTo ; 5. G., V, 264, 13; P«^, 580 R.
si; ac. Pat., 580 B ï^OL-eaTiX-q elq to Ç(OYp£'J£tv Ta; ^ir/âç.
Gf. Psalm.etD. S., 19,102.
"^ exî ac. CVzr., 250; 30 t:c (Suvajj.s'.c) ii:' aXXo xt s^aTroaTéXAeu
SYKTAXE DES VERBES COMPOSES. 39
V. i^r élément : 'EN-
'ENAHO-
-0Xi6a) * ci; ac. Ps., 153 A xbv ài^j/ov sic u^wp â. Tlî. renvoie à
Psell. {loc cit.), mais pour le sens seulement, sans. citer
le texte.
-7,£iliai dat. Pat., 585 B tgv è— [j.£vov yj[j,Tv oTrépov. Cf. Plut., jEmil.,
14; AT., 961 G; Phil., 1, 277.
—yXtuù dat. Pat.^ 793 A 6t£ •?] àvaO'jij.iacx'.ç ty) ytj èvaTucy.XsiTOYj.
Cf. A. Aphr., ProbL, 1, 53; Artem., 130.
-Aatj,6av(o rfa^ P5., 153 A èvaxoXYjcpÔévTe; TusXdYecriv. Cf. D. S., 1, 7.
-tjivw dat. B. G., V, 308, 22; 522, 31 BrripiOYjaav à-' àU/jXwv ci
àAAY)Actç £va7:c(j.£tvavT£ç ; Ps., 87 A; Pa^, 676, G. Gf. Glém.,
1,721.
'ENAIA-
-TrpéTTw "'^ £v dat. Pat., GXIV, 204 A k. h àp/caq xaï; r^ç /.iico
auY*/,X'riTO'j.
— Tp(6(i) tto^. P«^, 865 B oQzi Tcxoi; è — aiv aù/ij/r^potc. Gf. Pol., 3,
88, 1 ; 6, 18, 5.
'ErKAT(A)— (-KAO-)
-(idWiù dat. B, G., V, 359, 22 oxt aot a7:£p[j,a ç'.Xccccpcv è — êéôXvîTai
Tfi <}u/Yi. Gf. A. Rh., 123:3.
— -rjjj.ai dat. Pat., 776 A xfov TiExpwv afç èYxaOr^Tat ; 1165 A. Gf. Aret.,
acut. m. Caus., 2, 7, 19 (23); Tzetz., ffist., 4, 940.
-iBp'jw dat. Chr., 97, 35 toTç [^aaiXixoT; Op:voiç £Yxa6iBp'jO-/;.Gf. Eur.,
/. T., 978.
£v 6«a^. C/îr., 186, 5 èv i£por; Opôvciç l^x. Gf. Ath., 473 b.
— (Cw £t; <rfc. -5. Cr., V, 154, 24 èç xcv 5[/oiov èy^'^^^'^^s Opcvov.
— larr^iJLi rf«^ C/ir., 240, 19 £T£pov è'f/.aTacrTYicrai tcT; 7:pâY|j.aat ; 5. (7.,
IV, 323, 17; B. G., V, 486, 2. Gf. Eur., /. T., 982.
* * -xpivto rfa^ J5. ^., V,255, 18 d toT; y^'^'^^w'^^'Ck; £YxaTaxptvat{;.( ae.
— XéY(i) ^rr^ C/«r., 4, 26 ko ty;; £yaX-/3j{a; /.Xyjpo) ï — aiv ; ^. (7., V,
205, 12. Gf. Luc, Paras., 3.
— Xst'irw rfa^. ^. G., V, 242, 10 loTç «ptXoaoço'.ç u[j.Tv y; y^*»^'^^*
è— XéX£i7:Tai. Gf. Eup, (Com. fr., 2, 458).
40 MÉMOIRES.
-\)Â-^y\j\)A clat. B. G., IV, 427, 3 là i\)À xoXq èxdvou è — Çw ; B. ^., V, 13,
. 27;460,22;Pa^.,1141G.Gf. D. H., 6, 2; Luc, P7^07n., 7.
— a7U£ip(ù dat. Pat., 777 G h(v,aixéaizeipvi h Sioq tcTç Cwoiç ouva{j.etç
TrpoYvwair/aç ; 1141 B. Gf. Plut., Thes., 3; C^C., 14.
~Taaa(ù * £t; ac. CJir.^ 5, 6 xà; 8uva[j.£tç si? Xo/cu; £7/..
-TiÔYjixt ^a^. Chr., 20^, 3 £Y7,aTaT£Ô-rio-£Tai TaTç u[j,£':£pa'.ç ^u/aTç. Poet.
Gf. Hora.. //., 14, 219; Hes., 0., 27; Thcr., 17, 14.
'EMnEPI—
—'K.ccié(ù-b) dat. Pat.., 632 G èvcr/.ow xai £;j.':u£pi7ra-:àjv àv xaTi; diu/atc.
Gf. Luc, 7nc?., 6.
'ENYn(O)-
-apy/o c^a^ P<2^ , 553 A (à7uiiJ.£X£ia) è— cuaa ty] ppij/r^y.i ; 697 B, 872 G.
Gf. Arstt., Anal, post., 1, 4, 7.
VL i«r élément : 'Eni—
'EnAN(A)—
-ayco Trpcç «C. B. 6?., IV, 322, 7 £7uavaY£t zpoi; ty)v TraipiSa tov Tuapa-
vi|;.(o; TajTY^ç teAaOévxa ; B. G., V, 101, 21 ; 509, 4; 531, 10;
PS., 140 B, 141 A et B ; Pat., 557 G.
àiut ac. B. (t., V, 317, 31 £TC(xvay£ aîauTcv =7:1 xb £'jbu[xdx£pov.
*£/. ^en. Pa^, 557 C î3 xptij.£p£,; xr,; ^'•J/'^Ç ^^ '^o"' xapà
cpuatv TCpbç xb y.axà eucrtv èTîavaYaytov.
-et|j.i (et — cpxo{j.at) dq ac. Pat., 780 A xb £l(; aùxYjv èxaviov.
-Ç£UYvuij,t * dat. Chr., 6, 3 xû paa'.).£t è — at.
■^ -Kpôq ac. P5., 89 B TTpbç xb crxY]{j.a è.
-xaXéw-to £i; ac. r/^r., 120, 2 èç xojouxcv àYaY5vx£ç xbv Xc^cv, âirava-
y.aX£(70)[ji,£v auôtç £tç xy)v S£6aiTX'rjv. Gf. Aret., p. 11.
xajj.Tîxw £i(; ac. P5., 88 A elq xb otxEÏov c7*/;tj.£Tcv à — cyaa. Gf. Glem.,
Str., 8, 777; Nie Greg., Hist., 1, 15 b.
*7îp6ç ac. B. (7., V, 116, 2 è. xpoç èrj.aoxcv.
-Xuo) ^ dq ac. Ps., 84 G dq xb [j.yj £Tvai Tj^iq è — xai.
Tupcç ac. Pat., 560 B èTr.iYOjJiévr^v Tcpbç XpKJio'f xaXox; àzava-
Xuaau Gf. Greg. Nyss., I, 118 b; Alhan., 2, 272 d.
■TCauG), act. et moy., dat. Ch7\, 149, 15 xr^ xXivy] ; B. G,, IV, 336,
23: B. (5^., V, 255, 2; ^n. /l5s., IX, 214^ 12. Gf. Nyss., 1,
510 d, 633 a.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 41
£-{ dat. Clir., 2U, î28 à::av£7:aj£T0 £-' cùosvt twv àXXwv.
Cf. El., iV. v4.,5, 56.
:£{j.::ii) "^ dat. Pat., 652 D xà; yX-^y'r^zv.^ tw fiasiXsT i — yiva;.
r.^zz ac. D. G., V, 'Z2'è, 16 l'ooi;jiv js Tpo-a-.o^ipov è-avasTpÉ-
^ovia Trpcç r^\j.y.q. Cf. Hdn., 3, 8, 10.
£-{ ac. Ace, GO, 26 à-l xà raôka o Xr;:; è7:av£7Tp7/vO(o.
Cr. Basil. M., 2, 79. /i5 cl.
" r/C/^ 7^. (}., V. 21, 4 c-iT£ ;j.£ àvr/.p-.v::; tcO c'.ca7y.aA£':cu
è — 'iTM-y..
*i-àgén. B. G., V, 398, 8.
^ à-i ^e/2., £?; rtc. ;B. (7., Y, 398, 8 à-o T(ov Xqjivwv d;
OaXajjav auOiç £-2va7Tp£'v(i)v.
:£{v(0 dat. Acc, 39, 14 àiJ.^GTépoi; Ta: y£rpa: £-av£T£i'vaTC. Cf. D. S. ,
- /s'.rr.,628, 70; Luc.', Ca/., 13. ' '
'EHANA— {addenda.)
i\\}x (et ~£p/s[j,aO '^ dat. Clir., 224, 10 £7:av£i7'. r?^ tSkv..
ci; «r. C//r.. 20. 3 tU rrjv ajTcv.pâTspa 7::p'.(.)7:r,v ; 121, S:
184, 32; B. G.. IV, 434, 27; /y. V; , V, 172, 4; 342, 19:
370,4; P«/.,617B, 780 A.
xpicrtC. C/^r., 257, 25 -pb: t:v 7Tp7.Tv;:v £7:x7£p-/-TZ'.; /?. ^'..
IV, 379,5; 406, 27; B. G., V, 229', 15; Pat., CXIV. 19;M..
£7:t ac. Chr... 126, 29 è-l tcv zl/.tïo'f à-aviévai yapay.a; 127.
21 ; 128, 23; 135, 18 ; 162, 34 ; 184, 32 ; B. G., IV, 398, 27 ;
B. G., V, 534, 3; Ace, 42, 31.
^ gén. Chr., KO, 15 i-v.lr^ tc^z ir.zzzpioi; i-7.'n\r,lù'')ii.
* iT.6 gén. B.G., IV, 379, 5: /V// . (.17 B £::7.v£p7£70a'. ::.-;:
TOJV TaTUÎtVÔJV.
£7. ^c>z. 7?. G., IV, 434, 27 ; Pat., 668 B •?; iy, icO tÎov ::aO:.,v
'7roXé[-».:u £7:av£p/C[jivr^ 7:Xr,%q.
kv. gén., £i; ac. B. G,, IV, 434, 27 va [j.i-.tjz'.olz dz Tr,v
cpujtv £7:av£A-/jXuO£v.
àizz gén., izpiq ac. B. G., W, 379, 5 àizh tÔW T.z'y.[j.C<yj r.-.zz
T'}jv Trr^Y'^T^ èiravcX'^XuOMç.
V.(.) £l: «c. Chr., 74. 33 £Î; Ta: ::psT£pa; cr/Tptcâç. Cl". l\ius:ii\,
3, 9,2; Alex., 301 d.
10e SÉRIE. — TOME X. 6
42 MÉMOIRES.
"^ ï-l ac. B. G., V, 338, 8 è7:avr];£ic; è-l r);v dvrf/,ojc:av.
-{aT-riixi (lai. Clir.^ 132, l^TrcAAà [jiAAsi è — crTr^cs^Oa'. tw [iasiAsT osiva.
'EnAn(o) (-A0— )
âza^v/.s. Cf. Plat., k.", 241 1)'; Pans., 1, 12, 3.
"^ TTpo; ac. Chr., 80, 20 7:cbç Tra'.o'àç sauTcv ÈTraçYÎy.s.
'EHEN- (EREr— )
-Y£Àa(.)-.~) c^^/f. ^rc, 402, 19 iTrsv.'sAà r^cif.); to) y.aTcpOtôjj.aTi.
Cf. Sopli., /!/., 989; Xen., /In., 2, 4, 27."
-7-aA3(o-(7) 6^^?^. /?. G., V, 4C5, 18 â — cTv ov, tcT; cîac.-. Class.
(Cf. Lys., 112, 17.)
T'wVi "^T'.v:; P<1'^, 1165 A TTÏ; è-'.JTOAr^; cr/. lr.v(7.yXicy.i[v. zzk
{sic le g. pro i-avy..).
'EHEII—
-âvo) ^/«/. /i. C. IL, I, 196, 6 t:v vs^v è— £i tsi; -paY|xar.v. Cf. Hld.,
1, 9; D. S., 16, 68.
-y,p''vo), act.^ "^ dat. Clir.., 119, 25 â — 1\ -yXz 'jAa'.; Ta; tîov y.ps'.TTcvwv
zapou^iac.
— y,'jy.A£w-u) ^n. Ass.., IX, 210, 14 Travia xbv "0[r^pov 8-£'.(7y.'jy.AY;G(o
T(o Aivef.v. Cf. Basil., Ep. ad Diod. ; Lgn., Sub., 22, 4.
et ^^-y.uy-AGw-u) dat. B. G., V, 330, 1 Xcvou; èTUciarjy.Xcuv TaT;
âTTLCTTSAaT;.
-:T-/ÎGio)-ô)f?a/. C^r.,9,28 7:£7£vT'. tw rjpâvvo) è— v";. Cf. Philstr., 18.
-:::7:t(o dai. B. G., IV, 317, 6 £-£i tcOtg-.c ; P5., 63 A; Pat.,
849 A. Cf. Eur., Rhés., 448; Xen., Cyr., 7, 5, 27.
^£1- ac. C1u\, 124, 32 £t; Ta Ry.z'Xv.7..
—r.vio) "^ dat. B. G.^ V, 346, 10 k-'.-y.zz') zzXz dv£[x:i; ;j.*)] £7:£ic7-v£j7a'.
Tfj TC'JTOO £K'.7y.c7:y;.
--cpp£o)-;o ^zepiac. Pci!^.,833GTajTa 7:£pi r.z\'.-dy.v i — {7£t Tr,v *?;[;-£X£pav.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 43
'EHEN-, 'EHEM—
-êiUw dat. B. G., V, 128, 18 -zi-xi è. toT; 7^^.901;. Cf. Eur.,
/. T., 935.
"^■^ -o:'.â;:(o È::'' dat. Clir.^ 75, 14 è. krÀ tt, t:j fia^'.AsucvT:; 7V(.');rr,.
— c6(o T'.vi c?c. (ti) Pat.^ 1137 G c6o '/iTwvac è — cjji t-};v 'Vj/r,v :•
XaAcatct. Cf. rnf /)s. dans Plut., PcL, 11.
EHEK— , 'EHEI—
'.[v. (et -ép/oyai) ^;^f^. Arc, 56, 5 tcI; 7:pc-/;0Ar//.:7iv ï-ic=izi;
B. G., iV, 323, 2\ ; /y. ^;., V, 1 Jfi, 14.
'Eni2YN— 'EnilYM—
-a—o) daL Chr., 35, 14 7:A-/iOr, i— ojv ttX/iOsgi ; 218, 14. Cf. Pol., 3,
2, 8;D. S., 14, 94.
■Syhtù dut. D. G., V, 280, 18 d hziz^j'^^iîr^Az-z^ [j.zi r.i^ni ■ 489, 7;
Pf^^., 548 C, 681 G. Cf. SexI., 7;///.. 130.
■Tpé/o) * ^^(^/. /i. ^., V, 184, 2 £7:i::uvGpatjivT0)v xw •::pâYi^-^*^-
VIL i^»- élément : KATA-
KATAAI(A)—
atp£(.)-o) dç ac. Pat., 1080 G 7. — siTa'. xb è-txpiTcv h v.aTsv./.w vévîf ci-
•r;[j.iTcvtcv y.ai tcvcv sesquilertiiiin iiitorvnlliiin in génère
diîitonico in seniitoninin et loiiuni disix'ililur. Gf. 1). H.,
4, 19; Spt., PS., 54, 9.
KATEK-, KATEZ—
^•j7',aÇo) (jé/i. Pat.., 934 A t(ov -.v/Jivnuvj à; a^TCJ cj 7. — £'.. Cf. N. T
i/a////., 20, 25.
44 MÉMOIRFJS.
KATEnd)-
dob) gén. CJir., 203, 1 (-i) y.axsKÏocv r/^j.xv. Cf. A non. (Suid.).
' Cf. Greg., 231 ; Greg. Naz.,'l, 889.
a(po), ait moy., gén. B. G.^ V, 19, 2 Xé^M TrJTa où-/ wç è/s.'vy;; vr^;
To)v T£7,cvT(ov 7.aT£7:aip:ix£V7iç (Lu/y;; ; 332, 13; 448, 6 : 519, 16.
Cf. Svmm., P5.,60, 4. " '
KAOYnEP—
£pi(i)-;o ■^('^ri'/. 7?. G.^ V, 325, 27 £710 zz\ 7. — to ir^ v/^ÔTTr^. Constr.
unique.
KAGYnO— (-YO— )
■ir^[}A gén. B. G., V, ^i5, 8 7.aOu_;-f^7.: tg^ 'i;âAA£',v. Cf. Cléni.. 287.
ac. Pat., CXIV, 180 A v. -oj iJ.v:i/.—pz-:jz y.aOu^siç.
VIII. P'^- élénieni : META—
METAMOI-
60, 3. Cf. Plut., 7V/c.,3.
IX. ier élément : IIAPA-
HAPANA—
:a)>o) r/<'?^. CIi)\. 198, 8 Y][j,tv 6;j/.7.cu7iv r,i)Apy. T.—é'ziXfj; Par.^
147, 24. Cf. Porphyr., Etisch. Pr. év., 92 b; Ptol., Carp.,
228, 8. etc.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 45
nAPEI2-
GJii) £t; ac. Ace. 64, 5 £?; -à (îajiXcia. Cf. Hpc, 1160 G; Hdn.,
2 12 1
^Osfpsixai dut. Chr., 151, 53 tcî; èv léXst x.; 5. (9., V, 520, 19.
Cf. Jos., B. /., 4, 2, 1, et Greg. Naz.
"^£t; ac. Cftr.^ 155, 15 si; vç^ ^uvar/.wvtT'.v.
nAPEK— , HAPEZ—
-cXauvo) ^en. B. (?., IV, 391, 24 r.oipizqXoiGt zcrjq ïnzouq rf^q sjOuTépa-
cooj. Cf. Greg. Naz., 69, 26, qui joint ce verbe à Tuapaipé-KW.
■z'.[j.'. (et -ép/oixai) «c. P/2., VIII, 167, 20 zy-pz^iouii r^txTv rr^v auX'.cv.
Cf. D.^C, 74, 5.
zùcù mt7\, Tïpcç ac. P6\, 165 B xcv ck içphq ibv xatj.zxrjpa Traprf/.Ai-
vovToc T£ 7,at 7:ap£-/-Vc6ovTa. Cf. Gonst. Porpli. ,Z>c i/iiag. Edess.y
100. Tlies. cite aussi Pseil. (/oc c^7.).
HAPEN— ("EP— -EM— )
-/.Aivo) £tç ac. Chr.^ 200, 3 'rjiJ-îç T.%pi^;vXXvy.i elq xà £'j(ov'j;;,a.
Cf. Arstt., H. ^.,2, 1.
'Kpéç ac. Ps., 165 B. Cf. 'KOLpzv.'nùiù.
•c/Xéw-ô) dat. Pat.., 864 B xb x-î^ ^-"/-^ T.xpvizyXr^iT) oxijj.ôv.cv.
Cf. Arstt., /^/icY., 2, 4, 21. ' ^
-TTiTCXco "^ dat. Pat., 765 D àvaOu;j.{aaiç t: — ou-a xf^ OaXajsYj.
'KAéxo), ai(,ps.., dat. Pat.., 905 A b.a^x-/] oisfXéy.xo) xb cty.cTov ûapsjj,-
7C£7uA£7,xx'. pp6/r,[;,x. Cf. {act ^) Eustli., 2, /m/^; iSuid., s. v.
SixXaata^a'..
-xp(6w dat. C/ir.^ 206, 26 ou; i7[j,£v xr^ juY/.ArjxixYi irap£vx£xp'.[x;.£vou;.
•Cf. Epiplian., 1, 1:51 (-.
x'JY/âvo) ^ dat. Chr.., 48, 12 aixco t:. cL>(JL7:caiâCovxi.
"^ r.OLpy. (jén. B. G., V, 483, 9 7uap£V£xi>*/:v 7:apà x:j xpxxx'.sj
f^xGJv aCixo/.pâxcpc;.
46 MÉMOIRES.
nAPAKAT(A) (-KAO— )
-é'<;o\jm dat. Pat., 836 G toÏ; ûo(ù\oic^ Trpscr-TavTsç t:— VTai. Cf. Plut.,
Artax., 26.
"^zepiac. Pat., 836 C y.'jv'c'.a r.ip'. to'j; totts-j; twv [j,a7,éXX(i)v
t: — naL
-•Q'ioLi dat. B. G.^ V, 19, 5 vscrcusi Trape^âOr^To ; ^^. Ass., IX,
211, 27.
-(^0) dat. C/ir., 210, 12 ::— (aa; -^jij.Tv. Cf. D, S., ^c^., 503, 86; Plut.,
Mar.,17; M., 58 d.
X. ier clément : HEPI—
nEPIKAT(A)- (-KAO-)
-Y)|;.a' ac. (xiva) Ch7\, 228, 2 TrspirAaOvjTc tojtov xb ^^vo;. Cf. Hdt.,
3, 14.
XL ier élément : UVO—
nPOAN(A)—
— aipéw-ôj {/en. Pat.., 1128 A. [j-y] TrpoaviX-/]; crauibv toj Gavaiou.
Cf. Heliodor., 6, 9. ' .
-apTïaÇw, <ra^ ?noy., gé)i. CIu\, 120, 14 :: — lai xwv àXTwîcwv.
Cf. Plut., Pomp., 76.
npoAno—
-OvfjT/.o) gén. Pat., 912 A. eu TrpoaxoOavsTv av rjVÉyy.aTo t'.ç. Cf. Ant.,
125, 25.
nPOKAT(A)— (-KAO— )
-ri\j.y.i gén. Chr.., 94, 2 -Kpo'jy.aO'/jvTo a;j/fto -zo") [jaTiXr/.oO (j-r][j.aTSc; ;
5. 6^ , IV, 390, 13; B. G., V, 142, 5; 191, 16; 482, 13.
npoYn(o)—
— avxéw-w dat. Chr.., 75, 8 86Çav sD/^îç/Wv; wc Trpo'jKavxr^joi aÙTO) ; Z?. G^.,
V, 536, ll.Gf. Jos.,'^. /.„'8, 1,"2;7?. J., 2, 5,2*
-X£'.[j/ai {/C)l. P<:^/., 760 I^ çajt xo:;xo Trpcj-cy.EtjOa' xgu y.:c7;xsu.
Cf. LgQ., >Sw&., 8, 1 ; Éustath., 43, 33.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 47
Xll. i^'- Clément : IlPOi:—
nP02AN(A)—
-a-TCO dat. B. G., Y, 120, 14 cl tc ^ivzq tw ^Ih.yax t:— vt£;.
Cf. Schol. Ar., Av., 568.
-^afvw ^to^ B, G., IV, 405, 8 7:-6ov7.i Oiw. Cf. Plut., Thés , 1.
-iyxù dat. Clir.^ 107, 13 toT; cr-cuGatOTépotç 7:poc>av;r/ov [J.a0'/;{j.7.c7'. ;
i?. 6=., V, 385, 17; .Icc, 392, 17; Pat., 913 B; /l/i. Ass,,
IX, 214, 23 Oco). Cf. Pol., 4, 60, 8.
-7,i'.\}M dat. Ch)\, 58, 28 91X0769:^. Cf. Plut., M., 314 a.
-960J ^ <:^a^. ^. G.^ IV, 421, 7 xpoa/,stixaî azi 'a%\ -rjoéo); xpocjavxTréçj/.a.
-çwvéw-Ô) ^ tic, ac. B. G., V, 563, 11 6 A:yc; à; r})V àviAr/V.v Iq'.-aî
t: — 0-?ivat Toj Xp'C7"oD. [Thés, ne porte qu'un Tpssava^ojvÉw
« vitiose pro -^psava — j).]
nPOlAlA—
— Aé^o), «1/. inoy.^ dat. Pat., 685 B tw v'jjj/fuo xal TajTa t: — Ta». ;
An. ^6-6".,IX, 211,27.
— Tpiêw 6?a^. Chr., 236, 14 xw orrffYj[j.aT'.. Cf. Arstd., 1, 135.
nP02Eni— (-E<t>— )
*^-ap[jiÇw c/a^ yln. ^SS., IX, 213, 32 tTjV Trpoo'.or/.r.atv -m Ar^o)
7v — (7W[Asv. Cf. Orig., 3, 416 (Trpcjs^apixoaxéov).
nPOlKATA— (-KAO— )
- r^;j.7.'. -:/^</. Clir., 93, 11 eI' ti; [i/.srjpb; y^J'zl^ —o-.v/JSVrr.o. Cf. lldt.,
6, 94;Th., C7/«r., 29.
XII. 7«'' élément : ZX^^ (et SïN— )
2YNANiA)—
■aipéw-ô) * £/. (jéih. Pat.., 1060 C auvavîtXsv h/, tou 'j7::x£'.{A£v:'j t:ç
48 MÉMOIRES.
— 6a'v(i), tr.^ (ti) dot. Pat., 617 D i-z\ auvavé6'/]ç \).zi [^ouvbv ajicv tcv
Tcu Ai6âvcu. Cf. Luc, Charid., 19.
m/r., c^cï^ P«/., 673 B (juvavaêrjvai xaÛTY]. Class.
—£'.[;/. (et — £pyc[j.ai) £7:( ac. Chr.^ 253, 23 è-l tgv .SaaiXsuovTa cuvaviaai.
Cf. 136 Xeiiophont. Schol. Plat. Aie, I, 389.
-•xtovi(.)-T) c^f'i!/. C/l)\, 101), 26 7.7.1 T(T)v rjO(T)v g' èv.cfvc.ç G-uvav£/.{pvaTO
o-caciç '0 à-AcTTi; cruvÉrps-s. Cf. Eiist., Gemin. FA. .4s/r.,8 a.
— -^a-jw, ait moy.., dut. Clir.. 118, 31 lu)z av tyj ili6a7TY^ 7uvy.vy.i:oL\)TiZOLf. ;
P5., 94 A. Cf. D. H., RheL, d] 4; Plut., M., 125 a.
— 7:X£y,t.) c^«^. Ch7\., 106, 35 tsOio xauiaiç {-dXq TraioiaTç) tgjto) (t^rtif.
comniodi) a — wv. Cf. Lucian., Gall.., c. 13; Eusth., 0/).,
316, 58.
-GTpioiù dat. B. G., V, 209, 3 cpXuap:'.; àvopy.-'. a— aOat. Cf. Diod.,
' 3, 58.
-léAXo) (?a^. PS., 79 B Tfo lap'.; 84B. Cf. El., V. II., 13, 1 ; Nonn.,
1, 175; 3,431.
-cpupo), at* ?noy.., dat. Ace, 410, 3 tgT; toioutoi; g — jOa». G5Y[j.a(7t.
Cf. Luc.Ep. sat., 28.
2YNANTI—
—la.[).6TKù, au ?noy.. dat. Chr.., 38, 24 tojto) y.at àX).o ti auvavxc-
Xa6£TQ; 132, 15. Cf. Spt., Ex., 18, 22."
2YNAn(0)- ( Act)— )
-ayto £iç ac. Z^rt/., 833 C de, xauTa cjuvarx/O'riacvTai. Thés, cite
Psell., /oc. C2Ï. (P6\, de op. dacni., p. 26).
— aipo) c^a/. (itvi) CA>\, 249, 8 àvaY'/.'OV xcu cj— £iv tojto) ââYjVcY/.cV.
Class. (Cf. Xén., Ci/r., 8, 3, 23).
£l; ac. C/ir., 69, 11 £i; xà fiaaiXc'.a g— cri. Cf. Diodor., 5,
49; Luc, Toxar., 18.
— y£Vvâto-w, au ps., dat. An. Ass.^ IX, 221, 7 cjpavbç ypcv(.) cruva-
7:£Y£vvf,ô-^. Cf. Basil. M., I, 8 a; III, 478 b.
—z{\jj. (et — £pyo[j-aO c/aif. 5. 6^., V, 88, 8 ïva iay] tw àizzoeà-rurqv.'^.i.
cruva^riXOciixcv ; 260, 25. Cf. Jo. Actuar., de 7ninis, 6, 24.
-ôvfjT/.o) 6Za^ i?. 6=., V, 137, 29 vt^ -kt/X^. Cf. Hdt., 3, 16; 5, 47, etc.
—'.'ZXT^\L\ dat. Pat.^ 828 C izXq y.'j-u) suva7:cc7T5cctv r^-z''.\).y.:;':o■x.
— y.AÎvw dat. D. G.., V, 34, 1 I -aaav I-x^scj'.v cL»;;.[;,£TaYXi'O^J':a Osw "/.7.1
GUvaTuoxXivaaa. Cf. Lib., 4, 1088. (Cf. cu[j.[j.£TaYto.)
• SYNTAXK DES Vl'HRI'.S C.oMl'oSKS. 49
-AT-o) ddt. PS., 82 B TpiT::;;iv(;) —zz vé-v^ 7— ei ; An. Ass., IX,
218, 1. Cf. Philostr., Iwng., 8U ; Tliémist., Or., 3, 47 n.
-c'i-Jixt rfr^^ Z?. 6=., V, 29, 9 à-:Ào)A6T'. ;— la-.. Glass. (Cf. Plat.,
' Crlt., 121 a).
^ ^ -cAc^upsixr. (/t^^. i>\ G., V, 531, 8 a— VTa-. irjTr.; a? Oiopoi.
-s:.'.) r?//^ Arr.. r)2, IOtÔ) TTy.psArrAuOiTi y.aipw auva-éppEUTE. Cf. Aster.,
Huntil.. [). li(K iuillen (p. 85 K Coinbef.); Mich. Nicetas,
dans Tafel, de TJiessal ., 375 b.
2YNAI(A)-
~a'.pÉf.)-(T) Tt T'.v. C/ir., 92, 32 ibv ty); [^asO.£''a; y,XY;p:v laur?^ te y.ày.E'VY]
G — ii. Cf. Zonar., Amial., I, 31 b.
2YNEI2—
— i^o) dat. Pat., 716 (.^^ tr^v ùuyr^v Tto c7(0[j.xti a-c. Cf. Plut., M.,
91b.
-6£/J.o) ^ -pic ac. B. G., IV, 361, 27 zpoq xb ajxb y.ai b[j.zu c— vi3ç.
-Ei;j-t (et - épyz[iv.) ^ c6v <:^<:(^. 5. (7., V, 574, 8 guve'.7'?îaOe g'jv tgTç
— y.o[x((^w "^<:^a^. Pat., 1016 B rr^v auvTÉAE'.av to) or,[j.c7i(;) a — vteç.
— KiTTTo) ^^a/. (7/ir., 7, 6 y.aià vwtcj toutoi; g.; /^. G., IV, 363, 30.
Cf. Hdt., 3, 78 et class. (The, etc.)
-'^épM dat. Cliv., 102, 9 ^xGav EÙ'^r^ijiav touto) g. ; 232, 22; 235, 1 ;
Pat., 901 C, 1016 B. Cf. Epiphan., I,'965 a, 996 b.
■^ £v dat. C/u\, 107, 20 ttaé^v -i G'jvE'.GEVE'.'y.ETv Èv t:T: ;;.ÉpE7'..
2YNEK— (-EZ— )
:yZ(>) dat. Acc, 66, 30 Ta) izzXtM ^A'J-^'} zxiili-.i'Çi-.z.
iib)-u) -'. Tiv. /^. ^., V, 63, 13 gjveç'.tsjv tq oiv.yiVi -zzlç x\^( r,[j.XT'. .
Cf. D. H., 10, 16; D. S., 2, 10.
z'/iz\).v-y'j\).v. (salhire a<]) ^ -iz'\ (te. Put., 1)05 (< (av) g — -a'.T:
\'iiu)dat. Chr.,22>>,^'\ tjv;/.~v£'jg7.vt£; èxelvco. Cf. Vaw., l. T., (IS'i
Luc, pro ^a^Asif m/cr salut., 3.
50 MEMOIRES.
2YNEn(l)—
* ^ -aYâXXoixat tiv. gén. B. G.^ V, 82, 6; 521, 17 tyj èvr.aoùa-fj ty;ç
- y.oupéw-w Ci^a^. Chr.^ 232, 16 cTUVîTrî/.GÙpiuv ç£p:[jivoi(; tcTç 7:pdYiJ.aat
xaT' cpOdv. Cf. Xen., Cyr., 1, 6, 24; Sext., M., 5, 32.
— Xa[jiavtù t'.vi ^c>z. ^. 6^., IV, 398 19 zl cuio; èy.sivo) .uvs-KsXacETC
rr,; vis/viaEcoç ; 410, 2. Cf. M. Tyr., 14, 7.
— vsud) c?<^^. C/zr., 87, 7 yj lyaptioç çu[j-7:aca a'jvîTTiViVEuxsi ir^ ©soBiopa.
Cf. Plut., M., 146 a, 242 b.
-(T-aw-w, au moy., ii clat. comm. Chr., 142, 22 Béooixa [j/rj Tr;; Oe'av
'^ |j.£iâ ^(3/2. Pat.^ loi B Tb a — aOai (j.sO' lauTCj ojjiav va tgj
vécpcu;.
2YnKAT(A)— (-KA0-) '
— 5aiv(i) c?a^. Pat.^ 665 A; 673 B àTraiTYjaâcr^; ty)v B'.Bd7y.aXov auYx.aTa-
êy^vai aÙTaiç. Cf. Eur., A7idr.^ 505.
Tupiç ac. Pat., 668 A. Cf. Arstt., PoL, 1, 16; Grégor., 295.
"^ex ^e/^.. <:/a^. c/e destin^ Pat.^ 665 A cruY/.aTéSr^v ex tou
■^ ây, ^e/z., TTpo; ac. Pat., 668 A auvxaTâêxivî aTub xou u'i>cu;
Tf^ç [j.ucrTty,r^(; 6£03p{aç 7:pcç rr^v t^vat^') BiJaay.aAtxv y;[xôjv.
— ci[Ai (et -£p/cy.a',) d<:^f. /?. G., IV, 449, 23 tcv vsOv cToe p/rj Œuy-
y.aitivTa To) (jb)\j.y.-i. Cf. Luc, c^e mort., 7, 27.
-c'jBg), c^a^. C/ir., 38, 6 7— wv t-jî Paai)a'$t; 154, 14; B. G., 319, 13.
Cf. Esch., Ch., 906.
-£uvdÇ(i) 6?a^ C/i?\, 229, 19 bv ty^ Giiio'. 7— ^'v. [ïhes. ne porte que
la f. moyenne."] Cf. Zonar., Annal., I, 183 D.
-r,ijm dat. Chr., 36, 12 ty^ gacriXtai. Cf. Str., 16, 775.
1. Dans cette phrase, yswpYEî'v, employé absolument, doit s'entendre,
d'après le contexte (668 B), -^ZM^^-^tX^ xà; àpetaç : je suis descendu des
hauteurs de la contemplation mystique (pour) vers les âmes qui cul-
tivent les vertus cardinales comme des noix. Le traducteur latin
explique — supposition vraisemblable — comme si un 7:p6? était
tombé devant xdtpua : descend! ad animas virtutis excultrices tanquam
ad nuces.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSES. 51
-i^(i) dat. Chr,, 128, 19 aî ^jxg'X'Zzz exaTépwOsv aùtâ (Tuvy.aOïga^a'.
{sic corr. Kurtz pro o-'jvy.aOïaTaja'.) Oswpd tcu 0p'.a;;,6c'j
£Y'>rvovTo. Cf. Spt., (9m., 15, 11 ; Poil., 8, 94.
—lt(o) Tivà (ti) "^ [j-stâ ^m. /?. (9., V, 316, 28 r};v GiTEp toÎ> y.aXou
'r:po6'j[j/'av [j^sià to)V [xapxupwv G'jY7.aTa).é7(0.
— AVi'Q "^sL: flC. /?. 6^., Y, 454, 18 il; tc ■/pw[J.a c — ^aja.
-lacrcrw c?rt^. /i. 6^., V, 362, 4 àrcsTcXcç cr— [j.svc;. Cf. Jos.
Hj^pomn., 70.
2YMMET(A)—
— ayo) dat. B. 6r., V, 34, 10 Tuacrav Içeuiv c-u[X[j.£TaYaYoîjaa Ocw y.ai o"jva-
T.oyXivy.7x. (Cf. auva7:oy.A(v(o.)Gf. Eustath. ^/?/.s^ <^n^e Convn.
Dlomjs., 75, 32.
-6aXXo) <^a^. Pa/^., 704 C a— :t toi; vocu;;ivo^; 917 B. Cf. Anth.,
15, 46; Plut., Luc, 39.
—£•/(.) zv)[ 'VK:; Chr.^ 183, 20 kêzùleiz [j/rjoéva ci àXXwv cr — c'.v tôW
c'.oiy.'ria£(ov ; 196, 28; B. G., IV, 378, 28; B. G., V, 37, 15;
396, 22; 522, 29; Pat., 625 B, 832 C. Cf. Eur., Bacch.,
63; Plut., Pyrr.. 4.
-\y.[j.0TH<) gé7l. B. G.. V, 61, 12 twv ajTwv Xé^wv jujj-ij.EXE'.Ar.oajiv.
Cf. M. Ant.,9, 41.
2YMnAP(A)—
-ïKïV^l'''*^ ^^t' Chr.^ 207, 6 ys'.vf^ èxE'vo) c; — iJ,£vct.
— s'.p/. (et — £pxo[xa'.) "^ <'^a^ C/ir., 116, 34 £0£ac7avTO a'jtj.Traptcjcrav tjcT;
— ''7UTa[j.at dat. B. (9., V, 20, 14 xw xaxpi c6a-7:£p àîX'.Sr,; a — (j.ai.
Cf. Luc, d. deor., 20, 6.
-(axr^tj/. dat. Chr.j, 91, 13 x'.; aùxot; a-j'j.Tuapaaxâç. Cf. Pd., 0., 6, 72.
—ç^i(ô dat. An. Ass., IX, 221, 10 xà àXAa xo) xpcvo) j — cvxa.
Cf. Nicet. Dav., />^ G/'cg. Naz., 62, lo'; 61, U\ Greg.
Nyss., I, 629 A.
lYMnEPI—
-co£6o) dat. B, (9., V, 130, 18 x(o Aajj.Trpô) xojxo) ^(ojxf^pi c — ouax
x-^XauYY)ç iaxi. Cf. ArstL, Mimd., 4, 3, 5.
-cpÉpw rfa^ Pa^, 745 D x(|) cjpavo) a--[AEvct. Class. et Pol., 2, 17, 2;
Plut., M., 124 b, etc.
52 MÉMOIRES.
2YMnP0—
-£i[jA (et -i^yo\jm) dal. B. G., IV, 444, 12 crjtx-poïéva'. to) cpOuo;
Pat., CXIV, 192G;P6-.,84B. Cf. Greg. Nyss., 8,' 395 b;
Synes., Ep. ad Heliodor.
* [xi-zâ gén. B. G., V, 306, 11 -oT; (xsià toùtcu c7D[j.7:poï:jaiv
cùSev aTuavr/jast oeiviv.
XIII. ier élément : YIIEP-
'YREPANA—
-6aiv(o ^en. ^. G., V, 537, 9 TravTwv G:r£pava6âç. Cf. Gléin., 455.
«c. Chr., 27, 16 xcù toj xùeiv U7:£pava6£6rjx£'. /pcvov; 27, 32;
198, 10; 151, 11; i^. G., IV, 421, 16; 460, 24- B. 6^., V,
65, 15; 368, 17; 497, 16; 540, 11; 543, 8; Tz., 348 ty^v
6v/;r})v h. çuaiv. Cf. Zosim., 2, 53.
é-/o) (surpasser) gé7t. Ps.y 83 B xwv [xEpwv àiJL^oiépwv u7U£pav£/ov.
Cf. Planud., Oy/c^. Me^, 12, 352; Procl., in Plat. AlcW.,
I, 137.
(soutenir) ac. Pat.., 649 A oia ctuXo'. 0— c-at xbv A^fcv.
[Cf. CyrilL, en Joan.^ c. 13, iTxais avec le sens de supero.,
eœcedo.]
■i(j-r,'ji gén. Ace, 65, 3i 'j7î£pav£7TT//.£vai xwv aAAwv xw y,6-/,X(j) xGJv
àp£xo)v; Prt^, 613 C, 617 A. Cf. D. H., 1, 15; 9^ 68.
-x{6-/;[jLi * gén. Pat.., 645 A o \):r^bi xGW ovxwv 'j-£pavax'.0£i; xoj
voou[j,évcu.
'YREPEK-
T:Xrt7jb) ac. Chr., 216, 8 u7:£p£y.'j:XaY£iç xbv OipuSsv. Cf. Luc, i?/L
^r., 13; Doni., 3.
'YnEPKVT(A)— (-KAO-)
-r<txxt ^en. ^;i. ^55., XIII, 250, 9 0. xr^ç (]/u/f^; f^iJ.ôJv 6 voue.
Cf. Xen.,^n., 5, 1, 9.
SYNTAXE DES VERBES COMPOSÉS. 53
XIV. i^r élément : TnO—
'YnAN(A)—
[zvr^\)A, au moy.^ dat. Chr.. 247, 28 6— tOoci \).oi xpoctcvii. Cf. Hdt.,
2, 80; Xen., Lac, 15, 6, etc.
'YnOAI(A)—
-a'.p£w-w (xt) -^ £i; rtC. Ps., 120 B rr;v tts^/z/ov 0— tésv £i; 6-XiTa:.
'YREIS—
£t;j.i (et ~épyQ\jM) ac. B. G.. V, 893, 16 OttsusXOwv ^w/.écv; Ps.,
95 B.'cf. Luc, M. con«^., 11.
'vnEK— , YnEz—
âY(t) gén. Chr., 228, 27 trauTcv b — zic twv paa'Asuov; Pat., 1177 A.
Cf. Hom , Od., 20, 300; Hierocl., 68; Choricius, 182, 1.
a'.péw-o) (iiva) gén. B. G., V, 318, 24 ojy. -^SuvYiOYjv jTrEhXETv ty^;
è7:£V£/0£iVr,c ao'. a-j'x^cpaç. Cf. Soph., EL, 1420; Sext., P..
1, 206.
-c6o) gén. Chr., 170, 5 tsj ^£AâYouç •j7:£/.o6;. Cf. Plut., Dém., 9,
£t[j.'. (et — £p70[j.a'.) gén. Chr., 75, 2 twv TpaYi^-attov 'j'::£;£XO£Tv ;
254, lÔ; A7^, 608 A. Cf. Anon. Siiid., 5. h. v.
ac. (ti) b. g., IV, 418, 10 icv O£rov v£à)v 'jk£;£Xy3X6Ô£i.
Class.
-'.G'fiiJÀ gén. Chr., 50, 4 toj 6pav ajTr^v uTrc^f^iaTO. Cf. Hdt., 3, 83;
Luc, Amor., 17.
T£{v(.), «?^ moi/., ^ gén. P.s., 124 A ur^pyipaTiç èaiiv o-av -q çaXaY?
y.aO' £v Twv 7.£pxT(i)v ajr?;; r?^ç èvavTia; •j-£7,T£{vr;Ta'. oâXaYY^;
lorsque lîi phalange se déploie derrière la plialange
opposée, (r^e verbe est aussi dans Pliot., Epist., 147, 43.)
Mais, sans doute, lire u7:£pT£'>r,Tai. Cf. biz-piii^fu).
'YHEN-
-cjo) Ttvà 11 Chr..^ 43, 5 tcv M. vr^'t ttsaTiV jTrîvBjaaaa. Cf. Alex.
(Ath.,568).
YnOKATA— (KA<t>— )
-r,[j,a'. dat. Tz., 344. 4 £i oi v.z tj-u) •jTToy.àOYjTai ivvsia. Cf. Pol.,
4,29,7; D. H.. 11,37.
54 MÉMOIRES.
III. VEIIBES COMPOSÉS AVEC TROIS PRÉPOSITIONS '
I. 1^' élément : KATA-
KATEZANA—
iarr^ij.i. gén. B. G., lY, 37G, 25 -u v.y.ipo~j; B. G., V, 129, 14 ty;c
Ij.r.xpfç. Cf. PluL, Alex., 6.
II. i^'- élément : RPO-
nPOEnKATA—
'^^-cwlK^o -a gén. CJir.^ 184, 14 -rà; àXc^cj; Cwà; xwv acjT.pwv
à7:oyaji3"/.:vT£i 7,71 to)V tcu TravTbç [xspfcov tcD coV^aior r. — 'Çz'ozvi.
nPOEZANA—
-laroij.i ^^e?i. 5. G., V, 142, 29 to^ Xoyo'j; 316, 10 to: y.aipoO.
III. ier élément : SÏN—
2YNEZAnO-
"^■^— X-rjYtù dat. B. G., V, 126, 17 0£0ci7.ct£ç [j.yj (t — a-/jÇy; tw gacfAst
xà TT^ç s'j-uyjaç aoitov.
1. Aug. Grosspietsch, de xsTpaTr^Gîv vocabulorum génère quodain
(dans Breslauer philologische Ahhandlungen, 1895, 7e vol.^b^ cahier),
ne cite clans son lexique, sous la référence de Psellos, que les deux
verbes 7:ço£y/.atoi/.(Çoi et (Juv£;a-oX7JYw.
SYNTAXl'] DKS VERBES COMPOSES. 55
2YMnAPAKATA—
r^]),v. * clat. B. G.^ V, 134, 13 7i»[jt.7:ap£7,3tOY;|xr<v ècuvwjjivo).
IV. ie»- éléme^it : *VnO—
'YnEZANA—
■h'Ttixi, act. et moy., "^ gé?i. C/ir., 68, 3 r^; yXlrCtÇ •j-e^avt'jTaTat
(sic leg. cum ms. pro 0 — -x'o)\ Fat., 569 G t?;; 'zCù^
TraOojv uT:£;avÉsTr/^ (TUY/uaso);;.
dat. (xtvi) (se lever devant quelqu'un) C/^r., 197, 30
ur£;avéar/) '?;[j.tv .Spa/6 ti. Cf. Plut., L?/c.,20; Luc, Dém., 63.
Emile Renauld.
FIN.
ERRATA
Dans les capitales, attribuer partout à P la valeur de f-
Dnns le titre 'EK— ('EX-)., leg. 'EK- ('El— ) ; dans 'YRERKATA,
leg. — KAT— , pro — KVT— •
Leg. partout [J^^xpi, (^xpi. Ainsi suh hi-f\yM eipasshn.
Siib àva —
— dtTiKo : leg. enflammer pro attacher.
Sub (XVTl —
— aaiXÀaio-o) : leg. —aij.iXXdtoij.ai-wij.ai dat. Chr., 239, 80 àvGr)[j.tÀXàTo
zoXXa/.iç àvTiTwfxcTOuaiv {sic COrr. Clim Miller, pro aÙTio tûtttouœiv).
Cf. Luc, lin., 15.
— Xéyw : delendn toute la ligne : gén. *Chr., 33, 36, etc.
Sub à.T.0 —
— o8io7:o(j.;iê'o;j.ai-oû[j.a'. : leg. — 5io7:o[j.7:Éoij.a'.-ou[j.at, et reporter à l'ordre
alphabétique, %iosl — ôéw.
—ixoyiZtM *gén., etc. : leg. -Qzoy6.X,o\m\. gén. y etc. Cf. Alhanas. Yid.
Thés.
Sub h.—
-dtTito) : Reporter ht synt. : dal. Chr., 224, 9, etc., à supra
—éiT.xisi = enflammer.
Sub h—
— pfTTTw : delenda toute la ligne.
Sub Ir.i—
— cjxripf^o) (ligne 4) : leg. STîeaxrjpiyas'vov.
Sub auv —
— àp0a6(o-C) : leg. ir.(:^6h)-M, eicorr. auvrjpOuojaev en ouvr^fOp. (Kurtz).
— aTxaXto ; corr. i^el -aiTaX/w, vel —oL-zd'kXtM (Kurlz).
Suh uTco —
— y.XaÇto :' leg — oxXa^To), et l'eporter à l'ordre alphabétique, pos^
— [j.év(o.
<St*fc auyxaxa —
— 6afvw, note 1 : delenda la parenthèse (668 B).
E. R.
TRAITEMENT DES ANGIOMES.
TRAITEMENT DES ANGIOMES
PAR L'ÉLECTROLYSE.
NOUVEAU PROCÉDÉ OPÉRATOIRE
PAR LE D^ T. MARIE'.
Professeur à la Faculté de médecine de Toulouse.
L'électricité est appliquée maintenant à un grand nombre
d'aflections de l'appareil circulatoire. On modifie l'hyper et
l'hypotension artérielle par les courants de haute fréquence,
on traite les ulcères variqueux avec succès par des diverses
formes de courant électrique. L'étude de toutes ces applica-
tions de l'électricité m'entraîneraient trop loin et je me limi-
terai dans cette communication aux anévrysmes et aux an-
giomes, c'est-à-dire au traitement des dilatations des gros
vaisseaux et au traitement des tumeurs provenant de la mo-
dification et de la multiplication des petits vaisseaux.
On désigne sous le nom d'électrolyse la décomposition
des substances, salines par le courant électrique. Dans le
corps humain il existe des chlorures, des carbonates et des
phosphates mais comme le courant électrique (surtout avec
les taibles intensités qu'on emploie en thérapeutique) n'agit
que sur les substances salines normalement à l'état de dis-
solution, et que le chlorure de sodium, sel de cuisine ordi-
naire, est de beaucoup le plus abondant, on peut admettre
que le courant électrique a pour effet unique de décomposer
le chlorure de sodium en ses éléments, chlore et sodium. Le
chlore se dégage au pôle positif, où il se transforme secon-
L Lu dans la séance du 9 décembre 1909.
IQe SÉRIE. — TOME X. 7
58 MÉMOIRES.
clairement en acide clilorbydrique, tandis que le sodium se
dégage au pôle négatif, où il se transforme secondairement
en soude caustique. L'action thérapeutique du courant élec-
trique est liée directement à l'action chimique de ces subs-
tances et par conséquent à la quantité mise en liberté. Cette
quantité dépend de l'intensité du courant et de la durée de
son action. Comme ces deux facteurs peuvent être mesurés
avec une très grande précision, il en résulte que l'action
thérapeutique cherchée peut être aussi graduée avec la plus
grande exactitude. C'est un premier et très grand avantage.
On peut, en effet, étendre l'action du courant électrique tout
autour des pôl-es à une distance plus ou moins grande, dis-
tance que l'on connaît à chaque instant d'une manière pré-
cise par les modifications de couleur qui accompagnent la
destruction des tissus par les produits chimiques de l'élec-
trolyse. Un deuxième avantage non moins important résulte
do la coagulation du sang contenu dans les vaisseaux de la
région traitée, coagulation que le courant électrique pro-
duit très rapidement et qui se manifeste par une dureté de
plus en plus grande de la tumeur. Evidemment la coagula-
tion est plus parfaite au pôle positif qu'au pôle négatif, sur-
tout quand on emploie des aiguilles d'acier qui donnent
du perchlorure de fer avec le chlore mis en liberté à ce
pôle, mais même au pôle négatif la coagulation se produit et
il est rare qu'on ait un écoulement de sang quand la région
ne contient pas de gros vaisseaux. Dans ce dernier cas la
méthode est encore applicable, mais au lieu d'employer les
deux pôles, de faire, suivant l'expression des électriciens, de
l'électrolyse bipolaire, on n'emploie que le pôle positif, ce
qui constitue l'électrolyse monopolaire. C'est ainsi que l'on
procède avec les anévrysmes de Taorte pour lesquels il serait
très dangereux de faire une coagulation incomplète, car un
fragment du caillot pourrait se détacher et causer une em-
bolie mortelle. Ce danger fait reculer souvent les médecins
électriciens, bien que les rayons X permettent maintenant
de connaître beaucoup mieux qu'autrefois la place exacte
de l'anévrysme.
TRAITEMENT DES ANGIOMES. 59
Il ne faut pas perdre de vue que les malades ignorent
presque toujours qu'ils sont atteints d'anévrysme de Taorte,
et leur proposer une intervention délicate pour une lésion
dont ils ne soupçonnent pas Texislence est souvent impossible;
aussi le nombre des cas d'anévrysmes de Taorte traités par
rélectrolyse est-il très peu élevé. Ce n'est que dans des cas ex-
ceptionnels qu'on peut se croire autorisé à intervenir. Je m'y
suis toujours personnellement refusé, car rien ne peut nous
faire connaître avec certitude le degré de résistance des
parois d'une poche anévrysmale. Certaines poches petites
peuvent avoir des parois très minces, plus minces que celles
de poches beaucoup plus volumineuses. Je n'insiste donc
pas sur ce traitement des anévrysmes, qui ne représente
qu'un cas très particulier de l'emploi de l'électrolyse.
Il n'en est plus do môme pour les angiomes, dont le traite-
ment par l'électrolyse constitue une méthode admirable, bien
supérieure aux interventions chirurgicales, au double point
de vue du danger d'hémorragie pendant l'opération et du
résultat obtenu. Il faut faire cependant un choix parmi les
divers angiomes. Vous savez qu'on désigne sous le nom
d'angiome les tumeurs congénitales constituées par des
vaisseaux de nouvelle formation. Dans une première caté-
gorie d'angiome la tumeur reste plane, ou fort peu saillante
à la surface de la peau : c'est l'angiome plan, qu'on désigne
aussi sous le nom de nœvi materni.
Pour celte première catégorie, le traitement électroly tique
est long et pénible. Ces taches lie de vin ou écartâtes enva-
hissent souvent des régions fort étendues, et comme elles
sont fort superficielles, on est obligé de les traiter par peti-
tes fractions pour éviter les altérations du tissu sain sous-
cutané et les cicatrices persistantes. Dans ces dernières
années, on a souvent remplacé l'électrolyse par le radium,
par les rayons X et môme par les courants de liault^ Irè-
quence. Les résultats sont beaucoup plus rapides, plus sa-
tisfaisants qu'avec l'électrolyse et ces nouvelles méthodes se
généralisent de plus en jtlus.
La deuxième cal<''i;ori<' (raiigioinos comprend ceux «{ui
60 MÉMOIRES.
sont formés de vaisseaux lacuneux analogues aux tissus ca-
verneux des organes érectiles, d'où le nom de tumeur érec-
lile par lequel on les désigne souvent. Ils sont souvent
aûectés de battements presqu'aussi nets que dans Panévrysme
vrai.
Ils sont caractérisés par une coloration particulière de la
peau, coloration qui se modifie par les efforts musculaires
(pleurs, cris, mouvements de défense, etc.). La tumeur a
une compressibilité très grande; elle se laisse réduire pres-
que complètement sous une compression un peu prolongée
pour reparaître ensuite quand la compression cesse. Les
efforts musculaires augmentent le volume de la tumeur en
même temps que sa dureté. Cest dans le traitement de ces
angiomes caverneux, érectiles, que Télectrolyse est sans
rivale. Le mécanisme de son action est maintenant parfaite-
ment connu. Il y a d'abord coagulation du sang contenu
dans les vaisseaux. Mais en même temps les parois de ces
vaisseaux sont détruites, ou tout au moins enflammées sur
une certaine étendue. A cette inflammation succède une
transformation fibreuse avec rétraction secondaire qui pro-
duit une oblitération mécanique des vaisseaux. On a long-
temps reproché à Télectrolyse cette rétraction cicatricielle
qui produit, disait on, des cicatrices permanentes. En réalité,
c<3s cicatrices vicieuses sont toujours le résultat d'un défaut
de technique, conséquence du manque d'expérience de l'opé-
rateur. Cette rétraction cicatricielle, au lieu d'être nuisible,
est au contraire précieuse quand elle est bien dirigée. Elle
permet d'isoler des îlots de la tumeur sanguine et d'arriver
beaucoup plus rapidement au résultat cherché. La masse
sanguine, contenue dans chaque îlot'dont les parois fibreuses
résultent de transformation électroly tiques, s'affaisse peu à
peu et se résorbe car elle ne reçoit plus de sang. On distin-
gue facilement ces îlots, dont la couleur noirâtre, due au
sang non oxygéné qu'ils contiennent, fait contraste avec la
couleur presque blanche des parois fibreuses. Cette manière
d'agir est rationnelle, elle permet de réduire la destruction
électroly tique au minimum indispensable. Elle est bien en
TRAITEMENT DES ANGIOMES. 61
rapport avec ce caractère particulier de la tumeur qui partie,
d'une région très limitée, quelquefois un point à peine visi-
ble, s'étend toujours par la périphérie et envahit les régions
voisines. Ces tumeurs isolées de l'organisme s'étiolent et
disparaissent régulièrement. L'expérience m'a conduit a
adopter les règles suivantes : 1° commencer la destruction
électroljtique dans les régions convexes où par conséquent
il y a excès de surface cutanée; 2° abandonner la tumeur à
elle-même dès qu'elle est suffisamment circonscrite; 3« à
partir de ce moment n'intervenir que si la tumeur tend
à rompre le cercle fibreux qui l'entoure. Avec ces précau-
tions, non seulement on évite les brides cicatricielles disgra-
cieuses, mais on ramène la surface cutanée correspondant à
la tumeur sanguine au môme niveau que la surface cutanée
avoisinante.
Pour bien comprendre l'importance pratique de ces rè-
gles, il suffit de se rappeler que les angiomes occupent
généralement les parties découvertes du corps et plus parti-
culièrement la face et le cou.
Les angiomes érectiles sont très fréquents et il me serait
facile de multiplier les exemples pour vous montrer la jus-
tesse des conclusions que je viens de vous donner. Pour ne
pas rendre cette communication trop longue, je me contente-
rai de ces considérations générales et je passe maintenant à
la description du procédé opératoire que j'ai adopté.
Pour produire la destruction électroly tique, il faut em-
ployer des électrodes nues, à la surface desquelles les pro-
duits chimiques mis en liberté pourront s'accumuler. D'autre
part il faut que ces électrodes puissent pénétrer dans les
tissus, car les angiomes sont souvent profonds. Pour ces
deux raisons on emploie des aiguilles métalliques. Tant(M
elles sont faites d'un, métal qui, pendant l'opération, reste
inattaqué, c'est ordinairement le platine. Ces aiguilles peu-
vent être fiambées sans que leur surface s'altère et leur in-
troduction dans les tissus ne peut pasprovoipier d'infec-tion.
Tantôt elles sont simplement en acier. Je préfère ces der-
nières pour les deux raisons suivantes : 1° leur pointe est
62 MEMOIRES.
beaucoup plus acérée et par suite leur introduction dans les
tissus beaucoup plus facile; on peut les diriger très exac-
tement suivant la direction que Ton a choisie à Tavance et
on risque moins de léser un organe avoisinant délicat, tel
qu'un filet nerveux ou même l'œil, autour duquel les angio-
mes sont souvent placés ; 2° à l'action électrolytique, s'ajoute,
au pôle positif, l'action coagulante du perchlorure de fer
qui permet un arrêt plus rapide et plus complot de la circu-
lation sanguine dans la tumeur.
Pour utiliser le mieux possible cette action coagulante du
perchlorure de fer, je place toujours une aiguille négative
entre deux aiguilles positives. Ces aiguilles d'acier ne peu-
vent pas être flamblées, car leur surface s'altère dans la
flamme, et alors leur introduction devient plus difficile
que pour les aiguilles de platine. Pour supprimer l'inconvé-
nient do la septicité des aiguilles d'acier, il suffît d'avoir un
matériel électrique de fonctionnement assez sûr pour n'avoir
jamais à retirer une aiguille enfoncée dans les tissus avant
que le courant électrique ait passé pendant un temps suffi-
sant. Les produits chimiques, tous très actifs, résultant de
l'action du courant, produisent l'antisepsie beaucoup mieux
que le meilleur flambage. Cette sécurité dans le fonctionne-
ment de l'appareillage électrique, je ne l'ai pas trouvée dans
le matériel existant dans le commerce. Les deux appareils
les plus communément employés pour l'électrolyse sont le
manche double construit par Verdin et le porte-aiguille
simple de Gaifïe. Ils présentent, l'un 'et l'autre, surtout le
manche double, plusieurs points dont le nettoyage n'est pas
possible et qui, par suite, peuvent causer l'interruption du
courant. C'est ce qui m'est arrivé plusieurs fois au début de
ma pratique électrolytique, et dès ce moment j'ai cherché un
meilleur appareillage, tin autre inconvénient de ces deux
appareils m'a confirmé dans cette résolution. Comme vous
le voyez, ces deux porte-aiguilles sont assez volumineux,
assez lourds, et il n'est pas possible de les abandonner pen-
dant l'opération. Or, cette opération dure toujours plusieurs
minutes, quelquefois un quart d'heure et au delà, et, quelle
TRAITEMENT DES ANGIOMES. 63
que soit la patience de l'opérateur, il lui est impossible de
garder une immobilité absolue. Chaque mouvement de Topé-
rateur se traduit par une douleur pour le malade, par suite
du déplacement de la pointe de l'aiguille au fond de la plaie.
Au début, l'opérateur parvient à garder une immobilité sut'
lisante, mais peu à peu les muscles se fatiguefit et les mou
vements commencent. Ces douleurs provoquées se manifeS
tent donc surtout vers la fin de l'opération, précisément au
moment où, la destruction des filets nerveux étant terminée,
l'opération devient beaucoup moins pénible pour l'opéré.
Elles lui sont particulièrement désagréables. Pour supprimer
ces deux inconvénients, je fais souder simplement des
aiguilles à coudre de grosseur convenable pour l'opération
sur les fils électriques venant de la source ; et pour éviter
qu'une soudure mal faite ne cède pendant l'opération, j'ai
soin de faire passer un ou deux brins du petit cable électri-
que dans le trou de Taiguille. Depuis dix ans que j'emploie
cette méthode, je n'ai jamais eu un mauvais contact. Le pre-
mier mouvement que j'ai signalé est ainsi radicalement sup-
primé. Le deuxième aussi, car ces aiguilles très légères
peuvent être abandonnées sans inconvénient à elles-mêmes.
11 faut cependant soutenir le fil qui conduit aux aiguilles
négatives pour éviter que ces aiguilles ne sortent de la plaie.
Il est facile d'expliquer cette différence. Au pôle positif, il y
a mise en liberté de chlore qui attaque l'aiguille d'acier, la
rend rugueuse et, par l'intermédiaire du perchlorure de fer
produit, la fait adhérer aux tissus. Au contraire, au pôle
négatif, le sodium mis en liberté attaque l'eau des tissus et
donne de la soude qui n'attaque pas l'acier et de l'hydrogène
qui forme une gaine gazeusa tout autour de l'aiguille. C'est
pour cela que l'aiguille négative se détache des tissus avec
la plus grande facilité.
Ces opérations électrolytiques se pratiquent presque tou-
jours sur les enfants. Elles sont, ainsi que je Tai dit plus
haut, destinées à détruire des tumeurs d'origine congéni-
tale, et il est quelquefois nécessaire d'intervenir dans les
semaines qui suivent la naissance, lorsque la tumeur angio-
6i MÉMOIRES.
mateiise croît rapidement. Cette circonstance rend l'opération
plus délicate. Gomme la destruction électrolytique est dou-
loureuse tant que les filets nerveux ne sont pas entièrement
détruits, il semblerait, à priori, rationnel d'endormir les
enfants pour leur éviter toute souffrance. J'ai entièrement
renoncé à cette pratique, recommandée cependant par beau-
coup d'auteurs. L'anesthésie chez les enfants est en effet plus
dangereuse que chez l'adulte, et après plusieurs alertes qui
m'avaient obligé à abandonner une opération incomplète-
ment faite pour m'occuper de l'enfant qui ne respirait plus,
j'ai toujours opéré sur les enfants à l'état de veille. Evidem-
ment, les premiers instants sont douloureux, mais sans
aucun danger pour la santé de Tenfant, qui bientôt se calme
et finit souvent par s'endormir vers la fin de l'opération.
Je terminerai cette communication par un dernier détail
de technique. Les angiomes sont souvent sous-cutanés, et il
est alors nécessaire de ménager la peau qui, en gardant sa
couleur normale, rend le résultat opéiatoire plus satisfai-
sant. Pour cela, on recommande de vernir les aiguilles
dans la partie en rapport avec k peau.
Ce procédé est efficace au pôle positif, où le vernis reste
intact; mais il n'en est plus de même au pôle négatif, où le
vernis est dissous peu à peu par la soude mise en liberté. Il
est bon de compléter cette première précaution par une
seconde. Au lieu d'enfoncer les aiguilles dans le même sens,
on les place en opposition, les pointes en regard, avec un
écartement plus ou moins grand, suivant la grosseur de la
tumeur. Dans ces conditions, le courant se ferme dans la
profondeur; et comme au niveau de la peau les aiguilles
sont très éloignées l'une de l'autre, le courant y est toujours
très faible, car la résistance en ce point est très grande,
incomparablement plus grande qu'au niveau des parties
libres des aiguilles.
LES VACANCES JUDICIAIRES. 65
LES VACANCES JUDICIAIRES
Par m. E. TOURRATON».
« Le septième jour du mois de septembre, écrivait
d'Aguesseau à son fils, est le plus beau jour de l'année pour
un avocat général'^ » Le grand chancelier appréciait de
cette façon le début des vacances et il n'est pas téméraire
de penser que sa réflexion n'a rien perdu de son actualité,
après trois cents ans, pour tous ceux qui, suivant l'expres-
sion de Larocheflavin , «s'embarquent, pendant l'année,
sur la mer de justice ».
La vieille législation romaine, si pratique en ses vues,
n'avait eu garde d'imposer à ses juristes un labeur sans
relâche. La première, elle a senti qu'il convenait d'accor-
der quelques jours de détente et de recueillement à l'esprit
fatigué dans les luttes du Forum, à la pensée surmenée
par l'étude ardue des causes juridiques; la première, elle a
pénétré l'importance de cette trêve imposée à la fièvre des
procès: de ce légitime intérêt, embrassant à la fois et l'avan-
tage du justiciable et l'agrément du juge, est née l'institu-
tion des vacances.
Elle était dictée en quelque sorte aux anciens par la force
même des choses; elle sortait impérieuse et pressante des
nécessités de leur vie domestique.
La loi civile prescrivait aux parties d'assister en personne
à tous les actes de la procédure. Et pourtant, à certaines
1. Lu à la séance du 16 décembre 1009.
2. Lettres de d'Aguesseau. Iinp,rimerie nationale, IS'^o, t. I, p. lO'i.
Lettre à son lils M. de Fresncs.
66 MEMOIRES.
époques, la présence du maître était indispensable hors de
la ville, au sein de ses domaines; il avait à présider aux
travaux de la moisson, à surveiller ensuite ses cohortes
d'esclaves, livrées aux précieuses occupations des vendanges.
En juillet ainsi qu'en septembre, la tribune restait muette,
le prétoire abandonné et désert. Pour ceux qui demeuraient,
il semblait que l'atmosphère de l'audience pesât plus lourde
sur les épaules; à leurs lèvres montait d'instinct l'exclama-
tion du poète : 0 rus quando ego te aspiciam. L'esprit lassé
du préteur le rendait plus soucieux d'expédier que déjuger
les affaires; absorbé par d'autres préoccupations, l'avocat
embrassait avec moins de zèle la cause de ses clients; de là
une sorte de malaise et de tiédeur dont les décisions se res-
sentaient parfois et dont le bon droit n'avait pas toujours à
se glorifier; mieux valait suspendre les procès : l'usage s'en
établit peu à peu.
Pline le Jeune le signale dans ses lettres ; il y dépeint le
chômage presque complet des tribunaux et consacre les loi-
sirs qu'il en retire à composer les écrits qui ont perpétué sa
mémoire'.
L'exemple n'était pas cependant suivi par tous, aucun
texte législatif ne l'ayant sanctionné jusque-là. Il est des
plaideurs intraitables que rien ne décourage, ni l'assoupisse-
ment du juge, ni la tiédeur de l'avocat. Adeptes fervents de
la chicane, on les voyait traîner à la barre, au plus fort de
l'été, à l'heure où les travaux champêtres réclamaient tous
ses soins, leur adversaire accablé de tracas. Une loi protec-
trice mit un frein à ces ardeurs intempestives. Par un édit,
l'empereur Marc-Aurèle fit défense de citer en justice pen-
dant les moissons et durant les vendanges : « Occupés à
retirer les biens de la terre, les plaideurs, y était-il dit, ne
peuvent être astreints à comparaître devant le juge. » Quel-
ques causes d'une nature exceptionnelle furent seules affran-
chies de cette règle ^.
L Pline le Jeune, livre VIII, lettre 21.
2. Digeste, livre II, t. XII, §§ 1 et 2.
LES VACANCES JUDICIAIRES. 67
Marquées désormais par ces jours de repos, les fériés des
moissons et des vendanges messivœ et vindemiales feriœ
figuraient depuis longues années parmi les solennités du
culte romain. Les gouverneurs des provinces en détermi-
naient,, suivant la coutume des lieux, la date et la durée.
Une des divinités du Latium, Tanlique Yacuna chantée par
Ovide dans ses Fastes^ fut préposée à cet office intéressant;
elle devint la déesse des vacances et des doux loisirs. Chère
aux écoliers, elle vit plus d'une fois, n'en doutons pas, des
orateurs en renom et d'austères jurisconsultes prodiguer à
SCS autels leurs ofirandes et leurs vœux.
« Qu'ai'je fait dans la cité >, s'écriait Pline sous les riants
portiques de sa villa de Laurente. « Celui-ci m'a chargé de
sa cause; celui-là m'a appelé en consultation; j'ai discouru
au Sénat, j'ai plaidé devant les centumvirs. Stériles et fri-
voles occupations! Ici, point de crainte qui m'agite, point
de bruit qui m'importune; je ne m'entretiens qu'avec moi
et mes livres. 0 l'agréable et paisible vie! 0 le délicieux loi-
sir! La mer et ses rivages fécondent mon imagination et
inspirent mes pensées; fuyez comme moi le fracas et le
vain mouvement de la ville; livrez-vous à l'étude et au
reposa »
La bibliothèque avec ses rayons consacrés aux poètes,
aux orateurs, à la philosophie, à l'histoire; l'Atrium avec
ses longues galeries abritées du soleil, ses vastes salles de
bains invitant au repos n'étaient pas les seuls endroits où se
consommait l'oubli de la ville et de ses rumeurs; les lon-
gues promenades mêlées de causeries, la visite aux amis, la
récolte des fruits, la chasse et ses plaisirs remplissaient
sans effort la fuite du temps. Qui ne se souvient de la lellre
où Pline raconte à Tacite ses exploits de chasseur : < Vous
allez rire ! Eh bien, riez tant qu'il vous plaira ! Ce Pline que
vous connaissez a pris trois sangliers et des plus beaux.
Quoi! lui-même! Oui, lui-même, sans sortir toutefois de sa
paresse et de son repos. J'étais assis près dos filets, ni pieu,
1. Pline le Jeune, livre I, lettre 9.
68 MÉMOIRES.
ni dard sous ma inain. Je rêvais, j'écrivais, prêt à rapporter
mes pages pleines si je rentrais les mains vides \ »
D'autres, plus modestes en leurs goûts, se contentaient, à
Texemple d'Horace, d'un champ de médiocre étendue, ren-
fermant dans son étroite enceinte un jardin avec une source
d'eau vive auprès de la maison. Mettant à profit leurs loisirs,
ils cultivaient dans une paix profonde l'héritage paternel.
Et quand, au déclin du jour, le soleil jetait ses derniers feux,
leurs mains effeuillaient des roses ou portaient à leurs lèvres
les coupes remplies d'un vin généreux récolté sous quelque
consul contemporain de leur jeunesse. Qu'ils se sentaient
loin, dans ces retraites bénies, des fièvres du prétoire et
que de fois n'ont-ils pas dû redire avec l'auteur des Bucoli-
ques : Deus nobis hœc otia fecit.
Revêtu de la pourpre impériale, le christianisme respecte
les vacances; il en fixe l'époque, il en accroît la durée.
Théodose, par une constitution, décide que « les vacances
des moissons commenceront le huitième jour des calendes de
juillet et dureront jusqu'aux calendes d'août; il est permis
do poursuivre les procès depuis les calendes d'août jus-
qu'au dernier jour des calendes de septembre. Les vacances
des vendanges commenceront le dixième jour des calendes
de septembre et se prolongeront jusqu'aux ides d'octobre.
L'on s'abstiendra de toute cause judiciaire le saint jour de
Pâques, le jour de la naissance du Seigneur, le jour de
l'Epiphanie et pendant les sept jours qui suivent et qui pré-
cèdent. Ce qui serait fait à rencontre de cette prescription
serait absolument nuP. »
Reconnaissons-le sans détour, le législateur se montre
dans cette occasion d'une munificence sans égale : du
25 juin au l*^'' août, congé des moissons; du 23 août au
15 octobre, congé des vendanges; quinze jours à la Noël;
quinze jours aux Rois; quinze jours à Pâques. Le plus
exigeant, à coup sûr, n'avait pas à se plaindre; ce n'était
1. Pline le Jeune, livre I, lettre 6.
2. Code, livre III, t. XII, § 2.
LES VACANCES JUDICIAIRES. 69
pas avec parcimonie que la période du repos avait été ména-
gée aux choses judiciaires.
Cette ère exceptionnelle n'eut qu'un temps très restreint :
dès 389, un nouvel édit promulgué par Valentinien II,
Tliéodose et Arcadius, fit quelques coupures dans la consti-
tution précédente.
Son début est menaçant : « Nous décrétons que tous les
jours conviennent pour rendre la justice : omnes dies jubé-
mus esse juridico. » La suite vaut mieux : « Il est permis
d'en suspendre l'administration pendant ces deux mois de
l'année qui semblent convier au repos, celui des fortes cha-
leurs de l'été et celui de la récolte des fruits. Nous concé-
dons aussi les jours habituellement consacrés au repos
pendant les calendes de janvier et^ en outre, les jours anni-
versaires de la fondation de Rome et de Gonstantinople,
parce que c'est dans ces cités que les droits ont pris nais-
sance. Nous y ajoutons le saint jour de Pâques avec la
semaine qui le précède et celle qui le suit, le jour de la
Nativité du Seigneur et celui de l'Epiphanie, et enfin tout le
temps où le moindre chrétien célèbre le souvenir de la pas-
sion des Apôtres ^ »
On le voit, l'œuvre primitive de Théodose a subi de
sérieuses amputations. Toutefois, en faisant le compte de
ce qui reste, on obtient encore un résultat qui n'a rien de
désolant. Dans sa forme définitive, telle que l'édit de 389
l'a réglée, la législation romaine sur les vacances, fai-
sons-en l'aveu, n'a pas traité avec une rigueur excessive
son nombreux personnel de magistrats et d'hommes de loi;
ils Jui ont rendu ce bienfait au centuple par la solidité de
leurs décisions, où notre Droit moderne puise encore ses
doctrines les plus sûres.
Au Moyen-âge, tout est ténèbres et confusion. Sous l'em-
pire des deux premières races de nos rois, les Tonges ou
Centeniers, les Comtes ou Grafions et les Rachimbourgs ne
tenaient pas des audiences permanentes et sédentaires : ils
1. Gode, livr.i III, I. XII, § 7.
/() MEMOIRES.
portaient leurs mails, leurs plaids ou leurs assises, à cer-
taines époques de Tannée, dans diverses localités de leurs
ressorts respectifs et s'en éloignaient après avoir jugé les
affaires soumises à leur décision. La justice était intermit-
tente; il n'y avait donc pas, à proprement parler, de vacan-
ces, à moins que l'on ne veuille considérer comme tels les
nombreux intervalles qui séparaient les sessions. Il en fut à
peu près de même quand les lois féodales succédèrent aux
lois des Barbares et aux Capitulaires. Le roi et les sei-
gneurs ne tenaient leurs hautes, basses et moyennes justi-
ces que quand les affaires litigieuses l'exigeaient. Ils con-
voquaient alors leurs hommes-liges pour garnir leur Cour
et ceux-ci retournaient à leurs manoirs après les plaids
terminés.
Au temps de Joinville, on commençait aussi à juger
presque autant par baillis que par pairs, c'est-à-dire que les
seigneurs, au lieu de convoquer les possesseurs des fiefs re-
levant des l.eurs, pour administrer la justice, la faisaient
rendre par leurs baillis {ballici^ bajuli) ou prévôts (prœpo-
siti). Ce dernier mode finit, par prévaloir. Ce n'est qu'au
commencement du quatorzième siècle que le Parlement de
Paris et d'autres justices ambulatoires comme lui devin-
rent peu à peu sédentaires; puis, avec le temps, les fonc-
tions de magistrature, d'abord temporaires et conférées par
de simples commissions, prirent un caractère de perma-
nence, et ce fut alors seulement qu'il put exister des va-
cances.
Si la nécessité pour les magistrats de se reposer de leurs
travaux et de vaquer à leurs affaires domestiques est deve-
nue depuis des siècles leur impérieuse raison d'être, cepen-
dant, des circonstances assez singulières, des motifs tout
différents des causes qui les avaient fait naître à Rome, en
firent tout d'abord éprouver le besoin.
L'usage de l'écriture est très rare en France avant le
douzième siècle.
Les clercs (on désigne par ce terme tous ceux qui possè-
dent quelque instruction) se réfugient dans les monastères
LES VACANCES JUDICIAIRES. 71
OÙ, à l'abri des violences du Moyen âge, ils peuvent étu-
dier les précieux manuscrits échappés aux dévastations des '
barbares. En dehors du clergé, peu de gens savent lire; le
gentilhomme croirait déroger s'il pouvait tracer sa signa-
ture. Le juge lui-même, dans ces temps d'ignorance, est
souvent illettré. Il n'a pas de greffier et sa décision n'est
pas écrite. 11 la fait exécuter sous ses yeux et il n'en reste
trace que dans sa mémoire. Lorsque l'écriture se répand,
apparaît l'institution des greffiers. Mais le jugement du ma-
gistrat, pour être couché sur parchemin, n'en serait pas
moins lettre morte sans l'intervention de celui qui l'a
rendu. Quel sergent aurait pu saisir le sens d'un grimoire,
eût-il été buriné par le plus habile calligraphe, alors qu'il
était rédigé dans la langue de Justinien, la seule qui soit
alors en usage au Palais! les juges continuent donc à sur-
veiller l'exécution de leurs sentences.
Quand le Parlement cesse d'être ambulatoire, ils doivent
se transporter, à cet effet, d'un bout à l'autre du territoire
soumis à leur juridiction. Les enquêtes, les visites des lieux
exigent aussi leur déplacement, et pour ces divers objets
ils vont sans cesse en commission.
Dès l'époque où le départ était permis, conseillers et
greffiers, avocats et procureurs, car les représentants des
parties accompagnaient le juge, se bottaient, s'éperon-
naient, montaient à cheval, l'écritoire au côté, les sacs à
papiers pendants à l'arçon de la selle, et la France se cou-
vrait de noires caravanes qui se croisaient dans tous les
sens, sur les chemins, au grand ébahissement des popula-
tions des pays qu'elles traversaient.
Un auteur du onzième siècle constate le respect et la cu-
riosité qui suivaient les voyageurs :
Quand ils allaient lors en commission,
Vous eussiez vœu une procession
De gens aprez qui leur portaient honneur^
1. Martial d'Auvergne, Les Vigiles de la mort du Uoy Charles VI.
/^ MEMOIRES.
Si Ton. songe à l'énorme étendue du Parlement de Paris
(A i\ la difficulté des communications, on se rend compte de
la longueur de ces voyages et on comprend quelle gêne ces
habitudes nomades devaient apporter à la marche régulière
de la justice. A certains moments, quand la saison était
favorable, un grand nombre de juges quittaient le Palais
pour remplir ces devoirs de leurs charges, et les audiences
ne pouvaient plus se constituer.
Louis XII, ému des doléances des chefs du Parlement, im-
puissants à modifier cet état de choses, fit défendre aux
magistrats de remplir leurs commissions en dehors d'une
époque déterminée. Ils ne pourront plus, désormais, s'absen-
ter « avant l'Assomption de la sainte Vierge (15 août) et
devront être rentrés au plus tard à la Saint-Martin (11 no-
vembre)^ ». Il fut difficile de faire admettre la nouvelle
réglementation qui froissait d'anciens usages et allait à
rencontre des convenances des magistrats. On dut se mon-
trer sévère pour en assurer l'exécution. En 1526 encore,
« certains conseillers absents à la Saint-Martin et estant en
commission, furent privés de leurs gages pour deux mois ».
Un conseiller ayant écrit et prié la Cour de l'excuser, s'il ne
pouvait se trouver le jour des ouvertures, pour n'avoir en-
core achevé sa commission, outre la privation des gages,
fut encore condamné en amende pour œuvre pie'^
L'ordonnance fut enfin observée et les malades seuls n'as-
sistèrent pas à la reprise des travaux du Parlement qu'on
appellera désormais la 7'entrée de la Saint-Martin.
Telle fut l'origine des vacations des vendanges, ainsi nom-
mées, à cause de la saison à laquelle elles avaient lieu et
pour les distinguer des petites vacations de Pâques, de
Noël et de la Pentecôte, consacrées aux devoirs religieux.
Ce n'était pas, on le voit, un temps de repos ni de pro-
menades oisives. Ceux qui avaient bien employé les vacan-
ces aspiraient à revenir à Paris et à reprendre le cours de
1. Ordonnance de mars 1498; voir aussi l'Ordonnance de juil-
let 1493. Anciennes lois, tome XI, p. 323 et tome XI, p. 264.
2. Larocheflavin.
LES VACANCES JUDICIAIRES. 73
leurs travaux ordinaires pour se débarrasser du rude la-
beur qui les avait remplies : tous les vœux appelaient alors
la rentrée de la Saint-Martin.
D'autres occupations, d'autres pénibles voyages s'impo-
saient, en effet, à l'activité des magistrats, pendant la fin
d'août et les mois de septembre et d'octobre.
Aux termes de l'ordonnance de 1498, le temps où le Par-
lement vaque sera consacré non seulement aux commis-
sions, mais encore à la tenue des Grands-Jours, assises
solennelles qui rappellent l'époque déjà éloignée où la Cour
souveraine était ambulatoire.
Pendant la première moitié du douzième siècle, les Grands-
Jours sont fréquents. L'idée féodale fait place à la conception
plus haute et toute moderne de la monarchie française, réu-
nissant le pays tout entier sous sa main. L'œuvre commen-
cée par Louis XI s'achève. C'est dans le cours de cette période
surtout qu'une délégation du Parlement va, presque chaque
année, pendant les vacations, porter dans son immense ressort
l'Autorité du Roi. De 1534 à 1547, il y eut douze sessions
des Grands-Jours. Le Parlement de Toulouse, comme celui
de Paris, tient ses Grands-Jours à Nîmes, à Béziers, au Puy.
Les guerres de religion qui ébranlent le trône des der-
niers Valois et ensanglantent la France arrêtent bientôt
dans le pays toute ^ie normale; les troubles de la Ligue
suspendent presque complètement l'œuvre de la justice, et
ce n'est qu'avec le règne d'Henri IV qu'on voit reparaître
ces grandes assises criminelles.
Il faudrait passer en revue l'histoire de toute cette période
de guerres de religion pour faire ressortir les désordres,
les cruautés, les crimes qu'elles amenaient avec elles. La
licence et l'impunité, surtout dans les provinces éloignées
de la capitale, étaient arrivées à leur comble, « par suite,
écrit Etienne Pasquier, de l'insolence désordonnée des gen-
tilshommes qui, depuis les guerres civiles, avaient toujours
les armes au poing' », par suite, il faut bien le dire, de la
1. Lettre d'Etienne Pasquier à M. Mole, conseiller au Parlement,
commissaire aux Grands-jours de Riom.
10« SÉRIE. — TOME X. 8
74 MÉMOIRES.
connivence des magistrats, abus que nos mœurs actuelles
ne nous permettent plus de comprendre.
Les plaintes affluèrent contre les coupables de toutes con-
ditions. La Cour jugea « qu'il était œuvre de souveraine
justice de s'attacher aux plus grands, quand ils le méri-
taient^ ».
Dans trente-trois affaires, elle prononça la peine capitale
et les têtes des plus nobles n'échappèrent pas à leur rigueur.
Les contumaces étaient nombreux; l'énergie des juges ne
faillit pas un instant. Ils enjoignirent aux baillis, sénéchaux
et tous autres officiers du roi de mener le canon, si besoin
était, devant ceux des châteaux qui tiendraient contre la
justice ou favoriseraient les accusés. P'orce resta à la loi, et
nos places publiques, comme l'enceinte de nos hôtels de
ville, retentirent du bruit des exécutions. La fermeté des
magistrats dans l'accomplissement de leur tâche contribua,
dans une large mesure, à affermir le pouvoir royal, et lors-
que l'autorité souveraine fut incontestée, la nécessité des
Grands-Jours disparut. Les derniers eurent lieu en 1666;
ils nous ont valu un des documents qui jettent le plus de
lumière sur les abus et les crimes qu'ils avaient à répri-
mer 2.
L'ordonnance de Louis XII qui créait indirectement les
vacances, en limitant l'époque où les commissions pouvaient
être exécutées, pourvoyait en même temps à l'administration
de la justice pendant la période des suspensions d'audien-
ces. Une Chambre, composée d'un président à mortier et de
treize conseillers, devait expédier les procès tant civils que
criminels, mais de préférence ces derniers^.
La Chambrée des vacations, tel était le nom qui lui était
donné, exerçait les privilèges de la Cour souveraine, dont
elle avait, en même temps, dans certains cas, les attribu-
tions politiques : c'est ainsi qu'on la voit enregistrer les
édits et les lettres patentes du roi, à la charge, toutefois,
1. Et. Pasquier, id.
2. Les Grands-Jours d'Auvergne, de Fléchier.
3. A. 72 de l'ordonnance de 1498.
LES VACANCES JUDICIAIRES. " 75
que cet enregistrement fût approuvé en quelque sorte et
consacré à la rentrée du Parlement.
Elle représentait la compagnie, se considérait comme dé-
positaire de ses traditions, gardienne de sa dignité, et les
parlementaires, loin de la fuir, ambitionnaient l'honneur
d'en faire partie. On n'aurait eu garde de manquer d'assis-
ter à l'audience de la veille de la Sainte-Croix, au cours
de laquelle, parmi les magistrats présents et par rang d'an-
cienneté, étaient choisis ceux qui devaient être présentés
par le premier président à l'agrément du roi.
La Chambre des vacations remplit tout entière le dernier
chapitre de l'histoire des Parlements. Le décret qui, à la
veille d'une nouvelle organisation judiciaire, les mettait
« en vacances indéfinies ^ », maintint provisoirement la
Chambre des vacations, en la chargeant d'assurer la marche
des affaires. Cette juridiction temporaire siégea, pour la
dernière fois, à Paris, le 15 octobre 1790, et l'Assemblée na-
tionale, en supprimant les Parlements, rendit hommage
(( au civisme et au dévouement avec lesquels elle avait
rempli les fonctions qui lui avaient été attribuées^ ».
A la fin du seizième siècle, les Grands-Jours, nous venons
de le voir, sont rares : les commissions sont également
moins fréquentes. L'ordonnance de Villers-Cotterels a décidé
que « tous les actes publics, jugements ou autres, seront
rédigés en langage naturel français ».
L'exécution des arrêts est, dès lors, facile et ne nécessite
que dans des cas exceptionnels l'intervention du juge qui
les a rendus. La création des Présidiaux a d'autre part
réduit sensiblement le nombre des affaires soumises au Par-
lementa
Les vacances deviennent réellement un temps de repos et
ceux des magistrats qui ne sont pa§ retenus par leurs fonc-
tions se hâtent de quitter la ville.
« Par suite d'un vieil usage, écrit l'Hospital, les tribu-
1. Décrets des 5 et G novembre 1789.
2. Séance du 6 septembre 1790.
3. Ordonnance de janvier 1551.
76 MÉMOIRES.
naiix se ferment en septembre. Le silence règne dans le
prétoire dont les portes sont fermées. Tous, fatigués de leurs
travaux, sont possédés d'un amour immodéré des champs ' ! »
Les plus laborieux et les plus austères accueillaient avec
joie cette trêve de quelques semaines à la tâche de chaque
jour, ce délassement de l'esprit rendu nécessaire par la
longue assiduité du Palais ^
« Oh ! mes deux mois de souveraine jouissance », s'écrie le
vertueux chancelier de l'Hospital ^ !
Quel beau jour pour Etienne Pasquier que celui où il
peut se retirer à sa terre de Ghastelet-en-Brie « non embar-
rassé d'affaires, non contrôlé d'autres que de lui, manquant
de toutes nouvelles bonnes ou mauvaises qui tyrannisent
ordinairement nos esprits^ ».
Le 7 septembre^, dès l'aube, s'ouvre la dernière audience
et dans l'après-midi chacun s'apprête à partir.
Les magistrats qui vont en commissions ou aux Grands-
Jours conservent seuls le costume de la ville : robe longue
à larges manches et bonnet carré. Ceux de leurs confrères
qui gagnent leurs terres prennent le vêtement du gentil-
homme campagnard, vêtement simple de couleur sévère.
Les jeunes conseillers ont cependant, malgré les mercuria-
les, des pourpoints et des manteaux d'étoffes éclatantes. La
garde de leurs épées et leurs éperons sont dorés ou argentés.
Quelques-uns même, au lieu de porter la barbe longue
comme c'est l'usage depuis un demi-siècle, « poussent la
licence jusqu'à avoir le menton presque rasé, avec de gran-
des moustaches fort relevées, retroussées et frisées avec
certains fers chauds à la turquesque^ ».
1. Epître au cardinal de Tournon. Poésies de Michel de l'Hospital,
traduction de Nalèche, p. 16.
2. Larocheflavin.
3. Loc. cit.
4. Lettres d'Etien7ie Pasquier, livre XIX, lettre 8.
5. Dès le commencement du seizième siècle, l'ouverture des vacan-
ces a lieu le 7 septembre et non le 15 août, ainsi que le réglait l'or-
donnance de 1493.
6. Larocheflavin.
LES VACANCES JUDICIAIRES. 77
Les anciens crient au scandale et déplorent la perte de
toutes les traditions. Ils détournent la tète, et pour n'avoir
pas à constater plus longtemps un aussi grave oubli des
convenances, se hâtent d'enfourcher leurs mules, à l'aide des
nombreux montoirs qui se trouvent aux carrefours de la
ville et aux abords du Palais.
La mule, de temps immémorial, est la monture des parle-
mentaires, monture pacifique et « moins subjecte que les
chevaux à se morfondre et gaster, en attendant aux por-
tes^ ». D'après les mœurs de l'époque, elle convient mieux
que le cheval à la dignité des gens de robe. Les professeurs
en usent pour aller à la Sorbonne et les étudiants dissimu-
lent mal leur rire en voyant le docteur en théologie Pierre
Pol, parcourant les rues de la cité, assis de côté sur sa
mule, à la mode des femmes^. Les rois eux-mêmes donnent
l'exemple. Louis XIL qui vivait avec une grande familiarité
avec les magistrats, venait au Parlement monté sur un
petit mulet, et lorsqu'il avait « les gouttes », il se prome-
nait anisi dans les jardins du bailliage où, suivant une
expression imagée, «c il digérait les affaires de TEtat^ ». Le
pape et les cardinaux ne voyageaient pas autrement, et
François P% le roi chevaleresque, montait toujours, sauf à
la guerre ou à la chasse, une grande mule « si bien allant,
qu'il fallait que tous les courtisans galoupassent pour lui
tenir pied^* ».
Pendant les guerres de religion, on remplaça d'une façon
à peu près générale, au moins pour aller aux champs, la
mule par le cheval, qui est, dit un contemporain, « plus vite
à la fuite^ ». Il ne faut pourtant pas croire qu'un sentiment
pusillanime ait déterminé cette modification dans les usages.
Une telle précaution n'était que sage. A cette époque de
troubles continuels, alors que les campagnes étaient sans
1. Lurocheflavin.
2. Montairrne, Essais, hvre I, chap. 48, édit. Hachette, t. 1er, p. 183.
3. Larochellavin.
4. Ibid.
5. Ibid.
78 MÉMOIRES.
cesse sillonnées de bandes de soldats fanatiques, il fallait
pouvoir se mettre, par une retraite rapide, à l'abri des
outrages, éviter la captivité ou môme la mort — une mort
obscure et inutile au pays.
Gristophe de Thou allait en autre équipage à sa maison
de Nantouillet. Le premier, après deux grandes dames de
la Cour*, il eut un carrosse, une nouveauté venue d'Italie,
à la suite de Catherine de Médicis.
Combien nous paraîtrait primitive et incommode cette caisse
étroite et basse qu'on appelait un carrosse! Huchée sur des
essieux massifs auxquels sont adaptées d'énormes roues,
elle était si haut placée et d'un accès si difficile, qu'on de-
vait recourir à une échelle pour s'y hisser. C'était pourtant
un luxe inoui'-* qu'on reprochait au premier président. Emu
de ces critiques, mais jugeant ce mode de transport plus
commode et plus digne que les chars recouverts de peaux de
bœuf dans lesquels la famille des magistrats avait coutume
de voyager^, de Thou ne se servait de son carrosse que
pour aller à sa terre. A Paris, pour montrer que sa simpli-
cité restait la même, il n'en usait pas et la présidente conti-
nuait à faire ses visites et à courir la ville en croupe der-
rière un serviteur *.
Achille de Harlay, successeur et gendre de Cristophe de
Thou, n'éprouva pas les mêmes scrupules : avec lui, l'usage
du carrosse entre dans les mœurs. Qu'on était loin déjà de
l'époque où, sous Henri II, le premier président Lemaître^
stipulait dans le bail qu'il passait avec les fermiers de sa
terre de Brie « qu'aux quatre bonnes fêtes de l'année et au
temps des vendanges, ils lui amèneraient une charrette
couverte et de la paille fraîche dedans, pour y asseoir sa
1. La reine Catherine de Médicis et la princesse Diane, fille natu-
relle de Henri H.
2. Un carrosse coûtait, à la fin du seizième siècle, de 800 à 1,000 li-
vres.
3. Poésies de l'Hospital^ p. 16.
4. Méîïioires de Jacques de Thou, édition Desrez, p. 627.
5. Prédécesseur de Gristophç de Thou.
LES VACANCES JUDICIAIRES. 79
femme et sa fille, et qu'ils lui amèneraient aussi un ânon ou
une ânesse pour monture de leur chambrière ^ >.
Un voyage à la fin du seizième siècle était chose diffi-
cile. On devait suivre des routes à peine tracées, étroites,
tortueuses, favorables aux surprises. Souvent les frayés dis-
paraissaient peu à peu, presque complètement, et s'entre-
croisaient de telle sorte que chacun en était réduit à aban-
donner le choix du chemin au hasard ou à l'instinct de sa
monture. Dès le coucher du soleil, on cherchait un gîte. Les
hôtelleries étaient rares. On demandait l'hospitalité à un
parent, à un ami; à leur défaut, on allait frapper à la porte
d'un presbytère ou d'un couvent. Heureux le voyageur qui
arrivait au terme sans avoir fait la rencontre d'une troupe
de partisans !
Malgré fatigues et dangers, quelques membres du Parle-
ment vont au bout du royaume, appelés par leurs aff'ections
ou leurs affaires domestiques.
L'avocat général du Faur va passer ses vacances, dont la
plus grande partie sera consacrée à faire la route, à son
château de Pibrac, situé au fond de la Gascogne. Les étapes
sont longues, et il aura le temps de ciseler nombre de ses
quatrains. Quelques-uns de ses confrères admirent, non sans
étonnement, ce culte du sol natal; d'autres, mieux infor-
més, murmurent tout bas qu'un doux attachement l'attire à
la cour de Navarre*.
La plupart des gens de robe arrivent après de moindres
chevauchées à leur maison des champs.
Cette maison n'a pas l'aspect d'une demeure féodale ; elle
possède les seuls moyens de défense rendus indispensables
par les mœurs du temps. Elle est conforme aux goûts sim-
ples du maître, en rapport avec sa fortune qui est modeste.
Le conseiller Noël du Fail nous a laissé une description
charmante de cette habitation « philosophale et de repos v;
1. Warée, Curiosités judiciaires, Delahaye, 1859, p. ^\.
2. De Thou ne mot pas en doute que Pil)rac ait éprouvé une vio-
lente passion pour Marguerite de Valois, reine de Navarre. — Voyez
Mémoires de de Thou, [). GOl.
80 MÉMOIRES.
il faut respecter son langage et le citer en entier pour en
apprécier tout le charme. « Je l'ai bâtie, écrit-il dans ses
Contes et discours, d'une force moyenne pour (aire teste aux
voleurs, coureurs et à Tennemy, si Dieu voulait me chastier
en cette partie, soubs le crédit de quelques petites eaux qui
l'entourent, avec le pourprol, bois, jardin et verger. Au ver-
ger, me trouverez travaillant ne mes serpes et faucilles,
rebrassé jusqu'aux coudes, coupant, tranchant et essaygo-
tant mes jeuni3s arbrisseaux, selon que la lune — qui beso-
gne plus ou moins en ces bas et inférieurs corps — le com-
mande. Au jardin, y dressant l'ordre de mon plant, réglant
le quarré des allées, tirant ou faisant dévaler et venir les
eaux, accomodant mes mouches à miel, me courrouçant
contre les taupes et mulots qui me font tant de mal!... Me
trouverez aussi peschant, allongeant souvent le bras pour
cognoistre, au mouvement de la ligne, quelle espèce de pois-
son vient escarmoucher l'appât Quelquefois aussi, avec
deux lévriers et deux chiens courants, allant à la chasse du
renard, chevreau ou lièvre » — « sans rompre ou offenser
les bleds du laboureur », se hâte d'ajouter le digne magis-
trat, « comme font plusieurs contrevenants aux ordonnances
et à la justice commune'. »
La chasse même, avec toute la correction qui y apportait
Noël du Fail, n'était pas admise par tous comme un plaisir
permis aux gens de judicature. Le grave Larocheflavin,
dont l'ouvrage^ est l'expression fidèle des traditions et de
l'esprit parlementaire au douzième siècle, pense que la chasse
doit être « abandonnée aux personnes faisant profession des
armes ». Elle ne convient pas aux présidents et conseillers,
« lesquels ont de la besogne taillée plus qu'ils n'en peuvent
coudre ». — « L'expérience de plusieurs, dit-il, nous a fait
connaître que de dix chasseurs, neuf sont mauvais rappor-
teurs, le dixième médiocre. Et feraient bien ces magistrats
1. Contes et discoui^s d'Entrapel, par Noël du P'ail; librairie des
Bibliophiles, 1875. Voyez aussi Revue des Deux-Mondes, janv. 18S8 :
« Un magistrat breton. »
2. Les Parlements de France, livre VIK.
LES VACANCES JUDICIAIRES. ' 81
chasseurs d'imiter Pei'dicas, lequel, au rapport de Gelius
Rhodigénius, s'estant longtemps adonné à la chasse, voyant
la grande peine, frais et perte de temps que tel exercice lui
apportait et ayant esgard aux yssues d'Acteon, Adonis et
Hippolyte, il la quitta et s'adonna à choses plus fructueuses
et plus vertueuses. » A peine noire auteur tolère t-il « que
quelques conseillers ou présidents ayment ou fréquentent la
chasse, pourvu qu'ils le fassent honorablement pour Testât
et contentement de leur esprit seulement ».
Beaucoup de magistrats n'étaient pas d'un rigorisme aussi
absolu. Michel de l'Hospital, comme Montaigne, dédaigne
un plaisir « qu'on dit si attrayant^ » ; mais son petit-fils
préféré, celui dont il a dirigé l'éducation et suivi avec fierté
les premiers succès, Hurault de l'Hospital, conseiller au
Parlement, est un chasseur passionné. La fauconnerie a pour
lui tant de charmes que son ami Jacques de Thou élabore, à
sa demande, une poésie latine sur cet art nouvellement
apporté en France, poème qu'il ose dédier au garde des
sceaux de Gheverny^ !
L'avocat général Du Faur de Pibrac aime « toute espèce
de chasse^ ». Ne peut-il pas, d'ailleurs, à cette époque de
latinité à outrance, invoquer l'autorité de Gicéron, qui per-
met ce noble exercice au magistrat et à l'orateur*?
Plus tard, on ne sera pas plus sévère. Si une conversa-
tion, même sur un sujet cynégétique, paraît à d'Aguesseau
une chose futile, dép'acée dans la bouche d'un homme de
loi^, ses contemporains ne suivent pas, le plus souvent, ses
précoptes. Au siècle du Grand Roi, siècle de règle, de me-
sure et de solennelle étiquette, le président Lecoigneux ne
pensait pas faire échec à la dignité de la Gomj)agnie en
entretenant une meute à Morfontaine; et si le moraliste lui
L Easais, édition Iliichettc, p. 2^iî.
2. Mémoires de de Thou.
3. Ibid.
4. De SenectulBy cliap. xvi,
ô. Lettres de d'Aguesseau, t. Il, |». lO"
82 MÉMOIRES.
adresse un reproche, c'est d'apporter à l'audience l'écho d'un
lancer de cerf ou de l'hallali de la veille'.
Les jours s'écoulent pour le parlementaire consacrés à
ces joies intimes du foyer qui sont souvent le secret de la
vaillance de la vie : il aime son logis, ses arbres, son jar-
din. Mais une autre passion domine son âme : la passion
des belles-lettres. Aux champs comme à la ville, elle prend
la plus grande partie de ses loisirs et, les vacances termi-
nées, de nouvelles études succèdent le plus souvent au labeur
du Palais.
C'est l'époque oîi la Renaissance illumine tout de son
auréole. Les Estienne, les Sébastian Greyple, les Jean de
Tournes inondent l'Europe de leurs éditions grecques et
latines. L'antiquité reparaît, resplendissante de vie et de
jeunesse, après la longue nuit du Moyen-âge et des temps
barbares. Le génie rude et jeune de la race gauloise s'unit
au génie de deux peuples civilisateurs : son idiome naïf va
faire place à notre langue riche et sonore. C'est le moment
solennel entre tous, dans l'histoire de l'humanité, où le
règne des idées succède au règne de la force, où s'ouvre
cette ère féconde de liberté et de progrès qui transformera
le monde.
Les gens de robe n'échappent pas à ce mouvement Intel
lectuel. Les premiers, ils comprennent la grandeur de l'oeu-
vre de ces remueurs d'idées qui s'appellent Rabelais, La
Boëtie, Montaigne; ils louent sans réserve Ronsard et la
Pléiade, mais c'est surtout vers les anciens que les porte un
irrésistible attrait : ils trouvent en eux des amis, des com-
pagnons de chaque jour. Grecs et Latins reviennent sans
cesse dans les écrits, les plaidoyers, les discours; tout pro-
cède d'eux, semble-t-il : institutions, lois, mœurs, usages.
Les citations se succèdent; telle phrase commence en fran-
çais, finit en latin. On invoque à tout propos l'autorité de
Platon, de Pline, d*Aristote.
Le souvenir de ses auteurs favoris suit le parlementaire
1. La Bruyère, chap. vu : « De la ville. »
LES VACANCES JUDICIAIRES. 83
jusque dans sa vie champêtre : il lit les Georgiques en
cueillant ses fruits; il oriente sa maison comme la villa de
Tibur, et le soir, sur sa terrasse, en admirant le soleil qui
se couche sur les grands bois ou dore la montagne de ses
derniers feux, il médite les consolantes pages de Gicéron sur
la vieillesse et fait des projets de retraite à la campagne.
Son admiration pour les héros de Rome et de Sparte lui
donne cette fermeté d'âme qui a permis d'appeler le seizième
siècle l'âge héroïque de la magistrature et d'appliquer à
la vie des de Thou, des de Haiiay, des l'Hospital, le vers de
Térence : « Homo antïquâ, virtute ac fideK »
De cette antiquité où se trempe son âme, le parlementaire
ne répudie rien, pas même les œuvres légères. Horace,
Tibulle, Anacréon sont des modèles qu'il s'efforce d'imiter
dans d'aimables pastiches, aux heures de loisir.
Nul n'échappe à la contagion. Parfois l'élève rivalise avec
le maître. L'Hospital, de sa retraite de Vinay, adresse à ses
amis des épîtres qu'on attribue à quelque auteur inconnu du
siècle d'Auguste. Le président de Thou ébauche de petits
poèmes entre deux chapitres de son histoire. Chopin, Loys-
sel, Brisson, les plus graves du Palais, ne craignent pas de
courtiser la Muse tout en cueillant les fleurs de leur jardin.
La correspondance n'est pas non plus dédaignée. On
échange sans cesse des épîtres, soit dans cette langue fran-
çaise qui s'épure chaque jour, soit en latin, soit môme en
grec.
Si nous suivions, aux différents âges, le magistrat pen-
dant ses loisirs, nous pourrions observer les modifications
qui, peu à peu, s'introduisent dans les idées et dans les
mœurs; nous verrions l'emploi de ses vacances porter l'em-
preinte des habitudes et des goûts du temps. — Lamoignon,
chef du Parlement sous le Grand-Roi, «jouit d'un noble
repos à Baville''^ »; d'Aguesseau prépare, dans son château
de Presnes, ses immortelles mercuriales; le président Hé-
1. Les Adclpîies, acte iir, scène iv.
2. Oraison fiuK'bi'e du [»reniier président de Lamoignon, par Flé-
chie r.
84 MÉMOIRES.
nault va retrouver M'"'^ du Deffand aux eaux de Forges, ren-
dez vous de la frivole société de la Régence; Bouhier traite
à Vichy par le vin de Bourgogne « les maux qu'on y prend
et qu'on n'y laisse pas* », et disserte, pour oublier sa goutte,
sur un point épineux de droit ou sur quelque épisode nou-
veau de la querelle janséniste.
A ces aïeux de la première heure, aux côtés desquels
émergent les figures des Mesme, des Talon, des d'Ormes-
son, des Séguicr, qui, à eux seuls, remplissent trois siècles,
représentants de la science au Palais et amoureux de l'art
au dehors, succèdent les Ghâlotais, Montesquieu, La Mon-
noye, de Brosses, et au dix-neuvième siècle, de Sèze, Ber-
riat Saint-Prix, Brillât-Savarin, Gustave de Beaumont, de
Tocqueville et d'autres encore qu'il serait facile d'ajouter à
cette nomenclature.
Si les mœurs ont changé et si d'aucuns consacrent aujour-
d'hui leurs loisirs à des plaisirs nouveaux, inconnus à leurs
devanciers; si les uns vont jusqu'aux lointains pays en com-
pagnie de vieux amis ou en bande joyeuse avec le Club
alpin; si d'autres parcourent les routes sur leur bicyclette
ou dévorent l'espace en automobile, il en est qui, doucement
retirés dans la vieille demeure familiale, pleine de souve-
nirs, paisiblement taquinent la truite ou chassent le lièvre,
et le soir reprennent avec délices le livre fermé la veille ou
le travail interrompu le matin.
Naguère encore, la riche éclosion des discours prononcés
aux audiences solennelles de rentrée, avant que le décret du
10 juillet 1903 ne fût venu les supprimer, témoigne que les
choses de l'esprit sont encore vivantes dans le cœur des
gens de robe comme elles l'étaient aux siècles passés, et
démontre qu'en utilisant d'une façon aussi intéressante leurs
loisirs, les magistrats modernes se montrent les dignes suc-
cesseurs de leurs ancêtres.
1. Cor7'espondance de Mathieu Marais, t. III, p. 266.
LES GYPSES DE LA VALLÉE DE TARASCON. 85
LES GYPSES DE LA VALLÉE DE TARASCON
LEUR AGE GÉOLOGIQUE, LEUR CUISSON IRRÉPROCHABLE
LEUR VALEUR COMMERCIALE.
Par m. le D^ F. GARRIGOU^
L'étude des gypses ou pierre à plâtre constitue, au point
de vue du commerce du midi pyrénéen, un point des plus
importants de la géologie pyrénéenne.
Si j'ai choisi les gypses de la vallée de Tarascon pour
procéder à mon étude, c'est qu'ils offrent un intérêt tout
spécial, vu leur étendue, la qualité de la pierre et la place
qu'ils tiennent déjà dans le commerce méridional.
Sans compter que nous trouvons, dans le pays même, les
éléments scientifiques les plus exceptionnels et les plus
complets, pour expliquer la formation de ces énormes quan-
tités de sulfate de chaux, qui font la richesse du pays, et
des rochers qui les surmontent, dolomies jurassicjues. dont
certains caractères de composition passent d'une manière
incontestable de l'un à l'autre, c'est-à-dire des gypses aux
dolomies.
Nous prendrons la montagne de Soudeur comme base du
travail géologique et industriel que je vais présenter à
l'Académie.
La montagne que je viens de nommer a une altitude de
1,060 mètres et s'élève au milieu de la vallée de Tarascon.
Du sommet à la base, elle est conslituée : 1'' par des cal-
1. Lu dans la sôanco du 1:5 janvier lUiO.
86 . MEMOIRES.
caires crétacés appartenant aux étages urgoaptien, néoco-
mien et cénomanien ; 2^ par des dolomies jurassiques dépen-
dant du Lias inférieur; 3" par les gypses que tous les géo-
logues ayant étudié la région ont rangé dans le Trias, le
tout reposant sur des schistes et calcaires dévoniens, qui
sont assis eux-mêmes sur le terrain archéen.
Voici quelques coupes montrant la façon dont marche le
gypse sous la montagne de Soudour :
jo Figure 1. — Montre la face du -sud de la montagne de
Soudour, plus le point saillant du gypse deSurba, avec deux
sources séléniteuses qui, en 1860, m'ont permis d'affirmer
qu'il y avait en ce point un amas considérable de gypse.
2° Figure 2. — Coupe verticale de la montagne de Sou-
dour, en AB, nord-sud, montrant l'allure du gypse sous les
calcaires secondaires de Soudour. Une moraine latérale re-
pose de chaque côté de la montagne, au nord et au sud, sur
les terrains secondaires, et, en certains points, elle est
recouverte par les éboulis plus récents que la moraine.
La ligne verticale ab est une ligne divisoire séparant la
portion de la masse gypseuse appartenant à la commune
d'Arignac, de celle qui appartient à la commune de Surba.
Au sud coule la rivière dite la Gourbière, au pied du
hameau de Florac, en face du domaine de Fournier; au nord
coule, dans une très étroite vallée ouverte dans le gypse, la
rivière de Saurat.
3° Figure 3. — Coupe horizontale de la montagne de
Soudour suivant la ligne CD, montrant en 0 la masse gyp-
seuse de Surba, par son affleurement déjà exploité, et en
S'S' les deux sources séléniteuses dont j'ai déjà parlé plus
haut,
La ligne divisoire A'B' est la même que AB (fig. 1) et que
ab (fig. 2), montrant la progression de la crête qui sépare
les portions de la masse gypseuse appartenant au nord à
Arignac et à Bédeilhac, et au sud à Surba. J'ai tracé ici les
limites de la masse de gypse sous les terrains crétacé et
jurassique par des lignes droites. C'est là un tracé théorique.
LES GYPSES DE LA VALLÉE DE TARASGON. 87
A
Sondeur 1060
/^ord-Ouesr
Sud- EsC
H- ^
Sondeur
Nord.
Nord- Ouesl
Ti^. 2
Sud- Ist
Fi^. 3
88
MEMOIRES.
Il est sûr que sous la masse erratique qui recouvre, sur-
tout au versant nord du Soudour, le gypse si largement
exploité sur ce versant, a des limites très sinueuses ajant
été, avant que les dépôts glaciaires se soient déposés sur lui,
très attaqué par les pluies descendant de la montagne. C'est
par des limites que nous traçons, dans la figure ci jointe,
que la surface du bloc doit être représentée du côté nord
vers Arignac et Bédeilhac.
Nord- Ouest
Sud- Est
Nous aurons ainsi l'explication de faits d'une importance
majeure, dont nous parlerons un peu plus loin, et qui ne
pourraient nullement s'expliquer sans cette disposition.
Ces éléments géologiques préliminaires étant connus,
nous devons passer à l'étude miner alogique du gypse.
La masse gypseuse n'a pas une composition minéralo-
gique uniforme, surtout à ses limites de contact avec les
dolomies jurassiques.
En 0, par exemple, où des sondages très sérieux ont été
pratiqués en puits vertical et en galeries horizontales, on
trouve à la surface une pierre à plâtre rosée, ferrugineuse,
qui, convenablement cuite, donne un plâtre d'une dureté
remarquable, résistant même à l'action de la pluie et de
Peau courante.
LES GYPSES DE LA VALLÉE DE TARASGON. 89
Au-dessous de ce gypse rose, il existe une deuxième variété
d'une blancheur extrême, après cuisson et mouture, mais
devenant gris lorsqu'on l'hydrate, pour redevenir très blanc
une fois sec.
Au-dessous encore, le gypse devient cristallin et se con-
serve tel avec plus ou moins de blancheur, dans la masse
profonde.
Dans certains points, il contient des Yacinthe de Gompos-
telle.
Dans d'autres, des pyrites. Dans quelques points, il passe
au gypse en fer de lance, et cristallise en aiguilles rhombo-
édriques brillantes et d'une finesse extrême.
Quelquefois il passe à l'état d'albâtre et a pu être travaillé.
Il y a plus de soixante ans, je l'ai vu se transformer chez
le curé de Gourbit, qui le tournait avec habileté, en divers
objets artistement finis.
Du côté de Bédeilhac, principalement sur la rive gauche
de la rivière de Saura t, vers l'ancien moulin d'Aibram, on
le voit mélangé à une sorte d'ophite grossière, fragmenté,
offrant peu de consistance, et qui permet de supposer que la
base de cette masse gypseuse a pu être traversée après coup
par une sorte d'ophite éruptive, mais arrivée froide.
A son contact, en effet, le gypse n'a aucune apparence de
surchauffe, a conservé son eau de combinaison, et la perd
par la cuisson pour donner du bon plâtre.
Rien de semblable n'aurait lieu si le gypse avait été porté
à une température supérieure à 3 ou 400 degrés.
Sur d'autres points, vers l'est de la montagne, pas loin du
moulin de la Société des plâtres d'Arignac, le gypse devient
talqueux, et l'on finit même par trouver dans sa masse des
zones franchement talqueuses et blanches, se présentant par-
fois en lamelles soyeuses et brillantes.
Par exemple, on ne voit jamais la moindre apparence de
grandes strates dans cette masse gypseuse si étendue; de
loin en loin on voit des strates fines.
Sur certains points, on trouve des ébauches de cavernes,
dans lesquelles on rencontre du gypse cristallin excessive-
10^ SÉRIE. — TOME X. 9
90 MÉMOIRES.
ment blanc, donnant nn plâtre d'une blancheur extraordi-
naire.
Origine du gypse de Soudour. — La description minéra-
logique que nous venons de donner pernaet d'arriver à des
conclusions formelles au point de vue de l'origine du gypse de
Soudour, et des amorces de gisements qui se trouvent dans le
prolongement de celui que je viens de décrire, soit à Ar-
nave, quelques kilomètres au sud-est, soit après Col-de Port,
quelques kilomètres au nord-ouest, en suivant la route de
Tarascon à Saint-Girons.
Ces amas de gypse ont nne origine aqueuse; ce sont des
dépôts formés dans des lacs triasiques, dont la température
a sans doute pu être élevée mais n'a jamais dépassé 100 de-
grés.
Une formule des plus simples, combinée à la présence
simultanée dans la région de sources fort riches en bicar-
bonate de chaux et en sulfate de magnésie, donne, avec une
simplicité remarquable, le mécanisme qui a produit les
gypses en question. Et la connaissance de la lithologie des
couches rocheuses immédiatement supérieure à ces gypses
complète les éléments de la théorie que nous proposons
comme explication remarquablement simple et naturelle de
l'origine aqueuse du gypse.
Que se passe-t-il, en effet, dans la région que nous étu-
dions au point de vue des roches qui constituent le trias et
le terrain jurassique inférieur, et relativement aux masses
rocheuses en contact immédiat?
Le trias formant la base de Soudour est constitué par du
gypse, par du sulfate de chaux; le jurassique inférieur, qui
repose immédiatement sur le trias, c'est-à-dire sur le gypse,
est constitué par une dolomie (carbonate double de chaux et
de magnésie).
Supposons que des sources contenant en solution à la fois
du sulfate de magnésie et du bicarbonate de chaux arrivent
en masse à la surface du sol et y forment un lac où leur
séjour va les refroidir au contact de l'air; il se produira peu
LES GYPSES DE LA VALLÉE DE TARASGON. 91
à peu du sulfate de chaux très peu soluble et du bicarbonate
de magnésie parfaitement soluble, fait que nous pouvons
fixer par la formule suivante :
GaCO* + MgSO^ = GaSO^ + Mg
G03 4- G02 (MgGO^) = GaSO* + MgGQs
Si la masse de Peau est tranquille, et elle Test toujours
dans un lac, le sulfate de chaux se déposera rapidement,
laissant Teau cependant en dissoudre une partie.
Quant au bicarbonate de magnésie soluble, il perdra peu
à peu son acide carbonique pour passer à l'état de carbo-
nate, et le carbonate, devenu ainsi insoluble, se précipitera à
son tour sur le sulfate de chaux déjà déposé. Mais il sera
accompagné forcément d'une certaine quantité de bicarbo-
nate de chaux, car les deux marchent généralement ensem-
ble; ce dernier perdant en même temps que le bicarbonate
de magnésie son excès d'acide carbonique, il se précipitera,
non du carbonate de magnésie pur, mais un mélange de
carbonate de chaux et de carbonate de magnésie, c'est-à-dire
de la dolomie, qui reposera sur le sulfate de chaux hydraté,
c'est-à-dire sur le gypse déjà déposé.
Nous aurons donc deux roches absolument différentes de
composition, et déposées dans l'ordre voulu, d'après notre
formule précédente, à deux moments différents, mais immé-
diatement consécutifs l'un à l'autre. L'un appartiendra à
l'époque triasique, l'autre à l'époque jurassique inférieure,
succédant immédiatement à la précédente.
C'est, en effet, ce que nous constatons dans la montagne
de Soudeur.
A la base existe l'énorme dépôt de gypse que l'on peut
suivre sur 20 kilomètres au moins, entre les villages d'Ar
nave et de Massât, dépôt morcelé par divers mouvements
post-triasiques du sol.
A la partie immédiatement supérieure au trias, c'est-à-
dire dans le lias, des dolomies d'une puissance au moins
égale à celle de la masse gypseuse du trias reposeront en
92 MÉMOIRES.
Stratification presque concordante sur le dépôt gypseux de
la base triasique de Soudeur.
J'ai dit que j'allais donner la preuve de l'exactitude de ma
manière de voir relativement à la formation des gypses et
des dolomies, et cette preuve, je la trouve dans le pays
même, à un pas des gypses d'Arignac.
C'est l'eau minérale de la station balnéaire d'Ussat qui
me la fournit.
Cette eau contient à la fois du bicarbonate de chaux et
des sulfates de chaux et de magnésie, comme la source sup-
posée alimentatrice du grand lac dont nous avons admis
l'existence dans la région à l'époque triasique.
Après avoir servi à donner des bains, elle est rejetée dans
des tuyaux de vidange et elle dépose dans ces tuyaux, où
elle coule notablement refroidie, des traces absolument
insignifiantes de sulfate de chaux et du carbonate de chaux
et de magnésie, autrement dit du gypse et de la dolomie.
L'eau de vidange des baignoires étant constamment en
mouvement pour s'échapper vers la rivière de l'Ariège, où
on la déverse, entraîne avec elle tout le sulfate de chaux
qui reste soluble, l'eau n'étant pas saturée, et il ne se dépose
que les carbonates de chaux et de magnésie restés complè-
tement insolubles.
Si cette eau des vidanges était reçue dans des réservoirs
où le sulfate de chaux au repos aurait le temps de se préci-
piter, il se précipiterait, et c'est sur lui que se déposerait la
dolomie produite.
11 n'est pas possible de donner une preuve chimique plus
concluante de l'exactitude de ma manière de voir sur l'ori-
gine du gypse de Soudeur et des dolomies qui reposent
immédiatement sur lui. Et j'ose ajouter que c'est là une
explication qui peut s'appliquer à toutes les régions qui pré-
sentent des dolomies superposées à des amas de gypse d'une
façon directe.
Exploitation du gypse. — L'exploitation de la pierre à
plâtre se faisait au début d'une manière absolument primitive.
LES GYPSES DE LA VALLEE DE TARASCON. 93
Là OÙ la pierre se montrait avec sa blancheur qui la fai-
sait reconnaître facilement, on abattait la roche à la mine,
et souvent on arrivait à créer ainsi des chantiers abruptes
sur les flancs de la montagne, où le mineur, suspendu pour
ainsi dire dans les airs, était exposé à faire des chutes mor-
telles. Cet accident était fréquent. Un arrêté préfectoral
empêcha, il y a nombre d'années, de poursuivre ainsi l'ex-
ploitation de la pierre à plâtre et, dès lors, on creusa la
montagne en plein gisement de gypse, en y créant, par Ten-
lèvement de la roche, d'immenses cavernes dont la voûte
était de loin en loin soutenue par d'énormes piliers en roche
gypseuve massive.
On sauva ainsi la vie de nombreux ouvriers occupés à
l'extraction de la pierre à plâtre, et ne calculant pas avec le
danger perpétuel de chutes dont ils ne se relevaient jamais
sains et saufs.
Le transport de la pierre extraite de la carrière à l'usine
se fait encore d'une manière primitive.
A Bédeilhac, ce sont des ânes qui, chargés d'un poids
maximum, montent la pierre à travers des chemins à pic,
d'où ils font souvent des chutes de 20 à 30 mètres de hau-
teur et se tuent.
A Arignac, c'est au moyen de traînaux tirés par des bœufs
ou par des vaches, dans des chemins gondolés et usés, que
l'on apporte la pierre jusqu'à l'usine, où on la cuit et où on
la triture.
Le transport est aussi primitif que la cuisson, dont nous
allons nous occuper maintenant.
Cuisson du gypse. — Cette cuisson s'opère dans des fours
qui rappellent l'enfance de l'art du chaufournier. Par la
cuisson on enlève au gypse son eau de cristallisation.
Le four classique du pays est une sorte de cône en ma-
çonnerie, assis par sa base sur la terre ferme, et tronqué
tout à fait à son sommet, de manière à avoir une ouverture
par laquelle on peut charger le four, après qu'on a préparé
la voûte iuférieure de support avec des pierres de gypse
94 MÉMOIRES.
suffisamment grosses. On allume sous cette voûte un feu de
coke, on bouche rentrée du foyer au moyen d'une porte en
tôle afin que la combustion se fasse lentement pendant trente
heures environ.
Le résultat obtenu est le suivant :
Les premières couches de pierre à plâtre sont brûlées et
inutilisables, parce que le plâtre qu'elles fournissent à la
meule ne peut plus reprendre son eau de cristallisation.
La couche médiane est à peu près convenablement cuite,
et constitue le bon plâtre.
La couche supérieure est incomplètement cuite, et conserve
la plus grande partie de son eau de cristallisation.
Toutes les pierres de la fournée sont mélangées, on les
porte à la meule, et le plâtre ainsi obtenu est un mélange qui
est plus ou moins apte à satisfaire le plâtrier, puisqu'il est
composé de plâtre trop cuit, de plâtre non cuit et de plâtre
suffisamment cuit.
Si la cuisson a été menée avec soin et intelligence, le plâtre
obtenu est suffisamment bon pour les plâtrages divers, sur-
tout pour les premières couches ; mais ce n'en est pas tou-
jours le cas, tant s'en faut.
Etudions maintenant comment on peut arriver à une cuis-
son parfaite et à un [)lâtre régulièrement bon.
Les chaufourniers des environs de Paris, grâce à des
fours spéciaux, sont arrivés à obtenir des plâtres régulière-
ment cuits et considérés comme parfaits dans leur prise. Ils
constituent des plâtres de qualité hors ligne.
Mais la main-d'œuvre est fort chère et le prix de ces plâ-
tres reste fort élevé : 2 et 300 francs le wagon, tandis que
nos bons plâtres du Midi^, de Tarascon, montent seulement
à 120 ou 130 francs le wagon.
Des circonstances toutes particulières m'ont obligé à faire
de sérieuses recherches pour arriver à tirer du gypse de
l'Ariège le meilleur parti possible, et j'ai dû faire au labora-
toire une étude complète, afin d'arriver à une production des
plus parfaites et des plus économiques.
LES GYPSES DE LA VALLÉE DE TARASCON. 95
C'est le résultat de cette étude que je vais donner ici, vu
sa nouveauté et les conséquences pratiques obtenues.
Un mot avant tout sur ce que Ton doit rechercher en pré-
parant du plâtre.
Le gypse est un composé de sulfate de chaux hydraté
ayant pour formule :
GaS04 + 2H20.
Ce sont ces deux équivalents d'eau, ou atomes d'eau, qu'il
faut enlever au gypse pour le transformer en plâtre.
Si on ne lui en enlève qu'un, il reste plâtre incomplet et
difficilement utilisable, et si on lui enlève à peu près les
deux, il devient plâtre complet et d'excellente qualité.
C'est en le chauffant régulièrement à une température qui
oscille au tour de 180 degrés qu'on lui enlève les deux ato-
mes d'eau dont il vient d'être question.
L'opération, pour être aussi régulière, aussi complète et
aussi rapide que possible, doit être aidée par le vide, qui
fait un appel constant de l'eau de composition de la portion
la plus profonde de chaque fragment de gypse, placé dans
un four spécial, chauffé au coke ou par un autre combus-
tible.
J'ai pu constater que de cette manière, dans un simple
appareil d'expérience pouvant contenir environ 1 mètre cube
de gypse, volume plus que suffisant pour une expérience,
sa déshydratation peut être obtenue à peu près complète en
six heures de temps, au lieu de trente heures, et avec une
économie considérable de combustible, par rapport à celui
qui est nécessaire pour obtenir cette même déshydratation
par le chauffage ordinaire.
Le plâtre ainsi obtenu, soumis à l'examen de plâtriers de
profession, fait une prise parfaite, bien supérieure à celle
du meilleur plâtre ordinaire, et entraîne une économie d'un
quart au moins sur le meilleur plâtre fourni par les meil-
leurs chaufourniers.
Si ce plâtre est très finement moulu, il peut s'employer
96 MÉMOIRES.
pour les moulages les plus fins, et donne des objets moulés
d'une dureté et d'une solidité égales à celles des meilleurs
plâtres de Paris.
Ce plâtre a même l'avantage de n'être éventé qu'après
plusieurs années de conservation au contact de l'air. Cette
propriété si précieuse s'explique d'une façon tout à fait
scientifique et après expérience pratique.
Lorsqu'on examine un bloc de plâtre préparé, comme je
viens de le dire, et conservé au contact de l'air, et qu'on
cherche à doser après un laps de temps, d'un an, l'eau de
composition réacquise par ce bloc, on constate que c'est seu-
lement sa partie la plus extérieure qui s'est de nouveau hy-
dratée, et qui, dans cet état d'hydratation, a protégé la
masse intérieure contre l'hydratation profonde, et l'a con-
servée avec tout son pouvoir de prise.
Je crois donc, d'après tout ce qui précède, que le procédé
nouveau de cuisson du plâtre que je viens d'exposer et que
garantit un brevet, est appelé à rendre un vrai service à
l'industrie plâtrière, en fournisssant un plâtre d'une homo-
généité inconnue jusqu'à ce jour, d'une cuisson irrépro-
chable, d'une prise complète et parfaite, d'une dureté maxi
mum, et d'un prix très inférieur à celui que peut supporter
le plâtre actuel.
Tel est aussi l'avis des plâtriers qui en ont fait l'essai, et
à la tête desquels je puis signaler le Président du Syndicat
des plâtriers de Toulouse, M. Picatier.
Economie politique de Vindustrie plâtrière.
S'il n'est pas possible de donner dans ce travail tous les
détails de la fabrication du plâtre par la méthode que je
viens de signaler, il est presque un devoir que je fasse l'ex
posé succinct de l'économie politique de l'industrie plâtrière
de Tarascon, basée sur les données qui découlent de la nou -
velle manièrf de se présenter aux chaufourniers et aux ou-
vriers qui y sont forcément attachés.
LES GYPSES DE LA VALLEE DE TARASCON. 97
Voilà une industrie qui, aujourd'hui, est morcelée dans
le pays de Tarascon, grand centre pour le Midi, de la pré-
paration du plâtre.
Une forte Société, la Société des plâtres d'Arignac, tient
le haut bout de la fabrication; plusieurs petits chaufourniers
gravitent autour d'elle, lui faisant une certaine concur-
rence. A eux tous réunis, ils sont arrivés à préparer par
an, il y a quelques années, un minimum de 2,400 wagons
de plâtre à bâtisse, sans compter celui pour l'agriculture.
Ce haut chiffre ne s'est pas maintenu ; il a sensiblement
baissé, par suite de la mauvaise fabrication du plâtre et
d'une grève déplorable et pour les fabricants et pour les
ouvriers. L'expédition annuelle est tombée à 1,800 wagons
environ.
Par suite d'une direction intelligente de la Société d'Ari-
gnac, la fabrication s'est relevée, de même que l'expédi-
tion, mais elle n'a pas encore atteint le chiffre primitif d'ex-
péditions annuelles, bien que cette année elle ait atteint
pendant quelque temps 90 wagons par jour.
La concurrence entre les petits chaufourniers et la So-
ciété d'Arignac s'est peut être accentuée.
Un nouveau centre d'exploitation s'étant créé â Surba,
destiné par l'emplacement exceptionnellement favorable,
par la richesse redoutée de ses gisements, ainsi que par le
brevet dont elle dispose, en en attendant d'autres, à domi-
ner la situation, la Société d'Arignac, sérieusement préoccu-
pée de ce nouvel état des choses, a immédiatement cherché
à remédier à la faiblesse de certains côtés de son exploita-
tion, en se procurant de nouveaux gisements de gypse, en
augmentant sa force motrice, etc., etc.
Pendant ce temps, les petits chaufourniers, parmi lesquels
certains ont été trompés et exploités par des gens étrangers
peu consciencieux, reculent pour consentir à de nouvelles
dépenses; d'autres vivotent sans de grands efforts.
C'est donc un certain désordre industriel au bénéfice d'un
seul, qui règne dans l'industrie plâtrière de Tarascon, aux
dépens de petits propriétaires do plâtrières, et de prépara-
98 MÉMOIRES.
teurs de plâtre, en même temps qu'aux dépens du pays et
de l'industrie elle-même.
Gomment mettre fin à un état de choses aussi malheureux,
d'une manière fructueuse et honorable pour tous, d'une ma-
nière vraiment démocratique, oserais-je dire? Gomme de
juste, il est indispensable, pour avoir le succès assuré d'une
manière définitive, et pour se préserver des grèves, de met-
tre l'ouvrier à l'abri de l'arbitraire et des excitations cou-
pables et ruineuses pour tous.
Un seul me semble proposable, celui d'un Syndicat des ex-
ploitations, en employant les procédés les plus scientifiques
et les plus pratiques de fabrication, chacun ayant sa juste
part de bénéfices d'après la valeur de son apport, et sa ferme
résolution de céder à l'ouvrier un intérêt définitif et intan-
gible dans les bénéfices réalisés.
Dans ces conditions, le Syndicat, faisant disparaître toute
concurrence, et n'ambitionnant qu'une seule chose, la per-
fection de la fabrication et un rehaussement convenable du
prix de vente de chaque espèce de plâtre, les chaufourniers
de Tarascon, fondus en une seule société, pourront servir
les plâtriers du triangle dessiné par Bordeaux, Périgueux et
Montpellier, et s'étendre beaucoup plus loin encore, pour la
vente des plâtres surfins, pouvant concurrencer ceux de Pa-
ris, car ils obtiendront ces derniers, grâce à des brevets spé-
ciaux, à bien meilleur compte que ceux de la capitale.
Ge serait là une raison sérieuse pour adopter une organi-
sation qui ne pourrait qu'augmenter ses bénéfices et son
avoir, et qui pourrait également, en appelant de petits indus-
triels à prendre part à un succès et à des bénéfices sérieux,
augmenter la fortune de tout un pays, en assurant l'aisance
et le bien-être aux ouvriers spéciaux du canton de Taras-
con.
L'union, surtout l'union d'industriels intelligents, fait la
force, on Ta dit depuis très longtemps, et dans ces condi-
tions, ce qui manque à l'un, l'autre peut le fournir, pour le
plus grand bien du Syndicat proposé.
Des horizons nouveaux, absolument imprévus dans l'in-
LES GYPSES DE LA VALLÉE DE TARASCON. 99
dustiie du plâtre, s'ouvrent par suite d'études scientifiques
des plus sérieuses, faites sous une direction compétente et
désintéressée.
Ces découvertes sont offertes au Syndicat en question.
Qu'il sache les utiliser. Tarascon et les pays voisins consti-
tuent un centre privilégié pour les y créer et les y dévelop-
per, but auquel doivent se consacrer sans relâche ceux qui
aiment la prospérité de la grande comme de la petite patrie,
et qui considèrent comme un devoir et comme un honneur
d'appeler l'ouvrier à participer aux bénéfices dont le capita-
liste seul a eu jusqu'à ce jour la jouissance.
LA FIXATION DE l'aZOTE ATMOSPHÉRIQUE. 101
LA FIXATION DE L'AZOTE ATMOSPIIÉIUOUE
ET LES NOUVEAUX ENGRAIS AZOTÉS
Par h. GIRAN».
Parmi les corps simples qui constituent le globe terrestre,
l'un des plus indispensables à la vie des animaux et des
végétaux est Vazote. Ce gaz se trouve très abondamment
répandu dans l'atmosphère, dont il constitue les quatre cin-
quièmes environ. Malheureusement, les animaux et les
plantes sont incapables d'une assimilation directe de cet
élément; seules les légumineuses sont douées de la pro-
priété de Tabsorber et de s'en nourrir en le puisant directe-
ment dans l'air. A cette exception près, les plantes emprun-
tent à certains composés azotés contenus dans le sol Tazote
dont elles ont besoin; cet élément, ainsi fixé dans le règne
végétal, passe ensuite successivement chez les animaux
herbivores, puis chez les carnivores. Il est donc nécessaire
que le sol renferme des composés azotés assimilables par
les plantes.
Mais il peut arriver, soit que ces composés soient insuffi-
sants dans certains terrains pour que les végétaux que l'on
y cultive atteignent leur développement normal, soit que
l'agriculteur désire accroître la production de son champ.
Dans l'un et l'autre cas, il sera nécessaire de fournir aux
végétaux un supplément d'azote absorbable, d'où l'emploi,
si répandu aujourd'hui, des engrais azotés.
1. Lu dans la séance du 3 février 1910.
102 MÉMOIRES.
Le désir bien légitime d'augmenter le rendement du sol
n'est d'ailleurs pas le seul motif qui ait amené les agrono-
mes à faire usage de ces engrais. Il est des cas où la sur-
production est une nécessité; Tun d'eux est particulièrement
intéressant, c'est celui du blé.
Dans un discours prononcé en 1898 à l'Association britan-
nique pour l'avancement des sciences, sir W. Grookes a
attiré l'attention sur l'accroissement extraordinairement
rapide des peuples de race blanche qui font des céréales, du
blé en particulier, la base de leur alimentation, et qu'il
désigne par l'expression pittoresque de « Mangeurs de
pain ». Il a constaté que cet accroissement était tel que,
dans une vingtaine d'années, la superficie totale, encore
disponible à la surface du globe pour la culture des céréa-
les, serait entièrement exploitée et que force serait de recou
rir à la culture intensive.
Les engrais azotés utilisés en agriculture sont de deux
sortes :
1° Les sels ammoniacaux, le sulfate en particulier, pro-
venant de l'épuration du gaz d'éclairage et de la récupéra-
tion du gaz ammoniac produit dans la fabrication du coke
métallurgique;
2^ Les nitrates de soude du Chili.
La production annuelle des sels ammoniacaux en Europe
est de 700 à 800,000 tonnes, dont la plus grande partie est
absorbée par l'agriculture. Cette production pourrait, tout
au plus, être doublée, toutes les usines ne pratiquant pas le
•traitement des eaux ammoniacales. Les 1,500,000 à 2,000,000
de tonnes ainsi obtenues seraient encore insuffisantes et, de
plus, l'azote nitrique paraît être, au point de vue agricole,
un peu supérieur à l'azote ammoniacal. Cette différence en
faveur de Tazote nitrique se retrouve dans les prix : 1 kilo-
gramme d'azote, sous forme de nitrate, vaut 1 fr. 50 c, et
seulement 1 fr. 10 c. ^sous forme ammoniacale. De plus,
pour certaines industries, celle des explosifs en particulier,
l'azote ammoniacal ne peut pas remplacer Tazote nitrique.
Enfin, la source principale d'où dérivent les sels ammonia-
LA FIXATION DE l'aZOTE ATMOSPHÉRIQUE. 103
eaux, la houille, n'est pas inépuisable. Les gisements du
Chili, d'une puissance extraordinaire, sont exploités depuis
1825; le tableau ci-dessous indique avec quelle prodigieuse
rapidité s'est développée cette exploitation.
EXPORTATION DU NITRATE DE SOUDE DE l'aMÉRIQUE DU SUD.
Années. Exportation.
1825 935 tonnes.
1835 t 7.020 —
1845 18.814 —
1860 68.512 —
1870 147.170 —
1880 226.000 —
1890 1.065.000 —
1900 1.460.000 —
1905 1 .627.000 —
1908 2.014.000 —
Ces gisements, d'où Ton a retiré depuis 1825 près de
10 millions de tonnes de nitrate de soude, ne sont cepen-
dant pas inépuisables. Quelle sera la durée des réserves
disponibles? On est loin d'être d'accord là-dessus. Pour les
uns, elles seront épuisées dans vingt ans; d'autres estiment,
au contraire, que le gisement pourra fournir du nitrate
jusqu'au delà de l'an 2000.
Quoi qu'il en soit de ces prévisions, il est certain que les
nitrates du Chili s'épuiseront un jour, et l'on doit, dès main-
tenant, se demander comment on les remplacera. Or, il
existe à la surface du globe une source d'azote pratique-
ment inépuisable, c'est l'azote atmosphérique. Il est aisé de
calculer que la quantité d'azote contenue dans un million de
tonnes de nitrate est égale à celle que renferme la fraction
de l'atmosphère qui recouvre deux hectares de la surface
terrestre. Le problème à résoudre consiste donc à fixer cet
azote sous un état qui soit assimilable par les végétaux et à
le transformer, soit en azote ammoniacal, soit en azote
nitrique; d'où les deux solutions dont l'industrie s'efforce
104 MÉMOIRES.
d'assurer el de perfectionner la réalisation pratique et qui
empruntent, Tune et Tautre, Ténergie dont elles ont besoin
à l'électricité.
Première méthode. — Cyanamide calcique
ou chauœ azotée.
Ce composé, dont la formule chimique est CN^Ga, a été
découvert par Frank et Garo en 1903.
On le prépare en faisant passer de l'azote sur du carbure
de calcium chauffé à 1,000*' :
G^Ga + 2N =CN*Ga + G.
11 est nécessaire d'employer de l'azote à peu près pur; on
se servira, soit de l'air débarrassé de son oxygène par le cui-
vre au rouge, soit de l'azote extrait de l'air liquide.
Une fois Topera lion terminée, on concasse et on broie la
c3-anamide. Ge composé (supposé mélangé avec le carbone
formé simultanément) devrait contenir théoriquement
30 p. 100 d'azote; il en contient en réalité 15 à 22 p. 100;
en général, 20 p. 100 environ. En présence de l'eau, la
cyanamide se décompose, lentement à froid, plus rapidement
à chaud, en donnant de l'ammoniaque et du carbonate de
calcium :
GN\".a + 3H20 = 2NH3 -f- GO*Ga.
Au contact de l'humidité du sol, cette réaction se produit
également; la cyanamide joue donc, pour les végétaux, le
rôle d'une source continue d'ammoniaque.
Le cours actuel de la cyanamide calcique est d'environ
23 francs les 100 kilogrammes, d'où l'on peut déduire que
le prix de revient du kilogramme d'azote fixé est compris
entre 1 fr. 10 c. et 1 fr. 40 c, selon les circonstances, en
particulier suivant la valeur du carbure de calcium.
Au point de vue agricole, la chaux azotée paraît occuper
LA FIXATION DE l'AZOTE ATMOSPHERIQUE. 105
une position intermédiaire entre les sels ammoniacaux et
les nitrates.
Un certain nombre d'usines à cyanamide sont en exploi-
tation ou en construction en Italie, dans le Dauphiné,
en Suisse, en Allemagne, en Angleterre, en Norvège et en
Amérique (Niagara). A Piano d'Orta, dans les Abruzzes,
existe une usine qui fabrique annuellement environ
4,000 tonnes de cyanamide. A Notre-Dame-de-Briançon se
trouve aussi une fabrique de cyanamide, en même temps
qu'une usine de carbure de calcium; en général, d'ailleurs,
on établit les usines à cyanamide à côté de celles à carbure,
pour éviter des frais de traiisport.
Deuxième méthode. — Azote nitrique électrochimique.
!• Principe. — Le principe de cette méthode réside dans
une expérience qui fut imaginée par Gavendish en 1784 :
Gavendish faisait éclater des étincelles électriques dans
un tube contenant de l'azote et de l'oxygène. Il constata que
ces deux gaz s'unissaient peu à peu avec formation de
bioxyde d'azote, suivant la réaction :
N + 0 = NO.
Gette réaction est réversible, c'est-à-dire que, dans les
mêmes conditions, le bioxyde d'azote peut être décomposé
en azote et oxygène^, suivant une réaction inverse de celle
qui est écrite ci-dessus. Gette remarque est très importante;
nous en verrons l'application pratique ultérieurement.
Le bioxyde d'azote qui a pris naissance dans l'expérience
de Gavendish se combine spontanément avec une nouvelle
quantité d'oxygène à une température inférieure à 500
ou 600''; il se produit du peroxyde d'azote :
NO + 0 = NO^
Enfin, ce peroxyde d'azote, mis en présence de l'eau,
10« SÉRIE. — TOME X. 10
106 MÉMOIRES.
donne naissance à de l'acide azotique et à du bioxyde d'azote
qui recommencera le cycle des réactions précédentes :
SNO^ + H^O =2N0^H + NO.
Si l'on fait arriver le peroxyde d'azote, non plus en pré-
sence de l'eau, mais au contact d'une dissolution de soude
ou de potasse, il se transforme en un mélange d'azotile et
d'azotate :
2N0'^ 4- 2NaOH r= NO^Na + NO^Na + H'^O.
L'étincelle électrique, dont se servait Cavendish, est
aujourd'hui remplacée par l'arc électrique, qui donne un
meilleur rendement.
2° Rôle de la température. — Le bioxyde d'azote est
formé avec absorption de chaleur à partir de ses éléments :
N +0:=N0 — 21S6.
Il en résulte, d'après le principe deVant'Hoff [Tot^^e éléva-
tion de température produit^ sur mi système chimique en
équilibre^ une transformation dans le sens correspondant
à une ahsoy^ption de chaleur], que la proportion de NO est
d'autant plus considérable que la température est plus éle-.
vée. C'est ce que l'expérience confirme, ainsi que l'indique
le tableau suivant :
Températures (centigr.). NO en volume.
15400 0,370/0.
1760» 0,64
I92O0 0,97
29300 5,00
Le temps au bout duquel la limite est atteinte est d'autant
plus court que la température est plus élevée. Ainsi, le cal-
cul indique que la durée de la demi-réaction ci-dessus,
soit le temps nécessaire pour obtenir la moitié du gaz NO
LA FIXATION DE l' AZOTE ATMOSPHÉRIQUE. 107
correspondant à la teneur limite donnée dans le tableau pré-
cédent, prend les valeurs suivantes :
Températures (cenligr.). Temps.
730« 81,G2 ans.
1230O 1,26 jours.
1630^ 2,08 minutes.
18300 5,06 secondes.
2
2230O 1,06 X lO'secondes
2630O 3,45 X iÔ'' —
Pour ces deux raisons (limite et vitesse de la réaction), il
y a donc lieu d'opérer à une température aussi élevée que
possible. Il importe cependant de remarquer que le meilleur
rondement que l'on obtient à température élevée est en par-
tie compensé par la dépense d'énergie calorifique accessoire
nécessaire. Cependant, tout compte fait, il y a bénéfice à
opérer à baute température. D'après M. Haber, 1 kilowatt-an
doit fixer l'azote correspondant à :
819 kilogrammes NO^H si l'arc travaille à 3200° G.
1.850 — — 4200*^0.
3" Rét7vr/7-adation. — Il résulte de l'un des tableaux pré-
cédents que si la température du mélange gazeux passe
de 2930° à 1920% la proportion de NO passe de 5 p. 100
à 1 p. 100, d'où une perte de 80 p. 100 pour cet abaisse-
ment de température de 1000 degrés. Cette rétrogradation
est d'autant plus rapide que la température est plus élevée.
A des températures suffisamment basses (700°), elle peut
devenir tout à fait nulle; le mélange est alors dans la
région des faux équilibres, il est parfaitement stable. Prati-
quement, il n'est pas nécessaire de réaliser un abaissement
de température aussi grand; il suffit de refroidir à 1200%
température à laquelle la vitesse de rétrogradation- est telle-
ment faible qu'elle devient négligeable.
De ces considérations résulte la nécessité de refroidir très
108 MÉMOIRES.
rapidement le mélange gazeux, après qu'il a été très forte-
ment échauffé, afin que la rétrogradation n'ait pas le temps
de se produire. L'arc électrique est, de tous les modes de
chauffage, celui qui, grâce à la localisation et à la grande
concentration de la flamme dans un espace très restreint,
permet le mieux de réaliser ce desideratum.
PROCEDE BIRKELAND ET EYDE.
Pour réaliser un grand échauff'ement de la masse gazeuse,
suivi d'un rapide refroidissement, Birkeland et Eyde font
passer le mélange gazeux: d'azote et d'oxygène (air) à tra-
vers la flamme d'un arc d'une très grande puissance, étalée
en forme de disque, d'après le principe suivant :
Lorsqu'on fait jaillir un arc entre des électrodes placées
entre les pôles d'un électro-aimant, cet arc prend la forme
d'un demi-disque; si l'on change le sens du courant, l'arc
en demi-disque prend la position symétrique. Avec un cou-
rant alternatif, on a Tapparence d'un disque complet.
Birkeland et Eyde emploient deux électrodes à pointe de
cuivre, rattachées à un alternateur à haute tension et dis-
posées perpendiculairement à la ligne des pôles d'un puis-
sant électro-aimant. Les électrodes sont des tubes en cuivre
de 15 millimètres de diamètre, refroidis intérieurement par
un courant d'eau, pour augmenter leur durée.
Le courant employé a une tension de 5,000 volts, dont
3,500 sur les électrodes et 50 périodes par seconde.
La chambre d'oxydation a une forme aussi rétrécie que
possible, de façon à soumettre la masse totale du gaz à
l'action des hautes températures produites par ces déchar-
ges. C'est une sorte de cavité cylindrique très aplatie, au
centre de laquelle jaillit l'arc que l'électro-aimant étale, sous
la forme d'un disque de l'"80 à 2 mètres de diamètre. Les
parois de cette chambre sont en briques réfractaires et per-
cées de canaux qui aboutissent vers son centre et par où
l'air est amené au milieu du disque de feu, qu'il traverse
LA FIXATION DE l' AZOTE ATMOSPHÉRIQUE. 109
dans la direction des rayons pour venir finalement se déga-
ger dans une chambre circulaire où le mélange gazeux se
refroidit rapidement.
La première usine Birkeland et Eyde fut construite à
Notodden, en Norvège, en 1905, avec une .puissance de
2,000 chevaux empruntée aux forces hydroélectriques;
Tannée suivante, on en construisit une seconde, à Svœlgfos-
Notodden, d'une puissance de 30,000 chevaux. Actuelle-
ment, l'usine de Svœlgfos-Notodden dispose de 40,000 che-
vaux, et l'on s'occupe de mettre en exploitation deux autres
chutes qui fourniront respectivement 15,000 et 55,000 che-
vaux. D'autres Compagnies, associées à la Société norvé-
gienne, possèdent, en outre, un ensemble de 390,000 che-
vaux; en particulier, la chute du Rjukan (en construction)
fournira 227,000 chevaux, par une chute de 40 mètres cubes
d'eau, au minimum, par seconde, tombant d'une hauteur
de 556 mètres.
La première usine (celle de Notodden) possède trois fours,
absorbant chacun 500 kilowatts (soit 680 chevaux) et fonc-
tionnant avec la plus grande régularité. La deuxième usine
(celle de Svœlgfos-Notodden) devait posséder trente fours,
de 833 kilowatts chacun, recevant, par conséquent, en tout
25,000 kilowatts (34,000 chevaux). Le prix de chacun de ces
fours est de 25,000 francs.
La température de l'arc est voisine de 3000°; celle des gaz
à la sortie du four est d'environ 800*^. On les refroidit, soit
au moyen de récupérateurs, soit en les faisant passer dans
des chaudières où ils cèdent une partie de leur chaleur aux
dissolutions de nitrates, qui sont produites ultérieurement
et qu'il faut concentrer. Quand le mélange gazeux a atteint
une température inférieure à 500^-600% le bioxyde d'azote
se transforme en peroxyde :
NO -f-0= N0^
Enfin, le peroxyde d'azote est conduit dans des appareils
absorbeurs et converti en acide azotique ou en azotates.
110 MEMOIRES.
A Notodden, on traite 25,000 litres cî'air par minute; les
gaz, à la sortie du four, ne contiennent guère que 1 à
2 p. 100 de NO; la récupération sera donc difficilo. On est
cependant parvenu, au moyen du système d'absorbeurs que
nous allons décrire, à fixer 96 p. 100 des vapeurs nitreuses
sortant des fours.
Ces absorbeurs se composent de séries de quatre tours en
granit, de plus de 20 mètres de hauteur, remplies de frag-
ments de quartz sur lesquels on fait couler de Peau ; dans
une cinquième tour, en bois, on fait couler un lait de chaux
qui arrête, à Tétat de nitrite et de nitrate, les dernières tra-
ces de NO^. Le liquide qui a traversé la quatrième tour est
conduit au sommet de la troisième qu'il traverse ensuite;
puis on le fait s'écouler successivement à travers la
deuxième et la première; finalement, on recueille, à la sor-
tie de la première tour, un acide à 50 p. 100. Cet acide est
ensuite neutralisé, soit par un lait de chaux, soit plutôt par
du carbonate de calcium et transformé en nitrate de calcium.
On peut, ou bien faire cristalliser la dissolution de ce sel,
ce qui donne (NO^)^ Ga + 4H^0, ou bien l'évaporer à
siccité et obtenir le nitrate fondu, partiellement deshydra-
tés, contenant 13 p. 100 d'azote, que Ton coule dans des
tonneaux en fer ou en bois.
Le nitrate obtenu en neutralisant le carbonate de calcium
par la dissolution d'acide azotique condensé dans les tours
en granit est exempt d'azotite; au contraire, ce sel prend
naissance, en même temps que du nitrate, dans les tours
en bois où l'on fait agir un lait de chaux sur les vapeurs
nitreuses.
Gomme le nitrate de calcium est hygroscopique, on le
transforme généralement en nitrate basique, moins altéra-
ble, en lui incorporant une certaine quantité de chaux libre.
Les agronomes estiment que le nitrate de calcium est,
au point de vue engrais, aussi bon que le salpêtre naturel;
il lui serait même supérieur dans les terrains sablonneux.
Parfois la neutralisation est effectuée, dans les tours en
bois, au moyen du carbonate de sodium : on obtient alors
LA FIXATION DE l'AZOTE ATMOSPHERIQUE. 111
du nitrate et du nitrite de sodium. Lorsque tout Talcali est
neutralisé, si l'on continue à faire passer les gaz d'arc,
le nitrite est peu à peu décomposé par l'acide nitrique libre
formé; on pourra donc obtenir, à la longue, une solution
de nitrate presque pur. Quant à l'acide nitreux qui est
chassé, il est réabsorbé ensuite. On peut aussi, du nitrate-
nitrite, séparer le nitrite par cristallisations; ce dernier sel
est utilisé dans l'industrie de certaines matières colorantes.
Les résultats les plus favorables de la méthode Birkeland-
Eyde ont été de 800 à 900 kilogr. de NO^H par kilowatt-an;
mais c'est là un rendement maximum ; il ne faut guère
compter, en moyenne, que sur 500 kilogr. de NO^H par
kilowatt-an. On estime que les dépenses accessoires (usure
des dynamos, etc.) égalent environ celle de l'énergie élec-
trique. Donc, en prenant le kilowatt-an électrique à 60 francs
(ou le cheval-an à 44 francs ^), on en déduit que 100 kilog.
de NO^H reviennent à 24 francs environ, soit 1 fr. 10 c.
pour prix de revient du kilogramme d'azote fixé (certains
auteurs donnent 1 fr. 80 c. et 1 fr. 25 c). Or, le prix actuel
du kilogramme d'azote est de :
1 fr. 50 c. dans le nitrate du Chili;
2 fr. 25 c. dans l'acide nitrique chimique.
L'acide nitrique électrochimique peut donc entrer en
concurrence avec ces derniers.
Si l'on compare, non plus les valeurs de l'azote fixé,
mais celles de l'acide azotique, on trouve que, tandis que,
comme nous venons de le voir, 100 kilog. d'acide azotique
électrochimique reviennent à environ 24 francs, le même
poids de NO'H coûte :
A l'état de NO'H concentré . 45 francs.
A l'état virtuel (dans le nitrate à 26 fr.
les 100 kilog.) 35 —
1. Ces prix sont ceux que l'on admet en France, dans les Alpes on
particulier; en Norvège, le prix de l'énergie hydroélectrique peut être
sensiblement plus faible.
112 MÉiMOIRES.
Le prix de revient du nitrate de calcium serait d'environ
100 francs; le prix de vente de 200 francs la tonne.
Nous devons néanmoins constater que, en dépit de ces
résultats avantageux, les progrès à réaliser sont encore
considérables, car seulement 3 p. 100 de l'énergie électrique
sont transformés en énergie chimique.
Nous avons décrit, avec quelques détails, la méthode Bir-
keland-Eyde; c'est celle dont le développement industriel
a été, jusqu'à aujourd'hui, le plus considérable. Il importe
cependant de signaler d'autres tentatives, dont quelques-
unes sont même entrées dans la pratique industrielle.
Une importante Société allemande, la « Badische Anilin
ûnd Soda Fahrik », utilise un arc très allongé, qui jaillit
dans l'axe d'un tube métallique; l'air pénètre dans ce tube
par le bas et tangentiellement, il en sort par le haut après
avoir subi l'action de l'arc.
La « Badische Anilin » est associée à la Société norvé-
gienne p:ur l'exploitation en commun de leurs procédés.
Ces deux Sociétés projettent de créer de nouvelles usines
en Allemagne et en Norvège. La Société norvégienne, en
particulier, se propose d'utiliser prochainement une force
hydraulique de 140,000 chevaux et espère pouvoir livrer,
dans quelques années, environ 100,000 tonnes de nitrate
artificiel par an, et, plus tard, dans une dizaine d'années,
arriver à une production annuelle de 300,000 tonnes.
M. Ph.-A. Guye a proposé un four à arcs multiples, dans
lequel plusieurs arcs, disposés en tension, jaillissent simul-
tanément sur un même circuit. On obtient ainsi, à puis-
sance égale, un plus grand développement de l'arc et, par
suite, une meilleure utilisation de l'énergie électrique.
Citons aussi le four Pauling, employé en Autriche, formé
de deux électrodes en fonte, recourbées comme celles d'un
parafoudre à cornes, creuses et parcourues par un courant
d'eau.
Ce sont les fours Pauling qui sont utilisés dans la pre-
mière usine française pour la fixation de l'azote atmosphé-
rique qui vient d'être créée à La Roche de Rame (Hautes-
LA FIXATION DE l'AZOTE ATMOSPHÉRIQUE. 113
Alpes). L'énergie utilisée est empruntée à un affluent de la
Durance. Le courant est à îa tension de 4,000 volts et ali-
mente quatre fours de 500 chevaux chacun, dont on espère
porter ultérieurement la puissance à 1,500 chevaux. On y
prépare de Tacide nitrique à divers titres, depuis la concen-
tration commerciale de 36«B, jusqu'à 46'* et 48»B (96 p. 100),
et du nitrite de soude bien cristallisé à 97-98 p. 100 de
pureté. En marche normale, la fabrication donne 60 à
70 grammes de NO^H par kilowatt-heure dépensé, soit 500
à 600 kilogr, par kilowatt-an.
AUTRES APPLICATIONS.
Outre la préparation de l'acide nitrique, des nitrates et
des nitrites, la fixation de l'azote atmosphérique permet de
réaliser la production d'un certain nombre de composés
dont l'avenir industriel est peut-être considérable.
C'est ainsi que M. Goignet ayant proposé de remplacer,
dans la fabrication des superphosphates, l'acide sulfurique
par l'acide nitrique, on a songé à obtenir ce même résultat
en dirigeant les gaz des fours sur des phosphates en poudre.
Le superphosphate obtenu (superphosphate nitré), qui est
en même temps un engrais azoté, possède certainement une
valeur agricole considérable.
On a également proposé de récupérer les oxydes d'azote,
le peroxyde en particulier, en refroidissant, par l'air liquide,
le mélange gazeux qui sort des fours. Cette récupération
directe du peroxyde d'azote présente un grand intérêt, car
elle permet d'entrevoir, dans l'avenir, une transformation
complète de l'industrie des explosifs, le mélange de N'-^O*
avec divers corps organiques donnant des explosifs de
grande puissance.
PURETÉ DES PRODUITS.
Une des caractéristiques des produits obtenus par les
méthodes que nous venons de décrire est leur pureté. En
114 MÉMOIRES.
particulier, l'acide azotique ainsi fabriqué est exempt de
toutes les impuretés que renferme celui que l'on obtient par
les procédés ordinaires et, notamment, exempt de chlore.
Cette pureté est particulièrement appréciable lorsqu'il s'agit
de la préparation des explosifs dans lesquels la présence
d'impuretés peut provoquer parfois des altérations redou-
tables.
UTILISATION SIMULTANÉE DES DEUX PROCÉDÉS.
La fabrication de la cyanamide a besoin d'azote pur. On
retiendra l'oxygène de l'air par des corps oxydables,- le
cuivre par exemple. On peut aussi songer à utiliser l'azote
que l'on pourra retirer de l'air liquide; mais, dans ce cas,
que fera-t-on de l'oxygène?
On a remarqué, d'autre part, que, dans la fixation élec-
trique de l'azote, la combustion de cet élément fournit un
meilleur rendement si on la produit en présence d'un excès
d'oxygène. Les formules :
N + 0 = NO et NO + 0 = NO^
montrent, en effet, que, en définitive, un volume d'azote doit
s'unir à deux volumes d'oxygène; or, l'air contient seule-
ment I en volume de ce dernier gaz pour | du premier.
Il résulte de cette remarque qu'il y aurait intérêt à ins-
taller côte à côte les deux industries dont nous venons de
parler. Elles pourraient ainsi utiliser complètement les
deux produits, azote et oxygène, provenant de la liquéfac-
tion de l'air, ce qui permettrait à chacune d'elles d'opérer
dans des conditions encore plus économiques.
Les deux procédés que nous avons décrits, procédé à la
cyanamide et procédé par oxydation de l'azote, sont les
deux méthodes par lesquelles on cherche, actuellement, à
suppléer à l'épuisement éventuel des nitrates du Chili. Ils
font appel, l'un et l'autre, aux forces hydroélectriques que
produisent économiquement les nombreuses chutes d'eau
des régions montagneuses. Ils nécessitent aussi, tous les
ATMOSPHÉRIQUE. 115
deux, la mise eh œuvre des méthodes les plus perfection-
nées de la technique électrique et de la technique chimique,
et la connaissance des lois les plus importantes et les plus
modernes de la chimie physique. Ce sont donc là des ques-
tions toutes d'actualité, encore en voie d'évolution, et qui
méritent de notre part une attention toute particulière.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 117
SITUATIOiN MATERIELLE
ET MORALE
DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON
AU MOMENT DE LA BATAILLE DE TOULOUSE
Par le D^ GESGHWIND^
Médecin-Inspecteur de l'Armée,
Le 10 avril 1814, au lever d'un beau soleil de printemps
qui devait, ce jour-là, éclairer une des plus sanglantes
mêlées de ces vingt années de guerres, au bruit des cloches
sonnant à toute volée, car c'était le dimanche de Pâques, les
Toulousains de tout âge et de tout sexe, massés sur les toits,
les clochers, les promenades et les murs d'enceinte de leur
ville^, purent voir un 'spectacle dont ils ont dû garder le
souvenir pendant tout le reste de leur existence.
Garnissant les hauteurs où se dresse actuellement la
Colonne commémorative ainsi que tous les points que
l'énergie et l'activité de Soult et de ses vaillants soldats
avaient mis, en quelques jours, en état de défense, se mon-
traient des lignes épaisses de capotes bleues, de chevaux et
de canons. Et soudain, de cette masse, piquée de l'éclair
des baïonnettes, surgit une immense clameur saluant du
cri, trois fois répété, de < Vive l'Empereur! >, le large dra-
peau tricolore, hissé lentement sur le pigeonnier de Cari-
1. Lu dans les séances des 3 et 10 mars 1910.
2. Curiosité qui choqua tant WelHn^^ton, d'après les Mémoires du
comte de Villèlc, tome I, page 215.
118 MÉMOIRES.
venc, la vieille métairie qu'a fait disparaître l'extension du
cimetière ^
Plus au loin, répandues dans la campagne depuis l'Em-
bouchure jusqu'à Croix-Daurade, le long de l'Hers, ainsi que
tout autour de Saint-Gyprien, les troupes anglaises, alleman-
des, portugaises, espagnoles, aux uniformes multicolores,
allaient prendre leurs positions de combat, au bruit, assourdi
par la distance, des tambours et des fifres, soutenu par le
bourdonnement continu des cornemuses écossaises.
Quels étaient les effectifs^ la composition^ les chefs,
l'état d'esprit des deux armées en présence? Quelle était
leur situation matérielle et morale? Quelles furent leurs
pertes cejour-là't Les récits de la bataille de Toulouse, spé-
cialement ceux des auteurs locaux, présentent des divergen-
ces considérables sur beaucoup de ces points. J'ai cherché
à les préciser à l'aide des documents originaux les plus
récemment publiés, remettant à un autre temps le récit delà
bataille elle-même et de ses suites immédiates. Rappelons
succinctement les faits qui Vont précédée.
Après le désastre de Vitoria (21 juin 1813), les débris de
l'armée française avaient repassé la frontière. Le maréchal
Soult, envoyé de Dresde par l'Empereur pour remplacer,
.à sa tête, l'incapable Joseph, après quinze jours employés
à la ravitailler et à y. restaurer un peu d'ordre et de discipline,
reprit l'offensive, l'Empereur lui ayant signifié « qu'il n'en-
tendait recevoir de ses nouvelles que de l'intérieur de l'Espa-
gne ». Mais il échoua complètement dans ses tentatives de
secourir Pampelune et Saint-Sébastien et fut obligé d'aban-
donner définitivement la Péninsule.
Cette guerre d'Espagne, dit Clerc ^, a conséquence de l'abo-
1. D'après le D' Bibent, La bataille de Toulouse, 1909.
2. Commandant Clerc, Campagne du 7?iaréchal Soult dans les
Pyrénées occidentales, 1894, p. 13. Le chiffre donné par le comman-
dant Clerc paraît, à première vue, exagéré et susceptible de quelques
réserves. Marbot indique 200,000 Français et 60,000 de leurs alliés
comme lues ou morts dans les hôpitaux de la Péninsule de 1808 à 1813
(t. II, p. 284). Il y a lieu de faire ressortir que le commandant Clerc
dont, selon Dumas, l'œuvre est profondément consciencieuse et la
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 119
minable forfait commis à Bayonne en 1808, avait causé la
7nort de 473,000 Français ».
Après de longues hésitations à entrer en France, Welling-
ton força le passage de la Bidassoa, le 7 octobre 1813; mais,
pendant quatre mois, Soult prenant, après la Bidassoa,
comme lignes de défense successives, la Nivelle, la Nive,
les Gaves et l'Adour, réussit à le retenir à moins de dix
lieues de Bayonne.
Le 27 février 1814, il est battu à Orthez; mais trompant
son adversaire qui le croit engagé sur la route de Bordeaux,
il prend la route de Toulouse, ville qui lui offrait une nou-
velle ligne de défense et un centre de ravitaillement de toute
espèce. Dans cette mémorable retraite où il mit vingt-six
jours pour faire quarante lieues, il réussit, tout en donnant
près de huit jours de repos à ses troupes, à tenir en respect
une armée de près du double de la sienne et munie d'une
nombreuse cavalerie. Finalement, de Tarbes, où Tarmée an-
glaise Ta rejoint, il suit la route de Saint Gaudens, la plus
longue mais la plus sûre et la mieux entretenue, engageant,
par une manœuvre habile, son adversaire sur la route de
Boulogne-Lombez plus courte mais peu praticable, et il
arrive à Toulouse le 24 mars, avec tout son monde, de plus
de deux jours en avance sur Wellington qui avait semé sur
les chemins bourbeux du Gers une partie de son convoi.
COMPOSITION DES DEUX ARMÉES.
Uarmée fy^ançaise avait été très affaiblie par les pertes
faites dans ces nombreux combats, ainsi que par les garni-
sons laissées en Espagne, à Pampelune, Saint-Sébastien,
Santona, où, en France, à Bayonne, Navarrenx, Saint-Jean-
Pied -de-Port ^ Elle l'avait été bien plus encore par les
documentation des plus riches, ne parle pas uniquement de mortalité
militaire et que, sous le nom de Français, il doil eny;lober non seule-
ment les morts de nationalité française mais tous ceux qui se trou-
vaient dans ou avec l'armée française.
1. Ces garnisons auraientété d'un ^n-and appoint à l'urméo do cain-
120 MÉMOIRES.
prélèvements imposés par l'Empereur pour renforcer son
armée dans l'Est de la France : les deux divisions Levai et
Boyer, la division de dragons Treilhard, la brigade de cava-
lerie légère Sparre, 40 pièces et 2,000 hommes d'élite pour
renforcer la garde impériale, au total plus de 15,000 hom-
mes ^ En outre, elle venait encore de perdre au delà de
16,000 hommes par le départ de la brigade italienne, la
dissolution des troupes espagnoles et la défection des trou-
pes allemandes, occasionnées par des causes d'ordre politi-
que et par l'envoi de la gendarmerie à pied et de 20 cadres
de bataillon pour former les divisions de cette armée de
réserve dont la réunion à Bordeaux et à Toulouse était
annoncée avec éclat et qui n'eut jamais de réalisation sé-
rieuse*.
Nous venons de parler de la défection des troupes alle-
mandes de l'armée de Soult. Elle mérite d'être rapportée
pagne, la seule dont l'action est décisive et auraient peut-être modifié
i'issue des combats. Elles ne détournèrent relativement que peu de
troupes de l'armée ennemie et plusieurs furent prises assez à temps
pour que le corps de siège pût rejoindre l'armée de Wellington avant
les affaires décisives. Quant aux autres, elles furent assiégées, à part
Bayonne, par des troupes de qualité inférieure, espagnoles en géné-
ral. La même faute fut commise en Catalogne et avec bien plus de
gravité encore en Pologne, en Prusse, en Allemagne, où les places
des pays conquis que l'ambition de Napoléon, espérant un retour de
fortune, ne voulait pas lâcher, absorbèrent des troupes et des géné-
raux dont la quantité et la qualité auraient probablement assuré le
succès des armées françaises en 1813 et 1814.
1. Dumas, Neuf 7)1018 de campagne à la suite du maréchal Soult,
1907, p. 280.
2. Lapène, Campagnes de 1813 et de 1814 sur l'Ebre, les Pyré-
nées et la Garonne, 1823, p. 230, évalue à 35,000 fantassins, 7,000 ca-
valiers, 800 artilleurs avec leurs canons les forces dont l'armée d'Es-
pagne et des Pyrénées avait été appauvrie en faveur des armées du
Nord et de l'Est depuis la rentrée en campagne de juillet 1813. L'œu-
vre de Lapène, qui fut blessé le 10 août comme commandant l'artil-
lerie de Taupin, publiée en 1823, est le premier récit complet et détaillé
qui ait paru sur ces événements. Sa bonne foi, sa conscience, sa docu-
mentation sont évidentes; chacun a puisé depuis dans son livre. Il
ne fut promu chef d'escadron qu'en 1830, revint comme colonel à
Toulouse et arriva général en 1849. Soult eut une grande part dans
ce travail, impartial en général, mais écrit à une époque où l'on ne
pouvait tout dire. (Dumas.)
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 121
parce qu'elle eut lieu dans des conditions qui contrastent
avec la conduite déshonorante bien connue des Saxons à
Leipsick et des Bavarois à Hanau. Celle ci motiva le décret
du 25 novembre 1813, par lequel Napoléon avait ordonné le
désarmement de tous les contingents étrangers et leur ren-
voi dans l'intérieur comme prisonniers de guerre.
Le 10 décembre, le soir du combat d'Arcangue où il s'était
vaillamment battu toute la journée à côté des Français, le
colonel Kruse qui commandait la brigade du Rhin, composée
du 2® régiment de Nassau, du bataillon de Francfort et du
bataillon de Baden, au lieu de gagner le bivouac, profitant
de l'obscurité, conduisit le régiment de Nassau et le bataillon
de Francfort (celui de Baden ne suivit pas), soit environ
1,500 hommes, vers les lignes ennemies. Ils arrivèrent le
lendemain matin àSaint-Jean-de-Luz et traversèrent la ville,
tambour battant, en grande tenue, le plumet au shako. Qua-
tre jours après ils vont s'embarquer à Pasages pour rentrer
chez eux. Kruse refusa énergiquement, lui, ses officiers et
ses soldats de passer dans les rangs de Wellington ne voulant
pas se tourner contre les frères d'armes qu'ils affectionnaient.
Nulle voix dans l'armée ne s'éleva pour fiétrir leur conduite :
on les plaignit et on les regretta. Kruse écrivit au maréchal
qu'il avait reçu de son souverain (lequel s'était joint aux
alliés depuis Leipsick) l'ordre de le quitter et lui rappela
qu'il avait fait son devoir tant qu'il avait été avec les Fran-
çais. 11 ajouta, un peu naïvement, qu'il le priait de lui ren-
voyer les femmes, les bagages, au moins ceux des soldats
ainsi que sa musique, son cheval et ce qu'il avait laissé en
arrière.
De son côté, le colonel Meder, commandant le l^"" régiment
de Nassau à l'armée de Suchet, refusa même absolument de
suivre cet exemple, malgré les invitations pressantes de Clin-
ton et de Wellington : il offrit de consacrer sa vie au service
de l'Empereur, et quand on désarma son régiment, officiers
et soldats sanglotèrent en criant : « Qu'on nous mène à l'en-
nemi et l'Empereur verra combien nous lui sommes fidèles! >
(Clerc).
IQe SÉRIE. — TOME X. 11
122 MÉMOIRES.
Rappelons à ce sujet qu'à Waterloo, Tannée suivante, le
colonel Kruse commandait une brigade du contingent de
Nassau dans l'armée de Wellington et que c'est un bataillon
de Nassau qui, avec quatre compagnies des gardes anglai-
ses, défendit avec tant d'énergie le château de Hougoumont
où vinrent se briser les attaques furieuses du corps de Reille;
échec qui influa tant sur l'issue de la bataille. Ces troupes de
Nassau avaient été à bonne école!
Mais revenons à l'armée de Soult.
Gomme compensation bien faible pour les excellentes
troupes qu'on lui avait enlevées, on lui afl'ecta les conscrits
de la classe de 1815 levée par anticipation et appartenant
à la région, ainsi que le contingent régional des 30,000
hommes pris sur les classes des sept dernières années (de
1808 à 1814) dont la levée avait été ordonnée par le Sénatus-
consulte du 24 août 1815 (hommes des dépôts, ajournés et
même réformés).
Réunis à Toulouse, ces conscrits furent hâtivement ins-
truits par les soins du général Travot, commandant la
10® division, secondé par les généraux Pourailly, Vouille-
mont et Berthier-Saint-Hilaire, ce dernier commandant le
département de la Haute-Garonne.
Cinq bataillons de 750 hommes chacun, fournis par eux,
furent envoyés à Soult du 10 au 19 février. Mais n'ayant
pas, comme les vétérans, l'honneur du drapeau, passant
dans leur pays natal, souvent à proximité de leur famille,
ces jeunes gens désertèrent en masse. « C'est au point, écrit
Soult au Ministre, le 28 février, que les cinq bataillons que
j'ai fait venir de Toulouse ont déjà perdu les deux tiers de
leurs forces sans avoir été à même de tirer un coup de fusil...
ils ne savent ni attaquer ni se défendre et succombent aux
premières marches » (Archives de la Guerre).
Soult essaya de les faire figurer en arrière des lignes pour
faire nombre, et cette disposition jointe à la formation des
troupes sur deux rangs au lieu de trois, trompa momentané-
ment W^ellington qui crut à un renfort provenant de l'armée
de Suchet qui évacuait la Catalogne. Mais le maréchal finit
SITUATION DES ARMEES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 123
par les renvoyer à Toulouse. A la date du 15 mars, il écrit
au Ministre : «J'envoie à Toulouse les conscrits non instruits
qui étaient à la suite de l'armée. Ces hommes embarrassent
et ne sont d'aucune utilité. D'ailleurs, nous en perdons tous
les jours qui restent sur les chemins. A Toulouse, ils pour-
ront se remettre et acquérir de l'instruction » (A. G.).
Il les y retrouva, neuf jours plus tard, le 24 mars, et ils
n'étaient probablement guère plus instruits.
A ce moment-là, son armée comprenait trois corps com-
mandés par les lieutenants-généraux Reille, Drouet d'Erlon
et Glausel (chacun de deux divisions d'infanterie à deux
brigades), et d'une division de cavalerie à deux brigades,
commandée par le général Pierre Soult, frère du maréchal,
avec les états-majors afférents, ainsi que de la gendarmerie,
de l'artillerie, du génie, des équipages militaires et des autres
services accessoires'.
Par suite des pertes dans les combats et des autres vicis-
situdes éprouvées par l'armée depuis plus de six années de
guerre, la composition des brigades était très variable. Si
dans Tune d'elles il n'y avait que deux régiments, la plupart
en avaient trois, une même en comprenait six ; certains de ces
régiments n'avaient plus qu'un bataillon, presque tous en
avaient deux, deux en avaient trois. Aussi les six divisions
présentaient-elles respectivement sept, huit, neuf, dix, onze
et treize bataillons avec des eff'ectifs variant entre 3,600 et
5,300 fantassins sous les armes.
L'une des brigades de cavalerie avait un régiment à deux
et deux régiments à trois escadrons, soit huit escadrons;
l'autre avait de môme un régiment à deux escadrons, mais
trois autres à trois escadrons, soit onze escadrons. Toutefois,
les effectifs des deux brigades étaient sensiblement égaux, à
1,270 sabres, officiers non compris.
A son arrivée à Toulouse, Soult, comme je viens de le
■ 1. La composition détaillée de ces troupes figure dans les états de
situation générale d(Mjuinzaine des Archives do la guerre repro(hiils
par Dumas.
124 MÉMOIRES.
dire, retrouva les recrues qu'il y avait renvoyées. Elles
étaient jointes à un détachement formé des débris de trente
régiments divers et à un escadron de dragons composé des
militaires isolés de cette arme.
Le maréchal prit les meilleurs éléments de ces troupes de
qualité inférieure pour compléter les eflécti fs de ses régiments;
mais leur introduction dans les rangs de ceux-ci fut, comme
le dit DhersS « un triste élément de faiblesse et de désorga-
nisation ». Ce fut elle qui causa surtout, le 10 avril, la perte
de la redoute de Sipière, clef des positions françaises, aban-
donnée par les recrues du 9^ léger, prises de panique à l'aspect
de l'échec de la division Taupin.
Un peu plus tard et un peu plus loin, à la redoute des
Augustins, ce sont encore des jeunes soldats, ceux du 115%
qui, attaqués par les Ecossais de Béresford, abandonnent
leur poste et s'enfuient lâchement^.
Le restant de ces recrues, composant les 6® et 7® bataillons
de la plupart des régiments, joints aux hommes en congé,
en permission, en convalescence ou rentrant de captivité,
ainsi qu'à un noyau composé par les débris des anciens
bataillons des gardes nationales actives formèrent à Toulouse,
sous les ordres du général Travot, une reserve d'environ
7,000 hommes répartis en deux brigades commandées par
les généraux Pourailly et Vouillemont, secondés en partie
par quelques vieux officiers des premières campagnes de la
Révolution et par d'autres, plus jeunes, qu'un décret de 1808
avait autorisés à prendre du service en Espagne et qu'on
venait de licencier.
1. François Dhers, La bataille de Toulouse, 1904.
2. Mais cette fois-ci le mal est conjuré immédiatement : les vétérans
du 115e, indignés de la faiblesse de leurs recrues et jaloux de venger
l'honneur du drapeau, courent à la redoute et en expulsent l'ennemi
à la baïonnette. Contraints eux-mêmes de céder à des forces supé-
rieures que lance de nouveau sur eux le général anglais, ils se réfu-
gientdans la redoute du Colombier, à une centaine de mètres en arrière;
puis, s'élançant de là avec deux compagnies des 34e etSl^, ils repren-
nent une seconde fois la redoute dont ils massacrent tous les défen-
seurs et ils ne l'évacueront plus tard que sur un ordre formel du
général.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 125
Cette réserve fut employée à la deuxième ligne de défense,
comprenant les ouvrages de Saint-Michel, la tête du pont
des Demoiselles, le Busca, la butte fortifiée du Jardin des
Plantes et les vieux remparts de la ville, depuis la porte
Saint-Etienne jusqu'à la grille Saint-Pierre.
En outre, on voulut réorganiser la garde nationale de
Toulouse et la compléter à deux légions de mille hommes
chacune. Mais, à la date du 7 avril, sur 1,000 citoyens con-
voqués, 108 seulement sont jugés capables de servir! 258 ne
se présentèrent point, 60 sont ajournés, tout le reste se fait
réformer pour maladie ou exempter comme soutien de
famille. Aux approches de la bataille, beaucoup de ces gardes
nationaux, qui craignaient d'être envoyés à la défense des
remparts ou employés comme troupe de renfort, demandèrent
à passer dans la garde urbaine (Dhers, p. 63).
Celle-ci, composée des citoyens les plus valides non
enrôlés dans la garde nationale, avait été organisée sous les
yeux du commissaire extraordinaire de l'Empereur, le con-
seiller d'Etat comte Caffarelli, avec le concours des généraux
Travot et Berthier-Saint-îIilaire. « Elle comprenait, dit
Lapène (p. 332), deux cohortes de 800 hommes environ cha-
cune. Mais si quelques citoyens mirent un louable empres-
sement à se faire inscrire, par contre beaucoup d'autres
usèrent de tous les moyens imaginables pour se dérober. Les
revues que devaient passer Caffarelli et Saint-Hilaire durent
être. renvoyées à plusieurs reprises par suite du grand nombre
de manquants. Elle fut composée enfin d'habitants choisis
dans diverses classes, mais tous honnêtes et tranquilles, dis
posés pour la plupart à maintenir la sûreté et le calme dans
la ville, et elle avait des chefs pris parmi les habitants
réunissant à la considération due à leurs qualités person-
nelles ou à leur position le crédit que donne la fortune. >
Cette garde urbaine s'employa à maintenir le bon ordre
dans l'intérieur de la ville, à en interdire l'entrée aux mili-
taires campés ou cantonnés au dehors, arrêtant et renvoyant
au feu, le jour de la bataille, ceux qui amenaient les blessés
dont elle se chargeait, réquisitionnant à cet effet, dans les
126 MÉMOIRKS.
maisons, sur les toits, sur les clochers tous les habitants
susceptibles de rendre quelque service. Animée d'un vif sen-
timent de conservation delà propriété, elle exagéra peut-être
même un peu le souci de la discipline vis-à-vis de vaillants
soldats qui luttaient avec tant d'énergie contre l'invasion
étrangère.
C/est la garde urbaine qui, le 11 avril au soir, le lende-
main de ia bataille, remplaça, dans les postes avancés, les
troupes de Soult battant en retraite vers le Lauraguaiset qui,
le 12 au matin, reconnut, suivant les règles accoutumées, les
premières troupes anglaises envoyées en reconnaissance en
ville.
L'armée de Wellington devant Toulouse se composait de
troupes anglaises, portugaises et espagnoles, ainsi que d'un
petit contingent allemand. Les divisions d'infanterie étaient
formées de trois ou quatre brigades dont une portugaise.
Il existait en outre une division d'infanterie complètement
portugaise ainsi qu'un corps d'artillerie et probablement
encore un certain nombre de régiments de cavalerie.
Les troupes espagnoles avaient, sous l'autorité supérieure
de Wellington, un commandement et une organisation dis-
tincts.
L'armée était divisée en quatre corps ou groupes : sur la
rive gauche, devant Saint-Gyprien, celui de Hill avait trois
divisions : une anglo-portugaise de Stewart^ à quatre bri-
1. Presque tous les narrateurs de la bataille de Toulouse donnent
à Hill une division anglaise Murray et ne parlent pas de la division
portugaise Le Cor. Je ne trouve aucune trace de cette division Mnr-
ray soit dans les tableaux d'effectif de l'armée (Clerc, Dumas), soit
dans les relations des marches et combats effectués par Wellington
avant d'arriver à Toulouse, De plus, en défalquant <le ces tableauK
d'effectif les troupes du siège de Bayonne sous Hope et de l'occupa-
tion de Bordeaux sous Dalliousie, on retrouve toutes les autres divi-
sions anglaises devant Toulouse sans aucun excédent qui serait cette
division Murray. Lapéne indique une division Stewart-Murray, en
a-t-on fait les divisions S tewart e^ Murray? C'est possible. D'autre
part, la division portugaise Le Cor est signalée comme étant, avec la
division Stewart, sous les ordres de Hill, dans la marche sur Tou-
louse, le 18 mars encore (Damas). Elle est certainement avec Hill
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 127
gades, une portugaise de Le Cor et une espagnole de Morillo
à deux brigades chacune. Hill avait en outre une brigade
de cavalerie anglaise, probablement celle de Fane*.
Sur la rive droite, nous trouvons : 1° le corps de Picton,
comprenant deux divisions d'infanterie anglo-portugaise,
l'ancienne division Picton commandée par le major général
Brisbane et la division légère Alten, chacune à trois brigades
et une brigade de cavalerie allemande, probablement celle
du major général Bock;
2° le corps de Béresford, comprenant les divisions anglo-
portugaises Gole et Clinton à trois brigades;
3'^ le corps espagnol de don Manoel Freyre (de la quatrième
armée) à deux divisions. On lui avait adjoint l'artillerie por-
tugaise et la brigade de grosse cavalerie anglo-hanovrienne
de Ponsonby;
4* la division de cavalerie Stapleton-Gotton à deux brigades
de hussards Vivian et Somerset.
Si l'on se rapporte aux tableaux d'effectifs de Clerc et
Dumas, Wellington devait avoir encore avec lui une ou deux
brigades de cavalerie comprenant des régiments portugais.
Elles devaient battre la campagne autour de Toulouse, sur-
tout du côté de Montauban où se trouvait le général de
Loverdo avec trois mille hommes des dépôts, ou bien étaient
occupés à rallier une partie de l'immense convoi embourbée
sur les routes du Gers.
Les brigades d'infanterie anglaise avaient généralement
trois régiments et une compagnie de carabiniers (rifles) ou
quatre régiments, à part la brigade d'Alten qui n'en avait
que deux. Les brigades portugaises avaient trois régiments
dont un de caçadores. Les brigades de cavalerie étaient les
unes à deux, les autres à trois régiments.
devant Toulouse. Un Murray était chef d'état-major de Wellington;
lui a-t-on donné à commander cette division Le Cor, ou bien a-t-il
remplacé provisoirement Stewart à la tête de sa division, ou bien
s'agit-il d'un autre Murray?
1. La cavalerie de Fane est signalée dans l'armée les 13, IG, 18 et
22 mars, ainsi que le régiment de cavalerie portugaise de Ganipbell
(Dumas, pp. 513 et suiv.).
128 MÉMOIRES.
EFFECTIFS.
Les efl^ectifs des deux armées ont donné lieu à des éva-
luations bien divergentes. Suivant les auteurs, ils varient de
20 à 43,000 hommes pour les Français, et de 50 à 85,000
pour les coalisés.
De Beauchamp ^ donne à Soult 22,000 hommes, dont
4,000 cavaliers, plus 6,000 conscrits, et à Wellington 50 à
62,000 hommes.
Duplan^ compte 20,000 soldats français, plus quelques
milliers de conscrits, et 80,000 coalisés.
Lapène- indique pour les Français 25,000 soldats, plus
6,000 conscrits ou hommes des réserves; il ajoute que
l'armée de Wellington était plus du double. Plus loin, il
énumère les eff'eclits des différents corps de cette armée S
et en additionnant ces chiffres, on arrive à un total d'envi-
ron 73,000 combattants. Dans son résumé de la bataille,
d'autre part, il dit que 21,000 Français eurent à lutter
contre 70,000 alliés.
Thiers^ donne à Soult 36,000 hommes de premier choix
et 60,000 à Wellington.
Du Mège^ dit que l'ennemi était trois fois plus fort que
nous.
D'après Pierron"^, l'armée de Soult comptait à peine
30,000 hommes avec une réserve de 6,000 conscrits, tandis
que l'ennemi en avait 65,000.
1. De Beauchamp, Histoire de la campagne de 1814 et de la res-
tauration de la monarchie française, 1815, p. 471.
2. Duplan, Précis historique de la bataille livrée le 10 avril 1814
sous les murs de Toulouse, par G. D..., 1816, p. 28.
3. Lapène, Campagne de 1813 et de 1814, 1823, p. 324.
4. Il ne donne pas l'effectif des deux brigades de hussards, mais
celles-ci figurent pour 2,300 hommes environ dans les tableaux de
Clerc et de Dumas.
5. Tbiers, Histoire du Consulat et de VEinpire.
6. Du Mège, Précis historique de la hataille de Toulouse, 1852,
t. X, p. 837.
7. Pierron, Défense des frontières de la France, 1892, p. 180.
SITUATION DES ARMEES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 129
Ariste et Braud, dans leur Histoire populaire de Tou-
louse (1898), disent que 17,000 Français résistèrent à
72,000 étrangers. (le sont les mêmes chiffres que donne
l'abbé Aragon {Histoire de la ville de Toulouse, 1900).
L'abbé Laflforgue, dans son livre sur « Croix-Daurade >,
1909, fixe aussi à « 72,000 hommes solides et aguerris les
troupes de Wellington, auxquels Soult ne pouvait opposer
que 30,000 soldats, dont 6,000 recrues armées de la veille >.
D'après le commandant Bial S les Français avaient
18,000 soldats éprouvés, plus 6,000 recrues contre 72,000
coalisés, dont au moins 60,000 bons combattants.
Graciette2 donne les chiffres de 23,000 Français, plus
les recrues exercées à Toulouse, et 85,000 Anglais.
Delorme^ n'indique pas les effectifs de Soult, mais repro-
duisant, à peu de chose près, les chiffres deLapènepour l'ar-
mée alliée, il arrive à un effectif de 80,000 hommes environ.
Doumenjou * attribue à Soult environ 32,000 hommes,
dont 6,000 recrues et 2,000 cavaliers, et à Wellington
68,000 hommes, un peu plus du double.
Damas ^, vers la fin de son livre (p. 557), dit que Soult
ne parvint à disposer que de 38,000 hommes contre les
52,000 de Wellington.
D'autre part (p. 100), il reproduit, d'après les archives
de la guerre, dans tous leurs détails, les états de situation
générale de quinzaine fournis à l'Empereur, dits « livrets
de l'Empereur », états à l'exactitude des(|uels celui-ci atta-
chait une importance capitale. D'après l'état du l*^'" avril 181 1,
Soult avait 1,150 officiers et 32,500 hommes présents % soit
1. Commandant Panl Bial, Hisloire populaire de la bataille de
Toulouse, 1900, p. 18.
2. 13'" Gracielte, Le service de santé à lahataille de Toulouse, 1900.
3. Dolormo, La bataille de Toulouse, une médaille anglaise com-
mémorative, 1903.
4. Colonel Doumenjou, La bataille de Toulouse, 1908.
5. Lieutenant-colonel Dumas, 9 mois de campagne à la suite du
maréchal Soult, 1907.
6. Les états donnent, en outre, les cliilï'res des absents à Thôpital
ou ailleurs et ceux de relïeclif total (pr(''snnts et aliscuts).
130 MÉMOIRES.
36,350, dont 2,700 cavaliers, plus 7,267 conscrits, en tout
43,617 hommes.
Ces chiffres, que Soult n'aura certainement pas exagérés,
doivent être, à peu de chose près, les mêmes le 10 avril sui-
vant, car, du 1" au 10, on n'a guère signalé que la petite
échauflburée de cavalerie de Croix- Daurade et quelques
rencontres d'avant-postes.
Dans un autre tableau, Dumas indique que l'armée alliée
sous les armes le 10 avril devant Toulouse comprenait :
infanterie et cavalerie anglo-portugaise, 37,917 hommes,
sur lesquels 31,000 ont été engagés; Espagnols (Freyre et
Morillo), 14,000 hommes, dont 7,500 engagés, plus 1,500
artilleurs, en tout 53,417 hommes, dont 6,954 cavaliers.
Je crois donc qu'on peut attribuer aux deux armées, sans
crainte de trop s'écarter de la réalité, les chiffres respectifs
de 36,000 soldats, dont 2,700 cavaliers, plus 7,000 cons-
C7Hts, pour les Français, et 53,000 ho?nrjies, dont 7,000
cavaliers, pour les allies.
Sur ces efl'ectifs, Soult engagea 21,000 ho?nmes au cours
de la bataille, d'après Lapène, qui était présent à l'action
et eut plus tard entre les mains les documents nécessaires
pour contrôler ce chiffre. Quant à Wellington, il lança
contre ces 21,000 Français 38,500 de ses soldats. Ce dernier
chiffre, donné par la récente publication de Dumas, concorde
avec nos propres recherches.
PERTES.
Disons dès à présent que les évaluations, faites par les
divers narrateurs, des pertes des deux armées à la bataille
du 10 avril, sont encore plus divergentes entre elles que
celles des effectifs. Ces pertes varient entre 2,600 et 4,000
hommes hors de combat pour les Français et entre 4,400 et
36,000 pour les coalisés !
Géraudi indique une perte de 20,000 coalisés.
1. Géraud, Campagne de Paris, 18J5.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 131
Duplan (pp. 33-37) cite une lettre d'un Toulousain écrite
le surlendemain de la bataille, disant que les alliés portent
eux-mênnes le chiffre de leurs morts à 21,000 et celui de
leurs blessés à près de 15,000, ce qui ferait 36,000 hommes
hors de combat. Les pertes des Français n'auraient pas
dépassé 2,000 tués et 2,000 blessés.
Duplan, de son côté, fixe à 17,000 les pertes des Anglais.
Lapène (p. 423), qui fut lui-même blessé ce jour-là, indi-
que, ponr les Anglais, 8,000 hommes hors de combat avec
trois généraux blessés (Pack et les Espagnols Espelleta et
Mendizabal); pour les Français, 3,100 hommes (dont 600
morts), avec cinq généraux blessés et le divisionnaire Taupin
tué.
Woodberry * donne, cinq jours après la bataille, comme
pertes approximatives : Anglais tués et blessés, 2,200;
Espagnols, 1,800; Portugais, 600; soit, en tout, 4,600.
Parmi les blessés figurent les généraux anglais Cole, Pack
et Brisbane.
Du Mège (vol. X, p. 837), qui assistait aussi à la bataille,
fixe à environ 2,600 les Français hors de combat, et évalue
à plus de 7,000 morts et environ 12,000 blessés les pertes
des alliés.
Le dictionnaire de Larousse, dont le récit de la bataille
de Toulouse est des plus fantaisistes, fait perdre 3,000 hom-
mes aux Français et fait évaluer à l'ennemi lui-même (dont
il fixe l'effectif à 100,000 hommes) ses pertes à 6,000 morts
et 12,000 blessés.
Pierron (p. 180) indique 600 tués et 2,600 blessés fran-
çais, et 4,400 Anglais hors de combat.
Le commandant Bial (p. 37) écrit : « Une légende gas-
conne prête à Wellington le propos suivant : « Soult comp-
te tait 20,000 combattants, j'ai perdu 20,000 hommes, ça
« fait un de nos hommes par chaque combattant de Soult.
< L'exagération est évidente, mais je considère comme i)ro-
1. Woodbeïvy, Journal du lieulenant Woodberry de 1813 à 1815.
Traduction de Georges Ilélie, 189G, p. 107.
132 MEMOIRES.
« bable que l'armée des coalisés perdit de 10 à 12,000 hom-
« mes et l'armée française de 3,000 à 3,500. »
Dhers fixe nos pertes à 600 morts et 2,900 blessés, et celles
de l'ennemi à environ 1,000 morts et 4,000 blessés.
Le colonel Doumenjou estime que l'armée ennemie eut
environ 8,000 hommes et l'armée française de 3,500 à
4,000 hors de combat.
Le général Lamiraux * donne près de 10,000 tués et bles-
sés dans les deux armées.
D'après Bibent (p. 303), les Anglais pouvaient compter,
le soir de la bataille, de 10 à 12,000 morts ou blessés, et
les Français de 3 à 4,000.
L'abbé Lafi'orgue, dans son Histoire.de Cy^oix- Daurade,
donne comme pertes, d'après les historiens du temps, les
chiffres de 3,500 pour les Français et de 10,000 pour les
alliés, en ajoutant d'ailleurs qu'elles paraissent un peu
exagérées.
Dumas (p. 556), qui a eu entre les mains des documents
officiels, fixe les pertes françaises à 5 généraux et 3,231
hommes (dont 321 tués, 2,369 blessés, 541 prisonniers),
et les pertes des alliés à 4 généraux et 4,659 hommes.
Ces chiffres concordent presque complètement avec ceux
de Woodberry, ainsi que ceux de l'état détaillé officiel des
pertes des armées alliées dressé par l'adjudant- général Pa-
kenham, qui figure dans les pièces justificatives de l'ouvrage
de Beauchamp. 11 indique une perte totale de 4,674 hom-
mes, dont 2,124 Anglais, 616 Portugais et 1,934 Espagnols,
parmi lesquels 602 tués, 4,054 blessés et 18 disparus. Ont
été atteints 285 officiers, 144 sergents et 4,245 soldats.
Nous avons donc tout lieu de considérer les indications
de Dumas (3,231 Finançais et 4,659 coalisés) comme se
rapprochant le plus possible de la vérité.
1. Le général de division baron Lamiraux. Préface à l'Historique
de la bataille de Toulouse du colonel Doumenjou, 1908, p. 43.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 133
' GENERAUX.
Les généraux des deux armées en présence étaient rela-
tivement jeunes et, bien que la plupart d'entre eux fussent
déjà anciens dans leur commandement, ils n'atteignaient
pas la cinquantaine.
Soult avait quarante-cinq ans. Sa vie est trop connue
pour qu'il soit nécessaire de la raconter ici. Contentons-nous
de rappeler que son caractère n'était pas à la hauteur de
ses indubitables qualités militaires, dont la principale, au
jugement de Napoléon, était celle de grand manœuvrier.
Esprit étroit, d'une instruction et d'une éducation incom-
plètes, il avait une ambition excessive qui lui fit espérer
un moment le trône de la Lusitanie. Ses rapines, au cours
de ses commandements, sont légendaires. Enfin, bien
qu'ayant de lui l'opinion la plus haute, il lut le plat adula-
teur de tous les pouvoirs, et, d'après Saint-Chamand ^ son
aide-de-camp, il était fort petit garçon devant sa femme,
une Allemande, protestante, dont, de son côté. Napoléon,
dans le Mémorial de Sainte -Hélène, dépeint les allures
autoritaires.
La conduite de Soult dans cette campagne de 1813-1814
a été diversement appréciée. J'estime que, pour bien la
juger, il faut tenir compte autant de l'état d'infériorité de
son armée que de la situation politique générale, ainsi que
de la mentalité du maréchal.
L'infériorité de ses forces le poussait à la défensive, à ne
pas s'engager à fond, au risque de laisser échapper la vic-
toire; tandis qu'au contraire, « Wellington, dit Clerc, mit
toujours en ligne jusqu'à son dernier régiment ». Le géné-
ral anglais, en efi'et, avait tout intérêt à une bataille décisive
le débarrassant de la menace perpétuelle de cette armée
des Pyrénées qui seule représentait encore, dans le Midi
envahi, tout ce qui restait de la France.
1. Mémoires du général comte de SainlChamand, 1896, p. 11.
134 MÉMOIRES.
Les exemples de cette règle de conduite de Soult abon-
dent. Citons celui de la bataille d'Orthez, où, dès la veille,
son ordre général prévoyait l'éventualité d'un mouvement
rétrograde sur Sault-dc-Navailles. C'est probablement aussi
une des raisons pour lesquelles il n'attaqua pas, au com-
mencement d'août, le corps de Beresford, coupé, pendant
trois jours, du reste de l'armée par la rupture du pont de
Seilh et qu'il aurait pu détruire, ni, le 10 avril, ce même
corps dans son mouvement de flanc si imprudent à travers
les marais de la Juncasse, entre l'Hers et les retranchements
du Calvinet. Il aurait été obligé d'engager et d'exposer au
moins deux de ses divisions, et, malgré les nombreuses
chances de succès sur lesquelles il pouvait compter, un
insuccès anéantissait son armée, surtout avec la perspective
de laisser derrière lui une population plutôt hostile.
A cette raison d'ordre militaire se joignaient d'autres
considérations. D'abord, certaines instructions de l'Empe-
reur, qui, espérant que le traité de Valençay serait ratifié
par la régence espagnole, et que Ferdinand, rentré en Espa
gne, renverrait les armées étrangères, avait prescrit, au
début de la campagne, au maréchal de ne laisser qu'un
rideau de troupes et d'amener son armée sur la Loire
(Lettre au Ministre du 14 janvier).
Plus tard, Soult, qui sentait crouler l'Empire et voyait
toute la France envahie, estima peut-être, comme le fit Ba-
zaine en 1870, que sa présence à la tête de la seule armée
française, restant à peu près intacte, lui donnerait une
situation prépondérante au moment où se réglerait le sort
du pays.
Le caractère du maréchal, son ambition sans limite et
sans scrupules, les précédents connus de ses visées monar-
chiques en Portugal, de sa cour royale en Andalousie ^ për-
1. « Il paraissait, dit Fée {Souvenirs de la guerre d'Espagne,^ A^ô),
être plutôt le roi du royaume d'Andalousie qu'un simple lieutenant
de l'Empereur. Jamais monarque ne s'entoura de plus de majesté,
jamais cour ne fut plus soumise que la sienne. Comme le Jupiter
d'Homère, il faisait trembler l'Olympe d'un mouvement de sa tête.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 135
mettent de ne pas rejeter complètement cette hypothèse.
Gomme on le sait, même après la sanglante bataille de
Toulouse qui l'obligea à la retraite vers le Lauraguais, il
réussit à se conserver une armée que l'ennemi dut respec-
ter; mais la reconnaissance des Bourbons par les alliés,
ainsi que par Paris et par une grande partie de la France,
l'obligea à suivre cet exemple et à se borner à un rôle secon-
daire.
Soult avait sous ses ordres trois futurs maréchaux de
France : Reille, Glausel et Harispe, un Basque, qui, chargé
de soulever les montagnards de son pays contre l'envahis-
seur, n'y réussit que médiocrement, Drouet d'Erlon, « le
comte d'Erlon » ainsi que sa médiocrité comme général le
faisait nommer par tous (Thiébaut), Maransin, Yillate, Dar-
ricau qui réussit encore moins avec les Landais, ses com-
patriotes, qae Harispe avec les Basques, Darmagnac, très
populaire à Toulouse, sa ville natale, Taupin, dont l'ardeur
irréfléchie nous enleva, le 10 avril, à la redoute de Sipière,
le succès que nous tenions dans nos mains et qui s'y fit
tuer à la tète de ses troupes, Pierre Soult qui commandait
la cavalerie, mais dont les talents, dit Clerc, n'étaient qu'un
bien modeste reflet de ceux du maréchal, son frère, Berton
commandant une des brigades de cavalerie, lequel fut guil-
lotiné, en 1822, comme chef du complot dit de Saumur,
Vial, commandant l'autre brigade, qui, le 8 avril, après une
reconnaissance vers Fenouillet, où il semble n'avoir rien vu
des 50,000 ennemis qui venaient de traverser la Garonne
à Seilh tout près de là, laissa surprendre, à Croix-Daurade,
les cavaliers débandés et plus ou moins ivres de sa brigade
par le 18® hussards anglais ^ le colonel du génie Michaux
Un officier estimable, le général Godinot, auquel il adressa des repro-
ches au retour d'une expédition malheureuse, se brûla la cervelle,
n'ayant pu supporter le ton avec leipiel il les lui fit. »
1. « 11 ne fallut rien moins, dit Lapène (p. 359), que l'ap^ilité el la
bravoure de la brigade Berton et spécialement du 2« hussards pour
empêcher que la brigade Vial ainsi que Soult et son état-major, qui
se trouvaient sans défiance dans le village, no fussent pris ou éclinr-
pés. »
136 MÉMOIRES.
qui avait déjà organisé la défensive des 53 kilomètres de
lignes ibrtifiées de la Nivelle et qui transforma, en moins de
huit jours, par la seule main-d'œuvre des troupes, la ville
de Toulouse en un vaste camp retranché de trois lieues
d'étendue, travaux dont le développement et la rapidité
d'exécution excitèrent l'admiration de Wellington.
Nous n'insisterons pas sur l'histoire bien connue de ce
dernier qui avait alors quarante-cinq ans, comme Soult son,
adversaire. Bornons-nous à rappeler qu'après s'être distin-
gué aux Indes et avoir fini par reprendre le Portugal et
l'Espagne aux armées françaises, il fut le rival heureux de
Napoléon à Waterloo et devint, à la fin de sa vie, l'objet
d'un véritable culte de la part du peuple anglais.
Le lieutenant Gleig du 85*' régiment d'infanterie anglaise,
a, dans ses souvenirs intitulés « le Subalterne », tracé un
portrait plein de vie de Wellington rencontré au cours d'une
marche vers la frontière française : « Maigre, dit-il, bien
proportionné et de taille moyenne, il avait à peine passé le
printemps delà vie. 11 était vêtu d'un habit gris uni, bou-
tonné jusqu'au menton, il portait un chapeau à claque
recouvert de toile cirée, des culottes grises, des jambières
bouclées sur le côté et un léger sabre de cavalerie. Nous
avions dans nos rangs beaucoup de vieux soldats qui
avaient servi en Espagne dans la dernière campagne, ils
reconnurent aussitôt leur ancien général et se mirent à
crier : « Douro! Douro! » allusion familière au passage
du Douro et à la surprise de Soult à Oporto, qui avaient
fait créer Wellington baron de Douro. « Ce cri fut suivi
de hurrahs répétés et il répondit en ôtant son chapeau et
en s'inclinant. Rien en lui ne semblait indiquer une vie
dépensée dans les fatigues et les travaux pénibles; ses
joues, quoique halées par le soleil, brillaient des teintes
roses de la santé et le sourire de satisfaction qui s'épa-
nouissait autour de sa bouche disait plus clairement que
des paroles combien il se sentait parfaitement à l'aise. » De
son côté, W^oodberry dit du feld-maréchal (p. 62) : « C'est
certainement un homme fort extraordinaire... Le matin qui
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 137
suivit la retraite de Burgos aux cantonnements actuels de
l'armée, il commanda les chiens et chassa avec eux. Ses
vêtements sont toujours très simples, et il jure, comme un
troupier, à la plus petite contrariété. »
Wellington avait sous ses ordres Hill, qui fut plus tard,
comme lui, commandant en chef de l'armée anglaise, l'Ecos-
sais Picton, tous les deux très aimés de leurs soldats malgré
les rigueurs de leur discipline; Béresford, maréchal au litre
portugais, dont l'offensive hardie décida de l'issue de la
bataille du 10 avril, BrHsbane, blessé aux Ponts-Jumeaux
et fort connu dans la suite comme astronome, deux Espa-
gnols : Freyy^e^ assez apprécié du feld-maréchal et Morillo,
ancien pâtre, puis chef de bande, signalé plus tard par ses
cruautés dans l'Amérique du Sud et par ses trahisons de tous
les partis.
Wellington avait parmi ses aides de camp le jeune Fitz-
roy-So7nerset^ amputé, l'année suivante, à Waterloo, et qui,
sous le nom de lord Raglan^ commanda, en 1854, les for-
ces anglaises en Grimée, dans une des phases de l'eitente
cordiale, cette étiquette fallacieuse sous laquelle l'égoïsme
insatiable et la foi punique de l'Angleterre ont tant de fois
dupé le candide Français. Le chef du quartier général du
feld-maréchal était un Français de vingt-cinq ans, le duc de
Gramont et de Guiches devenu, l'année suivante, colonel,
aide de camp du duc d'Angoulême et dont la famille nous
donna le déplorable ministre des Affaires étrangères do
juillet 1870.
ARMEMENT.
L'infanterie française se servait encore du fusil à pierre
du modèle de 1777, dont la portée utile ne dépassait guère
150 mètres et plus communément 100 mètres quand actuel-
lement notre Lebel à répétition, avec une portée maxima de
3,200 mètres, peut donner un tir satisfaisant jusqu'à
500 mètres.
On comptait alors environ un raté sur cinq à sept coups
10e SÉRIE. — TOME X. 12
188 MÉMOIRES.
dans les meilleures conditions de temps; au moindre brouil-
lard mouillé et surtout dès la première pluie, il devenait
impossible- de faire feu. Ces fusils s'encrassaient rapidement
et l'on devait fréquemment épingler la lumière pour avoir
la communication entre la charge et le bassinet. Aussi les
soldats agrandissaient-ils beaucoup celte lumière pour éviter
son obstruction. De plus, avec des fusils à lumière ainsi
agrandie, après avoir versé la poudre dans le canon et laissé
glisser la balle par-dessus, on frappait fortement la crosse
à terre, en inclinant le bassinet vers le bas. Il n'était plus
nécessaire de bourrer avec la baguette ni même d'amorcer,
une partie de la poudre entrant ainsi par la lumière dans le
bassinet : il suffisait d'armer le chien pour faire feu. Avec
ce mode de chargement, très usité des vieux soldats, on
arrivait à tirer jusqu'à six coups par minute au lieu de
deux ou trois. Mais aussi un pareil tir ne pouvait avoir
aucune précision.
Les autres armes, mousqueton de cavalerie^ pistolet^ d'un
calibre un peu moins fort, tiraient la même balle et avec la
même cartouche dont on rejetait le quart de la poudre pour
le mousqueton ou la moitié pour le pistolet. Le fantassin
saignait même souvent la cartouche de son fusil pour éviter
en partie la violence du recul.
Le soldat français de cette époque tirait mal en général
et visait peu. Les vieux soldats utilisaient souvent la por-
tée maxima de leur arme (900 à 1,000 mètres) en l'inclinant
à 35<> et, la balle faisant une courbe, ils pratiquaient ainsi du
tir indirect. '« Les Français, dit l'Allemand Decker, en 1810,
sont passés maîtres dans ce genre de tir et c'est pour cela
qu'il arriva souvent qu'ils nous blessèrent des hommes,
alors qu'il nous était impossible de découvrir même l'en-
droit d'où le coup était parti '. »
La lourde charge (au moins 60 livres '^j que portait le
1. Die artillerie fur allen Wa/fen {in Dumas), p. 275.
2. Comprenant le sac, le fourniment, la giberne et les cartouches,
le fusil, le sabre, la capote, les dix jours de biscuit et les quatre jours
de pain. {Journal du général Foy, 10 sept. 1810.)
SITUATION DES ARMEES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 139
soldat du premier Empire ne concourait pas à améliorer
son tir.
L'artillerie de campagne que Soult, à son arrivée à Tou-
louse, fit compléter à six pièces par division S avait des
canons des calibres 12, 8, 6 et 4 (poids du boulet rond qu'el-
les tiraient en principe), ainsi que des obusiers de 6 pouces.
La limite extrême de ses portées pratiques était de 500 mè-
tres pour le 4, de 800 mètres pour le 8 et de 900 mètres
pour le 12. Les bonnes portées de tir à mitraille (boîte à bal-
les) étaient de 400 mètres pour le 4 et de 600 pour le 12.
Aussi ce tir jouait-il un rôle important^.
Les pièces et les caissons étaient très lourds, surtout pour
les routes de cette époque, et, sauf la pièce de 12 qui en avait
six, n'étaient attelées qu'à quatre chevaux. Les roues étaient
munies de bandages interrompus qui, par le ciel brûlant du
Midi, perdaient leurs clous et tombaient; alors les roues fai-
saient chapelet. Aussi des ouvriers étaient ils répartis, tout
le long de la colonne, avec des fiches en bois, des clous et
un marteau pour remédier immédiatement à ces inconvé-
nients. Les trains étaient dépendants, à tournant limité et
la mise en batterie longue et pénible. Aussi ne manœu-
vrait-on guère, surtout en retraite, qu'à la prolonge, câble
de 8 mètres environ reliant l'avant-train à Tafi'ut ; mais ce pro-
cédé, avantageux pour la rapidité du tir, fatiguait beaucoup
le matériel et l'attelage. Et nous voj^ons parfois Soult obligé
de faire traîner son artillerie par des attelages de bœufs
(ordre de Rabaslens du 4 mars, archives de la guerre)'.
1. Plus deux pièces au parc et deux batteries de montagne dispo-
nibles.
2. Actuellement, notre pièce de campagne ordinaire, le 75, lire à
une portée maximum de 8,500 mètres et une distance moj^enne de
combat de 2,500 mèties à 4,000 mètres.
3. Ces attelages primitifs ont môme parfois traîné de l)rillants équi-
pages, comme le raconte Saint-Ghamand (p. 106) : «Nous étions quatre
aides de camp dans la grande berline du maréchal Soult. Dans un
village, nous ne pilmes pnrtir qu'avec un attelage de huit vaches et il
était plaisant de voir celte belle voiture, avec les armes des maréchaux
de France sur les panneaux et remplie (l'officiers richement habillés,
140 MÉMOIRES.
Le tir de cette artilleyHe était souvent bien défectueux.
A Vera, au passage de la Bidassoa par Glausel, « les pre-
miers obus de sa propre artillerie, écrit Gleig, tombèrent
au milieu de son infanterie, aux applaudissements ironiques
et joyeux des soldats anglais postés sur l'autre rive. »
Il y a lieu de rappeler qu'à la suite des grandes pertes
d'artillerie qui avaient été faites, surtout à Vitoria, on avait
dû reconstituer les batteries avec des pièces de toute espèce,
même des pièces étrangères conservées dans les arsenaux
de la région.
En plus de l'artillerie de son armée de campagne, Soult
arma les trois lignes de défense de Toulouse avec des pièces
déposition fournies par les réserves de l'arsenal et des maga-
sins d'artillerie de la ville. Les anciens remparts et le mur
d'enceinte en particulier reçurent des canons de 24, de 16, des
obusiers et des mortiers à bombe ; de la butte du Jardin-des-
Plantes, une pièce de 24 enfilait le secteur compris entre
Saint-Agne et le pont des Demoiselles. Les ponts du canal,
reçurent aussi quelques pièces de fort calibre.
Les redoutes de la première ligne furent surtout armées
de pièces de campagne et, sur les hauteurs du Gaivinet, le
nœud de la défense, un trottoir en planches et madriers
fixés au sol permettait de faire circuler ces pièces sur le sol
argileux et détrempé par les pluies de la saison.
L'infanterie anglaise était beaucoup plus exercée' au tir
que la française. Son fusil était plus lourd et d'un calibre
plus fort. En outre, l'armée alliée comprenait des compa-
gnies franches, armées de carabines (rifles) composant le
attelée de huit maigres vaches et conduite par quatre paysans gas-
cons armés de longs bâtons ferrés. »
Les bœufs servaient même au transport des troupes envoyées par
Soult à Napoléon. « Notre division, (Ut Sébastien BJaze, partit d'Or-
Ihez sur des charrettes traînées par des bœufs. Il semble d'abord que
cette manière de voyager ne convient guère à des troupes qu'on vou-
lait faire arriver en poste. Mais les soldats allaient nuit et jour,
n'éprouvaient aucune fatigue, et la continuité de la marche faisait
qu'ils avançaient avec une certaine rapidité. » {Mémoires d'un aide-
major, in Dumas, p. 313.)
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 111
5® bataillon du 60®, Royal rifles, à dix compagnies, les trois
bataillons du 95® dit Rifle-Corps à trente compagnies, le
bataillon de Brunswick-Œls (allemand) à douze compagnies
et les chasseurs britanniques.
L'infanterie portugaise comptait onze bataillons de caça-
dores également armés de carabines. Chaque brigade était
dotée en principe de deux compagnies de rifles, parfois
davantage. La division légère d'Alten, qui concourut à la
sanglante attaque des Ponts-Jumeaux, comptait le 95® tout
entier plus deux bataillons de caçadores.
Les compagnies du 60® étaient armées de la carabine Ba-
ker, de vingt balles à la livre, qui devait être chargée à
coups de maillet. « Les hommes, comme ceux des autres com-
pagnies de rifles, étaient choisis parmi les meilleurs tireurs,
écrit Soult au Ministre, ils font le service d'éclaireurs et,
dans les aff'aires, il leur est expressément recommandé de
tirer de préférence sur les officiers et particulièrement sur
les chefs et les généraux. Aussi, les pertes en officiers que
nous éprouvons sont si considérables que, dans deux affai-
res, ils sont ordinairement tous hors de combat. » (A. G.).
« Le vrai rifle ne doit jamais faire feu sans être sûr de
son homme », est-il dit dans l'ordre du régiment, à son em-
barquement pour la Péninsule, reproduit dans l'historique
du cinquième bataillon du 60® par le colonel du régiment
sous le titre de « Celer et Audax ^ »
Les batteries cVartilleyHe de campagne étaient composées
de cinq pièces de 6 et un obusier. Tout ce matériel était re-
marquable par son exécution. Cette artillerie était d'une mo-
bilité extrême et surprit beaucoup nos généraux par la rapi-
dité de ses manœuvres. Les Anglais se servirent pour la
1. Marbot indique comme cause principale de nos revers en Espagne
l'immense supériorité de la justesse du tir de l'infanterie anglaise,
supériorité provenant de très fréquents exercices de cible et beaucoup
aussi, ajoule-t-il, dans sa formation sur deux rangs au lieu de trois;
dans rinfiinterie française, les liommes du deuxième rang, pressés
entre le premier et le troisième, tirant presque tous en l'air, et le troi-
sième rang ne pouvant ajuster l'ennemi, ({ue lui cachaient les deux
premiers (t. II, p. 48;;}).
142 MEMOIRES.
première fois dans une action générale, à la bataille de
Sarre du 10 novembre 1813. des obus à balles inventés par
le colonel anglais Shrapnel dont le nom sert souvent à les
désigner. L'effet moral et matériel de ces projectiles fut con-
sidérable.
Ils se servirent aussi pour la première fois, au cours de
la campagne d'Espagne, des fusées, dîtes à la Congrève,
du nom du capitaine qui les introduisit en Europe des Indes,
où, paraît-il, Tippoo-Sahib en avait usé contre les Anglais.
Ces engins, que certains auteurs ont confondus avec les
Shrapnels, étaient composés en principe d'une cartouche en
tôle remplie de balles, entre lesquelles on avait tassé de la
poudre. Elles étaient munies, comme les fusées d'artifice,
de baguettes de direction et étaient lancées ordinairement
sur des chevalets. Certaines contenaient des matières incen-
diaires. Elles inspiraient une grande appréhension que signa-
lent les historiens locaux de la bataille de Toulouse*.
LES UNIFORMES.
Tout le monde connaît les uniformes de campagne du
premier Empire : la grande capote bleu de roi'^ sur laquelle
1. Leur inventeur, ce nouveau Promélhée qui semble avoir ravi
le feu du ciel pour armer sa nation », écrit Duplan. « Surtout, ce qui
exaspérait les esprits des habitants, dit de son côté le commandant
Bial, c'était l'expectative de voir le cîel toulousain sillonné en tous
sens par les fusées à la congrève, invention qu'ils se représentaient
comme diabolique. Ils voyaient, ils entendaient déjà ces serpents de
feu s'entrecroiser sur leurs têtes, pénétrer dans les maisons par les
fenêtres, siffler, détonner, répandre partout la terreur, l'incendie et la
mort. » A Leipsick, l'armée prussienne avait un escadron de fuséens
anglais et à Waterloo une compagnie de canonniers manœuvrait avec
des fusées. Depuis lors, nous avons inventé des engins cent fois plus
terribles et l'on ne paraît plus s'être servi des fusées à la congrève
depuis le siège de Sébastopol.
2. Rappelons que c'est pendant la guerre d'Espagne, dont le climat
exigeait des soins particuliers pour la santé du soldat, que la capote
devint le vêtement de l'infanterie française. (Brice et Bottet, Le corps
de santé militaire, 1907, p.- 213.)
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 143
se croisaient les larges buffleteries blanches ou noires sup-
portant la vaste giberne et le sabre-briquet, le pantalon de
même couleur, les guêtres de couleur ou blanches \ le shako
monumental surmonté du pompon ou de l'immense plumet
de grande tenue, le blockhaus, comme on l'appelait, qui,
sous sa coiffe de cuir, renfermait mouchoir, pipe, tabac et
même parfois les brosses et le savon; le tout un peu égayé
par les épaulettes rouges, jaunes ou vertes, ou bien par les
signes distinctifs de l'artilleur, du soldat du génie et des
autres spécialités.
En fait de cavalerie, l'armée de Soult n'avait que des chas-
seurs à cheval (6 régiments) et un régiment de hussards (le
2% ancien Ghamboran). Les chasseurs étaient en vert, avec
collet et parements rouges, et les hussards en dolman marron
et pantalon bleu clair. Certains portaient encore l'ancien col-
back fourré, la plupart le haut shako cylindrique ordinai-
rement recouvert de toile cirée.
L'armée alliée était bien plus bariolée : l'infanterie anglaise
avait l'habit r^ouge bien connu : l'usage de poudrer les che-
veux n'avait été aboli que depuis 1808 et les sergents por-
taient encore parfois la hallebarde.
Les « rifles » du 60® étaient vêtus de drap vert à retrous-
sis cramoisis et portaient la moustache, les autres troupes
anglaises étaient généralement rasées. Les carabiniers du
bataillon de Brunswich-Œls, dont nous avons parlé, avaient
un uniforme noir à brandebourgs et un gros shako garni sur
le devant d'une tête de ♦mort avec deux os entrecroisés et
surmonté d'un plumet retombant. Nous avons retrouvé cet
uniforme de croque-mort, sans grande modification, dans le
contingent de Brunswick de l'armée allemande de 1870. Les
régiments écossais portaient la coiffure garnie de plumes,
et le kilt à carreaux ou jupe nationale des Highlanders,
avec les jambes nues, qui excitèrent probablement la curio-
1. « Je me suis amusé, écrit Woodberry des avants-postos d'Has-
paren, le 4 février 1814, à regarder la revue des troupes françaises
passée par le général Ilarispe. On y voyait environ o,000 hommes en
Ijel ordre, bien vêtus, tous avec des guêtres blanclies. »
144 MEMOIRES.
silé des charmantes Toulousaines, loin de les scandaliser,
comme Taflirme Duceré, pour ses belles compatriotes de
Bayonne.
Dans la cavalerie figurait une brigade de grosse cavalerie
allemande, les dragons-guards de Ponsonby; le reste était
des dragons légers et des hussards.
Les dragons légers avaient un uniforme très coquet : ves-
tes à brandebourg, casques brillants à grosse chenille et à
plumet, culottes collantes et bottes à gland. L'élégance de
leur habillement et la tournure svelte des hommes et des
chevaux les avaient, dit Duceré, fait appeler « Lindors » par
les soldats français pendant les guerres de la Péninsule.
Quant aux hussards, ils étaient merveilleux, du moins de
ravis du lieutenant Woodberry qui en était et qui décrit
minutieusement leur culotte de peau blanche, leur veste sou-
tachée, aux couleurs éclatantes, variées suivant les régiments,
avec la ceinture à trois rangs de nœuds dorés, la sabretachc
d'arg-ent, le colback avec flamme et plumet et la pelisse flot-
tante sur l'épaule ^
Les Portugais, comme on l'a vu déjà, faisaient partie des
divisions anglaises : ils étaient habillés de bleu et avaient
1. Le journal du lieutenant Woodberry, ce hussard de vingt-deux
ans, dont la fatuité est d'une naïveté attendrissante, est émaillé de
récits de conquêtes féminines et des succès que lui valait son bel uni-
forme. A Olite, en Espagne, il parle à travers une cloison aux nonnes
d'un couvent (p. 102) : « Je leur ai fait comprendre, dit-il, que je suis
hussard et qu'en Angleterre nous faisons l'orgueil du beau sexe; cela
n'a pas paru les étonner du tout. » Plus tard, aux environs de Tou-
louse (p. 185) : « A Saint-Lys, où nous avons passé, il y avait quan-
tité de jolies femmes; elles paraissent charmées de voir des hussards
anglais. A Faleyras, je fus joliment reluqué, les gens s'ébahissaient
devant mon bel uniforme et criaient : « Superbe, magnifique ! » A
Montignac (p. 239), les paysans nous mangeaient des yeux : ils disent
que nous sommes beaux et nous font des compliments sans fin. »
D'ailleurs, en bon Anglais qu'il est, Woodberry se vante de même des
réceptions aux longues séances de buverie d'où l'on est ramené,
« bestialement ivre » et, d'autre part, le jeune hussard parlant d'une
danseuse de l'Opéra de Lisbonne : «Je n'en verrai sans doute jamais
une meilleure ni une plus indécente, dit-il. Elle a tout à fait olfensé
ma pudeur. »
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 145
des fusils anglais. L'infanterie était coiffée de sliakos étroits
en pain de sucre surmontés d'un immense plumet; quant
aux caçadores ils portaient un gros shako de la forme du
blockhaus français, mais avec un plumet en flamme et des
fourragères tombant sur le côté.
Les Espagnols, mal payés et n'ayant pas reçu d'habillement
depuis deux ans, étaient souvent en guenilles. Larpent', qui
voit défiler devant lui le corps de Morillo, dit de ses soldats :
< L'équipement et l'armement étaient en bon état; les hom-
mes étaient vêtus d'une sorte de jaquette de flanelle et de
pantalons quelques uns déchiquetés; çà et là un homme nu
pieds, mais très peu. Tous avaient de bonnes capotes dans
le genre français et les officiers, généralement montés, avaient
un aspect plus respectable que d'habitude; ils avaient de
beaux sapeurs, de beaux grenadiers et étaient armés de bons
fusils anglais, plus brillants que les nôtres, car ils étaient
probablement plus neufs. » Le jaune et le rouge faisaient le
fond des couleurs de leurs uniformes. Les grenadiers por-
taient, en général, le bonnet à poil et le reste de l'infanterie
le gros shako des troupes françaises. Rappelons que beau-
coup de ces troupes espagnoles avaient fait partie de l'armée
de Joseph*, où servaient des officiers fi'ançais, de là, leur
« genre français », comme dit Larpent^
J. Privale Journal of Larx>ent. Larpent était président de la cour
martiale dans l'armée anglaise. Il fut fait prisonnier le ler sei)tem-
bre 181.S et interné à Bayonne.
2. D'après Marbot, les prisonniers espagnols, au lieu d'être envoyés
en France, étaient habillés et armés par Joseph, auquel ils restaient
fidèles jusqu'au premier revers; ils désertaient alors et rejoignaient
leurs compatriotes insurgés; repris en guenilles, Josej)!! les faisait
promptement rhabiller et les reversait dans des régiments joséphins,
où ils recommençaient le même manège. « Plus dô 150,000 hommes,
dit Marbot, ont passé d'un parti à l'autre. Aussi les Espagnols avaient-
ils nommé Joseph le grand capitaine d'habillement. »
8. Les guérillas qui composaient une partie des troupes opposées
aux Français mais (|ui ne figurèrent point dans l'armée devant Tou-
louse étaient encoi'o bien moins correctes. Glcig en rencontra un jour
une troui)e de cavalerie, qu'il décrit : « C'étaient des guérillas habil-
lés, armés et montés de la façon la plus disparate; quehiues-uns élaie'nt
vêtus d'une jaquette verte et coilFés de chapeaux rabattus ornés de
146 MÉMOIUES.
Tous ces uniformes, tant chez les Français que chez les
alliés, avaient été usés par les marches, les combats, les
nuits de bivouac non discontinuées depuis tant de mois, tant
d'années même.
L'armée de Soult manquait surtout de chaussures. Le
10 mars, le maréchal écrivait au Ministre qu'il avait deux
à trois mille hommes qui étaient entièrement pieds nus et il
autorisait les généraux commandant les divisions à « requé-
rir dans les communes où ils passent ou qui seraient à leur
portée, des souliers pour être distribués aux soldats qui en
manquent entièrement, les communes devant en être indem-
nisées par la suite. » (Dumas, pp. 463 à 472). En arrivant à
Toulouse, il vida les magasins d'habillement pour remédier,
dans la mesure possible, à cette misère.
« Les uniformes, dit Lawrence', confectionnés au fur et à
mesure des besoins au moyen de draps de rencontre très
souvent de couleur brune, se confondaient à ce point, sous
la poussière d'Espagne, dans les armées opposées que, pour
se reconnaître, les Espagnols alliés portaient à Vitoria, par
ordre de Wellington, un brassard blanc au bras gauche.
EQUIPEMENT. — ALIMENTATION. — INTENDANCE.
Nous avons vu quelle était la lourde charge {60 livres),
que, d'après le général Foy, portait le soldat français habitué,
surtout depuis ses marches en retraite, à se sufdre à lui-
même, à se passer de convois et de bagages. Les officiers
eux-mêmes n'étaient pas mieux partagés. Ceux d'infanterie,
dont la plupart avaient été montés dans les guerres d'Espa-
gne, furent forcés de faire leur service à pied, leurs rations
longues plumes, d'autres avaient des casaques bleues et un grand
nombre portaient des cuirasses et des casques d'airain, dépouilles
probables d'ennemis égorgés. » Les guérilleros espagnols, dit de son
côlé Woodberry, sont vêtus les uns avec des hnbits, des bottes et des
chapeaux français, les autres avec de vieux uniformes anglais. »
1. Méinoires d'un gre^iadier anglais, cité par Dumas, p. 188.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 147
de fourrage ayant été supprimées (Lapone). Pour tout bagage
ils portaient sur leurs épaules un petit sac de cuir comme le
dernier de leurs soldats et souvent ils n'avaient pour vivre
que ce qu'ils devaient à l'affection de ceux-ci (Ducéré)*. « Le
soldat anglais^ au contraire, dit Foy, ne porte jamais avec
lui du pain pour plus de trois jours; il ne suspend pas à son
dos les marmites et les gamelles; ces ustensiles de cuisine
sont chargés sur les bêtes de somme. D'autres animaux de
bât portent les équipages du corps, les tentes et le menu
bagage des officiers, ainsi que les provisions de table et la
vaisselle plate des généraux. Le dernier sous-lieutenant
emploie à son service personnel plusieurs chevaux et plu-
sieurs soldats. » Gleig, simple lieutenant, énumère les vête-
ments indispensables, selon lui, qu'il est obligé d'emporter :
il en remplit deux porte-manteaux qui sont le chargement
d'une mule. WoDdberry, le beau hussard, dit que bien que
son bagage pèse près de 400 livres, sa mule et son poney le
portent facilement. En outre, ces officiers, qui- étaient grou-
pés par deux, trois ou quatre, suivant leurs affinités, pour
leur nourriture, avaient un petit convoi et un personnel spé-
cial à cet effet.
Je ne parlerai pas du luxe des officiers de haut grade :
les généraux anglais vivaient en grands seigneurs et les géné-
raux français, comme Soult et Marmont, en avaient fait
autant dans la période florissante de leur séjour dans la
Péninsule.
Rappelons seulement la meute de Wellington^ et celle de
lévriers du général Stuart que Woodberry mène à la chasse
en Portugal. L'état de guerre n'empochait pas non plus les
courses de chevaux pour lesquelles les Anglais sont si pas-
1. Ducéré, Le blocus de Bayonne en 1814^ 1900.
2. Wellington continuera à se faire suivre de sa meute pendant
toute la campagne de 1813-1814. Dumas (p. 447) note qu'àSaint-Scvor,
en mars 1814, « Wellington logeait chez le maire M. de Toulouselte;
il avait grand train de maison et souvent une trentaine de personnes
à table, y com|)ris le duc d'Angoiileme. Sa meute do chasse, de 30 ou
40 chiens, était dans une métairie, près de Saint-Sever. »
148 MÉMOIRES.
sionnés; ils en firent au cours de la campagne de 1813-1814,
de même que l'année suivante en Belgique. Woodberry rap-
pelle qu'il assistait à l'une de ces courses militaires à Schen-
delbeke, à quelques lieues de Waterloo, le 14 juin, quatre
jours avant la bataille.
Les officiers anglais appartenaient souvent à des familles
riches et recevaient d'ailleurs, comme nous le verrons, de
fortes soldes et de sérieuses indemnités.
Un certain nombre de femmes suivaient Tarmée, mêlées
à la troupe avec leurs enfants. « Depuis quelque temps, dit
Ducéré, chaque bataillon anglaisa la permission d'avoir avec
lui soixante femmes. » Ces femmes, anglaises pour la plu-
part, ou espagnoles, avaient pour office, comme celles qui
accompagnent nos tirailleurs sénégalais, de préparer le repas
des soldats en leur conservant autant que possible leur cui-
sine nationale et de leur tenir en état leurs effets. Gleig,
frappé de leur indifférence au moment du combat, l'explique
en ajoutant : « Elles sont sûres d'avoir autant de maris
qu'elles en veulent choisir et peu d'entre elles restent long-
temps veuves tant cette classe de femmes est favorisée ^ »
Dans Varmée française,, les femntes^ espagnoles pour la
plupart et illégitimes, que la crainte de leur compatriote au
moment de la retraite ou l'amour, en des temps plus heu-
reux, avaient attachées à des militaires, avaient depuis long-
temps disparu. Soult n'y tolérait même plus la sienne ou
plutôt priait l'ordonnateur en chef Mnthieu-Faviers d'empê-
cher M™^ Soult de venir le rejoindre et de la diriger sur Auch
et éventuellement sur Toulouse (Lettre du 14 février 1814).
Ces femmes, d'ailleurs, ne rendaient pas les mêmes services
que celles de l'armée anglaise. D'après Ducéré, le nombre
de ces femmes à l'armée, après Yitoria, montait à plus de
1. Leur intervention était parfois fâcheuse : « Un homme a été tra-
duit en conseil de guerre, dit Woodberry, pour avoir perdu sa culotte
et il aurait subi ce matin sa punition si sa femme n'était venue
avouer que c'était elle qui l'avait vendue. J'ai entendu parler de
femmes qui portent la culotte mais pas encore de femmes qui la ven-
dent. »
SITOATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE- WELLINGTON. 1 t9
douze mille. Quelques-unes portaient le costume civil nias-
culin ou étaient vêtues en militaire. On les obligea à rester
sur les derrières de l'armée et à ne point passer TAdour.
Le confort auquel étaient habitués les soldats anglais leur
faisait difficilement supporter les privations auxquelles ils
étaient parfois forcés. « J'entendis plusieurs fois, dit un de
leurs officiers, maudire les portions de bœuf coriace, de riz
gâté, de rhum mêlé d'eau et de vieux biscuit qu'on nous
distribuait. » (Ducéré).
Les fonctions de l'intendance et de l'administration de
l'armée anglaise étaient remplies par des commissaires hié-
rarchisés entre eux. Ils étaient peu estimés : « Les commis-
saires, dit Woodberg, payent les habitants pour les rations
fournies avec des billets sur le trésorier-général, à soixante
ou quatre-vingt-dix jours de date. Ces pauvres gens ne com-
prennent rien à ces billets et le commissaire passe quelques
jours après et les rachète pour la vingtième partie de leur
valeur réelle. Je suis sûr du fait... » Picton, dit-il ailleurs,
fit chercher le commissaire général de sa division et lui
dit : « Monsieur, je vois que vous avez négligé, à plusieurs
reprises, de fournir des rations à la division; en ce moment
même les hommes n'ont pas encore reçu la ration d'hier.
J'ai à vous dire que si elle n'est pas distribuée cet après-
midi je vous ferai lier et fouetter devant la division. > L'au-
tre essaya de donner des motifs, mais Picton le fit mettre à
la porte. Le commissaire distribua alors aussitôt les rations
et courut se plaindre à lord Wellington. Sa Seigneurie
i'écouta et lui dit : « 11 vous a réellement menacé de vous
faire fouetter? — Oui, mylord. — Eh bien, allez à votre
service et fournissez régulièrement les provisions à la divi-
sion ou, pardieu ! il est homme à vous tenir parole! »
Les troupes espagnoles ne recevaient que la moitié de
la ration des soldats anglais, le gouvernement espagnol ne
s'en occupant guère, et Wellington écrit qu'aux avant-postes
« elles étaient réduites à piller des noix et des pommes pour
vivre ».
Les Portugais n'avaient aussi, dans le principe, que la
150 MÉMOIRES.
demi-ration; mais Wellington, voyant qu'ils étaient devenus
de bons soldats et se battaient bien, les fit traiter comme les
troupes anglaises.
Nos soldats de Soult auraient bien souvent fait leurs déli-
ces de ces rations dont se plaignaient les Anglais. Le sys-
tème des réquisitions en nature avait été adopté par le gou-
vernement, et trente départements du sud et de l'ouest de
la France devaient fournir à l'armée les subsistances néces-
saires. Des dépôts de matériel et d'approvisionnements
avaient été établis en différents points par l'ordonnateur en
chef Mathieu-Fa viers*. Un des plus importants était à
Dax; mais presque tous ces magasins, ainsi que les convois
qui suivaient l'armée, étaient successivement tombés entre
les mains de l'ennemi, et l'on ne vivait phis, pour ainsi
dire, qu'au jour le jour; aussi la maraude avait-elle beau
jeu.
« Gomme dans les marches, dit un ordre de Soult de
Rabastens le 4 mars (Dumas, p. 466), les distributions ne
peuvent être régulièrement faites, MM. les lieutenants-
généraux feront placer autant que possible les troupes dans
les communes qui sont à portée des positions qu'elles doi-
vent occuper, et ils préviendront les maires que les habitants
doivent faire en sorte de les nourrir, suivant leur faculté.
Lorsque la présence de l'ennemi ne permettra pas d'établir
les troupes dans ces communes, même pendant la nuit, il
leur sera fait des demandes en subsistances pour être trans-
portées au camp. »
Aussi les populations étaient-elles trop souvent pressurées
et pillées par les troupes françaises alors que les alliés
achetaient avec ordre et payaient largement ce dont ils
avaient besoin.
1. Les fonctions actuelles des intendants étaient en grande partie
remplies par les commissaires de guerres divisés en commissaires
ordonnateurs et en commissaires ordinaires. En outre, le corps des
insjjecteurs aux revues était chargé du recrutement, de la solde, de
la comptabilité des corps, de la tenue et de la vérification des con-
trôles et des revues d'effectif.
SITUATION DES ARMEES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 151
TRÉSOR. — DEPENSES DES ARMEES. — SOLDE.
L'argent faisait d'ailleurs complètement défaut : les
vingt mois de solde, dus antérieurement au l®'" juillet 1818,
ne purent être payés et furent mis dans une catégorie par-
ticulière de la dette publique sous le nom d' « arriéré
d'Espagne ».
En plus du décret impérial prescrivant l'usage des réqui-
sitions pour la nourriture de l'armée d'Espagne, un autre
spécifia qu'une partie du prix des journées d'hôpital pour
les malades et blessés de ladite armée sera payée, dans
les départements voisins de la frontière, en bons de la caisse
d'amortissement admissibles en payement de domaines natio-
naux, de même que le prix des denrées requises.
On mettait ainsi, d'un côté, la main sur les biens commu-
naux, et, de l'autre, on payait les contributions en bons don-
nant droit à l'achat ou au rachat de ces biens, autrement dit
en papier-monnaie portant intérêt. Ce mode d'opérer que
l'Empereur indiquait ne devoir qu'être passager, dans ce
moment de crise, surmena les populations du Midi, et les
municipalités ne parvinrent que bien difficilement à satis-
faire aux besoins et aux demandes (Clerc).
Le Trésor ne pouvant faire de versements, le commerce
de Bayonne fit à la Caisse de l'armée épuisée l'avance des
fonds nécessaires aux besoins les plus urgents en créant
sous le nom de Caisse patriotique de Bayonne une réunion
de fonds régulièrement organisée et régie par quatre
négociants de la ville.
Ce n'est qu'en arrivant à Toulouse que Soult put, grâce
aux ressources accumulées dans cette ville, non seulement
donner à ses troupes les habits et les souliers dont elles
avaient besoin, comme nous l'avons vu, mais rendre de la
régularité et de rexactiliKb' aux distrihiitions (U^ vivres et
faire payer deux mois de solde à la troupe, ainsi qu'aux
officiers.
152 MÉMOIRES.-
La solde de ceux-ci, d'ailleurs, n'était guère élevée et
surtout n'avait rien de comparable à celle des officiers
anglais.
J'ai retrouvé, dans de vieux papiers, des états de solde
émargés à Mayence en 1809, et j'y vois qu'un général de
division touchait par mois 416 francs de solde brute sans
les accessoires; un adjudant-général, 300 francs; un capi-
taine, 150 francs; un lieutenant, 91 francs, et un" sous-lieu-
tenant, 83 fr. (L'indemnité de logement en garnison était
pour le lieutenant de 12 francs par mois), il touchait donc
de solde brute 1,092 francs par an quand l'annuité de cette
même solde était de 4,106 francs (164 liv. sterl. 5 shil-
lings) pour le lieutenant Woodberry\ et qu'ayant été
blessé, il reçoit en plus, à titre de gratification, une année
de cette solde.
Ces dons en argent étaient fréquents dans l'armée
anglaise : Wellington reçut ainsi plusieurs millions pour
ses victoires, et, de nos jours, nous avons vu encore des
généraux anglais victorieux recevoir de grosses sommes
d'argent à titre de récompense nationale.
SERVICE DE SANTE.
Sur le rapport de l'ordonnateur en chef Malhieu-Faviers,
Soult avait réglé le sey^vice médical de Varmée par des
instructions datées du camp de Bayonne que rappellent, à
bien des points de vue, nos règlements récents sur le ser-
vice de santé.
Les hôpitaux militaires de la région, ainsi que les hôpi-
taux civils où étaient soignés les militaires, furent classés
en 1^% 2% 3® ou 4^ ligne, pouvant contenir 36,000 hommes.
Toulouse était placé en 3® ligne et devait contenir 1,500 ma-
lades ou blessés.
1. Il recevait encore, entre autres indemnités, une indemnité de
bagages. Elle s'est élevée pour deux cents jours à 38 dollars et 4 shil-
lings, soit environ 1 franc par jour.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 153
Les blessés transportables étaient disséminés le plus rapi-
dement possible et les hommes grièvement atteints traités
sur place. Un local était désigné à proximité de Tarmée
pour les blessures légères n'exigeant pas le séjour dans les
hôpitaux. Les galeux et les vénériens étaient isolés.
Les mesures nécessaires pour assurer la nourriture et le
traitement devaient être prises par les préfets par voie de
réquisition : l'administration devait assurer un approvision-
nement de médicaments d'au moins quinze jours.
Les médecins militaires devaient être chargés, autant que
possible, du service des hôpitaux, qui ne devait être fait seu-
lement, à défaut de ceux-ci, par les médecins civils. Les élè-
ves en médecine et en pharmacie étaient admis à remplir les
fonctions de sous-aides, après examen par un jury médical.
Les officiers de santé principaux devaient assumer la res-
ponsabilité du service et faire des visites fréquentes dans
les hôpitaux.
Les évacuations de blessés ou de malades se firent par les
lignes d'étapes, soit sur la route de Saint-Gaudens, soit sur
celle d'Auch. Le transport avait lieu par voitures de rou-
lage et par charrettes à bœufs, avec le concours des muni-
cipalités'.
Le général Foy, blessé grièvement le 27 février à Orthez,
où une balle de shrapnel lui brisa l'omoplate, fit 1,500 mè-
tres à pied, puis, pansé sommairement par Taide-mgjor
du 75% 9 kil. 1/2 à cheval, jusqu'à Sault-de-Navailles, où
le chirurgien en chef Rapatel lui fit un pansement complet.
Les fuyards encombrant le village, il remonta à cheval et
fit encore 14 kilomètres pour arriver à Hagetmau. Là, ses
grenadiers lui firent un brancard et le transportèrent jus-
qu'à Barcelonne du Gers (35 kil.)^ Le lendemain, il fut
1. Pendant la guerre d'Espagne, on avait été obhgé de mettre les
ambulances à dos de mulet, de mùme que l'artillerie. (Brice et Bottet,
Le corps de santé militaire, 1907, p. 210.)
2. Ce transport à bras des blessés dans les colonnes en retraite
fut pratiqué assez souvent à cette époque, soit pour éviter à ces bles-
sés de tomber entre les mains d'un ennemi cruel comme les Espagnols
10e SÉRIE. — TOME X. 13
154 MEMOIRES.
placé sur une litière à chevaux et dirigé sur Toulouse, où
il n'arriva que cinq jours plus tard, le 5 mars, très affaibli
par les fatigues de la route et l'impossibilité de se nourrir
d'autre chose que de bouillon. Le repos, les soins de Brous-
sais, alors médecin principal de l'armée, amenèrent bientôt
une amélioration. La persistance de la fièvre indiquant la
nécessité d'une opération, elle fut pratiquée, le 26 mars, par
Rapatel qui enleva de nombreuses esquilles, releva l'omo-
plate enfoncée, mais- ne trouva pas le projectile qui proba-
blement n'avait pas pénétré.
Quelques jours après, le 2 avril, le général, étendu sur un
matelas dans une calèche, fut envoyé, avant que les Anglais
n'eussent intercepté la route, à Gahors, où il arriva le 6.
Toulouse fut bientôt encomby^é de blessés ou de malades.
En plus de l'hospice de la Grave, qui contenait plus de
neuf cents pensionnaires, de l'Hôtel Dieu Saint Jacques, qui
renfermait quatre cents malades ou blessés et de l'hôpital
et les Portugais, soit pour faire échapper à la captivité des officiers
de haut rang comme Marmont aux Arapiles et Foy à Orthez ou d'au-
tres possédant l'affection de leurs soldats comme le capitaine Louis
Folley dont parle Dick de Lonlay à l'occasion de cette même Lataille
d'Ortliez {Noire année, p. 902) : « A la défense du village de Saint-
JBoès, un jeune capitaine de grenadiers du 65% Louis Folly, à peine
âgé de vingt-trois ans, a été grièvement blessé. Il va tomber au pou-
voir de l'ennemi, lorsqu'un sous-officier de sa compagnie, le brave
sergent Pierrard, l'emporte seul du champ de bataille. Dans cette cir-
constance, Folly éprouva combien l'estime des soldats est précieuse
pour un officier. Hors d'état, par ses souffrances, d'endurer les secous-
ses d'une voiture, il serait resté entre les mains des Anglais... Mais
ses grenadiers, par lesquels il a refusé la veille de se laisser enlever,
le placent sur une échelle et le portent ainsi à bras l'espace de quarante-
cinq lieues. » Ce capitaine Folly avait reçu deux éclats d'obus au bras
et à la cuisse. 11 avait déjà été blessé en 1809 à Ratisbonne (Dick de
Lonlay, p. 591) et en 1813 à l'assaut de Castro (p. 804), où il entra
le premier. Il ne mourut qu'en 1871, après avoir traversé, en 1870,
dans une cave du faubourg de Pierres, la cruelle période du bombar-
dement de Strasbourg. 11 était l'oncle de l'auteur du présent travail
qui, d'autre part, avait eu pour professeur de botanique et de matière
médicale à la Faculté de Strasbourg, Fée, l'ancien aide-major de l'ar-
mée d'Espagne aux « Souvenirs » duquel nous avons fait de si inté-
ressants emprunts. Comme on le voit, une seule génération nous
sépare de celle qui a combattu avec Soult à Toulouse.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 155
militaire qui avait quatre cents places dans les mêmes bâti-
ments qu'aujourd'hui S on créa un hôpital temporaire dans
la caserne de passage Guibal, au boulevard Lascrosse
(aujourd'hui magasin de l'Intendance) pour quatre cents lits,
puis, dans le dépôt de mendicité de Saint-Gyprien, pour
trois cents lits. On y ajouta, comme ambulances provisoires,
l'ancien couvent de la rue de Rémusat, successivement pri-
son et hôtel des postes, l'ancienne manufacture Boyer-Fon-
frède, au Bazacle, enfin, l'ancien réfectoire des Jacobins de
la rue Pargaminières (Graciette).
La plupart de ces établissements avaient des chirurgiens
et des médecins civils, les militaires étant employés avec les
troupes de campagne.
Leur nombre, d'ailleurs, avait été bien réduit par les fati-
gues de la campagne, le feu du champ de bataille et surtout
par les massacres commis par les Espagnols et les Portu-
gais dans les hôpitaux et les convois d'évacuation.
« Ces bandes, dit Gama^, pénétrant dans les hôpitaux,
peu empêchées par la résistance que leur opposaient les chi-
rurgiens précipitamment transformés en défenseurs de leurs
blessés dont ils avaient saisi les armes, y massacraient
malades, blessés et ceux qui leur donnaient leurs soins. Très
souvent, des évacuations de malades, très faiblement escor-
tées, étaient attaquées par des bandes qui ne laissaient
jamais subsister de témoins de leurs actes. On serait élonné,
s'il était possible de le connaître, du nombre de chirurgiens
qui ont péri dans ces rencontres, non par imprudence, mais
dans l'exercice d'un service commandé. Ils subissaient leur
destinée non toujours sans un raffinement de torture. »
1. De même qu'il est fait actuellement dans les hôpitaux mixtes,
une décision ministérielle d'octobre 1810 avait arrêté avec l'adminis-
tration des hospices de Toulouse une convention d'une durée de cinq
ans donnant à cette administration la gestion de l'hùpilal militaire à
raison d'un prix de journée de 1 fr. 85 c. ])ar oflicicr et 1 fr. 10 c. par
sous-officier et soldat. Les médecins militaires traitants et vingt-cin({
sœurs do charité restaient seuls à la cliarge immédiate de l'adminis-
tration de la guerre. (Graciette.)
2. Gama, Esquisse historique du service de santé.
156 MÉMOIRES.
Fée (p. 283) précise davantage ces horreurs : « Tout ce
que les martyrs souffrirent des Romains dans les premiers
siècles de l'Eglise, dit-il, les Espagnols l'infligèrent aux
P^rançais : écartèlement, mutilation, strangulation lente et
graduée, lout fut employé, excepté ce qui par une mort
prompte délivre de la vie. Des femmes imitèrent ces crimes.
Il en est qui brûlèrent des convois de blessés en poussant
des hurlements qui se confondaient avec les cris de leurs
victimes. »
(( Trois mille cent soixante blessés, arrivés le 2 octobre à
Goïmbre, avec l'armée, y furent massacrés le 7, dit Thié-
baut. On avait réuni, au moment de la retraite, ces malheu-
reux dans des couvents contigus; on les y avait retranchés
et approvisionnés le mieux possible : on avait placé près
d'eux 1 sous-inspecteur aux revues, 2 commissaires des
guerres, 1 médecin, 22 chirurgiens, 6 pharmaciens, 18 em-
ployés, tous partagèrent le sort des blessés. »
Le Maréchal, préoccupé de désencombrer les hôpitaux et,
en cas de retraite, d'emmener avec lui le plus grand nom-
bre de blessés pour éviter de les laisser tomber, comme pri-
sonniers, entre les mains de l'ennemi, avait fait organiser
un transport par eau de Toulouse vers Gastelnaudary et le
Lauraguais. A cet effet, les magasins et bâtiments de l'admi-
nistration du quai Saint-Etienne furent requis, ainsi que
les bateaux existant sur le canal du Midi, les chevaux pour
les tirer, des brancards, de la paille pour garnir les bateaux
et des matelas et paillasses pour les blessés graves. (Lettre
du commissaire des guerres Gauthier au maire de Tou-
louse).
Des ouvriers terrassiers des communes voisines avaient
été requis pour travailler aux fortifications des redoutes. Ils
n'y furent pas employés, ces travaux ayant été, comme on
l'a vu, exécutés avec avantage par les troupes. On les mit
à la disposition de la garde urbaine pour faire l'office de
brancardiers et pour inhumer les morts.
Le 12 avril, jour de l'entrée des Anglais à Toulouse, le
maire prévenait ses concitoyens que l'état-major anglais
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 157
demandait quinze cents lits complets pour évacuer les
ambulances dont l'armée coalisée avait couvert la campa-
gne et les villages des environs. Dans le cas où les habi-
tants ne répondraient pas à cette récfuisition, ils étaient pré-
venus que les malades et les blessés seraient installés dans
leurs maisons.
Le 14 avril, la Commission administrative des hospices
demanda au régisseur de la manufacture des tabacs des
côtes de tabac pour en faire des fumigations^ efficaces,
disait-on, pour l'assainissement des hôpitaux encombrés.
Dans le personnel du service de santé de l'armée nous
avons déjà cité, à propos de la blessure du général Foy, le
chirurgien en che^ Râpa tel et le médecin principal Brous-
sais.
Ce dernier, qui avait alors quarante-deux ans, après avoir
été volontaire en 1782, sous-officier en Vendée, chirurgien
de la marine, était dans l'armée d'Espagne depuis 1808.
C'est le fameux auteur de la doctrine de 1' « Inflammation
considérée comme le phénomène prédominant la pathologie. »
Successivement professeur au Val-de-Grâce, puis à la Faculté
do Paris, membre de l'Institut, c'était un homme d'une ima-
gination féconde, audacieux et opiniâtre. Il traduisit sa
doctrine par une thérapeutique, celle de la saignée locale
par les sangsues compliquée de la diète, qui dirigea toute
la pratique médicale d'une bonne moitié du dix-neuvieme
siècle.
Cette simplification pathologique était séduisante, mais
bien dangereuse. La mort rapide du premier ministre Casi-
mir Périer emporté par le choléra en 1832, après de nom-
breuses émissions sanguines de Broussais, son médecin et
son ami, porta un grand coup à ce dernier et à sa doctrine.
Le chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Toulouse était
Viguerie, alors âgé de trente-cinq ans, ancien élève de
Percy, au Val-de-Grâce. Brillant opérateur, il fut suivi avec
assiduité par les chirurgiens de l'armée anglaise qui occupa
Toulouse jusqu'au mois de juin. Parmi ces derniers se trou-
vait Guthrie l'analomiste, qui alors âgé de vingt-cinq ans,
158 MÉMOIRES.
était « Deputy inspector général in charge off ail the woun-
ded » et a laissé une relation médico-chirurgicale aussi
précise que savante de la bataille de Toulouse à laquelle il
avait assisté.
LES TROUPES AU COMBAT. '
Bien que les troupes françaises n'eussent plus qu'une
partie de leurs vieux et excellents éléments, leurs qualités
militaires étaient encore hautement appréciées même de
leurs adversaires. « Rien n'est admirable comme l'impé-
tuosité de la première attaque des Français dit le lieutenant
Gleig'; ils s'avancent d'abord lentement et en silence et,
arrivés à un ou deux cents 3^ards^ du point qu'ils veulent
enlever, ils poussent un cri discordant et s'élancent en avant.
Ils sont enveloppés par un vrai nuage de tirailleurs qui
marchent avec une confusion apparente, mais avec une
grande bravoure, et savent mieux que n'importe quelle
troupe légère profiter de tous les couverts pour s'abriter. Il
est vrai que l'auteur se hâte d'ajouter : « le courage froid des
Anglais est tout à fait propre à recevoir ce premier choc
des Français. »
Lapène dépeint de son côté la façon de combattre des
Anglais : « Selon leur usage, les Anglais prenaient position
un peu en arrière des crêtes. La fusillade et le repli de leurs
tirailleurs les avertissaient des approches de nos colonnes
d'attaque. Leurs feux accueillaient celles-ci au moment où
elles paraissaient. Après ce feu ajusté à courte portée contre
des assaillants épuisés et rompus par une montée difficile,
ils chargeaient ces derniers à la baïonnette et les refoulaient.
Leurs tirailleurs poursuivaient seuls et les lignes repre-
naient leur position. »
Rappelons qu'en face des tireurs d'élite des Anglais les
Français savaient à peine tirer leur coup de fusil et bien
1. In Ducéré, p. 46.
2. Le yard a 91 centimètres.
SITUATION DES ARMEES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 159
peu viser, opération d'ailleurs en partie accessoire avec la
balle de calibre trop réduit pour l'arme en service.
Quant à la cavalerie, ses rencontres débutaient toujours
par des échanges de balles de carabine ou de pistolet sans
grands résultats d'ordinaire, et suivies parfois de charges
où chacun s'attribuait l'avantage.
Gomment dans la retraite sur Toulouse nos 2,600 à 2,700
hussards et chasseurs ont-ils pu résister, sans trop d'infé-
riorité, aux 8 à 9,000 brillants cavaliers, dont plusieurs
régiments de grosse cavalerie, de Stapleton-Gotton? Lemo-
nier-Dela fosse, l'ancien aide de camp de Pierre Soult, nous
en donne une explication^ « La cavalerie ennemie, dit-il,
ne trouvant que des terrains coupés ne pouvait fort heureu-
sement s'y déployer et, comme nous, était contrainte d'agir
sur les grandes routes. Notre avantage y fut même remar-
quable pour notre manière de manœuvrer, bien supérieure
à la sienne qu'elle ne voulut jamais changer bien que cha-
que jour lui en démontrât le vice. L'avant-garde de la cava-
lerie ennemie, tirailleurs déployés, marchait par pelotons.
En arrière de celui de tête, venait un escadron ou deux en
colonne. Lorsque son peloton repoussé faisait demi-tour,
tout l'escadron accourait en masse pour le soutenir; mais
ce mouvement même lui barrait la route et nous donnait le
temps de sabrer à outrance. Dans cette agglomération tout
coup portait. Chez nous, notre peloton d'arrière-garde était
formé sur la route par demi-peloton, laissant libre l'autre
moitié du chemin. Si notre peloton d'extrême arrière-garde
qui tenait toute la largeur du chemin était repoussé, il avait
de l'espace pour s'écouler; de suite le suivant se formait et
le remplaçait et ainsi de suite jusqu'au dernier du régi-
ment. »
Des deux côtés d'ailleurs la cavalerie était généralement
audacieuse : nous avons déjà parlé de la charge du 18« hus-
sards anglais à Croix-Daurade sur la brigade Vial surprise.
Les hussards anglais s'emparèrent d'une centaine d'hom-
1. Dumas, p. 372.
160 MÉMOIRES.
mes et de chevaux et conservèrent le pont de l'Hers qui
donna deux jours après, au jour de la bataille, un passage
facile à l'armée et spécialement aux divisions de Beresford
qui, en enlevant la redoute de la Sipière, décidèrent du sort
de la journée. Wellington et son état-major qui se trou-
vaient sur un monticule près de là ', levèrent leurs chapeaux
et acclamèrent les hussards victorieux. Le colonel Vivian,
qui commandait la brigade et qui chargea à la lête du 18%
fut grièvement blessé au bras.
La cavalerie française, de son côté, eut aussi de brillants
succès : le 14 mars par exemple, quinze jours seulement
après la défaite d'Orthez, la brigade de chasseurs Vial, dans
une charge sur la brigade de dragons anglais Fane, près de
Rabastens, lui sabra une soixantaine d'hommes et lui enleva
de nombreux prisonniers... « le 14® dragons, dit Wood-
berny, a beaucoup souffert dans cette affaire : plusieurs offi-
ciers sont tués ou blessés ou prisonniers; les rapports
disent que les hommes n'ont pas suivi leurs chefs et se sont
sauvés. »
Le 17 mars, le chef d'escadron Dania, à la tête d'une cen-
taine de cavaliers d'élite, fit un magnifique raid, traversant
complètement l'armée anglaise. Parti du bivouac d'Auriac
à la chute du jour, il suivit toute la nuit en silence des che-
mins détournés et arriva, une heure avant le lever du soleil
à Hagetmau sur les derrières de l'ennemi, à 50 kilomètres
de son point de départ Occupant toutes les issues, il fit fouil-
ler les maisons, s'empara d'une centaine d'hommes dont
six officiers et huit médecins qui rejoignaient l'armée ainsi
que de quarante chevaux ou mulets avec des bagages et
délivra une douzaine de prisonniers français; puis il rega-
gna son bivouac, le 18 au soir, avec les hommes et objets
capturés (Dumas, p. 525).
Dans la retraite sur Toulouse, le 10^ chasseurs, laissé le
22 mars en extrême arrière-garde, au delà de Saint- Gaudens
1. Ce monlicule est certainement celui de Saint-Caprais, sur la
droite de la route de Lyon, après le pont de l'Hers et avant Saint-Jean,
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 161
que Tarmée vient d'abandonner, est tourné par les régi-
ments anglais qui sont sur le point de s'emparer de la ville
et de lui couper la retraite. Il traverse Saint Gaudens à bride
abattue et réussit à se retirer sur la route de Toulouse, non
sans que quelques pelotons d'arrière-garde ne soient obligés,
dans les rues mêmes de la ville, de passer sur le corps dune
masse de cavaliers anglais au moins décuple, en donnant
sous les yeux des habitants des preuves de la plus héroïque
valeur, mais en perdant une cinquantaine d'entre eux
(Lapène).
LARGE EMPLOI DE TROUPES ÉTRANGÈRES DANS l'aRMÉE
DE WELLINGTON.
Nous avons vu que dans l'armée de Wellington, les divi-
sions d'infanterie comprenaient toutes une brigade portu-
gaise sans compter une division d'infanterie, de l'artillerie
et probablement une brigade de cavalerie uniquement portu-
gaises.
Les Portugais étaient devenus, en effet, d'excellents sol-
dats. « Les troupes portugaises, écrit Wellington, manquent
de pain depuis deux jours, marchent mieux que nous et com-
battent admirablement; elles sont toujours ardentes à l'atta-
que et se conduisent constamment avec une bravoure enthou-
siaste. Elles nous donnent maintenant le plus ferme espoir
de délivrer la Péninsule. Les Portugais sont aujourd'hui les
coqs de bataille de l'armée. » Ces troupes portugaises avaient
des cadres en partie anglais. « Nous avons mis tant de
mangeurs do bœuf parmi les hommes et les officiers, écrit
Larpent, qu'ils semblent être des animaux tout différents. »
Bien que plus grands et mieux musclés que les Portu-
gais, les Espagnols leur étaient bien inférieurs, surtout au
point de vue du courage et de la discipline. Mal nourris (ils
ne recevaient que la moitié de la ration des troupes anglo-
l)ortugaises), mal payés, mal habillés et surtout ujal com-
mandés, ils no prêtèrent en général qu'un médiocre secours
162 MÉMOIRES.
à leurs alliés qui parfois ignoraient jusqu'au chiffre de leur
effectif. Toutefois, les troupes de Freyre et de Morillo,.qui
se trouvaient dans l'armée devant Toulouse, avaient une
composition de choix et, dans l'attaque de front des redou-
tes du Galvinet où on les lança, tandis que les Anglais fai-
saient un mouvement tournant, quelques régiments, surtout
celui de Gaçadores de Gantabrie, sous le colonel Sicilio,
montrèrent une certaine bravoure qui mérita les éloges de
Wellington. Mais, au fond, les Anglais méprisaient et
détestaient ces alliés. En parlant de cette attaque, Wood-
berry, écrit : « L'armée anglaise éprouva bientôt la joie
universelle de voir les Espagnols bien battus. L'affaire ne
dura que quelques minutes et les survivants s'enfuirent à
toutes jambes. Gette armée espagnole est peut-être la seule
qui ait eu un contact aussi intime avec l'ennemi de l'Espagne
depuis le commencement de la guerre ; en tout cas, ces
lâches canailles eurent plus à souffrir que jamais aucune
armée dans un si court espace de temps. » Installé dans un
château à Léguevin, il y vit arriver deux cents Espagnols
avec des billets de logement : « Je refusai de céder mes appar-
tements, dit-il, et tous les Espagnols, officiers et soldats,
mangèrent à la cuisine. » Il n'avait pas d'ailleurs absolu-
ment tort. En effet, le 26 mai, c'est-à-dire plus d'un mois
après la fln de la guerre, il écrit : « Lord Wellington allant
à Madrid a été poursuivi à coups de pierre par les troupes
espagnoles. Quelle tourbe de lâches ingrats! »
Nous avons dit que l'armée alliée comprenait un bataillon
allemand, celui de Brunswick-Œls et la brigade de grosse
cavalerie hanovrienne de Ponsonby. La brigade de hussards
de Vivian avait aussi un régiment hanovrien, le l®"* German-
Hussards. L'on se rappellera que le roi de Grande-Bretagne
était en même temps roi de Hanovre. Il y avait un autre
contingent allemand dans l'armée coalisée, la Légion ger-
manique, mais elle se trouvait devant Bayonne.
Ges troupes allemandes, dont beaucoup avaient servi
dans Varmée française^ étaient excellentes. « Ges hommes
paraissent faits pour le métier des armes, dit un officier
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 103
anglais*. Doués trune vigueur extrême, contents de peu,
habiles à tirer partie de tout, grands buveurs, mais rarement
ivres, insensibles à la rigueur du froid comme à la grossiè-
reté des aliments, il semblait que le camp fût leur patrie^. >
Le reste de Parmée, bien que nominalement anglais, ne
comprenait que fort peu de véritables Anglais. Beaucoup de
ces soldats, et non des moins bons, étaient Mandais, entre
autres le second régiment de la brigade Vivian, le 18® hus-
sards (Royal irish), le régiment de Woodberry.
Ce dernier raconte comment on y fêtait la Saint-Patrick, le
17 mars 1813, en Portugal. D'abord, un ordre du régiment
où le colonel Murray, qui était Ecossais presbytérien, dit
entre autres choses à ses hussards catholiques : « L'Irlande
considère le 18<^ comme un régiment à elle qui doit lui faire
honneur par sa bonne conduite à l'étranger... il faut espé-
rer que le retour de la fête de son saint patron rappellera à
chaque soldat qu'un vif sentiment de l'honneur doit être
aussi bien qu'un courage indomptable la caractéristique d'un
véritable Irlandais. »
A trois heures du matin, ajoute Woodberry, notre musique
m'a donné une aubade sur l'air : « Le matin de la fête de
saint Patrick ». Gomme la tradition veut que les ofliciers
anglais reçoivent ce jour-là, il invite ses collègues irlan-
dais. « Ils sont venus, dit-il, mais Dieu sait comment ils
sont rentrés; ils étaient ivres-morts. Pas mal de têtes cassées
ce soir dans le régiment. Ces gaillards boivent comme des
poissons et comme s'ils ne devaient jamais voir une autre
1. Souvenirs d'une campagne dans les Pyrénées en l.Sl'i {Rciuiebri-
lannUiue).
2. D'après Marbot, « une foule di' .^oMats ri rangers incori)orés
dans l'armée française, séduits par la liaulr-pai(> ipif li's Aii^^lais
accordaient à ceux qui venaient prendre du sers ice r!i<'/ eux. dr'scr-
taient journellement. Aussi Italiens. Sniss.v. Saxons. lia\ ar^is. Wcst-
phaliens, Hessols, Wiii1'Mnl)or^-tMii>. etc., fonnèr-ail-ils do l'^'-iincnts
chez nos ennemis. 1^1 h's i^olonais, crs pdlouai^ (pii depuis ont fait
sonner si haut leur dévouement à la l'i'anee. passèrent en si eran,!
nombre dans les rangs de rarniér an^;hti>e. tonjiMirs iiieu p;i\e,' et.
bien nourrie, que Wellington en lornui une |',»rtr j.'-idu (|ui -^e li;tt(ait
sans façon contre les Français. .
164 MÉMOIRES.
fête de saint Patrick. On en a porté un à l'iiôpital plos mort
que vif.. » L'année suivante, il écrit, à Bazas « le jeudi
17 mars, saint Patrick: Il y a aujourd'hui un an, à Luz, en
Portugal, tout le régiment était ivre-mort. Cette année, c'est
bien différent, tout le monde est sobre. » C'est que depuis
un an ils avaient passé sous la discipline de fer de Welling-
ton et avaient surtout senti le contact des viçux soldats de
Soult.
Les Ecossais étaient aussi fort nombreux dans l'armée :
la division Picton qui, sous Brisbane, attaqua avec tant
de vaillance et si peu de succès la redoute des Ponts-Jumeaux
était entièrement écossaise, et la brigade Pack de la division
Clinton, celle qui avec la division Cole, décida du succès
de la journée en enlevant les redoutes de notre droite et de
notre centre, était entièrement composée de highlanders.
Dans son rapport sur la bataille au ministre Bathurst,
AVellington cite spécialement les 42' et 79® qui en faisaient
partie comme « ayant perdu beaucoup de monde et s'étant
distingués grandement tout le jour. »
Comme on le voit, les Anglais de race, dont la bravoure
d'ailleurs est hors de doute quand leur intérêt direct est en
jeu, étaient déjà avares de leur propre sang, conformément
à une traditions séculaire qui est toujours suivie.
INDISCIPLINE DANS LES ARMEES.
Mais revenons à nos armées d'Espagne et des Pyrénées.
La discipline y était fort relâchée à la fin de 1813 et il fallut
de grands efforts aux généraux pour y rétablir un peu d'or-
dre et d'obéissance, et surtout pour y empêcher la maraude
et les excès de toute nature qu'elle entraîne.
En ce qui concerne les troupes anglaises^ leur recrute-
ment était bien propre à favoriser ce fâcheux état de choses.
Les sergents recruteurs, aidés par l'enrôlement forcé, par
la « presse » plus ou moins avouée, ne fournissaient à l'ar-
mée que la lie de la population, et l'esprit public en Angle-
SITUATION DES ARMEES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 105
terre était porté à ne considérer le soldat que comme une
espèce de bandit. « Pires sont les hommes, disait lord Mel-
ville en plein Parlement, mieux ils conviennent pour faire
des soldats. Gardez les honnêtes gens au pays. » (Dumas,
p. 128).
Aussi les vols, les attaques à main armée, les brutalités
de toute nature étaient-ils dérègle, surtout dans les troupes
qui débutaient dans la Péninsule. Woodberry note à chaque
instant qu'il siège à la Cour martiale, et, dans son ordre de
régiment à l'occasion de la fête de saint Patrick dont nous
avons cité une partie, le colonel Murray dit encore à ses
hussards : « Quant à la longue liste de crimes vils et dé-
gradants qui ont récemment déshonoré le régiment, la patrie
ne peut y jeter les yeux sans éprouver des sentiments d'hu-
miliation et de regret. »
UnepayHiedes officiers laisse fort à désirer aussi. « Nous
avons comme soldats l'écume de la terre, écrit Wellington à
lord Balhurst; les officiers non commissionnés sont aussi
mauvais qu'eux. » « De quelle compagnie de canailles
fais-je partie », dit Woodberry (p. 32), et il note à plusieurs
reprises des vols commis par ses camarades.
La lâcheté s'en môle aussi : « On croit, dit-il (p. 132), en
Portugal, que le maréchal fera quitter le régiment à beau-
coup d'officiers; je sais qu'il y a parmi nous plusieurs capons
et le plus vite on les renverra sera le mieux ». Plus tard, à
Orthez (p. 182) : « nous vîmes l'armée française, écrit-il,
déployée d'une façon imposante : cette vue frappe de ter-
reur plusieurs de mes camarades, j'ai le regret de le dire. »
C'est surtout à la suite de la bataille de Vitoria que l'in-
discipline est à son comble. « Joseph, en plus de son armée,
traînait à sa suite, sa cour, ses ministres, les hauts fonction-
naires et employés de toute catégorie, une foule d'Espa-
gnols compromis, les afrancesados. Chacun de ces émi-
grants emmenait avec lui sa famille et ce qu'il avait pu
sauver de sa fortune; avec les bagages des officiers, le tré-
sor du roi, se trouvaient les caisses de l'armée montant à
25 millions y> (Clerc). Tout cela fut pris ainsi que l'artille-
166 MÉMOIRES.
rie. « Les caisses sont brisées à coups de hache, dit Lapène,
et sur leurs débris se livrent des combats meurtriers »; mais
« comme il y avait assez d'argent pour contenter les deux
partis et que les soldats trouvaient plus de profit à prendre
des rouleaux qu'à se donner réciproquement des coups de
sabre, on vit Anglais, Français, Espagnols et Portugais
puiser en même temps au même tas d'or et remplir convul-
sivement leurs poches sans faire attention les uns aux au-
tres. » (Sébastien Blaze.)
Les officiers s^en mêlèrent aussi : « Le jour de la bataille
de Vitoria, écrit Woodberry (p. 101), la plupart des prison-
niers de marque dînaient avec lord Wellington et dans le
cours d'une conversation avec Sa Seigneurie, M'"' G...,
femme du général de ce nom, raconte que, sans l'inter-
vention d'un simple soldat, un officier de hussards l'au-
rait dépouillée de tout; qu'après avoir reçu d'elle l'épée de
son mari et un beau fusil à deux coups, il lui avait enlevé
de force une bague au doigt. Lord Wellington entra alors
dans une grande colère et jura qu'il ferait passer cet officier
au conseil de guerre pour qu'il servît d'exemple à l'armée ».
On trouva effectivement le lieutenant D..., du 18® hus-
sards, en possession de l'épée, du fusil et de la bague, mais
il nia les avoir pris de force. Un autre, le lieutenant
R..., du même régiment, s'appropria environ 2,000 livres
(50,000 fr.); un capitaine B..., prit une croix de diamants
estimée 12,500 francs; ils appartenaient tous les trois au
régiment de hussards de Woodberry qui rapporte ces
faits.
« Le champ de bataille, dit l'historien espagnol Toreno %
ressemblait par les dépouilles dont il était jonché à ce que
Plutarque raconte de celui d'Issus... ïl s'établit dans le camp
une sorte de foire où l'on échangeait tous les objets pris et
jusqu'à la monnaie, car on vit offrir huit piastres pour une
guinée comme étant d'un plus facile transport. »
Il y eut pendant une quinzaine de jours plus de huit mille
1. Cité par Clerc.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 167
déserteurs. Les autres, occupés à piller jour et nuit, furent
incapables de marcher.
Ce ne furent pas seulement l'or et l'argent ainsi que les
objets précieux qui devinrent la proie du vainqueur. « Au
moment où se retirait l'armée française, dit Lapène (p. 40),
les passages sont obstrués, les voitures de luxe et les équi-
pages" de Joseph et des individus attachés à sa cour, déser-
tés par leurs propriétaires, restent au premier occupant. On
en voit sortir pâles, effarées, baignées de larmes, les femmes
les plus qualifiées, quelques-unes de la plus grande beauté;
elles errent çà et là, sans suite et sans guides; leurs mains
suppliantes tendues vers les militaires, elles conjurent, avec
l'accent du plus horrible désespoir, de les dérober à l'af-
freuse vengeance qui les attend de la part de leurs compa-
triotes. » Mais « chacun pourvoit à sa sûreté. »
L'armée française de son côté, en se retirant en désordre,
commettait toute sorte d'excès.
€ Un bivouac était proche, raconte Fée (p. 252) ; au milieu
d'un verger se chauffaient, livrées au plus profond déses-
poir, couvertes de vêtements déchirés, plusieurs dames espa-
gnoles; plus loin, des soldats blessés... En pénétrant dans
un village que je croj^ais abandonné, je me vis entouré de
femmes pâles, échevelées, qui semblaient, voyant mon uni-
forme d'ofiîcier, se mettre sous ma protection. Je les fis
entrer dans une maison et me mis devant la porte. Des sol-
dats m'injurièrent, et l'un d'eux, saisissant son fusil, m'or-
donna de quitter au plus vite le village. Je m'éloignai, et ce
que mes yeux ne purent voir, mes oreilles l'entendirent. »
Toutefois, les Français se remirent vite : « Nos soldats,
dit Larpent, n'ont pas de chance avec les P'rançais. La défaite
rend ces derniers sobres et réglés, et, dans le malheur, leurs
efforts et leur activité individuelle sont surprenants. Les
nôtres commencent à être de mauvaise humeur et désespé-
rés ; ils boivent immodérément et deviennent de jour en jour
plus faibles, plus incapables de marcher par leur faute.
Sous tous les rapports, sauf le courage, ils sont fort inférieurs
aux Français. Lorsque, avant-hier, les divisions traverseront
168 MEMOIRES.
Tafalla, l'aspect des soldais était mortifiant. Wellington en
est véritablement affecté et blessé. Les Portugais étaient
gais, en ordre, solides; les Espagnols, éreintés, à moitié
ivres, en débandade, n'avaient rien du soldat. »
Les Espagnols^ ceux surtout des troupes de Mina, Longa
et Morillo ne comprenaient la guerre que comme une occa-
sion de pillage. « Il n'y avait ni soldat, ni officier, lisons-
nous dans une dépêche de Morillo au général Freyre, qui ne
reçût d'Espagne, de sa famille, des lettres lui disant que,
se trouvant en France, il devait faire fortune. »
Aux excès du pillage que la pénurie où ils étaient rendait
souvent, jusqu'à un certain point, compréhensible, se joi-
gnait chez les Espagnols et même parfois chez les Portu-
gais, dans leur désir de vengeance, une cruauté de race,
une soif de sang qui, en des temps plus calmes, se mani-
feste dans leurs combats de taureaux.
Le lendemain de Vitoria, ils massacraient les prisonniers
devant les Anglais, et quand ceux-ci leur en demandaient
la raison. « A segurar el prisonero ! », répondaient-ils;
« c'est pour m'assurer du prisonnier » (Woodberry).
Gleig raconte qu'aussitôt après avoir passé la frontière,
dans une halte de la colonne, les chasseurs portugais se
débandèrent tumultueusement en se dirigeant vers quelques
chaumières voisines. Les officiers eurent de la peine à les
ramener, mais non sans que l'un d'eux eût réussi à assassi-
ner à coups de fusil deux vieillards qui habitaient là. Pour-
suivi et atteint, le Portugais avoua qu'il était l'auteur de
ces deux meurtres. « Ils ont tué mon père, disait-il, coupé la
gorge à ma mère et enlevé ma sœur, et j'avais juré de me
venger sur la première famille française qui tomberait entre
mes mains. "Vous pouvez me tuer, si vous voulez; j'ai tenu
mon serment, et peu m'importe de mourir. >
Inutile d'ajouter qu'il fut pendu. Plus de dix-huit Espa-
gnols et Portugais furent accrochés aux arbres ce jour-là et
les suivants. »
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE ^VELLINGTON. 169
PLAN DE CONDUITE DE WELLINGTON AVANT DE PENETRER EN
FRANCE : SES EFFORTS POUR RESTAURER LA DISCIPLINE.
Devant tous ces relâchements et ces excès, Wellington
senlait que son armée avait avant tout besoin de repos, d'or-
dre et de discipline, surtout au moment de pénétrer sur le
sol français. En effet, « l'entreprise, dit Beauchamp (p. 129),
semblait téméraire. Jamais le succès n'avais couronné au-
cune invasion dans le Midi de la P'rance; Charles-Quint lui-
même y avait échoué ». « J'éprouve, écrit Wellington à
Bathurst, une 'grande aversion, dans les circonstances ac-
tuelles, à envahir la France où chacun est soldat, où toute
la population est en armes et organisée, non point, comme
dans d'autres pays, par des gens sans expérience de la
guerre, mais qui ont servi quelque part depuis vingt-cinq
ans que la France est en lutte avec toute l'Europe. » « Le
danger d'une telle guerre est si généralement senti, ajoute
Beauchamp, excepté par les P'rançais eux-mêmes, que lord
Wellington reçut de presque tous les pays de l'Europe des
lettres d'exhortation et d'alarmes très pressantes pour le
détourner de pénétrer sur le sol français et d'y compromet-
tre sa gloire. »
« Le seul mot de tocsin, dit Lapène, que nul habitant
n'était certes dans l'intention de prononcer en 1814, glaçait
les coalisés d'épouvante. >
Aussi Wellington resta-t-il près de quatre mois cari'-
tonné vers la frontière^ au sud de Boyonne, avant de se
décider à une offensive sérieuse.
Mais il employa bien ce temps.
Il mit tout en jeu pour se créer des intelligences dans le
pays et y obtenir des renseignements. Il rouvrit tous les
ports dès qu'ils se trouvèrent en son pouvoir et y entretint
un commerce considérable qui lui servit en môme temps à
pourvoir à ses besoins et à se rendre favorables les intérêts
mercantiles si lésés par le blocus continental. De plus,
10« SÉRIE. — TOME X. 14
170 MEMOIRES.
comme l'indique Dumas dans l'introduction de son livre,
« le commerce étendu de l'Angleterre pénétrant par mille
ramifications connues ou secrètes dans tous les lieux habi-
tés, répandus à la surface du globe, fournissait des sources
d'informations que rien ne pouvait égaler ».
« L'esprit mercantile des Anglais ne les abandonne jamais,
même au milieu des plus sanglantes guerres, dit Ducéré
(p. 157), et il semble, en étudiant l'histoire de ces campa-
gnes, que leurs armées ne se mirent en marche que pour
rouvrir à leurs fabricants les marchés fermés par le blocus
continental. Au camp du Boucau, devant Rayonne, il se pas-
sait ce qui s'était déjà vu à Lisbonne et dans tous les ports
de la côte d'Espagne. A peine les Français abandonnaient-
ils aux troupes alliées un pays quelconque, qu'une foule de
navires arrivaient à la hâte de tous les ports du Royaume-
Uni et inondaient le pays de marchandises anglaises depuis
la fameuse cotonnade jusqu'aux couteaux de Sheffield, depuis
les denrées coloniales devenues si chères en France jus-
qu'aux bijoux et à l'horlogerie de la Cité ! »
Indépendamment des relations procurées ainsi par le com-
merce ou par les espions ordinaires, Wellington s'était peu
à peu assuré des intelligences dans le pays, dans l'armée,
dans l'entourage même de Soult, dont les projets lui étaient
livrés, s'il faut en croire Napier, son aide de camp.
L'or anglais, bien employé, faisait, comme toujours, son
œuvre perfide.
L'ancienne noblesse du pays, redevenue fervente royaliste,
après avoir largement profilé des faveurs impériales, surex-
citée par la présence du duc d'Angoulême ^ dans l'état-major
1. Il ne payait cependant pas de mine le pauvre duc! « Court, d'as-
pect mesquin, avec des grimaces ridicules en entrant et en sortant, il
mit souvent aune pénible épreuve l'état-major de Wellington », écrit
Gleig. Woodberry qui l'année suivante, quelques jours avant Wa-
terloo, se trouva avec le duc de Berry, donne une appréciation peu
flatteuse de cette famille royale : « Le duc de Berry est un petit indi-
vidu qui a l'air d'un bossu. J'ai vu maintenant les trois principaux
représentants de la branche mâle des Bourbons : le roi, le duc d'An-
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 171
anglais, manifestait de toutes les façons sa sympathie à
ceux qui devaient lui ramener le roi de son cœur.
Le généralissime anglais s'efforçait, d'autre part, par tous
les moyens, de ne pas mécontenter, de gagner même uiie
population si froissée, à cette époque, par les vexations d'un
pouvoir brutal, par les impôts, les réquisitions et tous les
sacrifices provoqués par des guerres si prolongées. Tout ce
que consommait son armée était soldé au prix le plus élevé :
les payeurs attachés à chaque corps allaient jusqu'à indem-
niser des dommages causés par le passage des troupes, et
même souvent on laissa aux autorités locales le soin de fixer
le prix des denrées et de lever les impôts.
Même, pour éviter l'usage des bons sur le Trésor dont
nous avons signalé la mauvaise impression sur les habitants
et les abus qu'en faisaient les commissaires de l'administra-
tion anglaise, ainsi que l'emploi de la monnaie anglaise
mal connue, Wellington organisa, au milieu même de son
armée, un atelier de monnayage on il fit frapper de la mon-
naie d'or française au titre légal.
11 tâcha surtout de rétablir une stricte discipline, chose
difficile dans une armée composée, comme la sienne, de
troupes de différentes nations.
Grâce à sa volonté énergique qui, avec sa vigueur corpo-
relle, le fit nommer « le duc de Fer », il y réussit.
Tous les actes de violence ou de pillage furent réprimés
avec la dernière sévérité : nous en avons déjà cité quelques
exemples.
Un moyen efficace fut celui de mettre la troupe sous les
armes quelquefois pendant des journées entières, avec des
appels ou des parades toutes les heures. « La punition indi-
viduelle, écrivait-il à Freyre, ne fait rien : les soldats savent
bien que pour cent qui pillent, un seul est puni ; au lieu
qu'en tenant les hommes rassemblés, le pillage est empêché
et tout le monde est intéressé à l'empêcher. >
goulêmp. et le duc de Berry, et pardieu, si j'étais Français, je ne vou-
drais pas servir sous une race de si méprisable apparence. »
172 MÉMOIRES.
Cette mesure ne réussit pas toujours avec les Espagnols
aussi bien qu'avec les Anglais et les Portugais : ceux de la
division Longa ayant pillé Ascain, après avoir mis aux
arrêts et traduit devant la cour martiale le commandant et
tous les officiers, et- fait pendre quelques pillards pris sur le
fait, il fut obligé de renvoyer, par punition, toute la divi-
sion en Espagne.
Ces punitions générales n'empêchaient pas d'ailleurs les
punitions individuelles, les châtiments corporels surtout,
le fouet, les verges en usage réglementaire dans l'armée
anglaise.
« Pour la moindre faute, dit Ducéré (p. 58), on faisait
mettre debout, à plat ventre contre une échelle, les soldats
nus jusqu'à la ceinture et, dans cette position, les tambours
du régiment leur déchiraient les épaules avec un fouet
garni de neuf lanières. »
« A Arcangues, dit Gleig, trois maraudeurs surpris à piller
une ferme furent pendus sans pitié aux arbres du bois. Au
moment d'évacuer le château, un soldat, trouvé porteur d'un
méchant violon, ne dut la vie qu'aux instantes prières du
propriétaire de l'instrument; il en fut quitte pour trente
coups de chat à- neuf queues. »
Woodberry raconte (p. 52) qu'à la suite d'un vol de vin,
un sergent fut dégradé et reçut 200 coups de verge, et un
caporal et un soldat 300, et qu'après une maraude trois sol-
dats trouvés en possession de lard «c furent aussitôt jugés
par une cour martiale, et chacun d'eux reçut, au lieu de
lard, 600 coups de fouet. »
« Le caporal Thompson, dit ailleurs (p. 38) ce bon hus-
sard, a été puni ce matin pour ivresse et coups portés au
sergent William. La pauvre femme de Thompson était près
de là, entendant les cris de souffrance de son mari, et j'étais
aussi affecté de ses sanglots que des hurlements du patient. »
« Turner, craignant d'être puni, dit hier à plusieurs cava-
liers, pendant qu'on fouettait deux hommes, après la pa-
rade, qu'il ne voulait plus voir de cruautés au 18% et il
s'enivra complètement pour se tuer d'un coup de feu dans le
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 173
ventre. Il est à l'hôpital, où il mourra ce soir. J'ai engagé
un moine à prier près de lui, et il est venu ce matin avec
rtiostie et les cierges. Il lui a lu des prières en latin et donné
l'extrême onction » (p. 135).
En marche, ces punitions avaient lieu généralement avant
le départ. Le 27 février, jour de la bataille d'Orthez, Wood-
berry met dans ses notes : « Quand le régiment se mit en
marche, ce matin, nous prévoyions bien peu une aussi glo-
rieuse victoire. Grâces soient rendues au Tout- Puissant
pour ce bienfait! On a commencé ce matin par fouetter sept
hommes près de Ramous, puis nous avons suivi la grande
route vers Orthez. »
Quand les troupes se débandaient, la cavalerie les rame-
nait « à grands coups de plat de sabre sur la tête et sur les
épaules », comme le raconte Gleig d'infanterie anglaise et
portugaise surprise par la division Darricau (Dumas, p. 283).
Mais cette espèce de longue trêve des deux armées, bien
que non officielle, présenta le fait, souvent observé, de rela-
tions quotidiennes familières, surtout entre les soldats en
contact aux avant-postes.
En voici quelques exemples : « Nous avons placé nos
piquets sur les bords d'un ruisseau, entre la Bastide-de Gla-
rence et Bouloc, écrit Woodberry, le 11 janvier (p. 150).
L'ennemi conserve une partie du premier village; les vedet-
tes se touchent presque sur le pont. On doit avertir une
heure avant de commencer les hostilités. » Puis, un mois
plus tard, le 11 février, toujours au même endroit : «. Nous
avons quitté ce matin, dit-il (p. 158), nos quartiers pour
nous rendre à Ayherre : nous avons averti l'ennemi de notre
mouvement trois, heures à l'avance. Les Français étaient
prêts à partir à- cinq heures du matin. Le chef d'état-major
leur donna le signal de nos avant-postes en agitant son cha-
peau. Ils sortirent aussitôt du village, clairons sonnant et
tambours battant. En marchant une heure après leur départ,
nous pouvions les prendre tous. Si nous les rencontrons
demain, nous ne les épargnerons pas ; aujourd'hui, il n'eût
pas été bien de les attaquer. y>
174 MÉMOIRES.
Pendant ce mois, le jeune hussard eut de fréquentes rela-
tions avec ses voisins des avant-postes opposés : « Je fus
invité à me rendre au pont pour parler à un aide de camp
du général Pierre Soult. Il désirait avoir des journaux an-
glais, et pour entrer en matière il me donna les dernières
gazettes qu'il avait reçues de Paris. Je lui ai promis de lui
en envoyer demain. Il me demanda comment nous passions
le temps. Je répondis que nous avions des bals à Hasparen
et qu'il y en avait un précisément ce soir. Il manifesta un
grand désir d'y assister, à cause d'une belle dame de Has-
paren, son amie, qui doit s'y trouver (p. 150).
« J'ai envoyé ce soir un paysan à l'officier du piquet de
cavalerie ennemie pour le prier de m'envoyer un peu de ce
bon vin qu'on dit se vendre de l'autre côté du village; il l'a
fait et a refusé l'argent que le paysan lui offrait pour le
payer. »
« Plus d'une fois, dit Gleig, je m'avançais jusqu'au milieu
de la rivière pour y pêcher, les piquets de l'ennemi étant
sur l'autre bord. Les soldats français descendaient en foule
pour assister à mes exploits et me désignaient les bons en-
droits. La seule précaution dont j'usais était de mettre une
jaquette rouge. »
« Un officier d'état-major, faisant sa ronde une nuit, cons-
tate la disparition de tout un piquet commandé par un ser-
gent. Son alarme fît place à la plus grande stupéfaction
quand, s'étant avancé, il aperçut, par la fenêtre d'une mai-
sonnette d'où sortaient de joyeux bruits, tout le poste assis
de la façon la plus cordiale au milieu d'un détachement
français et causant gaiement. Dès qu'il se montra, ses hom-
mes, souhaitant une bonne nuit à leurs compagnons, retour-
nèrent, sans se troubler le moins du monde, à leur poste. »
Dumas (pp. 219-330-335) rapporte encore un autre fait de
ces relations : « Le 43® anglais était réuni en colonne, sur
un terrain découvert, à 20 mètres des sentinelles françaises.
Durant plus d'une heure, celles-ci continuèrent à aller et
venir, comme si elles ne s'apercevaient de rien et avec une
sécurité si complète que l'une d'elles déposa son sac à terre.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 175
Lorsque les Anglais reçurent l'ordre de marcher, un soldat
anglais, quittant son rang, vint engager cette dernière à se
retirer et l'aida à remettre son sac au moment où le feu com-
mençait. Le jour suivant, les Français usèrent du même
procédé à l'égard d'une sentinelle du 43®. »
Ces relations si contraires à Vesprit de la guerre, dit
Dumas, entretenues par la légèreté aimable du caractère
français, devenue naïveté, furent souvent exploitées par les
Anglais, si pratiques, et bien des postes furent surpris, et
les corps qu'ils devaient garder furent mis en pièces par
suite de ce laisser-aller.
La surprise du passage de la Bidassoa, si grave par ses
conséquences, les régiments français ayant leurs armées
démontées pour une revue, en est un des nombreux exemples.
11 n'était pas d'ailleurs de secret d'opérations possible
pour des armées françaises et surtout méridionales avec des
usages de ce genre, et Wellington sut en profiter.
Toutes ces fâcheuses relations cessèrent, d'ailleurs, dès
que les troupes coalisées reprirent leur marche en avant,
dès que ce stationnement si prolongé avec le contact quoti-
dien qu'il entraîne cessa. Elles furent même remplacées
rapidement par une animosité, un acharmement que signa-
lent tous les souvenirs militaires des deux armées.
En ce qui concerne les Français, « la confiance et l'aban-
don envers- leurs ennemis, dit Ducéré, qui leur avaient été
souvent si funestes, disparurent. Ils étaient animés contre
les troupes alliées d'une rage qui rendait meurtrières toutes
les affaires d'avant-postes ».
Il en fut de même dans l'armée adverse : on en donne de
nombreux exemples; bornons-nous à en citer un qui se passa
devant Toulouse, l'avant-veille de la bataille, dans cette
charge du 18® hussards, à Croix-Daurade, dont ila été déjà
plusieurs fois question : < Le capitaine Groker, dit Wood-
berry, qui conduisait la charge, fut grièvement blessé au
visage d'un coup de sabre. Le dragon français qui avait
blessé Groker fut immédiatement après sabré par le sergent-
major Black; presque tous les hommes s'acharnèrent après
176 MÉMOIRES.
ce pauvre diable : en quelques instants, son visage n'eut
plus apparence humaine; il ne mourut cependant que plu-
sieurs heures après. »
Grâce à Thabileté, à la persévérance et à l'énergie de
Wellington, quand il reprit la campagne qui devait l'ame-
ner à Toulouse, il était édifié sur les ressources et les pro-
jets de Soult; il savait que loin d'avoir à craindre la popula-
tion, il pouvait compter toujours au moins sur son indiffé-
rence, parfois même sur sa sympathie et son concours ; son
armée était disciplinée au point qu'il put amener devant
Toulouse la division espagnole de Morille et les deux divi-
sions sélectées de Freyre et lancer ces dernières à l'assaut
des redoutes de Galvinet, par le chemin creux de Périole,
où les décima Villatte, ainsi qu'à l'attaque du pont Matabiau,
où elles tombèrent sous les baïonnettes de Darricau.
Il allait masquer Bayonne et occuper Bordeaux, où l'atten-
daient les acclamations enthousiastes d'une population semi-
anglaise dans laquelle circulaient déjà les guinées et qui
avait hâte de vendre de nouveau son « claret » à ses meil-
leurs clients.
Il ne craignait même plus le moindre échec, lequel eût
pu être un désastre pour son armée, comme le montre le
général FoyS étant donné son organisation paresseuse et
l'immense attirail qu'elle traînait avec elle.
LA DISCIPLINE DANS l'aRMÉE DE SOULT.
Soult, de son côté, avait profité de l'accalmie dans les
Opérations de guerre pour remettre en état ses troupes.
1. Après avoir énuméré les bataillons débiles de femmes et d'en-
fants emmenés avec les troupes combattantes, les énormes convois de
voitures et de bêtes de somme ainsi que de serviteurs que nécessitent
ses luxueux besoins, Foy ajoute : « Une pareille armée anglaise,
abandonnée à ses seuls moyens, pourra vaincre mais jamais elle ne
saura proliter de la victoire; mais s'il arrivait qu'elle fût vaincue à dis-
tance de son point de départ, ce ne serait pas seulement un échec
qu'elle essuierait, mais ce serait la plus affreuse des calamités. A com-
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON». 177
Nous avons va déjà ce qu'il avait fait au point de vue des
armes et du matériel d'artillerie : munitions, harnachement,
remonte, dépôts de vivres, habillement, solde, tout reçut
l'empreinte de son activité et de son énergie.
La discipline, déjà fortement atteinte durant la campa-
gne d'Espagne, était complètement tombée depuis les der-
niers mouvements rétrogrades de l'armée. Le caractère
inflexible de Soult, les mesures qu'il prit pour éloigner de
l'armée combattante les femmes et les employés de toute
sorte, non militaires, qui la doublaient presque d'une
seconde armée, la sévérité de la cour martiale qu'il établit,
avaient amené de bons résultats à ce point de vue dans la
première partie de la campagne de 1814; mais, depuis la
défaite d'Orthez, les marches fatigantes de la retraite, la
rigueur de la saison, l'insuffisance des vivres, des vête-
ments, l'affaissement du moral par de continuels revers,
avaient ébranlé la confiance de l'armée dans ses chefs et en
elle-même." « C'est une chose désespérante de voir tout le
monde persuadé que nous devons être battus », écrit le
major Balthazar, aide de camp du Ministre, envoyé en mis-
sion à l'armée du maréchal (Dumas, p. 234j.
Aussi la discipline s'était- elle de nouveau fort relâchée.
Sans compter la désertion des jeunes soldats aggravée
encore, comme nous l'avons vu, par la proximité de leurs
foyers, « la troupe, dit Lapène (p. 284), habile à se dérober
aux regards de ses chefs pour commettre du désordre, se
livrait à des excès, qui, ailleurs que dans une colonne en
marche, ne fussent pas restés impunis. Des militaires indi-
gnes de ce nom quittaient les rangs, pénétraient dans les
habitations et exigeaient de force des propriétaires des in-
demnités pécuniaires pour que leurs propres maisons soient
respectées, et il est constant que des généraux français,
animés d'une juste indignation, saisissaient l'arme d'un
bien peu il a tenu plus d'une fois que l'armée de la Grande-Bretagne
n'éprouvât une catastrophe telle que pas un liomtne n'échapperait
pour en porter la nouvelle à Londres. »
178 . MÉMOIRES.
soldat de la colonne et faisaient feu sur les hommes qui,
errants, éloignés de la route, se montraient insensi-
bles aux appels réitérés et aux remonstrances de leurs
chefs ».
« La troupe s'est livrée au pillage, rapporte Clerc (p. 124),
qu'elle- excuse en disant qu'il vaut mieux pour les Français
être dépouillés par des compatriotes que par l'ennemi. »
Mais le caractère généreux et la bravoure du Français
reprenaient souvent le dessus : « Les fantassins surtout, dit
Ducéré (p. 42), n'ayant à s'occuper que d'eux-mêmes et de
leur fusil, étaient égoïstes, grands parleurs et grands dor-
meurs. Ils étaient raisonneurs et quelque peu même inso-
lents avec leurs officiers; mais au milieu des fatigues à
outrance qu'ils supportaient, un bon mot les ramenait tou-
jours à la raison et les mettait du parti des rieurs. Us
oubliaient tous leurs maux dès que le premier coup de fusil
de l'ennemi s'était fait entendre. »
« Hors du combat, dit encore Lapène, l'intérêt public était
compté pour rien : les liens de la discipline et du devoir
éprouvèrent un funeste relâchement; le respect dû aux
personnes et aux propriétés fut souvent méconnu. Indisci-
pliné, 7naraudeu7\ le soldat ne recouvrait son vrai carac-
tère que sur le* champ de bataille. >
Les huit jours de repos que, ainsi que nous l'avons vu,
Soult, grâce à l'habileté de ses manœuvres, put donner à ses
troupes pendant sa retraite d'Orthez sur Toulouse, amenè-
rent une grande amélioration dans ce fâcheux état de
choses.
ARRIVÉE A TOULOUSE.
A l'arrivée à Toulouse, le bien-être relatif de la grande
ville, l'abondance des approvisionnements de toute nature
dont les arsenaux et magasins de la ville, ainsi que l'acti-
vité de Soult dotèrent les troupes, rendirent à celles-ci les
précieuses qualités qu'elles déployèrent au jour de la
bataille.
SITUATION DES ARMÉES DE SOULT ET DE WELLINGTON. 179
Elles avaient été toutefois précédées de quelques jours,
en ville, par la tourbe habituelle de goujats, de traînards, de
malades, de blessés, avant-garde inévitable de toute année
en retraite, dont l'aspect et le désordre avaient jeté l'inquié-
tude parmi les habitants. Mais ceux-ci ne tardèrent pas à
être rassurés quand arriva, par l'avenue de Muret, l'armée
elle-même.
L'arrivée des troupes, le 24 mars, « avait pour specta-
teurs, dit Lapène (p. 330), plusieurs milliers d'habitants,
accourus sur les boulevards, à la rencontre de l'armée fran-
çaise. La pluie qui tombait en ondées, par intervalle,
n'avait pu détourner ce concours. L'armée défilait en silence
et avec calme; aucun bruit, aucune interpellation n'inter-
rompaient cette marche imposante, et les Toulousains parais-
saient saisis de respect et de recueillement à la vue de ces
vieux débris des armées d'Espagne et de Portugal, auxquels
la fatigue de la campagne et la marche pénible du matin,
au milieu de la pluie qui dégouttait encore des armes et des
vêtements, n'ôtaient rien de leur mâle assurance. Le hasard
avait surtout peuplé cette armée de méridionaux et, sans
quitter le rang, le militaire de tout grade distingue dans les
groupes de spectateurs un parent, un ami ». Sans s'arrêter,
sans entrer en ville, l'armée défila par le boulevard Saint-
Cyprien (aujourd'hui allées Gharles-de-Fitte) et fut prendre
position en avant de la Patte-d'Oie, à quelques kilomètres
du faubourg, couvrant du vaste demi-cercle de ses bivouacs
et cantonnements, de Blagnac à Portet, toutes les routes qui
convergent de ce côté vers la ville et qu'éclairait la cavalerie
lancée en avant.
Deux jours après arrivèrent les coalisés, dont une partie
de l'immense convoi restait encore embourbée dans les routes
du Gers et dont l'avant-garde prit immédiatement contact
avec nos soldats.
Jusqu'au 28 mars, l'armée resta sur la rive droite du
fleuve, permettant ainsi de transformer au moyen de fortifi-
cations rapides le faubourg Saiiit-(;ypi'i(Mi en iiik» solide trie
de pont. Puis, laissant là les deux divisions de Heille, les
180 MÉMOIRES.
quatre autres divisions passèrent le fleuve pour se porter du
côté où Tennemi semblait menaçant : d'abord vers le Sud,
vers Pech-David et Vieille-Toulouse, puis vers l'Est, du côté
de THers, où, le 2 avril, elle commença, ainsi qu'on l'a vu,
les remarquables travaux de défense contre lesquels devait
se briser si longtemps l'attaque acharnée des masses enne-
mies.
Seul, Soult vint s'installer avec son état-major en ville, où
ne se trouvaient .que les dépôts et les corps, surtout de
conscrits, placés en réserve.
Logé à la préfecture, il y déploya cette activité compé-
tente qui, ne négligeant aucun détail, lui permit, en si peu
de temps, de mener à bien toutes ces importantes mesures
de réorganisation de son armée et de défense de la ville
dont l'ensemble nous étonne encore.
Nous voici revenus au matin du 10 avril 1814.
Nous connaissons maintenant les deux armées en pré-
sence, leurs chefs, leurs soldats, leurs armes, leur état
d'esprit. Nous les voyons sortant de la brume que dissipe le
beau soleil de ce jour de Pâques, et nous entendons déjà le
premier coup de canon de cette sanglante, mais glorieuse
journée. 11 fut tiré à Saint Gyprien, par l'arlillerie de Hill,
dont les biscaïens ont laissé leur trace, encore visible au-
jourd'hui, sur les anciennes grilles du cours Dillon qui ornent
maintenant le square du Musée.
LES FONDATIONS PERPÉTUELLES DANS LE DROIT GREC. 181
LES FONDATIONS PERPETUELLES
DANS LE DROIT GREGi
Par M. Ch. LÉCRIVAIN 2.
Dans le droit grec comme dans le droit de presque touç
les pays en général, quand une donation est subordonnée à
l'exécution de certaines conditions, par exemple à l'emploi
perpétuel des revenus, quand une charge déterminée absorbe
les revenus, on a une fondation perpétuelle. Elle est désignée
par les mêmes mots que la donation entre vifs ou à cause
de mort et que les dispositions testamentaires oo^ic, Zcùpei.
Elle n'a pas plus, dans le droit grec que dans le droit romain,
d'existence indépendante; mais on est arrivé au même
résultat que dans le droit moderne en l'établissant au profit
d'une personne morale, pourvue de la perpétuité, divinité,
temple, cité, corporation.
I.
Les plus anciennes fondations paraissent avoir été les
consécrations à une divinité d'un capital ou de biens fonds
1. Lu dans la séance du 14 avril 1010.
2. Voir Ziebarlh, Das griechische Vereinsiccsen (Lcip/i^, 1896),
pp. 150-161; Die Stiflurig im griechischen Rechl {Zetlscfn'. /". rergl,
licchtswiss., XVI, })p. 240, 470), A6Ttç {Pauly-Wissowa Ucdli'.iicy-
clopàdie, V, 2, p., 1600-1603); Guiraud, La propriété foncière en
Grèce, pp. 382-382; Liebenam, StdcUeverwaltung im rôm. Kaiser-
reiche, pp. 109-110; Dareste, Ilaiissoullior, Roinach, Inscriptions
juridiques grecques, II, pp. 77 l'iô; l'olautl, deschichte des grie-
chischen Yereinsicesens (Leipzig, lli()0\ \)\). 87-88, 271-27,7. 20.7 200.
182 MÉMOIRES.
dont les intérêts ou les revenus doivent être employés soit
pour le culte seul, soit pour des fêtes, jeux, banquets ratta-
chés à ce culte.
Au cinquième siècle avant Jésus-Christ, Nicias donne une
terre de 100 mines à Apollon de Délos avec affectation des
revenus à un sacrifice et à un banquet. La donation est ins-
crite sur une stèle'. Au quatrième siècle avant Jésus-Christ,
à Julis de Céos, Epameinon et ses fils donnent un capital à
plusieurs dieux pour l'entretien des temples^. Au troisième
siècle on a deux inscriptions intéressantes de Calaurie sur
la même famille^. D'après le premier texte, décret du peuple,
Agasicles et Nicagora ont donné pour des sacrifices à Zeus
Soter et à Poséidon des terres et de l'argent à des conditions
inscrites sur la stèle : le peuple nomme deux épimélètes
chargés de louer les terres et de prêter l'argent, par 30 drach-
mes, avec cautions et hypothèques; ils sont assujettis à une
reddition de comptes avec serment devant des euthynes
spéciaux. Le second texte est probablement un extrait du
testament d'une femme, Agasicratis; elle a donné 300 drach-
mes pour elle, son mari., ses fils et ses filles, aux mêmes
divinités pour leur off'rir, avec les intérêts, un sacrifice
triennal, par les soins d'épimélètes responsables. On n'a ni
le nom du fondateur, ni la somme, mais seulement le règle-
ment (v5[j.oç) d'une fondation à Coressos de Céos*. Elle institue
une fêle pour une divinité inconnue avec des sacrifices, un
banquet pour les citoyens, les métèques et les afî'ranchis, des
jeux gymniques et militaires, une course aux flambeaux,
sous la direction des proboules, d'un archonte, d'un gymna-
siarque, de lampadarques. A Thera*, le produit d'un champ
est affecté à un sacrifice à la Mère des dieux. Dans un décret
d'Ilion, du deuxième siècle^, Hermias, prêtre de tous les
1. Plut., Nie, 3, 5.
2. Pridik, De Cei ins. rébus, 38.
3. Dittenberger, Sylloge, 578; Gollitz, Dialekt Inschrîften, 3380
(Michel, Recueil, 1344).
4. Dittenberger, 522 (I. g. 12, 5, 647).
5. Ibia:, 630.
6. Michel, 731.
LES FONDATIONS PERPÉTUELLES DANS LE DROIT GREC. 183
dieux, a consacré sur l'argent sacré 15.000 drachmes à
Athéna : la somme est remise aux banquiers publics, aux
trapézites, et l'intérêt qu'ils versent à 10 p. 100 sert à célé-
brer les Panathénées annuelles. A la même époque, à Thes-
pies, d'après une inscription d'interprétation difticile', un
Ptolémée (probablement Philopater) et sa femme Arsinoe
ont fait une fondation pour les Muses soiten leur consacrant
des terres, soit en envoyant d'Egypte la rente d'un capital.
La ville loue des terres sacrées dont le revenu sert au culte.
A Delphes^, par un testament gravé dans le temple, Alke-
sippos a consacré au dieu et à la ville 130 statères d'or,
22 mines et 30 statères d'argent pour ofifrir tous les ans à
Apollon, avec les revenus, un sacrifice et un banquet popu-
laire, sous le nom de fête d'Alkésippos. Au premier siècle
avant Jésus-Christ, il s'agit probablement d'une fondation dans
un décret des Samiens de Minoa d'Amorgos sur le culte de
la Mère des dieux^ l'argent a été placé; le débiteur est ins-
crit sur le registre public ainsi que le fonds hypothéqué et la
caution, s'il en a donné une; les commissaires (epimemoi)
doivent toujours exiger une première hypothèque et avoir
eux-mêmes un timema (revenu? capital?) de 200 drachmes.
A Mantinée*, une fondation pour le culte de Déméter est con-
tinuée par la fille et la petite-fille de la bienfaitrice. Dans un
autre décret des prêtres d'Esculape sur une bienfaitrice qui
a donné six plèthres de vigne, on ne voit pas s'il s'agit d'une
fondation ou d'un simple don. En Béotie, Philetairos, fils
d'Attale de Pergame, donne un terrain à perpétuité aux
Muses de l'Hélicon et à une confrérie de sacrificateurs s. De
l'époque romaine, on peut citer l'inscription d'Aegosthène';
1. Bull, de corr. helL, 19, 1895, 379-385; liev. Et. Gr., 10, 1897,
20-49.
2. Dareste, Haussoullier, Reinach, Inscr. jurid. gr., II, xxiii, D,
pp. 62, 72-73.
3. Dittenberger, 645.
4. Le Bas, V. arch., 352 h-j.
5. Bull, de corr. helL, 188, 1584; 1885, 405, no 16.
6. Le Bas, 25 a; I. g., 7, 43.
iM MÉMOIRES.
une femme Arétè, seule, sans tuteur, consacre à Poseidonios*
et aux Aegosthénitains un jardin acheté à la ville pour en faire
un lieu sacré, un temenos, avec les revenus duquel on fera
une fête et des sacrifices. Il semble encore être question de
fondations sacrées dans des textes d'Aphrodisias de Carie*.
A Apamée', une lettre de lempereur Yalérien et de ses fils,
Gallien et Saloninus, reproduit et confirme une lettre d'un
Antiochus qui avait affecté au culte de Zeus Baetocaece les
revenus du district, de la Gômè de Baetocaece. Vers la fin
du premier siècle avant Jésus-Christ, un Antiochus, roi de
Comagène, a également affecté les revenus de plusieurs vil-
lasres au culte du roi et de sa famille*.
II,
Le second groupe de fondations, et un des plus nombreux,
se rapporte à des associations religieuses, thiases, orgéons,
éranes, soit déjà existantes, soit créées spécialement à cet
effet, et a, très souvent du reste, le même but religieux que
le premier. Au quatrième siècle avant Jésus-Christ, à Dodone*,
un fragment paraît mentionner un legs universel de biens
fait peut-être à une association. Au deuxième siècle avant
Jésus-Christ, les Dionysiastes d'Athènes reçoivent entre
autres bienfaits de leur trésorier Dionysos, 1,000 drachmes
dont le revenu doit servir à un sacrifice mensuel ^ A Myconos,
une personne et ses filles font probablement une fondation
de 200 drachmes pour un thiase'. A Patmos*, Hegemandros,
qui a été gymnasiarque, lampadarque, dans le collège des
Lampadistes, s'est engagé, entre autres bienfaits, à donner
1. On a conjecturé le philosophe Posidonius d'Alexandrie.
2. C. ins. gr., 2761-2765.
3. Ibid., 4474.
4. Humann-Puchstein, Ueisen in Kleinasien, 272.
5. Inscr. jurid. gr., II, xxm, c, pp. 61, 72.
6. I. g., 2,1336; 4.2, 623 d.
7. Rh. Mus., 55, 1900, 506.
8. Dittenberger, 681.
LES FONDATIONS PERPÉTUELLES DANS LE DROIT GREC. 185
un capital de 200 drachmes qui sera placé. A Opus\ la sec-
tion des artistes Dionysiaques reçoit de deux bienCaiteurs (le
mnri et la femme) une fondation i)our des sacrifices à Apol-
lon, Hermès et aux Muses. A Téos*, (U-alon a probablement
fondé comme section particulière des artistes dionysiaques
Je collège des Atlalistes pour le culte d'un Attale; il avait
déjà donné de son vivant l'Attaleion; il laisse par testament,
pour des sacrifices, 15.000 drachmes et une maison. A Rho-
des, un érane d'Esculape, d'Apollon et d'Aphrodite reçoit en
cadeau un terrain pour sépultures et un ti^menos bornè^. A
l'époque romaine, à Athènes, vers 34 avant Jésus-Christ, le
collège des Soteriastes célèbre la générosité de son fondateur,
mais on n'a pas l'acte de fondation*. Dans une ville de Thes-
salie, les intérêts d'une somme de 2,000 drachmes, léguée
par un prêtre de Serapis, servent à la réunion annuelle des
Ilypostoloi^. A Nysa, sous les Antonins^ la section éphé-
sienne des artistes dionysiaques reçoit d'Alcibiadès un terrain
dont les revenus doivent être partagés chaque année entre
les membres au jour anniversaire de la naissance d'Hadrien.
Très souvent, c'est pour célébrer la mémoire du bienfaiteur
ou de membres de sa famille que le collège reçoit la donation.
A ïhéra'^, au troisième siècle avant Jésus Christ, une femme
donne à un collège du dieu Anthisteros 500 drachmes pour
des sacrifices à sa mémoire et à colle de sa fille; deux épis-
copoi doivent placer l'argent sur hypothèques. A lasos*,
Phaenippos fait une donation au collège des Presbyteroi; une
partie des revenus est affectée à des sacrifices sur la tombe
de son père ou de son fils; tout manquement aux clauses de
la donation est frappé d'une amende de 3,000 drachmes au
profit du fondateur ou de ses héritiers. Phaenippos se réserve
1. Michel, 1013.
2 C. ins. gr., 30G9 (Oittenberger, Or. gr. inacr. sel.. 3'26).
3. Bull, de corr. hell., 1880, 138-145, no 1.
4. Dlltenherger, 732.
5. Alhen. Mlllh,, 7, 1882, 335,7 b.
6. Bull, de corr. hell., 1885, pp. 125- 131.
7. I. g., 12, 3, 329.
8. Rev. El. gr., 1893, 1C)()-1(>9, n«« 7-8.
10e SÉRIE. — TOME X, 15
186 MEMOIRES.
d'abord le sacerdoce et les profils de ce culte qui, après lui,
sera mis aux enchères. A Amorion, en Asie-Mineure, au
premier siècle après Jésus-Christ \ les Mystes de Mithras
consacrent à Cyrille, fille défunte d"Antipater, un autel et
une fête annuelle payée par le revenu d'un vignoble qu'ils
ont acheté; en revanche, Antipater leur donne, pour le même
but, un autre vignoble. Nous avons du Bas Empire, sans
doute de 312*, un long fragment d'une donation faite à la
fois par des personnes vivantes et par les testaments de
deux autres à une corporation, sans doute celle des Athètes
de Rome^; la fondation porte le nom des fondateurs.
III.
Plus souvent encore, pour assurer le culte de sa mémoire
ou de membres de sa famille, le bienfaiteur fonde lui-même
une confrérie soit d'étrangers, soit surtout de parents. C'est
la série la plus intéressante des inscriptions. Au troisième
siècle avant Jésus-Christ, à Halicarnasse*, Posidonios fonde
un thiase, comprenant ses descendants, les maris de ses des-
cendantes et personnes assimilées par décret du collège, pour
le culte de plusieurs dieux et des génies du fondateur et de
sa femme. Il y affecte des terres, maisons et la moitié du
produit d'une terre tenue probablement à bail emphytéotique;
la jouissance des biens appartient au prêtre, qui est le plus
âgé des descendants, à charge de verser par an quatre piè-
ces d'or aux trois officiants (iTd[}.r,'noi) annuels, responsables
devant le peuple; si le prêtre n'accepte pas ce fermage, les
biens seront mis en commun et aff'ermés par les officiants.
A Cos'', au deuxième siècle avant Jésus-Christ, le texte fait
allusion à des dispositions qu'on ne peut modifier. Diomédon
1. 7&id.,1889, pp. 18, A-G.
2. I. g., 14,956.
3. Cf. C. ins.gr., bdOQ.
4. Dittenberger, 641.
5. Ibid., 734; hiscr., jurid. gr., 1. c, pp. 94-103, 111-113.
LES FONDATIONS PERPÉTUELLES DANS LE DROIT GREC. 187
crée pour le culte d'Hercule Diomédonteios, pour sa mémoire
et celle de ses ancêtres, un collège de famille perpétuel, com-
posé de ses descendants légitimes et pourvu d'immeubles
(une maison, doux logements d'étrangers et la redevance
emphytéotique d'une famille affranchie), inaliénables et qui
ne peuvent être hypothéqués. A la même époque, à Acrae-
phiaeS une femme Pythis, agissant seule, crée pour le culte
de son fils et de sa fille, des Héroïstes, recrutés parmi les
éphèbes. A Hyettos^, un bienfaiteur crée et pourvoit de ter-
res une société familiale perpétuelle, où chaque membre est
remplacé, au choix du groupe, par un de ses fils ou son plus
proche parent, ou un étranger payant un droit d'entrée de
.100 drachmes. A Myra, en Lycie^, le testateur édifie un
herôon avec dépendances et en lègue la jouissance à certai-
nes personnes, à charge de le garder dans leur descendance
et d'y demeurer. Dans beaucoup de cas, nous ignorons si les
personnes dites fondatrices d'un thiase, d'une société, ont
fait des fondations perpétuelles, par exemple Nikasion à
Rhodes, Sophron à Athènes*, les trois Ménades à Magnésie
du Méandre% un inconnu à Mélos^. A Hierapytnade Crète,
une femme paraît léguer une somme à un thiase, mais on
n'en sait pas la destination^. L'exemple le plus connu et le
plus intéressant d'une confrérie familiale est contenu dans
le testament d'Epicteta^ à Thera, au troisième siècle avant
Jésus-C4hrist. L'inscription renferme le testament et le règle-
ment. Epicteta obéit à la recommandation de son mari Phoe-
nix, qui a déjà créé le Musée en l'honneur de son fils, et de
son autre fils Andragoras. Elle crée avec l'assistance de son
gendre et tuteur, en présence et du consentement de sa fille
1. Dittenberger, 893; I. g., 7, 2725.
2. Dittenberger, 740; I. g., 7, 2808.
3. Benndorf, lieisen in Lykieny II, 36, no 56.
4. Bull, de cotr. helL, 1886, 201, c; Ephem. nrch., 1905, 234-243,
no 9.
5. Michel, 856 a.
6. I. g., 12, 3, 1098.
7. C. ins. gr., 2562.
8. Inscr. jurid. gr., 1. c, pp. 77-94; 104-111.
d88 MEMOIRES.
Epiteleia, cette corporation perpétuelle qui comprend les pa-
rents mâles présents et futurs, les présents dénoiT^més au
nombre de vingt-cinq, avec leurs femmes, leurs enfants (les
filles seulement tant qu'elles seront sous la puissance des
pères), les filles épiclères, leur maris et leurs descendants,
la fille de la testatrice Epiteleia, une Epicteta son homonyme,
puis, probablement à titre exceptionnel, deux femmes et
quatre autres avec leurs maris et leurs enfants. La confrérie
se groupe dans le Musée, autour du sacerdoce des Muses et
des Héros, héréditaire dans la descendance masculine d'Epi-
teleia ; elle se réunit tous les ans pendant trois jours pour
célébrer les Muses et les défunts, héros, Phoenix, ses deux
fils, plus tard Epicteta. Pour ce culte, Epicteta lègue à l'as-
sociation les intérêts annuels de 3,000 drachmes, soit à
7 ''/o 210 drachmes. Le capital reste entre les mains de l'hé-
ritière; la rente dont le payement incombe à Epicteta et à ses
héritiers' est garantie par une hypothèque perpétuelle éta-
blie sur les acquêts de la testatrice. Le Musée et ses dépen-
dances, enclos, statues, portraits, tombes, légués à Epiteleia,
mais surveillés par la corporation, sont affectés au service
de cette dernière et inaliénables; il est défendu de les hypo-
théquer, de les échanger, d'en aliéner aucun objet, d'y faire
aucune construction, sauf un portique, de les prêter, sauf
pour les noces d'un descendant d'Epicteta. Si les 200 drach-
mes ne sont pas payées par les héritiers, la corporation peut
les prendre sur le revenu des terres désignées; une clause
obscure autorise les successeurs à transférer la garantie
hypothécaire sur d'autres fonds suffisants. La corporation
élit ses magistrats, l'administrateur (àpiuT'/iç), les officiants,
epimenioi, le secrétaire (àTuiaaocpoç), l'archiviste, des commis-
saires spéciaux. Tous les membres actuels et futurs, les jeu-
nes gens dès leur sortie de l'éphébie, doivent, par rang d'âge,
officier une fois à leur frais, sous peine d'une amende de
1,000 drachmes, avec exclusion jusqu'au paiement; les éco-
nomies faites pendant les années de service gratuit sont pla-
1. Au sujet des héritiers, il y a une lacune à II, 2.
LES FONDATIONS PERPÉTUELLES DANS LE DROIT GREC. 189
cées sur hypothèques suffisantes. Chaque officiant reçoit pour
le service 50 drachmes, et faute de s'acquitter de ses fonc-
tions s'expose à une amende de 150 drachmes, recouvrable
par saisie, avec exclusion jusqu'au payement; l'administra-
teur chargé provisoirement du service, s'expose aux mêmes
pénalités en cas de négligence et rembourse au double les
sommes gardées indûment. Contre la négligence du secré-
taire l'amende est de 300 drachmes. Enfin, il est interdit,
sous peine d'une amende de 500 drachmes avec saisie, de
proposer la dissolution de la confrérie, la suppression des
sacrifices, l'amoindrissement ou le partage des choses com-
munes, l'emploi du capital pour un autre usage.
On peut mettre à côté des confréries familiales, quoi-
qu'elles en diffèrent notablement par les caractères juridiques,
les sortes de confréries philosophiques créées par Théophraste
et Epicure*-^. Dans son testament, Théophraste donne une
catégorie spéciale de ses biens, le bosquet, le jardin et la
maison attenante à ses élèves et amis qui veulent continuer
à philosopher ensemble, au nombre de dix^. Ce n'est pas là
une vraie corporation, mais simplement une propriété indi-
vise et transmissible avec défense d'aliénation. Théophraste
ne parle pas d'accroissement entre les survivants; mais, en
fait, il y a eu dans la suite substitution et accroissement
tacites, puisqu'un des derniers survivants, Straton, dispose
des biens-fonds par testament. Nous ignorons pour quelle
raison Théophraste n'a pas fondé une vraie corporation. Il
avait dû prévoir les difficultés du recrutement et d'ailleurs il
ne pouvait guère mettre une fondation sous l'appui d'Athè-
1. V. Bruns, Zcitsch. d. Savigny-Siiftung, I, i, 1-52; Dareste,
Les teslamenls des philosophes grecs {Annuaire de l'Assoc. des
éludes grecques, 1882, 1-21); Inscr. jurid. gr., 1. c, p. 108.
2. Je laisse de côté la légende sur la coupe d'or donnée par un
ami de Orésiis au plus sa^je Grec et transmise ainsi de main en main
par une sorte de substitution fidéicommissaire depuis Tlialés jusciu'â
Chilon (Diog. La. I, i, 29-31). Ce serait le plus ancien exemple de
coupe.
3. Diog. La. 5, 2, 52-53,
190 MÉMOIRES.
nés qui l'avait exilé. En tout cas, Straton^ laisse le jardin,
l'enclos et le mobilier par testament à Lycon; à son tour,
Lycon^ laisse les immeubles eu commua à dix personnes
qui doivent se choisir un administrateur. Dans une autre
école, le testament d'Epicure^ confirmant une donation anté-
rieure charge par fldéicommis les héritiers institués ainsi
que leurs successeurs de tenir à la disposition de son suc-
cesseur Hermarchos, de son groupe de philosophes et de ses
successeurs, le jardin et le verger; ces fonds sont ainsi gre-
vés d'une sorte de droit d'usage fîdéicommissaire. Los fêtes
prescrites aux héritiers en l'honneur des parents du testateur
sont encore célébrées à l'époque de Pline l'A^ncien*. Gicéron
intervient pour la conservation des jardins^ A une certaine
époque, les chefs de l'école d'Epicure durent probablement
être citoyens romains et ne pouvoir tester que dans la forme
romaine en instituant un citoyen romain pour successeur,
car vers 121 l'impératrice Plotine sollicite et obtient d'Hadrien
l'autorisation de tester à la façon grecque et de se désigner
un successeur pérégrin^ On peut voir aussi une sorte de
substitution et d'accroissement tacites dans le texte de Polybe^
sur l'usage qu'avaient en Béotie, au troisième siècle, les gens
sans enfants de léguer leurs biens à leurs amis pour célébrer
en commun des banquets et des orgies.
Une fondation d'un genre particulier est celle de la ville
de Kydonia de Crète, qui affecte des terres et une maison
en usufruit à ses proxènes^.
1. lUd., 5, 3, 62.
2. Ibid., 5, 4, 70.
3. Ibid., 10, 17.
4. Hist. nat., 35, 2,2.
5. Ad. AU., 5, 11; ad fam. 13, 1.
6. V. Dareste, U7i rescrit de l'empereur Hadrien (Nouv. Eev;
hist. de droit, 1892, 522-624).
7. 20, 6, 5.
8. C. ins. gr., 1840; Rev. El. gr., 1897, 138.
LES FONDATIONS PERPÉTUELLES DANS LE DROIT GREC. 191
IV.
La majeure partie des fondations a lieu en faveur des vil-
les, pour leur écoles, leurs jeux, leurs gymnases, pour des
distributions d'argent et de vivres. A toutes les époques, c'est
un des traits les plus caractéristiques de la société grecque
que cette générosité des Grecs à l'égard de leurs concitoyens.
Elle est d'ailleurs commandée par la détresse croissante des
villes grecques, par la concentration de plus en plus visible
des capitaux dans un petit nombre de mains. Ces fondations
se multiplient à l'époque romaine. Les droits grec et romain
se touchent alors, se pénètrent; c'est très probablement aux
villes grecques de l'Orient et de l'Occident que Rome em-
prunte en particulier la pratique des distributions frumen-
taires.
Pour les écoles, on connaît trois fondations. A Téos^ un
citoyen donne 34,000 drachmes pour le traitement des maî-
tres des garçons et des filles, trois grammairiens à 600, 550
et 500 drachmes, deux paedotribes à 500, un professeur de
cithare ou de harpe à 700, un hoplomaque à 300, un autre
professeur de gymnastique à 250, avec des examens publics
annuels. 11 est défendu de proposer aucune modification de
la fondation, d'employer l'argent autrement, sous peine de
malédiction publique, de procès pour sacrilège avec amende
de 10,000 drachmes; les trésoriers doivent placer l'argent et
verser les intérêts sous peine d'une amende de 4,000 drach-
mes, moitié pour la ville, moitié pour l'accusateur. A Del-
phes*, entre 153 et 138, Attale II fait au temple une fonda-
tion de 21,000 drachmes dont 2,000 pour le culte et 19,000
pour les écoles. Il est défendu de l'employer autrement sous
peine d'une accusation de sacrilège devant les Mastroi et do
condamnation à l'octuple. La somme doit être placée par
portions de cinq mines au moins pour cinq ans par trois épi-
1. Dittenberger, 523.
2. Ibid., 306,
192 MÉMOIRES.
mélètes électifs assermentés, à 7 %, sur hypothèques fonciè-
res d'une valeur double du prêt et avec des cautions, avec
inscription des noms des débiteurs et des hypothèques sur
deux tableaux. Tous les cinq ans l'argent doit être rendu,
sinon la ville se saisit des hypothèques et, en cas d'insuffi-
sance, a recours sur les biens des débiteurs et des cautions.
Le retard du payement de l'intérêt comporte l'amende de la
moitié en sus, elle frappe également, avec l'atimie, les épi-
mélètes qui ne versent pas de suite l'argent à la caisse.
Enfin, Eumène, roi de Pergame, a donné à Rhodes 280,000
boisseaux de blé; les intérêts du prix de vente servent à
payer des maîtres d'école'.
Pour des fondations de jeux, on a d'abord les inscrip-
tions de Gorcyre (deuxième ou troisième siècle av. J. G.)^.
Aristoménès et sa femme Psylla affectent 120 mines à l'en-
gagement d'artistes dionysiaques; un an après que cette
somme, avec les intérêts,. aura atteint 180 mines, on louera
tous les deux ans^ pour les Dionysies, trois joueurs de flûte,
trois tragédiens, trois comédiens qui toucheront 50 mines
pour leur salaire, le reste de l'argent pour leur entretien. Le
Sénat et les nomophylaques reçoivent les comptes de l'ago-
nothète et des trois commissaires annuels, électifs, rééligi-
bles à deux ans d'intervalle, âgés de 35 à 70 ans, chargés
de placer l'argent, année par année, à 24 p. 100, et d'admi-
nistrer la fondation, menacés, s'ils ne placent pas l'argent,
d'une amende de 30 mines, et dans les autres cas de négli-
gence, s'ils ne font pas rentrer le capital et les intérêts, s'ils
ne les transmettent pas aux successeurs, de la restitution
au double. Sauf le cas de force majeure, de guerre, il est
défendu de proposer, de faire un autre emploi de la dona-
tion, sous la menace d'un procès porté par le bureau du
Sénat, les prodiJwï, devant le prostate des proboules qui le
fait juger dans les trente jours, et d'une amende de 60 mines
au profit des fondateurs et de leurs héritiers ; il y a la même
1. Polyb:, 27,17, 1.
2. I. g., 9, 694; Inscr. jurid. gr., 1. c, pp. 111-128, 137-144.
LES F()M)ATI().NS IMIKPÉTUKLLES DANS Li: DROIT GREC. 193
menace contre les héritiers. Dans un tVagnient d'une dona-
tion analogue a L'MicadeS en cas d'intraction au règlement,
il y a retour à six personnes énuniérées; il s'agit peut-être
(le six héritiers, (pioique leurs noms soient différents.
A Pagai^ (deuxième siècle av. J.-C), Solelès affecte 1,200 dr.
aux jeux annuels de la pyrrhique. A l'époque d'Auguste,
Sosihios, sénateur romain, a légué à Antioche 15 talents de
revenu pour des jeux annuels^ Sous les Antonins, à Aphro-
disias*, un grand-prêtre de l'Asie, d'une famille de bienfai-
teurs de la ville, lui a légué pour des jeux musicaux qua-
driennaux un capital qui, probablement réservé, avec les
intérêts jusqu'à une certaine date, s'élève à 120,000 deniers.
A Eresos^, un fragment n'indi(|ue que la défense d'hypothé-
quer, d'engager la fondation, d'en changer l'emploi. La
fondation de Samos est obscure^ Diotimos a donné ses
immeubles en s'en réservant l'usiitVuit et en se chargeant,
par compensation, de nombreuses liturgies. Un fragment
mutilé de Lampsaque"^ se rapporte sûrement à une fondation
pour la fête des Asklepeia deux fois par an; il prévoit une
grosse amende à partager entre le dénonciateur et le dieu.
Au Digeste^, Modeslin signale un cas curieux en langue
grecque : une femme, Septicia, fonde des jeux quadriennaux
au capital de o(),000 deniers; elle garde le capital et donne
caution devant les magistrats municipaux de verser l'intérêt
usuel, en instituant comme agonothètes son mari, puis ses
enfants.
De nombreux textes se rapportent à la fourniture de l'huile
pour les gymnases : à Erétrie^, où la donation est de
40,000 dr. placées sur hypothèques; à Mycènes, où elle est
1. r. -., 0, r).T, ; fHsr.r.Jurid. gr., 1. .c, pp. T^S, IVi-l'i^.
2. Jahrnshrfti', 10. 1 ;-:;•.>.
:}. l^'i-dij. /lis/. (II-.. .'(1. Di.lot. IV. r>7<), />. .").
'\. '' 'ntsi-f. (/!•.. '!] M ; d'. :J/ l'J, :2/(Sr>.
r^. I. -., li, i. ri-iii.
(i. H/Ul. (h; ion-. /leLi., Ki, 'ïtl .
1 . ''. /ns<-/-. //y., |-}1j41.
8. r,o, r.\ 10.
9. l{li;ni-;il..', Ant. heU.,m9,\ l.VJi.
194 MÉMOIRES.
de 1.500 dr. placées avec cautions*; à Kyparissia^, de la
part du citoyen romain G. Julius Euryclès; à Gythion% de la
part d'une femme Faenia, assistée de son tuteur : elle laisse
par testament 8,000 deniers pour l'huile du gymnase en
faveur des citoyens, des étrangers, et aussi, six jours par
an, des esclaves. La somme est placée sur gages suffisants ;
la plainte est ouverte à toute personne pour violation des
clauses, probablement devant Sparte. L'accusateur a 2.000 de-
niers ; la somme restante passe aux Lacédémoniens et, en
cas de négligence de leur part, à une déesse. Hérode avait
fait dans de nombreuses villes, en particulier à Gos, des fon-
dations pour la gymnasiarchié et aussi la fourniture de blé*.
A Jasos^, Ganinius donne 5,000 deniers que le peuple et le
Sénat affectent à perpétuité à la fourniture d'huile à un des
quatre gymnases municipaux, à celui des Neoi pendant le
sixième mois de l'année, et, s'il y a excédent, pendant les
autres mois ; le capital, placé à 9 p. 100, est administré par
un éj)imélète spécial, élu pour cinq ans, parmi les décaprotes
ou les icosaprotes ; il est défendu de proposer un autre
emploi de l'argent, sauf pour parfaire le prix de biens
acquis par le gymnase, sous peine d'une amende de 5,000 de-
niers au profit du fisc. A Apamée^, Mithridatianus, prêtre
viager de Zeus Kelaineus, qui a été gymnasiarque et ago-
ranome pendant les assises du conventus, abandonne les
15,000 deniers de la subvention municipale et donne en
outre 19,000 deniers ; ce capital est placé à 12 p. 100, et les
intérêts servent probablement à fournir l'huile du gymnase
et à supprimer, par conséquent, à l'avenir, cette liturgie.
La fondation d'^gialè, dans l'île d'Amorgos, est particuliè-
rement intéressante"^. Gritolaos, dont le fils a été reconnu
1. I. g., 4, 498; Inscr. jurid. gr., 1. c. p. 143.
2. Le Bas, l. c, 237 a.
3. Ibid.,2i'àSi.
4. Joseph, bell. jud., I, 21, 11.
5. Rev. EL gr,, 1893, 157, no 3.
6. Bull, de corr. helL, 1893, 308, no 6.
7. V. Ziebarth, Eph. arch., 1907, 185; Dareste, Rev. de philolog.,
LES FONDATIONS PERPÉTUELLES DANS LE DROIT GREC. 195
héros officiellement, a donné, pour un sacrifice, un banquet
et des concours agonistiques, un capital de 2,000 dr. qui
doit être placé par les prytanes, les archontes des commis-
saires et Gritolaos lui-même, à 10 p. 100, par portions dont
le chiffre a disparu'; chaque emprunteur fournit un gage
libre d'hypothèque antérieure, valant au moins 2,000 dr.
Le greffier inscrit sur le registre public le débiteur, désigné
comme à Athènes par son nom, celui de son père et sou
dème, la somme, la terre, les noms des propriétaires rive
rains; l'intérêt est versé tous les ans au Sénat. Gomme pour
les biens des tribus, la ville ne peut réclamer le capital, ni
les emprunteurs le rembourser ; le remboursement est nul,
entraîne une amende de 1,800 dr. contre les archontes qui
l'ont reçu ; la dette subsiste dans les mêmes conditions et
sur les mêmes hypothèques. On a donc une sorte de rente
constituée. Le débiteur en retard à l'échéance doit les inté-
rêts plus la moitié, comme pour les terres sacrées; en outre^,
le bien hypothéqué est afl^ermé d'office : le fermier doit faire,
sous peine d'une amende de 200 dr., l'avance du fermage sur
lequel la ville prélève les intérêts arriérés et la moitié en sus,
avec la restitution de l'excédant au débiteur primitif. On pré-
voit l'hypothèse où le fonds hypothéqué changerait de main par
vente ou hypothèque; c'est le nouveau propriétaire qui doit
apporter l'intérêt au Sénat. Il y a là quelque chose d'obscur :
on ne voit pas bien si ce créancier hypothécaire doit l'inté-
rêt avant même d'être en possession de la terre. En tout cas,
s'il ne verse pas l'intérêt, le bien est affermé comme précé-
demment. Les intérêts sont remis de suite à deux épimélètes
âgés d'au moins trente ans, responsables eux et leurs héri-
tiers, et qui doivent organiser la fêle sous peine d'une
amende de 1,000 dr. Naturellement, il est défendu de pro-
1908, l/i9-154; Noiiv. litv. hisL de droit, 1908, C39; Th. Reinacli, Rav.
Et. gr., 1908, 241-250; I. g., 12, 7, 515.
1. Th. Reinach propose 900 dr., Ziebarth et Dareste le chiffre phis
probable de 200.
2. Comme le remarque M. Tli. Ueinuch, il y a ici une ellipse,
expliquée par 1. 109.
196 MÉMOIRES.
poser, de faire voter une autre affectation du capital, sous
peine d'amende, de confiscation des biens, avec la moitié de
la condamnation pour le dénonciateur.
Viennent enfin les fondations d'aliments et de distribution
d'argent'. La plus importante est celle de Samos, du début
du deuxième siècle avant Jésus-Christ*. Nous n'avons pas
le commencement du texte, mais il s'agit certainement d'une
fondation pour des distributions de blé. Les commissaires,
[jLéXsStovoi, élus tous les ans, un par millénie ou chiliastye, au
théâtre, à la seconde assemblée du dernier mois de l'année,
pris parmi les plus riches, rééligibles cinq ans de suite,
doivent prêter l'argent, nous ignorons pour combien de
temps et à quel taux, mais sur des hypothèques foncières et
avec des cautions inscrites sur les registres publics par les
prytanes, et probablement vérifiées tous les ans par chaque
chiliastye. Les commissaires doivent lever et remettre les
intérêts, sous peine d'une amende de 10,000 dr., prise sur
leur fortune par confiscation, et de l'atimie. L'argent est
reçu par deux autres commissaires du blé, élus un par
tribu, riches d'au moins trois talents et assujettis à une red-
dition de comptes mensuelle. Ils achètent, au moins à cinq
drachmes un tiers le boisseau, le blé de la déesse Hera, qui
provient du vingtième, livré sans doute comme prémices, par
la ville côtière et dépendante d'Anaia; ils le distribuent aux
habitants; ils placent le reliquat de l'argent avec hypothè-
ques et cautions, et sont eux-mêmes responsables person-
nellement pour les cautions. Si le peuple décide de nouveaux
achats de blé, ils remettent le reliquat à un nouveau com-
missaire, sitônès, riche d'au moins deux talents, et qui
achète également le blé dans la région d'Anaia. Les distri-
butions de blé sont de deux boisseaux par tête et par mois,
jusqu'au dixième jour du mois pour les présents, jusqu'à la
fin pour les absents, les malades seuls étant autorisés à faire
1. Nous laissons de côté les fondations du monde latin.
2. V. Von Wilamowitz-Moellendorfï, SiUungs-Berichte d. Berl,
Akad., 1904, 917-931 ; Talheim, Hermès, 1904, 604-610.
LES FONDATIONS PERPÉTUELLES DANS LE DROIT GREC 197
retirer leur part par d'autres. Si le commissaire d'une tribu
n'a pas versé les intérêts, sa tribu est privée temporairement .
de distributions, sauf s'il se produit des contributions volon-
taires. Contre rempruntem- qui ne paie pas Pintérèt, il y a
vente de l'hypothèque, puis recours contre la caution, avec
restitution au débiteur de l'excédant de la vente du gage, de
Vhyperochè, Une amende de 10,000 dr. frappe tout magis-
trat, commissaire, orateur qui ferait voter un emploi diffé-
rent de l'argent. On a vu les fondations alimentaires d'Hé-
rode. A l'époque romaine, à Assus de Mysie*, un prêtre a
sans doute demandé au peuple d'employer l'argent de col-
lectes sacrées à des distributions, 150 dr. ou 300 trioboles
par tribu. En Paraphylie, on a la mention d'une fondation
alimentaire pour enfants^. Mommsen a vu une fondation
alimentaire à celles de Trajan dans une inscription d'Athè-
nes malheureusement très mutilée ^ C'est probablement à
des fondations alimentaires d'Orient et d'Occident que se
rapporte un texte d'Ulpien*. Il paraît y en avoir une au
deuxième siècle à Philadelphie pour des distributions de
blé^. A Aphrodisias^ 1.000 deniers ont été aôectés à des
distributions au Sénat, aux tribus et à d'énigmatiques
%povXr^poi', à Traites, plus de 3,000 deniers en faveur du
Sénats. Une série d'inscriptions d'Ephèse, malheureusement
fragmentaires, contient les donations faites à Ephèse en 51)4
par le chevalier romain G. Vibius Salutaris et confirmées
par le proconsul. Elles comprennent, outre plusieurs statues
à des divinités, un capital de 20,000 deniers dont les inté-
rêts à 9 p. 100, soit 1.800 deniers, seront distribués tous les
ans aux sénateurs, même absents, à raison d'un denier par
1. C. inscr. g)'., 3599.
2. Lanckoronski, Slâdte Pamphyliens und Pisldieiis^ I, no 58.
3. I. g., 3, 61 a; v. Gaillemer, Aiinuaire de l'Assoc. d. El. gr.^
1876, 163-169.
4. Dig., 50, 8, 2, § 3 « Fncmentariae pecunidc suo nomine debi-
tor. »
5. C. inscr. gr., 3422.
6. Rev. Et. gr., 1906, 131, no 60.
7. Alh. MiUh,, 8, 321-329.
198 • MEMOIRES.
tête, aux membres de la gérousie probablement au même tarif,
à mille deux cents citoyens à un demi-denier par tête, aux
éphèbes, à des prêtres et prêtresses'. Nous n'avons pas le texte
(lu testament d'Hérode Atticus à Athènes; nous savons seule-
ment^ qu'il avait publié de son vivant ce testament qui don-
nait ù chaque Athénien une mine par an ; il racheta ce legs
en offrant, une fois pour toutes, cinq mines par tête dont il
esquiva du reste le payement en opposant la compensation de
créances antérieures. En tout cas, la donation ne s'appli-
quait sans doute qu'aux Athéniens vivants et ne constituait
pas une fondation.
L'histoire des fondations perpétuelles constitue donc un
chapitre intéressant de l'histoire des mœurs, des finances et
du droit, surtout du droit hypothécaire de la Grèce, quoi-
qu'on trouve encore plus de donations pures et simples que
de fondations. Pour les modalités des fondations, il s'est
établi de très bonne heure, comme pour les autres parties
du droit, une pratique à peu près analogue dans toutes les
villes grecques. On y trouve : les actes qui renferment la
volonté du fondateur, testament, règlement; le décret d'ac-
ceptation de la personne morale, corporation, cité; le même
luxe de précautions que dans la vie politique : hypothèques
et cautions fournies par le débiteur, fonctionnaires spéciaux,
responsables, assermentés, amendes et malédictions, encou-
ragements et primes aux dénonciations, protection de la fon-
dation par l'autorité publique. Le fondateur jouit de la plus
complète liberté. Les femmes jouent un rôle très important.
Gh. Légrivain.
1. Gr. Inscr. of. Brit. Mus., 3, 481.
2. Philostr. vit. soph., 2, 1, 5-6.
UNE VICTIME DE i/aVIATION AU Xl^ SIÈCLE. 199
UNE VICTIME DE L'AVIATION
AU ONZIÈME SIÈCLE
Par m. MASSIF'
Quand on parle de l'aviation dans l'antiquité, le premier
mot appartient à la fable; c'est Dédale qui apparaît d'abord
dans le cadre poétique ou l'ont placé Ovide et Horace. Mais
la fable n'est aux yeux de nos contemporains que le manteau
de la réalité. Elle prouve qu'on a fait de l'aviation dans la
plus lointaine antiquité*; des figures d'hommes aligères que
l'on a découvert sculptées sur d'antiques bas reliefs justi-
fient cette opinion ^ et il semble qu'Horace la tienne pour
certaine si l'on prend à la lettre les expressions qu'il emploie
dans l'Ode ni'"« du liv. i«'.
S'il est vrai que des hommes aient plané dans les airs sur
des ailes artificielles, « permis non homini datis >, il est
bien surprenant qu'Homère et Hésiode ne nous en ait rien
(lit, et que le nom de Dédale n'ait, dans leurs écrits, que la
valeur d'une épithéte attribuée aux ouvriers les plus ingé-
nieux. Cette observation a amené un des plus doctes fami-
liers de l'antiquité a conclure que « le Dédale des temps
mythologiques est un de ces personnages collectifs dans
l'histoire duquel on a réuni tout ce que les traditions vrais
1. Lu dans la séance du 21 avril 1910.
2. Commandant P. Renard, L'aéronautique (Bibl. de philosophie
scientifique). Paris, Flammarion, 1908, p. 8.
3. Avia (Revue des sciences aéronautiques, n» 2). — D»* Cousin, Le
vol à voile était-il connu dans la plus haute antiquité? (Hist. de
Dédale).
200 MEMOIRES.
OU fausses, ou du moins altérées, avaient conservé de sou-
venirs des travaux de plusieurs ouvriers habiles » '.
La question serait dès lors grandement simplifiée et Dédale
ne serait plus admis à figurer dans l'histoire ancienne de
l'aviation, si les témoignages iconographiques dont nous
venons de parler ne donnaient toutes les apparences de la
vérité à la tradition qu'il représente. Mais qui oserait affir-
mer expressément que ces mortels aux ailes éployées sont
des aviateurs? Le symbolisme plane sur tout l'Orient et il
paraît plus sage de rattacher ce vol énigmatique aux aspi-
rations de la pensée vers un invisible idéal qu'a des combi-
naisons de mécanique et à des formules de mathématiques,
ouvrage trop délicat d'une part, et d'autre part, trop savante
étude, comme le prouvent dans le même ordre d'idées et de
procédés les tâtonnements dé la science contemporaine.
€ Les figures de chérubins en adoration qui ombrageaient
de leurs ailes la redoutable arche d'alliance ressemblaient
beaucoup, du moins pour la composition, à celles que nous
présentent des monuments Egyptiens, et il est bien à suppo-
ser que les formes et le travail n'offraient pas de grandes
différences entre les sculptures de l'Egypte et celles des ou-
vriers hébreux, qui, élevés à son école, en avaient emporté
et conservé les idées »*. Ces figures d'anges inclinés devant
le Saint des Saints, imitation des divinités inférieures qui
déployaient leurs ailes sur les parois des temples égyptiens
ne comportent pas, ce nous semble, une interprétation plus
précise que celle qui s'attache naturellement à toute sculp-
ture idéographique.
Néanmoins la légende d'Icare a traversé les siècles. « Vou-
loir imiter Pindare, écrit Horace, c'est vouloir, comme les
fils de Dédale, s'élever sur des ailes de cire » ^ ; funeste lé-
gende! n'eut-elle provoqué que la chute de ce comédien qui
1. De Clarac, Musée de sculpture antique et moderiie, t. ii, pre-
mière partie, p. 13.
2. De Clarac, Musée de sculpture antique et moderne, t. m, intro-
duction, p. 8.
3. Liv. IV. Ode 2. .
UNE VICTIME DE l'aVIATION AU XI® SIÈCLE. 201
voulut jouer le rôle d'Icare devant Néron et dont le sang
éclaboussa la toge de César '.
En somme, le seul fait positif que Ton relève dans l'anti-
quité est le vol de la colombe d'Arcbytas sur les murs de
Taronte, 400 ans avant notre ère, et cette fois il ne s'agit plus
d'une aventure destinée au concert des lyres, mais d'un essai
véritablement scientifique, qui fit l'admiration de la Grèce
et que nous avons imité.
L'enquête n'est pas plus heureuse dans le lointain Moyen-
âge. On n'y voit que le cerf- volant des soldats de Guillaume
le Conquérant, importation orientale qui servait de signal,
et, si l'on veut, fantôme de l'idée du voP. C'est cependant
à la même époque qu'eut lieu la première tentative sérieuse
d'aviation. On n'ignore pas le fait, mais on ne l'a pas jugé
digne de prendre place dans l'histoire, ou du moins ne lui
accorde t on qu'une vague mention : le nom de son auteur,
estampillé d'une pointe de ridicule, c'est tout.
En 1060, écrit- on, un moine bénédictin de l'abbaye de
Malmesbury et qu'on appelle indifféremment Elmer, Egel-
mer ou Olivier, adonné aux pratiques de l'astrologie, rêva
qu'il serait plus heureux ou plus habile que l'infortuné Icare.
De la plate-forme d'une haute tour et affublé d'une paire
d'ailes imitées des Métamorphoses, il s'élança dans le vide.
Une chute lamentable que la mort suivit de près donna un
brutal démenti aux espérances de son aveugle horoscope.
Il est certain qu'ainsi présenté, ce cas relève de la patho-
logie. Mais les vieux chroniqueurs l'ont raconté d'une toute
autre manière. Le tableau que Vincent de Beauvais a tracé
de cette aventure ^ ne rappelle en aucune façon la burlesque
parodie d'Ovide, celle qu'on exhibe, comme dessus, dans les
1. Su(^-torie, Néron, XII. Il n'y a pas lieu de parler du vol de
Simon le Mage. On peut voir ce que dit Renan à ce sujet dans VAu-
léchrisl, ch. n, p. 44.
2. Modèles d'appareils d'aviation de l'aniiquité à nos jours.
Paris, L. Vivien, 1910, p. 1, lig. 2.
3. Vincent de Beauvais {1190-1264) (^ih\\oi\\ec2i mundi, Duaci,
10-24, t. IV).
10e SÉRIE. — TOME X. 16
202 MEMOIRES.
biographies à haute condensation. Or le (émoignage de Vin-
cent de Beauvais n'est pas suspect. Le très docte tamilier de
saint Louis a rassemblé dans sa chronique toute la science
de son temps et, c'est sans ironie et comme d'un essai curieux
et instructif, qu'il parle de cette tentative avortée*.
Il emprunte les éléments de son récit à la chronique ency-
clopédique d'Hélinand^. Celle-ci nous ramène au douzième
siècle; elle est moins sûre. Devenu moine et historien, le
trouvère qui la rédige ne cesse i)as d'être poète; mais la
révélation de cette équipée renouvelée de l'antique ne paraît
pas impressionner la muse de celui qui chanta les Titans
devant Philippe-Auguste. Il la raconte froidement comme il
l'a vue froidement exposée dans les recueils qu'il a sous la
main. Ce n'est pour lui qu'un fait scientifique, et c'est bien
ainsi que ce fait apparaît à l'origine dans la chronique de
Sommerset, le principal inspirateur d'Hélinand.
Avec Guillaume Sommerset, plus connu sous le nom de
Guillaume Malmesbury, nous sommes au onzième siècle,
cinquante ans à peine nous séparent de la mort d'Olivier.
Guillaume a déjà quarante ans; il vit dans l'abbaye où vit
1. Les historiens de l'aéronautique nous présentent les aviateurs à
travers les âges dans l'ordre où la chronologie les place; c'est à peine
si Ton comnaence à tenir compte aujourd'hui de la dilt'érence qui sépare
les hommes et qui distingue les procédés. On n'obtient avec la première
manière que le panorama des ascensions célèbres; les moyens et les
circonstances demeurent au second plan. C'est ainsi qu'Olivier, sim
plement nommé au début, reste le moins connu parce qu'il est le
plus ancien, et aussi le plus méconnu, parce qu'on n'a pas pris la
peine de l'étudier de plus près.
2. Helinandi, Frigidùnontis monachi. Chronicorum, liber XL VI,
da-Tis Bibl. Patrum Cisterciensium... Paris, 1669, t. VII; cf. Hist.
lilt. de la France, t. XVIII. — Brial, Notice sur la vie el les ouvra-
ges d'Hélinand, 1815 : Exposé des trav. de la classe d'HisL, p. 98.
La chronique d'Hélinand conservée en Angleterre est beaucoup plus
complète que la nôtre. Hélinand mourut, selon Dom Brial, après
1229, s'il est vrai qu'en cette année il prononça à Toulouse, le jour
de l'Ascension, en présence des étudiants ecclésiastiques, ad clericos
scholares, un sermon sur la vanité des sciences, et c'était un exem-
ple bien saisissant pour lui de l'inanité des sciences que l'entreprise
de ce moine de Malmesbury dont il avait écrit l'histoire et qu'il avait
comparé aux Titans dans ses poèmes.
UNE VICTIME DE l'aVIATION AU XI® SIÈCLE. 203
encore le souvenir du frère Olivier. Quelques vieillards con-
nurent ce savant homme, énergique et rêveur; la tradition
orale n'est pas encore éteinte, tandis que se prépare sous la
plume de Guillaume, précenteur et bibliothécaire du couvent
et dépositaire de ses annales, la tradition écrite qui va nous
dévoiler la vérité.
La vérité ici poursuit un double objet : donner à l'expé-
rience « volatrice » son véritable caractère et corriger les
erreurs de la biographie*. Il importe à l'intérêt du premier
d'examiner d'abord le second, de mieux connaître le person-
nage afin de mieux apprécier son œuvre. Cette partie de
l'enquête nous met tout d'abord en présence de deux témoins
qui appartiennent au monde sidéral, deux comètes dont l'une
apparaît sur les premiers horizons de la vie d'Olivier et l'au-
tre à son déclin. Il apostrophe celle-ci dans un langage fati-
dique qui n'est pas dépourvu de grandeur. Il croit d'ailleurs
se trouver en face de l'apparition déjà vue :
« Je te reconnais, ô messagère de désolation; non, ce n'est
pas la première fois que tu viens jeter l'effroi dans nos âmes.
Tu vins jadis assister aux funérailles de nos martyrs et tu
versas des larmes de flamme sur cette terre ensanglantée :
Veiiisti, venïsti, multis 7nartyribus lugendœ; mais mille
fois plus redoutable tu m'apparais aujourd'hui : multo ter-
ribilioï^em ie intueor. Maudite sois-tu, toi dont la, menace
plane sur la patrie : terribiliorem te intueor patria hujiis
excidiuni minantem. Maudit sois-tu, funeste oracle de sa
ruine prochaine. »
Cette ruine de la patrie correspond à la conquête de l'An-
gleterre par les Normands. La comète de Halley parut
comme pour en signer les préliminaires au mois d'avril de
1. Guillaume Sommersot écrivit sa cljronique entre 1129 et 1135.
(letle coinpilation fut imprimée à Londres par les soins d'Henri Savil,
en 1596. Klle présente un tel intérêt, au témoignage de son éditeur,
qu'elle mérila à l'auteur une des i)n'n)ières places entre les historiens
de sa nation. Celte remarque convient à la date, si toutefois elle ne
convient pas au njérite.
204 MÉMOIRES.
l'an 1066 ^ Guillaume débarqua dans l'île le 22 septembre*.
L'apparition d'une comète n'est pas un événement indifférent
à cette époque. Il est inutile de chercher une antre comète
visible à l'œil nu, ni une plus adéquate concordance en're le
phénomène et ses prétendus effets. Rien de semblable ne se
produit antérieurement. On en conclut qu'Olivier de Malmes
bury, que l'on fait mourir en 1060, n'était pas mort en 1066.
Il reste à savoir quelle est cette autre comète qui apparut
semblable à la comète de Halley, éclatante et fatale. Son appa-
rition se perd dans un lointain indéterminé. C'était il y a
bien longtemps, jam dudum, et frère Olivier est déjà vieux :
trop vieux serait-il si cette vision était la même, comme il
semble le croire. Et, d'autre part, quels événements furent
aussi féconds en calamités que ceux dont il priait le ciel de
lui épargner la vue?
Cette période où « le Seigneur avait tendu son arc » se
place au commencement du siècle. Gomme celle de 1066, elle
porte l'empreinte de la conquête, plus meurtrière peut-être,
et, dans tous les cas plus longue, sous la main de fer de
Suénon le Danois que sous celle de Guillaume de Normandie.
Elle s'ouvre en 1003 et atteint son apogée en 1006; et sur
cette terre^ saxonne couverte de ruines et abreuvée du sang
des chrétiens, apparut, multis martyribus lugende, une
comète éblouissante. Nouvelle coïncidence que le vieux
moine souligne avec stupeur. Il croit à l'influence des comè-
tes, comme les esprits même les plus cultivés y croyaient
alors*. Mais admirons la fidélité de sa mémoire, s'il n'était
1. Une vague terreur agitait les esprits « et le pays était dans une
formidable attente ». (César Cantu.)
2. Giiillaume tomba en abordant, mais, en se relevant, il s'écria,
conjurant le mauvais présage : « Je viens de prendre cette terre de
mes mains et, par la splendeur de Dien, tant qu'il y en a, elle est à
vous. »
3. Cette croyance se retrouve dans la plus lointaine antiquité. On
cite, comme une très singulière exception, le cas de Vespasien, que
ses généraux, impressionnés par l'apparition d'une comète, détour-
naient de son expédition contre les Parthes : « Non mihi cometn,
répondit-il, sed régi Parthorum mortem portendit; ille enim co-
UNE VICTIME DE l/ AVIATION AU XI® SIÈCLE. 205
qu'un enfant. La sûreté du souvenir, la stabilité de l'impres-
sion donnent à penser ({u'il avait au moins franchi, à Theure
de la première apparition, la première étape de Tadolescence.
Entre ces deux repères biographiques, 1006, où il est pré-
sumé avoir quinze ans et 1066 où il arrive aux frontières de
la vie, intervient l'expérience aéronautique que son caractère
et la hardiesse qu'elle exige éloignent naturellement des
indécisions et des pusillanimités de la vieillesse. Et, en effet,.
Vincent de Beauvais déclare qu'il l'exécuta in prima jitven-
tute, ce qui porte au premier quart de siècle ce vol que nous
appellerions aujourd'hui sensationnel, si nous n'en avions
vu bien d'autres, et qui partage la vie de son auteur en deux
carrières. Tune consacrée à la préparation de l'entreprise et
l'autre vouée à l'expiation d'une trop présomptueuse science,
dignes, l'une et l'autre, de captiver l'attention de l'historien.
D'où il ressort qu'il ne mourut pas de sa chute, comme il
ressort de la seconde apparition qu'il ne mourut pas en 1060.
Les inventeurs ont un éclair de génie, ou procèdent par de
patientes recherches précédées de laborieuses études. L'étude
préférée des sciences qui forment le qiiadriviitm séduisent
à ce point le frère Olivier que, en très peu de temps, quoique
jeune, il y devient particulièrement habile; et quand on écrit
de lui qu'il fut mathematicarum disciplinarum non i7npe-
ritus, on ne fait pas suffisamment ressortir la rare souplesse
de son intelligence. L'activité intellectuelle des hommes du
Moyen-âge dépassa bien souvent les limites du quadrivium;
celle du frère Olivier ne tarda pas à les franchir, se laissant
entraîner par un penchant naturel vers les sciences expéri-
mentales, en telle sorte qu'on peut dire de lui ce qu'on a dit
de Roger Bacon qu'il avait compris ce qu'on ne comprenait
pas encore, que le meilleur moyen d'acquérir une certitude
malus est, ego cnlvus sum. » Il est chevelu et je suis chauve (Xephi-
linus, in Vespasiani Vila). N'existe-telle pas encore celle croyance?
Quelle inquiétude dans le monde en 1759; quelle agitation à Paris en
1835 : si la queue de la comète venait à effleurer la terre! Jadis, on
redoutait les dieux; aujourd'hui, on redoute le choc.
206 MÉMOIRES.
était de joindre l'expérience au raisonnement et de rectifier
Fiin par l'autre.
C'est ainsi qu'il entre insensiblement et, pour ainsi dire, à
son insu dans la période d'incubation. La science pure cède
la place prépondérante à l'observation. Celle ci s'étend,
curieuse et inexpérimentée, à tous les mystères de la nature
et de la vie; et quand on nous dit qu'Olivier prend la fable
pour une réalité : fahulam 'pro vero ampleœus, ce serait se
méprendre que d'en tirer cette conclusion qu'il fut la vic-
time naïve d'une poétique hallucination. Elle lui parut une
réalité en ce sens qu'il était arrivé par l'observation atten-
tive du vol des oiseaux, modèle vivant, à la considérer
comme l'exécution possible d'un phénomène mécanique dont
il ne restait plus qu'à trouver la formule. Dès lors, le vol
algébrique ne lui suffit plus; tous ses efibrts tendent à la
transformation de l'idée en sa réalité concrète.
Le P. Galien, ce Jules Verne de l'aviation, qui, « par
manière de récréation », complète une étude sur la grêle
par la description d'une puissante flotte de guerre qui
navigue dans les airs, ajoute qu'il laisse à la sagacité des
« machinistes » le soin de déterminer la forme des appareils
volateurs^ Autant dire qu'il leur laisse à peu près tout à
faire; l'art sans le geste ne rime à rien. Le geste se traduit
d'abord par l'invention des petits modèles, comme Blériot en
a donné l'exemple en 1900 par la construction de l'oiseau
mécanique qui préluda à ses succès. Mais le petit modèle
1. Le P. Joseph Galien, L'art de naviguer dans les airs : amuse-
ment physiqiie et géométrique précédé d'un mémoire sur la for-
mation de la grêle dont il est une conséquence ultérieure. Avignon,
1757, 2e édition. Les navires aériens du P. Galien sont cinquante-
quatre fois plus grands que l'arche de Noé. Il ignorait sans doute
que la capacité de l'arche était de 64,896 mètres cubes et sa longueur
de 156 mètres. (V. Vigouroux, Dict. de la Bible, t. I, c. 92i). On
trouve sous l'Empire un écho de l'idée du P. Galien dans la Thilo-
rière : projet d'une descente en Angleterre au moyen d'une mont-
golfière, capable d'enlever 3,000 hommes, et comme dernier écho de
la même idée (1910) vient de surgir en Allemagne le projet d'un diri-
geable de 125 mètres de longueur. Le nav.ira du P. Galien est aussi
un dirigeable.
UNE VIGTIiME DE l'AVIATION AU Xl^ SIÈCLE. 207
/
n'est que le geste commencé, c'est celui de ceux qu'on a
appelé un peu dédaigneusement les « fabricants de jouets »;
il indique le but, il ne l'atteint pas. Nous l'atteignons aujour-
d'hui, ou du moins nous aspirons à l'atteindre par des
moyens plus ou moins variés. Néanmoins, toutes les concep-
tions essayées jusqu'à ce jour, ainsi que le remarque le
commandant Renard, peuvent se ramener à trois grandes
classes d'appareils : les ornithoptères, les hélicoptères et les
aéroplanes^
Gomme on doit s'y attendre, c'est à la première catégorie
que se rattache l'appareil d'Olivier. 11 faut arriver à Léonard
de Vinci pour trouver autre chose^. Gardons-nous cepen-
dant de tout rapprochement trop disproportionné. Olivier
n'a d'autre modèle que l'oiseau; le mécanisme qu'il inventa
ne pouvait être que la copie de ce modèle. Mais ce modèle
lui-même est extrêmement varié en ses détails, et c'est ce
qui rend obscure l'image qu'on peut se faire de la copie. Si
Olivier voulut voler à la manière de Dédale : ut more
Dedali volaret, ce fut par un procédé plus savant que celui
de la fable, avec un appareil moins fragile et plus compli-
qué, appareil qu'on ne sait pas décrire : nescio qua arte, et
dont nous ne pourrions nous faire une idée exacte si les cir-
constances du vol ne nous révélaient l'action des ailes bat-
tantes.
Quand on réfléchit aux multiples combinaisons que com-
porte l'emploi des ailes artificielles, on ne cherche plus à
1. Commandant P. Renard, L'Aviation, 2® partie : Les moyens
de réaliser le vol mécanique [Revue géiiérale des sciences, 30 mars
1910).
2. La forme de l'appareil qu'on al.tril)ue à Léonard de Vinci, de
même que celle des appareils de Gusman et du P. Lana semblent prou-
ver, a-t-on dit, que ces machines n'ont jamais existé que dans l'ima-
gination de quelques érudits. Cette opinion n'est pas exacte, au moins
en ce qui concerne l'appareil de Léonard de Vinci, que Fausti Ve-
nanzio a reproduit dans son Trailé des machines, publié à Venise
en 1617. Il vola même, puisqu'un valet de Léonard trouva la mort en
voulant en faire l'essai pendant une absence de son maître, accident
qui découragea à jamais le savant.
208 MÉMOIRES.
S
pénétrer le sens du nescio qua arte. On ne voit qu'un
homme revêtu d'un maillot à la manière des personnages
de Wilkins* et muni d'une double paire d'ailes dont l'une,
par une singularité digne de remarque, est fixée aux mains
}>our être utilisée comme des rames. Si Taviateur a doublé
les surfaces portantes, quatre ailes, comme le tera au dix-
huitième siècle le marquis do Baque ville, c'est évidemment
qu'il a tenu compte de son poids, et il n'y a pas de raison,
s'il en est ainsi, pour supposer qu'il a négligé d'établir la
proportion mathématique qui doit exister entre celui ci et
l'envergure des ailes, ainsi que la courbure. Au souci de
l'équilibre s'ajoute celui de la direction, ce n'est pas dou-
teux, et il donne à celui-ci la garantie portante et diri-
geante des ramiges que ses mains feront mouvoir comme
des nageoires*. Gomment tous ces organes sont-ils accro-
chés, adaptés et articulés? Nous répondrons avec le chroni-
queur : nescio qua arte, n'étant pas éloigné de penser que,
tout n'étant pas décrit, on ne peut tout savoir; mais persuadés
tout de même que nous sommes bien loin duponit in ordine
pennas, pennisque levatus antevolat du candide fabuliste.
Il a pris la direction du vent, il s'est élancé : immanis
audacia, prodigieuse hardiesse, audace insensée! C'est le
cri de la foule, ce pendant que s'augmente l'espace qui le
sépare de la tour. Il vole vraiment, il a déjà parcouru plus
d'un stade, quand soudainement, saisi d'un inexprimable
effroi, il tombe et se brise les jambes : et temerarii facti
conscientiœ tremulus cecidit. Qu'on ne le compare pas au
célèbre danseur Allard qui se blessa si grièvement en
1. Les hommes volants ou les aventures de Pierre Wllhi?îs, trad.
de l'anglais. Londres-Paris, veBrunet, 1763.
2. « La faiblesse des ressources scienlifiqnes dont disposaient les
esprits studieux au onzième siècle ne peut que nous faire admirer
davantage la pénétration de l'esprit d'invention, brillant çà-et-là à
travers les ténèbres de ces temps d'ignorance. Cette remarque est de
Winterberg, le savant éditeur de l'ouvrage géométrique de Francon )>
{Revue des quest. scientifiques, 20 janvier 1910). Elle ne saurait
trouver ailleurs une plus juste application que dans le sujet de cette
étude.
UNK VICTIME DE l'AVIATION AU XI® SIÈCLE. 209
essayant de voler devant Louis XIV \ ou à ce pauvre Calais
qui se cassa le nez au jardin d'Idalie en 1797^. Il n'a rien
de commun avec ces aviateurs de cirque. Non seulement
le caractère de son expérience l'en sépare, mais les raisons
qu'il va nous donner de son insuccès le placent bien au-des-
sus des histrions et des désé(iuilibrés. Tout au plus l'accuse
rons-nous d'un peu de don quichottisme. L'homme doit
pouvoir voler; il volera un jour. Telle est sa conviction^.
La chute ne refroidit pas ce cœur au triple airain. Il avait
envisagé l'air comme support; il avoue qu'il ne l'avait pas
assez considéré comme obstacle. Nous ne supposons pas que
les lois de la résistance de l'air aient été connues à cette
époque, malgré les incertitudes que laisse subsister l'histoire
toujours incomplète des sciences. Il n'avait pas compté avec
les vents artificiels qu'il souleva, ces vents de côté qui sont
d'autant plus nuisibles à la sustentation qu'ils sont plus
intenses; et le trouble s'empara de lui dès qu'il se sentit
impuissant à vaincre la violence du tourbillon : tur'binïs
vïolentïa y qui l'entraînait comme un fêlu pirouettant dans
les anneaux d'un goutïre*. « J'ai eu la sensation, disait San-
tos-Dumont, après la chute qu'il fit près de Saint-Cyr, le
jour même où mourut Delagrange, d'avoir fait trois tours
1. Grand Carteret et Léo Delleil, La conquête de Vair vue par
Vimage, 1495 1909.
2. Arthur Pougin, Dict. hist. et pittoresque du Théâtre. Paris,
Didot, 1888.
3. On peut se demander, en sontreant aux persécutions que ses
hardiesses scientifiques attirèrent à Wi^^n^v Hacon, ce qu'il advint
d'Olivier. Il ne paraît pas (ju'il ait ('IV' molesté et personne ne consi-
déra sa chute comme une punition du ciel. On ne saurait donner une
preuve plus évidente du caractère scientifique de cette tentative.
4. Le texte porte vejitl et turbinis violcntia : la cause, l'effet et la
forme matérielle do l'elFet. Etait-il donc si ignorant, si dépourvu
d'observation le chroniqueur qui employait cette double expression :
« Se mouvoir, là est la diflicultè, s'appartenir dans l'air. D'après les
calculs acquis à la science, l'homme, s'il s'adapte des ailes, dispose
d'un'3 force musculaire quatrevingt-»lou7.e fois moindre que celle de
l'oiseau. L'oiseau-mouche est plus fort qu'Hercule. » Victor Hugo,
L'Homme devient oiseau; lettre ouverte à Nadar, 18G4, dans la
Revue de Paris du 15 avril 1910,
210 MÉMOIRES.
sur moi-même. » Protégé par les fils et les câbles de son
appareil, Taviateur ne fut blessé qu'aux jambes; même chute
avec plus de garantie, même blessure avec moins de gra-
vité^ même cause apparente dans la poussée des vents obli-
ques, infiniment plus énergique sur la voilure sans doute
plus légère du frère Olivier.
Le gauchissement de l'aile est évidemment une raison,
mais Olivier en voit une décisive dans Tabsence de la
queue : Ipse vero ferehat causam fuisse ruinœ suce quod
caudam suam in posterioyH parte oblitus fuerat optare.
Cet empennage articulé à la Ghanteclair, et que l'on s^
représente proéminant sur le derrière, a en effet une très
grande importance, sous ces apparences divertissantes. C'est
le gouvernail, et il prouverait, sans autre argument, le
caractère scientifique de la tentative. Pour être tardive, la
perspicacité d'Olivier n'est pas moins remarquable, car, ce
qu'il déplore, c'est l'absence, par sa faute, d'un organe apte
à produire de l'énergie mécanique sur l'air, point d'appui et
capable d'imprimer au déplacement la direction demandée.
L'idée est si juste, si naturelle et si conforme aux lois de la
mécanique qu'on la retrouvera plus tard mise en pratique
dans des essais moins imparfaits, et qu'André Grimaldi, en
son voyage aérien de Calais à Londres, doublera la précau-
tion : il mettra deux queues et en exagérera les dimensions'.
Nous avons dit qu'au moment de la chute, il avait par-
couru un peu plus d'un stade : spacia stadii et plus volavit.
Précisons la distance : le stade routier valait 157™50; le
stade Olympique en mesurait 192,25. M. Babelon donne une
mesure unique qu'il évalue à 185 mètres environ. Quelle
que soit la mesure que nous adoptions, et en tenant la frac-
tion pour le demi-stade, nous constatons que l'aviateur a
couvert un espace limité par 235 ou 288 mètres, ni plus ni
moins que nos aviateurs à leur début. Le 12 décembre 1906,
1. Biografia universelle anlica ed moderna. Venise, 1816. —
Bihl. des Ecrivains de la Compagnie de Jésus, par Aug. et Aloys
de Backer, 2^ série. Liège, 1854. — Corriera délia sera de Milan,
juillet 1909.
UNE VICTIME DE l' AVIATION AU XI* SIÈCLE. 211
Santos-Dumont se maintient à 6 mètres de hauteur, moins
que la hauteur d'une tour pendant 21 secondes 1/5, et il
parcourt 220 mètres : spacïo stadii et plus. Le 6 décem-
bre 1907, Blériot effectue deux envolées; elles ne dépassent
pas 500 mètres, trois stades, un peu plus qu'Olivier, un peu
moins que Jian Battista Danti, à Pérouse, en 1491. On le
voit, nous n'allions, il n'y a pas encore bien longtemps, ni
plus haut ni plus loin. C'est le propre des débuts d'être
modestes, On n'allait ni bien loin ni bien vite en 1765 avec
la voiture à vapeur de l'ingénieur Gugnot. Sa vitesse ne
dépassait pas 4 kilomètres à l'heure, et l'alimentation de sa
chaudière nécessitait des arrêts tous les quarts d'heure, et ce
furent les débuts de nos 90 à l'heure; ce qui prouve que les
débuts, s'ils sont modestes, ne sont jamais méprisables*. J'en
appelle à l'autorité de nos aviateurs triomphants comparée
à celle d'Olivier mutilé à son premier essor.
Impotent, condamné à l'inaction, réduit à ne plus rien
entreprendre, voué à la rêverie mystique entre les murs d'un
cloître, il étudia l'astronomie; aéronaute, astronome, c'est
toujours le mystère de l'atmosphère qui le captive. C'est à
cette période de sa vie que se rattache la composition de
quelques ouvrages dont on a conservé le titre, mais dont le
sort est inconnu''*. Ce sont : le de sïgnïs planctarum ; le
de astrologoy^um dogmatibus et le de clnromancia. 11 lut
donc astrologue, mais il le devint non pas à l'heure où on
l'a dit, ni dans le sens où on l'a compris. L'astrologie à cette
époque présente un double caractère : elle participe des Ma-
thématiques et de l'Haruspicine et elle les combine. Celui
(]ui se livre à l'étude de ces combinaisons est un devin, c'est
certain; mais chez le païen christianisé qu'est l'homme de
1. « Il y a ici un Atifrlois, l|ls d'ini François, écrivait Guy-Patin, le
20 janvier 1()45, qui médite (1«3 f;iiro (I(?s carrossos qui iront ot revien-
dront en un même jour de Paris à Fontîiinebleau, sans chevaux, |»ar
des l'essorts a<lmiral)les. « Voilà (fui va i)ien nous éparjjjner du loin
et de l'avoine. » On entrevoyait déjà lu lin de la traction animale.
2. Ilouzeau et Lancaster, lilbliog rapide générale de l'astronomie,
t, I, Astrologie, j). 728. (Bruxelles, 1887).
212 MÉMOIRES.
ce temps, la divination dont Texercice est d'ailleurs plein de
dangers, surtout pour un religieux, la divination est devenue
une science qui, bien loin de pousser l'intelligence humaine
au fatalisme astrologique, la porte excellemment vers la
compréhension des choses célestes par l'observation des
astres; c'est la Mantique. Au regard de cette science, l'astre
n'est plus cause; il n'est que signe et le plus souvent signe
conditionnel, c'est-à-dire avertissement, laissant à l'homme
tout le bénéfice de son libre arbitre' ; et c'est bien la
seule acception qui convienne a l'astrologie exercée par
frère le Olivier à côté des tribunaux ecclésiastiques accou-
tumés à ne faire aucune concession dans les limites du
dogme.
Ses observations sur la comète tendent à confirmer ce
point de vue. La comète est un avertissement. C'est de la
supertition, on en convient; mais il ne faut pas oublier que
la superstition sous ses mille formes est le fonds de l'intel-
ligence individuelle à cette époque, et comme l'a dit M. Lu-
chaire, « l'empreinte commune à toutes les classes^ ». Dans
tous les cas, le dogme ne réprouve pas celle-ci, et l'on a pu
dire que « les comètes forment un chapitre important de
l'astrologie catholique^ ». Il en a été ainsi tant qu'on a
ignoré la nature cosmique de ces astres et les lois de leur
mouvement*.
1. Bouché-Lecler, L'Astrologie grecque. Paris, Leroux, 1899,
pp. 593-623» — Astrologie, « fille de lAstronomie, — fille folle d'une
mère sage — qui, née sous le ciel chaldéen ou sous le ciel égyptien,
sut fasciner l'esprit hellénique, obtint des mains de Ptolémée l'au-
mône d'un vêtement scientifique splendide et traversa, déguisée en
science exacte, le Moyen-âge et la Renaissance ; elle ne succomba
qu'au seuil du siècle de Newton (Lefebvre, S. J., Revue des ques-
tio7is seientiflques, 20 avril 1910).
2. Achille Luchaire, La Société française au temps de Philippe-
Auguste, p. 20.
3. Bouché-Leclercq, lac. cit., pp. 351-361.
4. Le P. Thirion : Calixte III et la Comète de 1456 {Revue des
questions scientifiques, décembre 1909). — Voir aussi : Millochan,
Les Comètes {La science au vingtième siècle, 15 mnrs 1910). —
Baillaud, Les Comètes {Revue scientifique, 14 mai 1910).
UNE VICTIME DE l' AVIATION AU XI« SIÈCLE. 213
Si nous nous dégageons des hypolhèses de l'Astrologie
appliquée, des énigmes de rApotélismatique, pour nous en
tenir simplement à l'astronomie, nous restons frappés de la
splendeur de la comète de Halley sous la plume d'Olivier.
Nous ignorons si les phénomènes qui l'accompagnent dimi-
nuent d'intensité à chaque apparition nouvelle, ainsi qu'on
a cru le remarquera II est certain que celle-là provoqua
autant d'admiration que d'effroi. Les historiens racontent
qu'elle « étendait trois grands rayons qui occupaient pres-
que toutes les parties méridionales du ciel^ », image do la
flamboyante crinière dont parle Olivier. Il n'est pas jusqu'à
ces « larmes lumineuses » qui ne répondent à une des con-
ditions du phénomène. « Du noyau de la comète, écrivait
Bessel en 1835, s'échappaient des aigrettes lumineuses diri-
gées tantôt vers le soleil, tantôt à l'opposé, comme un incen-
die que le vent éteint d'un côté pour le rallumer de l'au-
tre ^ » Le signalement est le même à près de huit cents ans
de distance, seul le choix de l'expression accentue les nuan-
ces*.
Sa tendance à l'observation ressort encore plus claire-
ment de l'erreur qu'il commet en attribuant la même ori-
gine aux deux comètes. Le pronostic de l'une et de l'autre
est identique et l'astrologie les confond. Elles sont égale-
ment belles, mais l'astronomie hésite; indifférente aux évé-
nements, et frappée cependant par les ressemblances, elle
1. L'apparition de 1739, écrit Flammarion, fut moins éclatante que
celle (le 1682 et celle de 1835 le fut moins également que celle de
1759. » Arago remarque que celles qui laissèrent la plus vive impres-
sion dans la mémoire des hommes portent les dates de 1456 et de 1066.
2. De Larrey, Hist. d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande. Rotter-
dam, 1707, t. I.
3. Louis Houllavigne, Les Comètes {Revue de Paris, décembre 1909).
4. « Les comètes périodiques ne nous reviennent jamais à des
périodes rigoureusement équidistantes; celle de Halley, la plus stable
de celles que nous connaissons, a eu des périodes successives de
76 ans 6> jours, 75 ans 323 jours, 76 ans 171 jours. » {Ibld.) L'appari-
tion de 1666 est rappelée sur une très vieille tapisserie de Rayeux. Un-
groupe de personnages l'admirent : « Toti mirant stellam. » —
*< Stella crinita (Chron. de Nuremberg).
214 MEMOIRES.
en arrive à se persuader qu'elle est en présence du même
astre. Ce n'est pas la même cependant, il s'agit ici de la
comète de Haly-Ben-Rodoam. Arago nous avertit qu'on la
considéra, en ciïet, comme une des apparitions de la comète
de Halley^ On voit que sous les incertitudes de la compa-
raison, la vérité est bien près d'éclore; cette ignorance est
si près de la science qu'on ne craint pas d'admettre qu'Oli-
vier avait le" pressentiment, de la périodicité. Nous disons
le pressentiment, car nous tenons encore comme démontré
que la science n'a atteint que beaucoup plus tard cette cer-
titude.
« Je suis bien porté à croire, écrivait Halley, éprouvant
semblable hésitation, que la comète de l'année 1531 observée
par Apianus est la même que celle qui a reparu en 1607 et
qui nous a été décrite par Kepler et par Longomontan, et
qu'enfin j'ai revue moi-même et que j'ai observée soigneu-
sement l'an 1682^ ». Olivier, qui opère sans le secours des
dates, dit simplement je l'ai vue. Il l'avait vue telle qu'il
la voyait et que se trouvait décrite celle du dixième siècle
dans la chronique de Nuremberg. A ses yeux, ce ne pouvait
être que la même, tant les caractères étaient semblables et
les événements identiques. Il y a dans l'histoire de la science
d'inexplicables lacunes. La vérité s'obscurcit à certaines
heures et disparaît pour reparaître à quelques siècles d'in-
tervalle comme si elle n'avaif jamais existé. C'est ainsi
qu'a disparu pendant longtemps la notion de la périodi-
cité.
Or, on écrivait hier : nous ne sommes plus sûrs aujour-
d'hui qu'aucun savant n'ait eu connaissance avant Halley
de la marche des comètes dans l'espace et de leur périodicité.
Une étude récente, très récente (1909), de certains passa-
ges du Talmud nous autorise à admettre que plusieurs ap-
1. « Elle jetait une clarté égale au quart de celle que la lune ré-
pand dans son plein et était trois fois plus grosse que Vénus. »
(Arago, Astronomie populaire, Paris, 1858, t. II, ch. xrii : Di^s
comètes visibles à l'œil nu, p. 315.
2. Dans la Cométographie d'Halley.
UNE VICTIME DE l' AVIATION AU XI® SIECLE. 215
paritions antérieures de la comète de Halley avaient été
observées avec soin*. Voilà donc une découverte; mais
qu'elle illusion! et c'est Halley lui-même qui vient la dissi-
per: « Il y a déjà lontemps, dit il, que l'on a soupçonné, si
Ton peut ajouter foi à ce qui est rapporté par Diodore de
Sicile, que les anciens Ghaldéens avaient acquis par une lon-
gue observation la connaissance certaine du retour des comè-
tes 2.
Et voici qu'en poussant plus avant nos recherches, nous
découvrons tout au fond de la Ghaldée cette certitude que « les
comètes viennent des profondeurs de l'espace où elles plon-
gent comme les poissons dans la profondeur des mers » et
qu'elles y retournent pour émerger de nouveau du sein de
cette immensité ^ Et voilà comment la vieille découverte
scientifique réapparaît quelquefois comme issue d'un nouveau
lieu dans un nouveau milieu et d'une nouvelle origine, et
comment la périodicité de la comète de Halley découverte
au dix- septième siècle, peut très bien avoir été devinée au
onzième, puisqu'on l'exhume aujourd'hui des chronologies
perdues dans les antiquités mortes.
Nous n'insisterons pas sur le sentiment patriotique et
religieux qui porte Olivier à maudire les comètes. Il voue la
première à l'exécration parce qu'il ne la sépare pas des mas-
sacres exercés par les païens dans un pays oii fleurit sa foi.
La seconde ne lui inspire pas une, moindre horreur parce
qu'elle apparaît comme une alliée des conquérants qui vien-
nent opprimer ce pays ou il espérait qu'un jour refleurirait
sa race. Le sol où se développent en liberté la race et la re-
ligion, c'est toute la patrie aux yeux du vieux moine saxon,
élève en ceci de l'antiquité, mais qui, moins heureux
qu'Edouard le Confesseur, déplore d'avoir trop longtemps
1. Note de M. G. Renaudot, dans la Revue générale des sciences,
15 mars 1910. Choniqiie et correspondance : Astronomie.
2. fie Monnier, La Théorie des Comètes, Paris, 1743. — Hûckel,
Les idées des anciens sur les Comètes {Revue des idées, 15 mai 1910).
3. Bouché Leclerc(i, toc. cit., p. 358. — Lenormant, La divination
chez les Chaldéens, p. 38.
216 MÉMOIRES.
vécu, assez pour être le témoin humilié des victoires d'une
race ennemie'.
Et maintenant s'il vous prend envie de dire avec un inter-
locuteur de Sénèque : Que m'importe de savoir cela et quel
profit m'en revient-il 2? nous répondrons avec Arthur Hanne-
quin : « La science d'aujourd'hui est fille de la science d'hier,
et ce serait omettre quelque chose de la science que d'igno-
rer la lente évolution d'où est sortie sa vie présente et d'où
n'ont pu que lui rester, comrpe aux plus parfaits des orga-
nismes, celles des formes ancestrales, d'ineffaçables emprein-
tes^ ». Sans doute, le système rudimen taire d'Olivier de
Malmesbury se classe, à la distance des siècles, comme un
modèle inutile, mais la conception a traversé la distance et
avec elle l'ambition de la réaliser. Il fut un temps où cette
ambition égaya les esprits, ou !a satire en travestit la forme,
où les hommes volants grimacèrent dans la caricature et où
Lalande écrivait : « Si les savants se taisent, ce n'est que
par mépris* ». Si l'on avait mieux connu le passé, on aurait
sans doute mieux auguré de l'avenir. Nous en avons la
preuve dans tou!es les manifestations scientifiques et indus-
trielles qui s'opèrent autour de la vieille conception. Est-ce
1. Vidée de Patrie, par Edmond Poincaré, dans la Revue poli-
tique et parlementaire du 10 août 1910.
2. Préface du livre 1er, ])es questions naturelles.
3. A. Hannequin, Etudes d'Hist. des sciences et d'hist. de la phi-
losophie, t. 1, Introduction, p. xlix. — L'auteur démontre que
« l'histoire de la science est susceptible de devenir une sorte d'ensei-
gnement de la science par l'histoire ». — « Il importe peu de savoir
où, pour la première fois, est apparue telle expression. Ce qui im-
porte, c'est de connaître les conditions dans lesquelles les concepts
ont pris naissance; car, de môme que dans une formation cristalline
peut se rencontrer incluse de l'eau-mêre, de même un concept garde
du milieu où il s'est cristallisé une sorte d'eau-mère. Or, s'il est vrai
que celle-ci diminue la pureté du concept, d'autre part elle permet
de reconnaître sa liaison avec d'autres concepts. De pareils rensei-
gnements seront toujours utiles, quand il s'agira de l'élaboration et
de l'épuration d'un concept » (W. Ostwald, La science et l'histoire
des sciences, trad. par E. Philippi, dans la Revue du inois, 10 mai
1910, p. 513).
4. Journal de Paris, 23 mai 1782.
UNE VICTIME DR l'aVIATION AU Xl« SIÈCLE. 217
à dire que l'avenir appartienne au vol simplifié cFIcare ?
c'est le vol olympien ; nous n'y pouvons prétendre. « Les
téméraires chercheurs d'ailes battantes se heurtèrent jus-
qu'ici à d'insurmontables difficultés », a écrit M. Rolls ^
L'histoire vient de le montrer à ses débuts et, s'il est
une partie de l'aéronautique à laquelle s'applique le doute
mélancolique de Gabriele d'Annunzio, c'est bien au vol
Icarien^. Cette étude n'a pas eu pour but d'ailleurs d'abor-
der ces problèmes. On a simplement voulu rendre à une
physionomie mal connue la place qui lui est due au chapitre
premier de l'histoire de l'aviation.
1. W. Rolls : Comment vole un aéroplane; les oiseaux, p. 11. —
G. Péraud affirmait encore en 1886 que les ailes artificielles articulées
étaient seules capables de résoudre le problème.
2. « Peut-être que si; peut-être que non : Lefèvre à Juvisy, Ferber
à Boulogne, Fernandez à Nice, Delagrange à Bordeaux, Leblond à
Saiiit-Sébaslien, Robl à Breslau, Watchter à Beteny, Steward Rolls
à Bournemouth, Daniel Kinct â Gand et son frère à Stockel, pour ne
citer que les noms inscrits au grand martyrologe : Forse che no.
lOe SÉRIE. — TOME X. 17
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 219
LES DÉBUTS DU JOURNAL
A TOULOUSE
Par m. le baron DESAZARS DE MONTGAILHARD^
Le journal, tel que nous Tentendons aujourd'hui, ne pou-
vait naître qu'avec l'invention de l'imprimerie, car l'impri-
merie était seule capable de satisfaire aux besoins d'une
publicité multiple et rapide. Mais il aurait dû naître immé-
diatement après, puisque l'instrument nécessaire à sa publi-
cité était trouvé. Ce ne fut pourtant qu'au commencement
du dix-septième siècle qu'il débuta, et presque simultané-
ment en France, en Angleterre et en Hollande.
On a longtemps discuté la question de la priorité, et on l'a
généralement tranchée en faveur de Venise, en s'appuyant
sur l'étymologie du mot < gazette », gazetta, dont on s'est
d'abord servi pour désigner ce genre de publication. C'était
à l'époque des guerres contre les Turcs, qui préoccupaient
tous les esprits. Pour satisfaire la curiosité publique, le gou-
vernement de Venise faisait lire, dit-on, sur la place publi-
que, un résumé des nouvelles qu'il avait reçues du théâtre
de la guerre et qui étaient consignées sur des feuiliee de
papier qu'on désignait sous le nom de Fogliavvzsi. On don-
nait une petite pièce de monnaie, frappée en 1536 et appelée
gazetta, pour entendre cette lecture ou pour prendre con-
1. Lf>ctures faites à l'Académie, les 18 et 20 janvier 1910.
220 MEMOIRES.
naissance de ce qui avait été lu. D'autres ajoutent que ces
nouvelles étaient consignées sur un « cahier » appelé Noti-
zie scritte et que ce cahier se vendait une gazetta^ d'où le
nom de « gazette » donné par le public à ce cahier.
A la même époque, la maison de banque des Fugger
publiait presque chaque jour, à Augsbourg, en Bavière, une
espèce de journal intitulé Ordinari- Zeitungen\ et parfois
un supplément portant pour titre Extraordinari-Zeitungen.
Le prix du numéro était de 4 kreuzers pour chacune de
ces feuilles. L'abonnement pour toute l'année, y compris les
frais de distribution à domicile, s'élevait à 25 florins pour
recevoir les deux publications et à 14 florins pour les Oy^di-
nari-Zeitungen seuls. La Bibliothèque impériale de Vienne
conserve une collection de ces journaux qui va de 1568 à
1604, et l'on peut y lire des lettres écrites dans les divers
idiomes des pays dont elles provenaient: l'italien y domine,
parce qu'il était la langue commerciale de l'époque.
Les Anglais ont revendiqué pour leur pays l'initiative de
la création du journal; mais il a été reconnu que les trois nu-
méros d'un Mercure portant la date de 1588 et conservés au
British Muséum étaient le produit d'une supercherie litté-
raire dont l'auteur serait Lord Harwicke.
L — Création de la « Gazette », a Paris.
En réalité, le premier journal, dans l'acception actuelle
du mot, est né en France, et l'on doit sa création à un méde-
cin, Théophraste Renaudot, originaire de Loudun, dans le
Poitou, et venu à Paris, en 1612, à l'instigation du célèbre
capucin. Frère Leclerc du Tremblay, plus connu sous le
nom de Père Joseph, et, plus tard, d'Eminence grise, lors-
qu'il fut le principal collaborateur du cardinal de Richelieu
1. Le mot Zeilun g signifie, à proprement parler, « chose du temps,
événement ». On en a fait, dans l'îicception usuelle, « nouvelle (d'un
événement), journal, gazette » (feuille imprimée qui rapporte les nou-
velles du temps).
LES DEBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 221
devenu premier ministre de Louis XIII. Telle est la version
habituelle des historiens qui se sont occupés des origines de
la Presse en France*, et nous la croyons exacte. Mais ce
que nous ne saurions admettre, c'est que Tidée du journal
ait été exclusivement inspirée à Renaudotpar les petites feuil-
les volantes, imprimées en cachette, qui se vendaient sous
le nom de Nouvelles à la main ou de Gazettes, et qu'on
lisait avec avidité.
Après avoir fait ses études médicales à Montpellier et y
avoir été reçu docteur en médecine à l'âge de dix-neuf ans,
Renaudot s'était mis à voyager en Italie pour y recueillir ce
qu'il y « trouverait de meilleur en la pratique de son art >.
C'était un esprit curieux et réfléchi, et il avait également
étudié les institutions économiques et philanthropiques de la
Péninsule.
Rentré à Loudun, il n'avait pas tardé à y acquérir une
véritable célébrité en « s'appliquant à de fréquentes anato-
mies, à la connaissance des simples et à la propagation des
remèdes plus curieux, comme en témoignent ses livres >,
a-t-il dit de lui-même. Ces remèdes curieux étaient les re-
mèdes chimiques, alors tout nouveaux, qu'il savait employer
avec succès.
11 ne se contenta pas de soigner des malades et de publier
des livres sur la médecine. A ses études médicales comme
à sa pratique professionnelle il joignait des idées huma-
nitaires qu'il manifestait et qu'il appliquait journellement.
Sur ces entrefaites, Henri IV était tombé sous le couteau de
Ravaillac (1610) et les partis féodaux s'apprêtaient à relever
la tête. La tranquillité publique était menacée tout à la fois
par les factions des grands et par la misère du peuple. Le
Père Joseph avait eu l'occasion, dans ses tournées conven-
tuelles, de voir l'évèque de Luçon, Richelieu, qui s'ennuyait
profondément dans son misérable diocèse et qui ne deman-
dait qu'à se démontrer sur un théâtre plus important. Il
avait reconnu en lui une intelligence supérieure et il le
\. Hatin, llist. de la Presse en France ^ Paris, 1859, 1. 1, pp. 70 et s.
222 MÉMOIRES.
représenta à la Reine -Régente comme capable de mener à
bonne fin les plus grandes affaires politiques.
D'autre part, le Père Joseph avait été frappé des idées
économiques et philanthropiques de Théophraste Renaudot;
et, quoiqu'il fût protestant, il résolut de l'introduire à la
Cour. Dès 1612, il fit appeler Renaudot en qualité de méde
cin ordinaire et de conseiller du Roi. Et, peu à peu, s'établit
entre ces trois personnages, Richelieu, le Père Joseph et
Renaudot, une entente complète qui se traduisit par une col-
laboration assidue pour tout ce qui concernait les affaires
politiques et sociales. Il en fut surtout ainsi lorsque Riche-
lieu, devenu tout-puissant, fut fait cardinal en 1622 et
devint premier ministre en 1624.
Renaudot quitta définitivement Loudun, en 1625, pour
s'établir à Paris, où il s'occupa d'améliorer la situation des
pauvres et des malades en établissant des bureaux de charité
dans chaque paroisse, des maisons de travail pour les valides
des deux sexes et des hôpitaux pour les invalides civils et
militaires. Enfin, autorisé depuis 1618 à établir des Bureaux
d'Adresse et de Rencontre pour venir en aide aux malheu-
reux qu'il voulait libérer de la misère par le travail, il mit
tons ses soins à leur organisation définitive. Pour populari-
ser le Bureau qu'il établit à Paris, en 1630, il créa un organe
d'information qu'il intitula : « Inventaire des Adi^esses du
Bureau de Rencontre^ où chacun peut donner et recevoir des
avis de toutes les nécessitez et commoditez de la vie et société
humaine* ». Cet Inventaire est des plus intéressants à lire.
Il est rempli de renseignements spéciaux pour les miséreux
malades ou cherchant du travail, tels que « expériences
curieuses, remèdes nouveaux, traitement des maladies secrè-
tes, adresses d'avocats cherchant des causes, liste des études
de procureurs et de notaires à vendre, adresses d'apprentifs
cherchant maistres et de raaistres cherchant apprentifs, noms
1. On peut voir un exemplaire de cet Inventaire à la Bibliothèque
municipale de Rouen, et un autre, plus complet, à la Bibliothèque
Mazarine, à Paris.
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 223
de toutes les personnes de considération dont on a besoin,
adresses de chemins ez paj^s éloignés, maisons à louer,
gardes-malades, informations de mariage, changements de
quartiers... », etc., etc.
Pour faire connaître le Bureau d'Adresses, Renaudot fit
afficher le placard suivant dans tous les quartiers de Paris
et jusque dans les faubourgs :
« De par le Roy,
« On fait assavoir à toutes personnes qui voudront ven-
« dre, achepter, louer, permuter, prester, apprendre, ensei-
< gner; aux maistres qui veulent prendre des serviteurs et
« à ceux qui cherchent condition pour servir en quelque
« qualité que ce soit; à ceux qui auront les lieux, commo-
« ditez et industries propres pour estre employez à quelques-
« unes des choses mentionnées en ce présent, ou qui auront
< d'autres advis à donner ou recevoir pour toutes sortes
« d'affaires, négoces et commoditez quelconques, qu'ils y
« seront reçus indiff'éremment sans qu'on y préfère ou favo-
« rise aucun aultre que celuy qui fera la condition du public
€ meilleure; et qu'ils se pourront addresser au Bureau esla-
« bly par Sa Majesté pour la commodité publique, qui est
« ouvert depuis huict heures du matin jusques à midy et
« depuis deux jusqu'à six de relevée, ausquelles heures cha-
« cun sera reçu à y venir ou envoyer, donner et rencontrer
< l'adresse qu'il désirera.
« Ledit Bureau d'Adresse se tient près le Palais, rue de la
« Calandre, et au Marché-Neuf, à l'enseigne du Coq. »
Les droits à payer ne pouvaient excéder trois sous « pour
€ chacun enregistrement ou extrait desdits registres et gra-
< tuitement pour les pauvres, et sans qu'aucun soit contraint
« de se servir desdits bureaux, tables et registres, si bon ne
< lui semble. >
A ce Bureau d'Adresse et de Rencontre^ où la publicité
commerciale était gratuite pour les pauvres, devaient se
joindre bientôt les Ventes à grâce^ troque et rachat, et, en
1637, les Monts-de-piété,
224 MÉMOIRES.
Établies sur de telles bases, relevant directement de Taiito-
rité royale et destinées surtout au soulagement des malheu-
reux, ces diverses institutions ne pouvaient qu'être favora-
blement accueillies. Elles n'échappèrent pas pourtant aux
critiques et aux calomnies. Elles furent l'objet de nombreux
libelles. La magistrature elle-même se montra hostile à
l'œuvre de Renaudot, toutes les fois qu'elle fut appelée à
en connaître, notamment le Ghâtulet.
D'autre part, une guerre acharnée était faite à Richelieu
et à sa politique. On multipliait contre lui les pamphlets les
plus violents; on lisait avec avidité les Nouvelles à la main
qui dénaturaient journellement ses actes pour les livrer à la
malignité publique. Renaudot proposa à Richelieu d'établir,
pour y répondre, une publication périodique paraissant cha-
que semaine. Il en avait les éléments dans son Bureau
d'adresses qui constituait une véritable agence d'information
commerciale et industrielle et où il recevait de nombreuses
nouvelles qu'il mettait à la disposition de ses clients. Et il
en avait les moyens grâce à l'imprimerie qui y était annexée
pour composer les billets d'annonce qu'il faisait distribuer
suivant les nécessités du jour. Richelieu comprit immédia-
tement de quelle utilité pouvait lui être une pareille publica-
tion. Il y donna son adhésion et promit aussi son concours.
Il en fut de même de Louis XIII, lorsque Richelieu lui sou-
mit la demande de Renaudot. Et, le 30 mai 1631, était
octroyé « par Sa Majesté à Théophraste Renaudot, l'un de
« ses conseillers et médecins ordinaires, maistre et inten-
« dant des Bureaux d'adresses de ce Royaume, et à ses en-
« fants, successeurs ou ayants droit de lui, le privilège de
« faire, imprimer, faire imprimer et vendre, par qui et où
« bon leur semblera, les nouvelles, gazettes et récits de tout
« ce qui s'est passé et passe tant dedans que dehors le
« royaume, conférences, prix courant des marchandises et
« autres impressions desdits bureaux, à perpétuité, et tant
« que lesdites gazettes, nouvelles et autres impressions au-
« ront cours en ce dit royaume; et ce exclusivement à tous
« autres », Défenses étaient faites, à peine de 6,000 livres
LKS DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 225
d'amende, de « troubler ledit Renaudot dans l'impression et
vente de ses dites gazettes et autres dépendances de son
Bureau d'Adresse ».
Dès l'obtention de ce privilège, Renaudot s'empressa de
faire paraître une feuille imprimée de quatre pages, format
petit in-4", qu'il appela simplement la Gazette. Ce titre de-
vait d'autant mieux faire comprendre le but et la portée de
la publication qu'il était vulgairement employé pour désigner
les Nouvelles à la main qui se distribuaient plus ou moins
clandestinement et qui étaient colportées un peu partout.
Mais les premières feuilles qui parurent ne portaient ni
date, ni numéro d'ordre. Elles étaient simplement signées
d'une lettre de l'alpbabet. On ne peut donc dire quel fut
réellement le jour où la Gazette parut pour la première fois.
On ne trouve une date qu'à la fin de la Gazette portant la
lettre majuscule F et qui se termine ainsi : Du Bureau
d'Adresse, au Grand Coq, sortant au Marché-Neuf, près le
Palais, à Paris, le 4 juillet 1631, avec privilège. Gomme
cette lettre F est la sixième de l'alphabet, et comme Renau-
dot faisait paraître son journal hebdomadairement, il s'en
suivrait que la première feuille de la Gazette remonterait au
30 mai 1631, c'est-à-dire au jour même où Renaudot avait
obtenu son privilège. Ge n'est là qu'une hypothèse émise par
Hatin en son Histoire de la Presse en France. Elle est d'au-
tant plus admissible que la Gazette ne fit que continuer
périodiquement et en l'agrandissant le bulletin que Renau-
dot faisait paraître au jour le jour sous le nom de Bureau
de l'Ady^esse et de V Extraordinaire.
La Gazette réussit si bien que, dès le 28 novembre 1631,
elle doubla son format qui fut porté à huit pages in-4°, ou
pfutôt qu'elle adjoignit à sa feuille de quatre pages intitulée
la Gazette une feuille annexe de quatre autres pages et du
môme format, portant le titre de Nouvelles ordinaires de
divers endroits. Plus tard, furent encore ajoutés, suivant
le cas, des Suppléments et des Extraordinaires.
Ges premiers numéros do la Gazette ne ressemblent guère
aux journaux d'aujourd'hui. On n'y retrouve pas d'articles
226 MÉMOIRES.
vraiment politiques à la façon de ce qu'on nomme actuelle-
ment un « premier-Paris » ou un éditoriaL Renaudot se con-
tenta d'y donner les nouvelles qu'il recevait tant de France
que des pays étrangers, en commençant toujours par ces
derniers, et il expliquait ainsi son mode de procéder dans sa
préface des Gazettes àa 1631 : « L'ordre des temps et la suite
des dates m'obligent, dit-il, à commancer mes relations par
les lieux les plus esloignés pour finir par la France, par où
peuvent néantmoins commancer ceux qui voudront suivre
celuy de la dignité; tandis que mes correspondances se vont
formant jusques aux pais les plus esloignés pour vous en
rendre le meilleur compte qu'il me sera possible. »
Renaudot fut aidé dans la rédaction de sa Gazette par le
célèbre généalogiste Pierre d'Hozier, dont la correspondance
était très considérable soit en France, soit à Tétranger. Ils
avaient formé ensemble le plan de cette publications et
d'Hozier communiquait à « son ami Renaudot » toutes les
nouvelles qu'il apprenait par ses correspondants.
Richelieu ne se contenta pas de favoriser la publication
delà Gazette. Il y fit insérer, pour faciliter sa politique, des
relations, des notes et nombre de pièces officielles ou semi-
officielles. De son côté, Louis XIII lui fournissait person-
nellement des articles. Aussi Renaudot pouvait-il dire fière-
ment, et non sans raison, que sa Gazette était « le journal
des Roys et des puissances de la terre ». La Cour et la Ville,
le Parlement et TArmée s'habituèrent ainsi à aller chercher
dans les feuilles volantes de Renaudot l'histoire au jour le
jour des hauts faits, des batailles, des condamnations, des
exécutions, des ridicules, en un mot de tous les événements
grands et petits de leur temps.
Lorsque Richelieu mourut, le 4 décembre 1642, Renaudot
resta bien en cour, car il obtint, malgré de longues entraves,
l'autorisation de^bâtir VHostel des consultations charitables.
Mais, à. la mort de Louis XIII qui suivit d'assez près celle
de son premier ministre, la Reine-Régente, Anne d'Autri-
1. Voir le Bictioniiaire des Anonymes, 2e édition, no 6,939.
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 227
che, fut circonvenue par les nombreux ennemis de Renau-
(let, à la tête des(|nels se trouvait Guy- Patin, pour lui faire
enlever ses divers privilèges. Le Parlement fut saisi par
l'Université de demandes en suppression de toutes les insti-
tutions qu'avait fondées Rcnaudot, et ces institutions furent
en effet supprimées. Il lui enleva môme le droit d'exercer
la médecine à Paris. Seule, la Gazette put survivre, et
Renaudot finit par entrer dans la faveur de Mazarin plus
encore qu'il n'avait été dans celle de Richelieu. En arri-
vant au pouvoir au moment où la manie des pamphlets
faisait rage, le nouveau ministre avait compris de (juel
secours lui serait le seul journal qui existait à cette époque.
Non seulement il maintint à la Gazette son caractère ofii-
cieux, mais encore il augmenta son crédit. Pour assurer le
mérite littéraire de la Gazette^ Richelieu avait attaché à sa
rédaction des écrivains distingués, tels que Mézeray, Beau-
tru. Voiture, La Galprenède. Du temps de Mazarin, c'est à
Le Tellier, Beautru et de Lionne que Renaudot devait com-
muniquer la rédaction de son journal.
A la mort de ïhéophraste Renaudot, survenue le- 25 octo-
bre 1653, la Gazette fut continuée par ses fils, Eusèbe et
Isaac, tous deux médecins, puis par son petit-flls, Eusèbe,
deuxième du nom, connu sous le vocable d'abbé Renaudot,
qui succéda à son père en 1679 et qui mourut en 1720.
La Gazette avait créé dans les habitudes des Parisiens un
besoin de curiosité que les événements de la Fronde avaient
rendu encore plus vif. Ne pouvant créer d'autre journal,
les adversaires de Mazarin y avaient suppléé par des libelles,
des satires, des pamphlets; et ces adversaires étaient nom-
breux et redoutables, car Mazarin avait contre lui le Peuple
et le Parlement. La Cour avait dû quitter Paris le 6 jan-
vier 1649 et Renaudot avait reçu Tordre de la suivre à Saint-
Germain avec l'imprimerie dont il avait la direction. 11
obéit, mais il se préoccupa de l'avenir. Le Parlement pou-
vait créer un autre journal en concurrence avec le sien. Et,
la guerre finie, qui l'emporterait du gazetier du Palais royal
ou du gazetier du Palais de justice? Renaudot conjura ce
228 MÉMOIRES.
danger en faisant créer par ses fils un nouveau journal qu'il
intitula le Courrier français, journal du Parlement. Son
succès fut d'autant plus grand que les Parisiens, gccoutumés
à lire la Gazette, étaient littéralement consternés de sa dis-
parition. « L'on y courait comme au feu, dit un contempo-
rain, Ton s'assommait pour en avoir; les colporteurs don-
naient des arrhes la veille, afin qu'ils en eussent des
premiers; on n'entendait, le vendredi, crier autre chose
que le Courrier français, et cela rompait le cou à toutes
les autres productions de l'esprit. >
Cependant, le Courrier français était moins bien informé
que la Gazette, et un autre contemporain, Naudé, s'en plai-
gnait en ces termes : « Le Courrier de nouvelle invention,
qui se clabaude tous les matins, de fort bonne heure, est
assez mal informé, et, pour le dehors, si la Gazette de Saint-
Germain ne suppléait tellement quellement à ses oubliances,
nous ne saurions rien du tout... »
Un poète, appelé Saint-Julien, et qui ne manquait ni d'es-
prit, ni de gaieté, se mit à traduire le Courrier français en
vers burlesques. Sa facilité à versifier était grande, car moins
de quarante-huit heures lui suffisaient pour la traduction et
pour l'impression de son journal, qui paraissait le diman-
che, tandis que le CourrHer français paraissait le vendredi.
Mais en 1650, quand Mazarin eut triomphé de la vieille
Fronde, Saint-Julien abandonna le parti des Princes et leur
fit une guerre encore plus vive que celle qu'il avait faite au
parti de la Cour.
A son tour, le Courrier français eut des imitateurs, et
l'on vit naître successivement : le Courrier de la Cour, por-
tant les nouvelles de Saint-Germain ; — le Journal poétique
de la Guerre parisienne, par Mathieu Questier, dédié aux
Amis du Roi, des Lois et de la Patrie; — le Bahillay^d du
temps, en vers burlesques; — la Gazette des Halles, dont
la destinée fut éphémère; — le Burlesque On de ce temps,
qui sait, qui fait et qui dit tout, lequel ne dura que huit
numéros, quoiqu'il fût rempli de verve; — le Courrier du
Temps, qui fut un libelle plutôt qu'un journaL
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 229
Pendant ce temps, on avait vu égaleniont paraître le
Courrier Bourdelais, commencé en 1649 lors de la pre-
mière guerre de Bordeaux et qui se continua durant la
deuxième et la troisième guerre, mais qui n'eut que onze
numéros, et le Courrier de la Guyenne. Tous deux étaient
frondeurs. On leur opposa le Courrier de Bourdeaux, qui
soutenait le parti royaliste. Malgré leur titre, aucun de ces
journaux ne s'imprimait ou ne se publiait à Bordeaux. Ils
sortaient des presses parisiennes, comme le Courrier de Pon-
toise, le Courrier polonais, et d'autres encore })ortant des
noms de localités sans qu'ils y fussent composés.
II. — Reproduction de la « Gazette », a Toulouse.
Cependant, le journal était trop entré dans les mœurs et
dans les besoins du temps pour que la province ne finît pas
par en bénéficier à son tour. Mais, comme la (ra^^/^ê jouis-
sait d'un privilège exclusif tant pour Paris que pour tout le
royaume, il était difficile, sinon impossible, de lui créer des
concurrents provinciaux. Elle en profita pour céder son pri-
vilège à certains imprimeurs de la province et les autori-
ser à reproduire chaque semaine son édition de Paris. C'est
du moins de cette manière qu'elle procéda à Toulouse.
Nous n'avons pu retrouver l'époque où elle débuta ainsi.
Les deux collections que possède la Bibliothèque munici-
pale sont incomplètes. Celle qui remonte le plus haut com-
prend les années 1675 à 1706 avec une lacune pour l'année
1693 qui a dû être égarée. Elle porte cette mention manus-
crite : « Pro communi Bibliotheca Co7iventus Tolosani FF.
Prœdic{atorum). Donné par Maistre Thomas, nostre apo-
thicaire ». La seconde collection va de 1700 à 1746 et porte
le nom de Bertrand. Ce nom est sans doute celui de l'ar-
chéologue toulousain, qui vivait au dix-huitième siècle et qui
est mort en 1809. Malheureusement, le premier numéro de la
plus ancienne de ces collections, remontant à 1675, fait défaut
et nous no pouvons par suite savoir s'il contenait quelque
5^
230 MÉMOIRES.
avis faisant connaître qu'il commençait une série on qu'il la
continuait. D'autre part, rien n'indique que la Gazette im-
primée à Toulouse ait cessé sa publication en 1746, quoique
cette année soit la dernière qui ait été conservée à la Biblio
thèque de la ville. 11 semble, au contraire, résulter d'une
correspondance conservée aux Archives départementales de
la Haute-Garonne S entre l'intendant du Languedoc, rési-
dant à Montpellier, M. de Saint Priest, et son subdélégué à
Toulouse, M. Amblard, que la Gazette continua à être réim-
primée à Toulouse jusqu'à l'année 1761, époque à laquelle
1'^'^ son privilège fut révoqué, ainsi que nous le ferons connaître
.-^ plus loin.
^y \ La Gazette réimprimée à Toulouse ne paraissait qu'une
y fois par semaine, le dimanche; mais sa distribution était
ajournée au lundi quand le courrier de Paris n'arrivait que
le dimanche'^.
Chaque numéro se composait de huit pages petit in 4^ à
deux colonnes et se terminait ainsi : Jouxte la Copie ïm-
pyHmée à Paris au Bureau de l'Adresse. Le « Bureau de
l'Adresse » de Paris fonctionnait comme les agences actuel-
les de la Presse parisienne, centralisant les nouvelles du
jour, les rédigeant et les envoyant ensuite aux Gazettes de
la province qui se contentaient de les reproduire. Seulement,
cette reproduction était littérale et intégrale, tandis qii'au-
jourd'hui elle est facultative et peut être modifiée.
Chaque numéro de la Gazette était accompagné d'un sup-
plément portant le même numéro et daté du même jour,
composé de quatre pages du même format que la Gazette
et continuant sa pagination. Ce supplément était intitulé :
NovvELLES ORDINAIRES. Il ne différait pas de la Gazette pro-
prement dite ni pour la «nature des matières, ni pour le
mode d'impression.
Chaque numéro de la Gazette se terminait ainsi, au début
de la collection conservée à la Bibliothèque de la ville :
1. Série G, 147.
2. Avis inséré dans la Gazette, n» 48, du 27 novembre 1713, p. 192,
c. 2, et numéros suivants.
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 231
A ToLOSE, LE (jour, mois et an)
Par Iean et I. Jacques Bovde, imprimeurs du Roy, des
Etats généraux de la Province de Languedoc et de
rVniversité de Tolose.
Auec Privilège.
Jean-Jacques Boude étant décédé au mois de mars 1675,
c'est sa veuve qui lui succéda, et les numéros suivants por-
tent la mention de son nom joint à celui de son beau-frère :
A ToLOSE, le 20 mars 1675
Par Iean Bovde et la Vevue de I. lacques Bovde, impri-
■ meurs du Roy, des Estât s généraux^ de la Province de
Languedoc et de V Vniversité de Tolose, près le Collège
de Foix.
Auec Privilège.
A partir du n*" 45 de la Gazette et des Novvelles Ordinai-
7^es du 10 novembre 1676, la mention finale ajoute :
Et se vendent à la Porterie, à la boutique dudit S' Boude
Auec Privilège.
La rue de la Porterie a aujourd'hui disparu par l'agran-
dissement de la place du Gapitole. Elle se trouvait presqu'en
face de la rue Saint-Rome et débouchait presqu'en face la
rue du ïaur.
A partir de l'année 1678, et dès le premier numéro daté
du 4 janvier, Jean Boude est seul indiqué comme impri-
meur de la Gazette et des Novvelles Ordinaires. C'est sans
doute qu'il était devenu l'unique concessionnaire du privi-
lège.
La lettre initiale du mot Gazette était historiée. Elle se
trouvait dans un écusson carré entouré de palmes et était
surmontée de.sept étoiles, posées 5 et 2. Dans l'intérieur de
la panse du G qui tenait tout le carré, on voyait une flèche
232 MEMOIRES.
allant de gauche à droite vers les étoiles. Les autres lettres
du mot Gazette étaient des capitales simples.
Les caractères typographiques qui étaient employés
étaient, en général, du 7. Parfois, certains articles étaient
composés en 9 ou en 10.
Le numéro 17 de la Gazette du 22 avril 1681 porte à la
fin de la huitième page (foliotée 204) cette annonce : —
« Tout le discours de la Gazette de France, d'aujourdhuy
en avant, sera mis dans un seul Gayer, sans y ajouter ny
diminuer, pour la conduite du Public, et ne se vendra qu'au
prix ordinaire, un sol la pièce. >
Dans le numéro suivant du 27 avril 1681, le titre change.
Il n'est plus seulement : Gazette^ mais Gazette de Frange.
Le journal s'imprime désormais sur deux colonnes et en
plus petits caractères. Il est restreint à quatre pages et les
Nouvelles ordinaires cessent d'y être jointes. La typogra-
phie devient très défectueuse.
Le titre est de nouveau modifié en 1684, à partir du nu-
méro 13 du 28 mars, sans explications sur ce changement.
On revient au titre primitif portant simplement le mot
Gazette. Les caractères typographiques sont un peu plus
forts, et le nombre des pages est porté à huit pour chaque
numéro. A la fin de la dernière page se trouve l'indication
suivante :
A Toulouse
Chez Jean Boude, le Jeune, à la Porterie, où se tient le
Bureau des Gazettes de France et des Pais Estrangers.
On donne avis au PubHc que les Gazettes des Païs Eslrangers
arrivent deux fois la semaine, le dimanche et le jeudy.
En 1685, les deux colonnes par page sont supprimées.
Chaque numéro se compose de seize pages. C'est l'année de
la révocation de l'Edit de Nantes. On annonce que cet Edit
a été imprimé et qu'on le distribue au Bureau des Gazettes
avec « d'autres Edits et Déclarations donnés en faveur de
ceux de la Religion Prétendue Réformée. »
A partir du numéro 28 du 12 juillet 1692, le titre de la
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 233
Gazette change. Son grand G avec les sept étoiles est rem-
placé par un G plus petit, enfermé dans un carré de feuil-
lage avec une fleur à cinq pétales dans le milieu. Les au-
tres lettres capitales du mot Gazette deviennent également
plus petites. Le journal n'a que quatre pages à deux colonnes.
Les caractères employés sont d'un type plus petit, mais plus
net. Le papier est meilleur.
En 1696, l'imprimeur Jean Boude meurt, et sa belle-sœur
lui succède. A partir du n*» 38 du 22 septembre de cette
année, la Gazette porte cette mention à la quatrième page :
A Toulouse
Chez la veuve de J.-J. Boude, imp^Hmeur
et marchand libraire,
La veuve Boude avait en effet « la cession du privilège >
de la Gazette (de Paris) pour les provinces de Languedoc et
de Guienne, ainsi que nous l'apprend le numéro 32 de la
Gazette^ imprimée à Toulouse en date du 5 août 1702*.
A partir du numéro 36 du 6 septembre 1710, le privilège
de la Gazette passe à Claude-Gilles Lecamus, « imprimeur
du Roi, de la Cour, des Etats généraux de la Province de
Languedoc et de l'Université, à la Porterie >. Dans le nu-
méro 38 du 20 septembre 1710, nous le voyons ajouter qu'il
est, en outre, l'imprimeur du Clergé, et, à partir du nu-
méro 46 du 15 novembre 1710, qu'il est également l'impri-
meur des Etats généraux de Foix.
A la mort de Claude-Gilles Lecamus, sa veuve lui suc-
céda et continua son privilège jusqu'à sa cessation en mars
1752.
La Gazette étant imprimée à Toulouse « jouxte la copie
imprimée à Paris, au Bureau de l'Adresse >, ainsi que l'in-
diquait chaque numéro à la fin de la quatrième page, ne con-
tenait pas de chroni(jue locale proprement dite.
C'est par exception qu'on lit dans le numéro 19 du 5 may
1. In fine, p. 128, c. 2.
10e SÉRIE. — TOME X. 18
234 MEMOIRES.
1681, page 212, tout à fait à la fin de la dernière page, cet
avis au public : — « On a volé des Calices d'argent et le
Saint-Ciboire dans une des Eglises du Diocèse de Lodève.
On prie ceux qui auroient quelque connoissance de ce vol
d'en donner avis ou à M^'' l'Evêque de Lodève, ou à M. Be-
lot, procureur au Parlement de Toulouse, demeurant en
cette ville, proche la porte de Montgaillard. »
En 1686, dans le numéro 3 de la Gazette du 28 janvier et
en sa dernière page, nous retrouvons une véritable locale.
Elle est ainsi libellée :
« De Toulouse, le ^3 larivier 1686.
« On fit ici, la semaine dernière, l'élévation de saint Clair,
martyr, dans Téglise des RR. PP. Augustins du Couvent
général. Le Chapitre de l'Eglise Métropolitaine de Saint-
Estienne fit l'ouverture de cette solennité le 14 de ce mois
par une procession, et une Messe chantée par la musique.
Le 15, les PP. Jacobins y vindrent aussi en procession,
pour y célébrer les divins Mystaires. Le 16, les PP. Cor-
deliers. Le 17, les PP. Carmes. Le 18, les PP. Trinitaires.
Et le 19, les PP. de la Mercy firent de même avec beau-
coup de majesté et de dévotion. Le 20, les PP. Augustins
firent eux-mêmes TOCfice avec une magnifique procession
après Vêpres, où Ton portoit le corps de ce glorieux saint
Martyr dans une fort belle chasse, et son Chef dans un au-
tre. Le 21, le Chapitre de Téglise Collégiale de Saint-Sernin
fit la clôture de cette pieuse octave, avec autant de pompe
et de zèle qu'on en pouvoit souhaiter d'une Communauté si
Auguste. Il y avoit tous les jours un grand concours de
peuple, on y a même remarqué quelques nouveaux cou-
vents, qui temoignoient beaucoup de respect et -de dévo-
tion. »
Cette relation paraît avoir été communiquée à la Gazette
imprimée à Paris plutôt qu'à la Gazette réimprimée à Tou-
louse, car elle a toutes les formes des communications adres-
sées au Bureau de l'Adresse
Les annonces commerciales ou industrielles n'existaient
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 235
pas. La Gazette se bornait à annoncer dans sa dernière page
les publications venant de Paris et en vente à la boutique de
son imprimeur-libraire, et celles qui étaient faites à Tou-
louse.
C'est ainsi qu'on peut lire dans le numéro 57 du 48 décem-
bre 1685 l'annonce suivante :
De Toulouse
Grapignan, procureur^ en vers gascons^ par l'illustre
M. Declarac Duvernet au Pais de Foix.
Grapignan, procureur, plaidant d'un nouveau ton,
Paroit dans cette Ville en habit de Gascon,
Et, pour y débiter ses contes et sornettes,
Eslit son domicilie au Bureau des Gazettes.
Cette annonce reparaît dans plusieurs numéros suivants.
Elle est remplacée par celle-ci au numéro 3 du 15 jan-
vier 1686 :
Lutrigot, poème Héroï Couiique.
C'est l'auteur du Lutrin, surnommé Lutrigot,
Dans un poème à grands Vers, qui, berné comme un sot,
Paroit dessus la scène au Bureau des Gazettes
Où Grapignan Gascon débite ses sornettes.
Ce petit poème burlesque de Grapignan^ qui étaitune satire
en vers gascons contre les procureurs, paraît avoir eu un
grand succès, car on le retrouve souvent annoncé dans la
suite avec d'autres publications et même réimprimé et « aug-
menté de nouveau ». Il figure, notamment, avec les Quatrains
de Pihrac « mis en nouveau françois », et les poésies d'Ami-
Ibat en langue moundine dans le numéro 46 du 17 novem^
bre 1691 (page 368).
Les autres annonces de livres concernaient surtout des
ouvrages religieux.
Au mois de mai ou de juin, on voyait habituellement figu-
rer l'annonce du Recueil des pièces présentées à r Aca-
démie des Jeux floraux qui se vendait 10 sols broché
avec couverture en papier marbré et 15 sols relié en ba-
236 MÉMOIRES.
sane '. En 1711, ce Recueil se vendit 15 sols broché et
20 sols relié « à cause de sa grosseur », dit l'annonce*.
La Gazette réimprimée à Toulouse n'ayant été conservée
à la Bibliothèque municipale que jusqu'à l'année 1746 inclu-
sivement, nous ignorons comment elle continua à partir de
ce moment. Nous savons seulement qu'elle cessa brusque-
ment à paraître fin mars 1752, et voici en quels termes
Pierre Barthès nous l'apprend dans ses Heures perdues^ :
<< Avril [1752].
« Le premier de ce mois, samedy, comme on s'attendoit
à voir la Gazette^ selon la coutume, on a été surpris de rece-
voir de la veuve de M. Le Camus, un avis qui porte que :
« Le public a été prévenu dès le mois de juillet dans l'année 1751
que la Gazelle de France ne seroit plus imprimée dans la province;
ce projet ayant été authorisé par le Roy, la veuve Lecamus est
obligée de cesser l'impression de cette Gazelle, à Toulouse, le
1er avril 1752. »
c( On dit, et le bruit court qu'on a formé un parti là des-
sus. Ce sera confirmé sans doute, et quoique les nouvelles
ne doivent émaner que de la Capitalle du Royaume, nous
verrons à quel prix on le taxera et si nous pourrons nous en
accomoder. On peut s'écrier avec le poète :
Quid non morlalia peclora cogis
A uri sacra famés /... »
Dans ses Heures perdues^ Vxqvvq Barthès n'est plus re-
venu sur ce sujet. Nous ne sommes donc pas exactement
fixés sur la spéculation à laquelle il fait allusion. Il est pro-
bable qu'il s'agit de l'achat de la Gazette de France par le
chevalier de Meslay, en 1750, et de sa revente au fermier
général Le Bas de Courmont, ce qui donna lieu, en efi'et, à
de nouvelles combinaisons financières. Et voici quels en
furent les résultats à Toulouse.
1. Année 1705, p. 128; année 1706, p. 72; année 1707, p. 88, etc.
2. Numéro 25 du 20 juin 1711, p. 100, c. 2.
3. Manuscrit inédit, conservé à la Bibliothèque de la ville, en ori-
ginal 2« cahier, p. 43, et en copie, 1. 1, p. 383 de la copie.
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 237
III. — Les premières < affiches » de Toulouse.
Antérieurement à la fondation de la Gazette, Théophraste
Renaudot avait inauguré une autre publication qui avait eu
également un grand succès. Cette publication remontait à la
création du Bureau d'Adresse, En effet, lorsqu'il eut ouvert
ses registres à tous ceux qui se présentaient moyennant une
rétribution de trois sous, Théophraste Renaudot n'avait pas
tardé à comprendre que, pour servir utilement ses clients,
il était nécessaire de porter directement à la connaissance
du public, à domicile, leurs demandes et leurs offres. Il avait,
en conséquence, fait paraître une feuille qui était en grande
partie la reproduction des registres de son Bureau d'Adresse.
On ignore si cette publication avait une périodicité régu-
lière et quel en était le prix. Mais son existence, qui ressor-
tait implicitement des privilèges de Renaudot, est établie par
plusieurs feuilles conservées à la Bibliothèque nationale de
Paris et reproduites par Edouard Fournier, dans ses Vay^é-
tes historiques et littéraires, ainsi que par Eugène Hatin,
dans son Histoire de la Presse en France'^. Ces feuilles
datent de septembre 1633. 11 est probable que la réussite de
cette publication donna à Renaudot l'idée de la Gazette poli
tique qu'il fît paraître dans les mêmes conditions de publi-
cité, mais en la rendant périodique à des jours déterminés
de la semaine.
A la mort de Renaudot, c'est-à-dire en 1653, le Bureau
d'Adresse fut séparé de celui de la Gazette et donna lieu à
une publication qu'on appela les Affiches de Paris, des
Provinces et des Pays étrangers. Après quelques années,
elles furent remplacées par les Petites Affiches. En 1702,
les Petites Affiches étaient en pleine prospérité. Mais, un
peu plus tard, elles cessèrent à leur tour d'être publiées.
Elles avaient été reprises de 1745 à 1751 par un imprimeur-
1. T. II, pp. 95 et suiv.
238 MEMOIRES.
libraire de Paris, nommé Antoine Boiidet, lorsque le cheva-
lier de Mesléou Meslay, ayant acheté la Gazette de France à
l'abbé Aunillon, revendiqua les Affichés comme une émana-
tion de son privilège; et l'imprimeur Antoine Boudet, qui
ne les publiait qu'en vertu d'une permission tacite, fut con-
traint de cesser leur publication. Le chevalier de Meslay
finit par obtenir un arrêt du Conseil du mois de juillet 1756
qui lui reconnaissait un privilège général aussi étendu que
celui qu'avait obtenu Théophraste Renaudot au siècle précé-
dent. Ce privilège comprenait V Affiche de Paris^ les Affi-
ches projetées pour les Provinces et la Gazette de France.
Une fois nanti de ce privilège, le chevalier de Meslay
confia la rédaction de la Gazette à M. Meusnier de Querlon;
puis il lui donna également à rédiger les Affiches des
Provmces, L'abbé Aubert fut enfin chargé de V Affiche de
Paris.
Ces diverses feuilles périodiques ayant obtenu un grand
succès, le chevalier de Meslay vendit son privilège à M. Le
Bas de Courmont, qui était fermier général à Paris. Et
celui-ci traita, le 6 septembre 1759, avec un imprimeur-
libraire de Toulouse, nommé Nicolas Garanove, pour lui
céder le privilège de la feuille des Affiches et Annonces et
Avis divers, qui devait se publier à Toulouse.
Nicolas Garanove était à cette époque un des dix impri-
meurs-libraires autorisés à Toulouse. Il devait jouir d'une
notoriété importante, car il était fils d'un ancien capitouP. Il
logeait dans la rue Saint-Rome, où il avait trois presses.
Il travaillait ordinairement pour les fermes du Roi et avait
un privilège pour l'impression de tous les arrêts du Parle-
ment *.
Le traité qui fut passé par M. Le Bas de Gourmont^ayec
Nicolas Garanove a été transcrit dans le Livre de la Com-
munauté de Messieurs les Imprimeurs et Libraires de Tou-
1. Garanove (Jean-François), marchand, devint capitoul en 1715.
2. Indications fournies par un Etat dressé par le subdélégué de
Toulouse, Amblard, le 20 novembre 1758 {Archives départementales
de la Haute Garonne, série G, 147).
i.
LES DEBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 239
louse, manuscrit conservé à la Bibliothèque municipale ^ Il
est ainsi conçu :
« Je. soussigné, propriétaire du privilège exclusif d'im-
primer, faire imprimer, vendre et débiter des affiches dans
tout le royaume accordé par Sa Majesté par arrest du Con-
seil du mois de juillet 1756, permets que le sieur Caranove,
imprimeur delà ville de Toulouse, fasse imprimer, vandre et
débiter par qui bon luy semblera dans la ville de Toulouse
une feuille d'affiches, annonces et avis divers composée à
rinstar de celles de Lion et Nantes, Bordeaux, Paris et autres
villes où la permission a na esté acordée, dans laquelle feuille
d'affiches qui paretra toutes les semaines seront anoncés les
maisons, terres, biens, offices et effets à vendre ou à louer, le
départ et l'arrivée des vaisseaux, enfin tout ce qui intéraisse
les ars, les sciences, l'agriculture, la navigation et le com-
merce, pour le terme et espace de 4 années à compter du
1*' juillet dernier moyennant la somme de trois cens livres
qui sera payée annuellement et d'avance audit sieur proprié-
tere par le sieur Caranove et à condition d'envoyer audit
sieur propriétere par le même Caranove toutes les semaines
la ditte feuille d'atfiche de Toulouse franc de port.
« Fait double [un mot illisible], ce 6 septembre 1759.
signé Gourmont. Contrôlé à Toulouse, le 19 septembre 1759.
Enregistré sur le présant registre des imprimeurs et librai-
res de ceste ville en conformité des reglemens, à Toulouse,
ce 19""^ septembre 1759.
« François Hénault, sindic ».
Que fut cette publication de l'imprimeur Caranove et com
bien dura-t-elle? C'est ce qu'il nous a été imposri'ble de
savoir, car aucun numéro n'en a été conservé et aucun docu-
ment ne rindi(|ue. Le souvenir s'en est môme perdu si fort
que Dumège n'en parle pas dans ses Institutions de la ville
de Toulouse, tandis qu'il indique une publication sembla-
1. P:iffe 278. — Caldlogue général des manuscrits (U's liihliolhè'
ques publiques de France, t. XFJII, Siii4)léinent. iv*^ 1010 .t lOIl,
240 MÉMOIRES.
ble qui aurait été inaugurée à Toulouse par l'abbé Forest
et qui remonterait à l'année 1754'. Ce dernier nom rap-
pelle celui d'une famille d'imprimeurs toulousains, vivant à
pareille époque. Mais nous n'avons pu. retrouver aucun nu-
méro de ce journal, ni aucune mention du privilège qu'au-
rait obtenu l'abbé Forest à cet égard. Cette publication devait
sans doute n'être qu'une simple feuille d'annonces comme
celle de Nicolas Garanove.
Cependant, les Affiches de Toulouse, si on en juge par
celles qui ont paru dans la suite, avaient un caractère plus
politique et plus littéraire que les Affiches de Paris. Elles
devaient participer des Affiches des Provinces que Meusnier
de Querlon nous a présentées comme ne constituant pas des
journaux proprement dits, mais comme en étant V avant-
coureur, et qui étaient rédigées de façon qu'elles pouvaient
tenir compte de journaux à ceux qui ne les lisaient point,
tandis qu'elles pouvaient exciter les autres à les consulter.
« L'Affiche, ajoutait-il philosophiquement, peint en raccourci
toutes les vicissitudes humaines. Le tableau de ces muta-
tions perpétuelles que subissent et les biens et les charges
dont nous annonçons les ventes, en nous retraçant notre con-
dition naturelle, cadre, à ce qu'il nous semble, assez bien
avec celui des écrits modernes, qui se succèdent rapidement,
qui se poussent comme les flots et les vagues, qui s'eftacent
et s'engloutissent de même^ ». La comparaison est suriout
exacte pour les débuts du journalisme à Toulouse, car c'est
à peine s'il reste quelques souvenirs des premiers journaux
qui y ont été publiés.
Sur ces entrefaites, :a Gazette subit une nouvelle trans-
formation.
Sous l'impulsion du comte de Choiseul, devenu premier
ministre, Louis XV, par lettres patentes d'août 1761, révo-
qua le privilège qui avait été donné à Théophraste Renaudot
et à ses successeurs à perpétuité et ordonna que la Gazette
1. Tome I, p. 409.
2. Affiches de Paris, premier numéro de 1759,
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 241
serait réunie au département des Affaires étrangères et qu'elle
deviendrait l'organe officiel du Gouvernement.' En consé-
quence, elle augmenta son volume, doubla sa périodicièé et
prit, à partir du 1®'' janvier 1762, le titre de Gazette de
Finance avec, en tête, les armes royales.
Pour lui assurer une rédaction plus complète et plus
exacte, le comte de Choiseul fit appel aux intendants des
provinces et leur demanda de rechercher et de lui faire
parvenir tous les renseignements utiles, après les avoir bien
contrôlés.
C'est ainsi que, le 20 août 1761, le vicomte de Saint-Priest,
intendant de la province de Languedoc, écrivit de Montpellier
à M. Amblard, subdélégué à Toulouse, la lettre suivante* :
Monsieur,
Le Roy a jngé à propos de révoquer le privilège accordé pour la
Gazelle de France et de le réunir au département des Affaires étran-
gères pour être, dans la suite, composé' et im{)rimé sons les ordres et
sous l'autorité du ministre auquel en a confié l'administration. Sa
Majesté a eu également [lacune] de la rendre plus authentique, plus
intéressante, et de luy donner toute la supériorité dont elle est sus-
ceptible. C'est pour remplir ses intentions, Monsieur, et pour satis-
faire aux ordres qui m'ont été donnés, que je vous prie de vouloir bien
m'adresser régulièrement des buletins de tout ce qui arrivera dans
votre département qui vous paroitra capable de satisfaire et d'inté-
resser la curiosité publique, particulièrement tout ce qui a rapport à la
pliisique, à l'histoire naturelle, à des projets de commerce, à des éla-
blissemens de manufactures, plans de nouvelles cultures, faits singu-
liers et extraordinair<^s. La vérité et la fidélité doivent être la baze
de ces Buletins, et je vous prie de donner vôtre attention pour qu'ils
soient rédigés avec toute l'attention convenable, de manière que je
puisse compter sur la fidélité des faits. Vous voudrez bien me les
faire parvenir le plus promptement qu'il sera possible, cet article
étant très essentiel pour donner plus du crédit à la Gazelle.
Je suis. Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
De Saint-Priest.
Dès le 29 août 1761, le subdélégué de Toulouse, M. Am-
blard, accuse réception de sa lettre à M. de Saint-Priest* :
1. Archives déparlemenlales de la Ilaule-Garonne, série G, 147.
2. Ihid., série G, 147.
242^ MÉMOIRES.
Monsieur,
Je fiûray tout ce qui dépendra de moy en l'exécution de la lettre
que vous m'aves fait l'honneur de m'ecrire le 20 de ce mois pour vous
adresser des bulletins de tout ce qui se passera dans mon départe-
ment qui peut intéresser la curiosité publique ou l'intérêt général ;
mais la stérilité de notre Gazette de Toulouse vous prévient d'avance
({ne je n'auray pas vraisemblablement de la matière pour remplir
les buletins. Je prendray néanmoins toutes les mesures possibles
pour être en état de répondre aux intentions du Ministre et à vos
ordres.
J'ay l'honneur, etc. Amblard.
J'ay écrit en conséquence dans les principalles communautés de
mon département pour qu'on me fit part de ce qui arrivera d'intéres-
sant.
Ainsi que rétablit celte lettre du subdélégué Amblard, la
Gazette continuait à être réimprimée à Toulouse. Et il est
probable qu'il en était de même des Affiches dont Nicolas
Caranove avait le privilège, car, quelques mois auparavant,
le l®"" décembre 1759, M. Amblard, se trouvant à Montpel-
lier, en réclamait l'envoi en ces termes' :
Souvenes [vous] de m'envoyer la feuille hebdomadaire chaque
mercredy et de m'envoyer pour le moins un procès-verbal chaque
semaine pour vous donner icy mon avis. Relisés-le avant de le faire
mettre au net...
Le comte de Ghoiseul ne se contenta pas de demander leur
concours aux intendants pour la rédaction de la Gazette; il
leur envoya un « prospectus » leur traçant leur ligne de
conduite. A son tour, M. de Saint Priest envoya ce prospec-
tus à ses subdélégués avec la lettre suivante* :
A Montpellier, le 20 novembre 1761.
Je joins, Monsieur, un exemplaire qui vient de m'être envoyé par
M. le comte de Ghoiseul, ministre des aflaires étrangères, du prospec-
tus de la Gazette de France, approuvé par Sa Majesté; l'attention
particulière qu'elle veut bien donner à cet ouvrage doit luy assurer la
supériorité la plus décidée, et comme le Ministre me recommande d'y
1. Archives départementales de la Haute-Garonne, série G, 147.
LES DÉBUTS DU JOURNAL A TOULOUSE. 243
concourir en tout ce qui pourra dépendre de moy, je ne saurois trop
vous rapeller Tinstruction que je vous ay donné par une lettre du
27 août dernier [elle est du 20] pour la composition des buletins que je
vous ay prié de m'adresser de tout ce qui arrivera dans vôtre dépar-
tement qui vousparoitra capable de satisfaire ou d'intéresser la curio-
sité [)ublique, et particulièretnent tout ce qui a raport à la pliisique,
à l'histoire naturelle, aux projets de commerce, à des établissements
de mnnufaclures, plans de nouvelles cultures, faits singuliers et extra-
ordinaires, de manière que Penvoy de ces buletins puisse m'être fait
avec toute la régularité que les circonstances peuvent voiis permettre
et qu'ils ayent le mérite de la nouveauté. Je me suis aperçu avec peine
que dans une province aussi vaste que celle-cy et que l'on peut regar-
der à juste titre comme le centre de la Litérature, des Beaux-Arts,
du Commerce, et qui offre enfin tant de ressources pour la culture, je
n'aye pu encore fournir aucun morceau intéressant, ni signaler un
zèle pour un objet agréable à Sa Majesté et qui, au fonds, est inté-
ressant pour la nation. Je ne saurois trop vous prier, Monsieur, de
redoubler votre attention pour vous tenir sur les avis des événements
singuliers et extraordinaires qui pourroient arriver dans volrre dépar-
tement et pour faire les recherches de tout ce qui a raport aux autres
objets de mon instruction ; vous me rendrez un service signalé d'entre-
tenir une correspondance exacte avec moy à ce sujet et de ne point
perdre de vue les instructions de Sa Majesté qui me sont recomman-
dées delà manière la plus particulière.
Vous voudrés bien m'accuser réception de cette lettre.
Je suis. Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
De Saint-Priesï.
A cette lettre pressante de M. de Saint-Priest, le siibdélé-
gué Amblard répondait le 28 novembre de la même année
(1761) :
Je voudrois bien de tout mon cœur concourir aux vues du Ministre
et aux vôtres pour le succès du nouveau plan sur la Gazelle de
France. La ville de Toulouse n'a offert encore aucun événement qui
me paroisse intéresser la curiosité publique. Etquoy que nous y ayons
trois Académies de Tâttérature, des Sciences et des Beaux-Arts, elles
ne fournissent jusqu'ici rien d'intéressant pour le public. J'ay môme
écrit dans les principalles communautés de mon département sur le
même objet. Je ne puis que continuer mon zèle et mon attention pour
tâcher de remplir vos vues, et je my intéresse avec d'autant plus d'em-
pressement que vous me faites conoitre toute la vivacité du vôtre
pour un projet aussi louable et qui ne peut être que très utile au
public.
J'ai l'honneur, etc.
244 MÉMOIRES.
Cette lettre n'était guère flatteuse pour le mouvement lit-
téraire, scientifique et artistique qui se produisait à Tou-
louse à cette époque. Cette appréciation de M. Amblard tient
peut-être à ce que lui-même n'était pas au courant de ce qyi
se passait dans la vie toulousaine, car, si nous cherchions
un peu, nous pourrions citer bien des faits qui étaient de na-
ture à être signalés par un journal bien informé et voulant
satisfaire la curiosité publique.
La révocation du privilège accordé à la Gazette en 4631 et
la suppression de sa réimpression à Toulouse avaient dû
donner plus d'importance aux Affiches locales imprimées par
Nicolas Caranove. Mais celui-ci se faisait vieux. Il exerçait
sa profession depuis 1722. Il n'avait pas d'enfants et aspirait
au repos. Nous le voyons donner sa démission d'imprimeur,
le 16 octobre 1764, en faveur du sieur Joseph Dalles ^ qui
lui succéda, en effet, en vertu d'un arrêt du Conseil d'Etat
privé du Roi, en date du 11 février 1765 2. Mais rien n'indique
que Joseph Dalles ait continué les Affi^ches de Nicolas Cara-
nove. Et, lorsqu'on décembre 1774, un autre imprimeur-
libraire, Jean-Florent Baour, annonça la publication d'une
« feuille hebdomadaire» pour le 1*''' janvier 1775, sous le titre
persistant à' Affiches, il semble qu'il ait voulu se conformer
aux innovations qui venaient de se produire à Paris. Nous
pourrons en parler avec d'autant plus d'exactitude que nous
avons eu sous les yeux une collection complète de cette pu-
blication heureusement conservée dans la bibliothèque de
notre vieil ami, M. Gaston d'Aldéguier, petit-neveu de l'an-
cien bibliothécaire et historien de la ville de Toulouse^.
1. Livre de la Communauté de Messieurs les Imprimeurs et
Libraires de Toulouse, t. I, p. 322 (Ms de la Bibliothèque munici-
pale de Toulouse).
2. Livre de la Communauté, etc., t. I, pp. 324 à 328.
3. Il en existe également une collection à la Bibliothèque munici-
pale, mais elle est incomplète.
UNE ORDONNANCE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 245
Ul ORDOMANCE SUR \A VOIRIE DE TOULOUSE
AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE (1769)
Par m. DUMAS'
Doyen de la Faculté des Lettres.
La seconde moitié du dix huitième siècle a été, pour la
plupart des grandes villes de France, une époque de trans-
formation et d'embellissement. A mesure que la population
urbaine augmentait, soit par suite de l'excédent des nais-
sances, soit à cause de Témigration des campagnes dans les
villes dont on se plaignait déjà, des besoins nouveaux se
faisaient sentir, auxquels il était indispensable de donner
satisfaction. De plus, par suite des progrès de Tagriculture,
de l'industrie et du commerce, l'aisance générale est devenue
plus grande, le produit des impôts ne cesse de s'accroître;
le renouvellement du bail des fermes se fait toujours à des
conditions plus avantageuses pour le roi; les octrois, qui
constituent la principale et souvent même l'unique ressource
des villes, mettent à la disposition des municipalités des
sommes de plus en plus élevées, sans qu'il y ait accroisse-
ment de tarifs. Enfin, il y a eu presque partout des adminis-
trateurs remarquables qui ont su concevoir des plans à la
fois utiles et grandioses et les mener à bonne fin. ils ont
cherché à orner les villes de beaux bâtiments, de monuments,
1. Lu dans la séance du 28 avril 1910.
246 MEMOIRES.
cle fontaines, de promenades publiques, qui encore aujour-
d'iiui en constituent parfois le plus bel ornement; ils ont fait
disparaître des ruelles tortueuses, sombres et humides, qu'ils
ont remplacées par des rues larges et droites, par des places
publiques spacieuses qui ont donné aux villes ce qui leur
manquait le plus : de l'air, de la lumière et du soleil. Dans
les pays d'élections, et surtout dans les villes qui étaient
chefs-lieux d'intendance, c'est presque toujours l'intendant
qui a eu l'initiative des grands travaux et qui a su les faire
exécuter.
Thiroux de Crosne a embelli Rouen. Rouillé d'Orfeuil a
travaillé à rendre Ghâlons « très belle d'infâme qu'elle était. »
Le pont de Tours, la rue Nationale, qui font encore aujour-
d'hui l'admiration des étrangers et qui donnent à cette ville
un aspect monumental, sont l'œuvre de l'intendant Du Cluzel.
La ville de Saintes est redevable à l'intendant de Reverseaux
de très beaux quais et d'une promenade publique. A Bor-
deaux, le théâtre, les allées de Tourny, et surtout les splen-
dides quais qui encadrent si majestueusement la Garonne,
sont l'œuvre des intendants. La statue élevée à l'un d'entre
eux, Tourny, rappelle encore le souvenir de cet excellent
administrateur. A Limoges, pendant les vingt-cinq années
qui ont précédé la Révolution, il y eut une véritable fièvre de
bâtir, et la ville, qui en avait d'ailleurs leplus grand besoin,
commença à se transformer. A Montpellier, on construit un
hôtel pour le gouverneur, un évêché, un théâtre, on perce
des rues nouvelles. A Pau, à Montauban, on élève de vérita-
bles palais pour loger l'intendant. Il serait facile de multiplier
les exemples, car il semble qu'il y ait eu au dix-huitième
siècle une véritable émulation parmi les intendants, et les
contemporains se sont plu à rendre hommage à leur activité,
à leur bienfaisance éclairée.
Les sommes considérables nécessitées par ces grands
travaux furent fournies en partie par les villes intéressées;
mais comme les finances municipales étaient le plus souvent
dans un état lamentable, jamais ces travaux n'auraient pu
être entrepris et surtout menés à bonne fin, si les intendants,
UNE ORDONNANCE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 247
par leur zèle, par leur habileté, par leur influence, n'avaient
pas réussi à se procurer les ressources indispensables. Ils ob-
tiennent des subventions sur les fonds généraux des travaux
publics; ils sont autorisés à employer une partie des fonds
libres de la capitation, les excédents de Timposition du
casernement, ainsi que tous les « revenants bons », c'est-
à-dire toutes les économies qu'ils peuvent réaliser sur les
diff*érents chapitres de leur administration. Parfois même,
ils font mettre à leur disposition un grand nombre de soldats,
comme le fit Du Gluzel pour la construction du pont de Tours.
Toulouse n'était pas, malgré son importance, chef-lieu
d'intendance ; elle était placée sous l'administration de l'inten-
dant de Montpellier qui était représenté à Toulouse par un
subdélégué, et elle était située en pays d'Etats. Aussi ne
pouvait-elle compter ni sur l'intervention énergique de l'in-
tendant pour favoriser ou défendre auprès du gouvernement
royal les projets que pouvaient former les capitouls, ni sur
les subventions du contrôleur général. Golbert, en 1672,
avait refusé de secourir Toulouse, après un grand incendie,
parce qu'elle ne contribuait pas aux grandes dépenses de
l'Ktat. Ses successeurs suivirent son exemple et invoquèrent
toujours la même raison, souvent même ils s'opposèrent
aux dépenses proposées par les capitouls, même pour des
objets utiles, parce que le mauvais état des finances de la
ville ne le permettait pas. Les capitouls étaient donc obligés
de se montrer prudents et modérés, et si les embellissements
de Toulouse au dix-huitième siècle furent moindres que
dans d'autres villes qui lui étaient bien inférieures sous tous
les rapports, c'est en grande partie parce que l'intendant n'y
résidait pas, et parce que les modestes subventions que pou-
vaient lui accorder les Etats du Languedoc pour faciliter les
entreprises des ouvrages utiles ou grandioses ne sauraient
être comparées à celles que reçurent sur le trésor royal les
villes situées dans les pays d'élections.
Malgré cela, les capitouls ne restèrent pas inactifs. Sur leur
demande et sur celle de l'intendant, M. Garipuy, directeur des
travaux de la sénéchaussée, dressa un plan d'ettsemblo qui
248 MÉMOIRES.
consistait à achever la place de l'hôtel de ville, à aligner le
quartier Saint Gyprien, à établir des allées d'ormeaux depuis
la porte Saint-Etienne jusqu'à celle du Château et à la
rivière, à bâtir des quais, à créer un jardin public médicinal
entre le couvent des carmes déchaussés et l'oratoire du
Crucifix, à obliger les communautés religieuses à plaquer de
petites maisons avec des boutiques le long de leurs enclos
pour éviter le désert de ces murailles nues et le danger
d'être attaqué sans secours. Tous ces travaux devaient coûter
environ deux millions. L'intendant pensa que les ministres
n'autoriseraient jamais une semblable dépense et invita les
capitouls à se borner à faire une place, une fontaine et un
cours. Ne pouvant exécuter ce plan, les capitouls entrepri-
rent les grands travaux de terrassement de l'esplanade et
transformèrent en une belle promenade publique les terrains
vagues qui s'étendaient entre la porte Montgaillard et la
porte Montoulieu. De 1750 à 1766, ils consacrèrent environ
800,000 livres à divers embellissements ^
Si les capitouls étaient soumis à la tutelle administrative
quand il s'agissait de questions budgétaires, s'ils ne purent
pas toujours, à cause de l'opposition qu'ils rencontrèrent,
réaliser les projets qu'ils avaient conçus, leur autorité était
beaucoup plus grande pour tout ce qui touchait à la régle-
mentation de la voirie. Ils ont fait de sérieux efforts pour
améliorer le pavage, l'éclairage, la propreté, la sûreté des
rues. Ils ont publié, dans le cours du dix-huième siècle, de
nombreuses ordonnances relatives à ces différents points, et
le 11 décembre 1769, ils ont groupé dans une ordonnance
générale en 118 articles tous les règlements particuliers.
C'est une sorte de code municipal pour tout ce qui concerne
la voirie. L'étude en présente un certain intérêt parce qu'elle
nous fait connaître d'une manière précise les principales
obligations auxquelles étaient soumis les habitants de Tou-
louse à la veille de la Révolution française.
Les capitouls commencent par définir la rolicede la voirie.
1. Arch. dép., G. 284.
UNE ORDONNA^XE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 249
Ils donnent à ce mot la plus grande extension. < Cette por-
tion précieuse de notre juridiction embrasse les objets les
plus essentiels, elle veille à la solidité, à la symétrie et à la
régularité des bâtiments que Ton construit; elle oblige les
propriétaires de ces bâtiments à les entretenir et à en prévenir
promptement la ruine, elle empêche que les citoyens empiè-
tent sur les rues et sur les places publiques par des saillies
ou des étalages qui y causent de la difformité ou qui inter-
ceptent Tair; elle en écarte tous les obstacles qui les rendent
moins libres et moins sûres; elle pourvoit à la largeur, à
Talignement et à la propreté des rues, à ce qu'elles soient
éclairées pendant la nuit par des lumières publiques, à l'en-
tretien du pavé et à l'écoulement des eaux; elle s'applique
enfin à la conservation des chemins, à en assurer l'étendue
et la commodité.
€ Cette police, dont les soins sont également étendus et
importants, aboutit à l'embellissement et à la décoration de
la ville, à en rendre les avenues aisées et agréables, à pro-
curer aux citoyens l'abondance des subsistances, la santé, la
sûreté, la commodité et l'agrément. Ces grands objets qui
intéressent de si près les avantages du commerce, le service
de l'Etat et le bonheur public, avaient été envisagés par nos
prédécesseurs; il tâchèrent d'y pourvoir par divers règle-
ments; mais comme ces règlements sont épars, obscurs,
imparfaits et la plupart inexécutés, il est indispensable de
les renouveler et de les réunir, en y ajoutant des interpréta-
tions utiles et des dispositions qui ont été omises ou que de
nouvelles circonstances rendent nécessaires. >
Ce préambule indique d'une manière assez précise la
nature des prescriptions que contient l'ordonnance des
capitouls et qu'on peut grouper de la manière suivante :
V Articles relatifs h la construction et à la réparation des
maisons;
2** Précautions à prendre pour la tranquillité et la sûreté
des rues;
3*^ Prescriptions pour éviter l'encombrement des rues;
IQe SKRIK. — TOME X. 19
250 MÉMOIRES.
4" Articles relatifs aux promenades publiques;
5" Eclairage public;
6** Nettoiement des rues;
l"" Hygiène des maisons et de la rue;
8° Pavage des rues ;
9" Prescriptions diverses.
Il est expressément défendu à toutes personnes, de quelque
qualité et conditions qu'elles soient, à tous architectes, entre-
preneurs, maçons, charpentiers et autres ouvriers, de cons-
truire ou faire construire sur les rues et places publiques de
la ville et des faubourgs aucun bâtiment simple ou décoré,
ni des murs de clôture, ni même de rétablir aucune maison
ou mur de clôture « qu'après en avoir fait la dénonce, que la
vérification desdites constructions aura été faite, que les
alignements en auront été fixés en la forme ordinaire et
qu'ils en auront ensuite obtenu la permission, sous peine
contre les propriétaires de démolition et de 50 livres d'amende,
de pareille amende contre les architectes, entrepreneurs ou
ouvriers, et du double en cas de récidive ». Quand on consulte
les plans de Toulouse de la fin du dix-huitième siècle ou
même ceux du dix-neuvième siècle avant les grands travaux
qui ont été exécutés dans les cinquante dernières années,
quand on parcourt encore aujourd'hui les vieux quartiers
de Toulouse, on ne soupçonnerait guère qu'il existait une
ordonnance sur l'alignement des maisons, ou bien on est
forcé d'admettre que l'alignement n'était presque jamais
donné conformément à la ligne droite, ou bien, hypothèse
assez vraisemblable, que l'ordonnance, sur ce point-là
comme sur tant d'autres, n'a pas été rigoureusement observée.
Pour réduire les risques d'incendies, si fréquents et si
désastreux par suite du manque d'eau et de l'organisation
rudimentaire du service chargé de les combattre, il est dé-
fendu de construire aucune façade extérieure de maison en
plâtre, torchis, corondage, massécanat simple ou revêtu
UNE ORDONNANCE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 251
sons quelque prétexte que ce soit. La construction sera
faite en bonne tuile ou pierre, ainsi que celle des murs mi-
toyens, sous peine contre le propriétaire de démolition, qui
sera faite à ses dépens: faute par lui d'y avoir satisfait dans
le délai prescrit, de huit jours de prison et de cent livres
d'amende contre les ouvriers, payable même par corps; de
double amende, de plus longue prison et de la privation
de la faculté de travailler s'ils récidivent; d'enquis et puni-
tion corporelle à la troisième contravention.
Les façades extérieures des maisons construites en tor-
chis, corondage, massécanat ou plâtre seront réparées sous
les mêmes peines en tuile ou en pierre.
Les matériaux de construction, tuiles, chaux, plâtre, atti-
rent également l'attention des capitouls. Les tuiliers de la
ville et du gardiage seront tenus, sous peine d'amende arbi-
traire, « d'avoir de la tuile en quantité suffisante pour la
fourniture de la ville et de la faire transporter aux lieux où
se font les constructions, s'il en sont requis, comme aussi de
débiter de la tuile bonne et bien cuite et de faire en sorte
qu'étant courte elle se trouve de la mesure portée par les
règlements, savoir la tuile plane de quinze pouces de canne
en longueur, neuf pouces sept lignes de large sur un pouce
six lignes d'épaisseur; la tuile violette de huit pouces en
carré sur un pouce quatre lignes d'épaisseur; la tuile canal
de dix-huit pouces quatre lignes de longueur, cinq lignes
d'épaisseur, huit pouces d'ouverture à un bout et cinq pou-
ces six lignes à l'autre bout. Si la tuile est défectueuse ou
courte, le tuilier aura (rois cents livres d'amende et la tuile
sera confisquée >.
« Les marchands et revendeurs de chaux seront obligés
de la débiter au poids, qui doit être de cent cinq livres par
quintal et de la vendre de bonne qualité, sous peine de con-
fiscation si elle est défectueuse ou de faux poids, de cin-
quante livres d'amende dans l'un et Tautre cas et du double
en cas de récidive. »
Les marchands de plâtre seront tonus do le vendre au
poids et de bonne qualité.
252 MEMOIRES.
Les contrevents, auvents, balcons et avant-corps et tout
ouvrage faisant saillie sur la rue ne pouvaient être cons-
truits sans permission sous peine de démolition et de vingt-
cinq livres d'amende contre les propriétaires ou locataires,
de semblable amende contre les ouvriers qui étaient en outre
tenus solidairement avec eux des frais de la démolition si
elle n'avait pas été faite par lesdits propriétaires ou loca-
taires dans le délai fixé.
Les contrevents devaient être placés à dix pieds au-dessus
du rez-de-chaussée, les auvents à la même hauteur, et ils
pouvaient avoir trois pieds de largeur dans les grandes
rues et deux pieds et demi dans les petites. Tous les contre-
vents qui se trouvaient au-dessous de cette hauteur devaient
être démolis, ou mis en coulisse ou plaqués contre les murs.
Les auvents devaient être réduits à la hauteur et largeur
spécifiées.
Après l'achèvement des murs dont la construction avait
été autorisée, le directeur des travaux publics devait s'assu-
rer si tous les règlements avaient été observés; en cas de
contravention il dressait un procès verbal sur lequel se ba-
saient les capitouls pour ordonner la démolition des murs
et des ouvrages aux dépens des propriétaires et des ouvriers
qui, en outre, étaient condamnés à cent livres d'amende
chacun. En cas de récidive, les ouvriers encouraient une
double amende et huit jours de prison; à la troisième con-
travention, ils étaient privés de la faculté de travailler et
pouvaient même recevoir une punition exemplaire.
Quand une maison menaçait de s'écrouler sur une rue
ou sur une place publique, le propriétaire devait pourvoir au
plus tôt à sa sûreté sous peine de cent livres d'amende. Il
était cependant défendu de placer sans permission dans les
rues ou dans les places publiques des étais, des étançons,
« des échevalements » pour faire des ouvertures ou des répa-
rations aux maisons, et on devait les retirer aussitôt après
l'exécution des ouvrages. Les tranchées ou trous faits au
pavé des rues devaient être réparés le jour même où les
6tais seraient retirés.
UNE ORDONNANCE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 253
Aucune fermeture de boutique, aucune porte (rentrée de
maison, de grange et autres édifices ne pouvait s'ouvrir
en dehors, sous peine de démolition. Les capitouls se réser-
vaient le droit de confirmer les ouvrages de cette nature qui
existaient dans des places vastes et qui ne gênaient pas la
voie publique. Les entrées ou ouvertures de cave ayant
saillie sur la rue ne pouvaient déborder du corps des murs
de plus de douze pouces dans les grandes rues et huit pou-
ces dans les petites. Elles devaient être couvertes de plaques
ou grillages de fer ou de bonnes planches en chêne, n'excé-
dant pas la surface du pavé, sur lesquels on pourrait mar-
cher en sûreté. Le pas de pierre, les marches, les seuils et
autres avances à mettre aux portes et boutiques des mai-
sons ne devaient pas excéder de plus de huit pouces le nœud
du mur. Les propriétaires qui avaient de pareilles ouvertu-
res et avances en contravention avec les prescriptions de
l'ordonnance étaient tenus de les réformer incessamment.
11 était défendu de construire des cheminées avec des
tuyaux en saillie sur la rue ou des éviers dont la vidange
extérieure se trouverait plus haute que le rez de-chaussée.
Les cheminées et les éviers ainsi construits devaient être
démolis.
Les sorjets ou saillies des toits ne pouvaient excéder vingt
pouces dans les grandes rues et quinze pouces dans les
autres.
Afin de prévenir la chute des tuiles, les tuiles canal qui
débordaient les sorjets devaient être enchaînées à mortier
franc. Les couvreurs qui travaillaient sur les toits étaient
tenus d'y mettre des perches ou chevrons afin qre les pas-
sants, s'apercevant qu'on travaillait, pussent éviter le danger
de la chute des tuiles.
Afin d'empêcher les chutes d'eau sur les personnes et sur
les voitures, les propriétaires qui, à partir du jour de la pu-
blication de la présente ordonnance, feraient construire ou
reconstruire des maisons ne pourraient poser aucune gout-
tière saillante sur la rue sous peine de. cinquante livres
d'amende,
254 MÉMOIRES. .
Aucun habitant ne pouvait avoir sur les fenêtres des mai-
sons des caisses, des vases, des pots à fleurs sous peine de
cinq livres d'amende.
Après avoir garanti les habitants contre les dangers pou-
vant provenir des maisons, les capitouls les protègent con-
tre ceux de la rue. Ils interdisent de tirer de jour ni de
nuit des armes à feu dans les rues et places publiques, ni
(les fusées, pétards ou serpenteaux sous peine de prison et de
cinq livres d'amende dont les pères et mères seront respon-
sables. Les marchands de verre et les vitriers ne pourront
jeter du verre dans les rues. On ne pourra jeter des pistaches
ou des oranges le jour de carnaval sous peine de cinquante
livres d'amende. Il est défendu de brûler de jour ni de nuit
dans les rues et places de la ville et des faubourgs des pail-
les et autres choses. Les charrieurs publics devront enlever
lesdites pailles.
Comme il y avait dans diverses rues et places des puits dont
l'usage était très utile mais qui pouvaient donner lieu à de
graves inconvénients s'ils n'étaient pas fermés pendant la
nuit, il était enjoint aux dizeniers qui avaient des puits
dans leurs moulons, de les tenir fermés pendant la nuit et
d'être exacts à les ouvrir à la pointe du jour, sous peine de
destitution.
Les prescriptions relatives à Tencombrement des rues sont
assez nombreuses. Elles étaient d'autant plus nécessaires que
beaucoup de rues étaient étroites et tortueuses et qu'un
grand nombre d'habitants, considérant la rue comme leur
propriété, abusaient de leurs prétendus droits pour gêner la
circulation.
Défense est faite aux marchands, artisans, bouchers,
chevrotiers, revendeurs de cochon et à tous autres mar-
chands qui étalent aux marchés ou ailleurs de tenir, sous
peine de dix livres d'amende, au-devant des boutiques ou le
long des murs des maisons, soit qu'elles leur appartiennent
ou autrement, ou aux encoignures des rues, des étalages,
montres, comptoirs, échopes volantes, bancs, chaises ou
corbeilles faisant saillie sur les rues. Les propriétaires ou
UNE ORDONNANCE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 255
locataires ne pourront laisser faire des étalages le lon^^ de
leurs maisons, sous peine de vingt-cinq livres d'amende et
de plus forte s'ils récidivent. Il est défendu aux revendeuses
de gâteaux, de fruits et aux bouquetières d'étaler aux en-
coignures des rues, devant les églises et collèges, ni aux
portes et au dedans desdites églises et collèges, sous peine
de confiscation de leurs marchandises et de cinq livres
d'amende. 11 est ordonné aux marchands qui étalent à la
place Saint-Georges le jour du jeudi-saint ou aux endroits
où se tiennent les foires de Saint-Orens, de Saint-Jean et de
Saint-Barlhélemy de se ranger de façon à laisser les passa-
ges libres. Les marchands, artisans, cafetiers et autres ne
pourront avoir des serpillères ou tentes avancées dans les
rues, devant leurs maisons ou boutiques, < sauf à eux à en
avoir des pendantes qui ne débordent pas le mur de face
de leurs dites maisons ».
Il est défendu aux marchands de bois, notamment à ceux
de la rue du Port-Garaud, aux tapissiers, serruriers, char-
rons, emboîteurs de roues, sculpteurs, menuisiers, charpen-
tiers, maçons, marbriers, tourneurs et autres artisans de
tenir dans les rues et places, au-devant de leurs maisons et
boutiques, des planches, pièces de bois, marchandises, meu-
bles, pierres, marbres et autres choses, et aux marchands
de fer, épiciers, tonneliers, aubergistes, charrons et selliers
d'y laisser des pièces de fer, tonnes, tonneaux, muids, em-
ballages, carrosses, chaises, charrettes et autres voitures.
Les tapissiers, selliers, tonneliers, charrons et autres ne
pouvaient travailler de leur métier dans les rues.
Les particuliers qui faisaient déposer dans les rues et
places publiques des tuiles, tuileaux, pièces de bois, décom-
bres ou gravois, terres ou autres matériaux résultant de la
démolition, construction ou réparation des bâtiments de-
vaient les faire enlever dans le délai de vingt-quatre heures,
sous peine d'une amende de cinq livres et d'en être l'enlève-
ment fait à leurs frais et dépens; ils étaient néanmoins
autorisés à mettre les décombres et matériaux utiles sur
l'un des revers des rues, à trois pieds de distance du ruis-
256 MÉMOIRES.
seau, à la condition de les employer incessamment à la cons-
truction, sinon ils les feraient enlever huit jours après avoir
cessé de les employer, sous peine de huit livres d'amende et
d'être, lesdits décombres et matériaux, enlevés aux frais
des propriétaires.
Afin que les habitants ne fussent point incommodés par
la rencontre de matériaux de construclion, il était enjoint
à tous ceux qui faisaient bâtir de tenir toutes les nuits im ,
médiatement après la fin du jour, môme lors des pleines
lunes, une lumière placée à portée desdits matériaux, sous
peine de cinq livres d'amende et du double en cas de récidive.
Les marchands de bois et autres artisans qui avaient des
ateliers sur les bords de la Garonne devaient placer le plus
tôt possible leurs dits ateliers à une certaine distance afin
que la navigation et les bords de la rivière fussent libres,
sous peine de 5 livres d'amende.
Les marchands de bois de Port-Garaud devaient laisser
entre leurs pièces de bois des passages suffisants afin que
les matières déchargées sur le bord de la rivière pussent
être facilement transportées au chemin qui va de la Bour-
dette à la rue du Port-Garaud. Le garde de Port-Garaud de-
vait dénoncer les contraventions sous peine de destitution.
Pour prévenir les obstacles que mettaient à la circulation
et les dommages que causaient aux appartements bas, aux
denrées et marchandises placées sur les étaux des bouti-
ques et aux murailles des maisons, les charrettes chargées
de fagots de sarments et autres choses, les charretiers qui
en transportaient en ville ne pouvaient y entrer avec des
charrettes dont la charge était plus large de douze pans, sous
peine d'une amende de dix livres, de confiscation de la
charge et de double amende en cas de récidive. Les por-
tiers de la ville devaient interdire l'entrée aux charretiers
contrevenants.
Les charretiers étaient tenus de faire passer leurs char-
rettes à chevaux ou à bœufs par le milieu des rues et de les
conduire en restant devant les bœufs ou à côté des chevaux,
sans se mettre sur les charrettes, sous peine de vingt sous
UNE ORDONNANCE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 257
d'amende, de plus grande et même de vingt-quatre heures
de prison s'ils récitlivent.
Il était interdit à tous ceux qui conduisaient des char-
rettes, des chevaux, des mulets ou des ânesses chargés de
bois à brûler, de fagots, de sarments et autres objets pour
les vendre, de s'arrêter dans les rues; ils devaient se rendre
directement à cet effet dans les places publi(|aos désignées
pour cela, sous peine de cinc] livres d'amende. Les charretiers,
voituriers, cochers de louage ou autres ne pouvaient non
plus s'arrêter sans motif dans les rues où deux carrosses ne
passaient pas de front. 11 était défendu aux palefreniers,
postillons, valets d'écurie, de conduire par les rues, aux
abreuvoirs ou ailleurs au delà de trois chevaux, savoir un
attaché à la queue de celui qu'ils montent et le troisième à
la main.
Nul ne pouvait couper ou abattre les arbres des prome-
nades publiques sous peine d'enquis et de punition corpo-
relle; les charretiers et autres ne pouvaient les endommager
sans s'exposer à une amende de vingt-cinq livres et à un en-
quis en cas de récidive. Les bergers, chevroliers, bouchers et
autres ne pouvaient, en aucun temps, mener dépaître du
bétail, gros ou menu, dans les promenades sous peine d'une
amende de vingt-cinq livres, du double et de la confiscation
du bétail à la seconde contravention. Quiconque démolissait
pourn'importe quel motif les parapets, les sièges des rem-
parts et autres i)romenades, les ponts de la ville et des fau-
bourgs était condamné à une peine corporelle. Il était
défendu de jouer au mail ou aux boules sur les promenades
ou sur les grands chemins sous peine d'une amende de
cinq livres, tant contre les joueurs que contre ceux qui prê-
teraient les boules, et de confiscation desdites boules.
L'éclairage des rues a été, pendant tout le dix -huitième
siècle. Tune des grandes préoccupations dos capitouls. Pour
des raisons d'ordre, de sécurité et de morale, il était utile
que la ville fût convenablement éclairée; mais les dépenses
considérables ({n'auraient entraînées ce service et les procé-
dés rudimentaires dont on disposait ne permirent pas d'ar-
258 MÉMOIRES.
river au résultat souhaité. C'est seulement à la fin du dix-
septième siècle, en 1697, que des lanternes furent installées
dans les rues de Toulouse. Elles étaient fournies et entrete-
nues par un entrepreneur; les cordes qui les retenaient et
qui servaient à les faire monter et à les faire descendre
étaient tantôt fixées aux fenêtres des particuliers, tantôt
enfermées dans des boîtes dont les clefs étaient entre les
mains des dizainiers chargés du service de Téclairage.
L'ordonnance de 1769 règle d'une manière précise le fonc-
tionnement de cet important service. Les entrepreneurs des
lanternes publiques devaient fournir de bonnes lanternes
sans boudiné, les décrasser et les nettoyer tous les mois, en
changer ou en réparer les carreaux, s'il y avait lieu, au
premier avertissement qui leur en serait donné par le capi-
taine de la santé, et remplacer de même dans le jour les
lanternes brisées, sauf en cas de grêle et d'ouragan, exceptés
par leur bail. Les dizainiers devaient allumer exactement
tous les soirs', sous peinede prison, de vingt livres d'amende,
de destitution et même d'enquis le cas échéant; il leur était
défendu sous les mêmes peines de substituer d'autres chan-
delles à celles qui leur seraient remises par le capitaine de
la santé. Ils devaient mettre les chandelles dans les lanter-
nes immédiatement après la fin du jour, les allumer l'une
après l'autre dans le cas où ils en auraient plusieurs dans
leurs moulons; en nettoyer tous les soirs les bobèches; les
élever à deux pieds au moins au-dessous de la poulie et
dénoncer sans délai au capitaine de la santé les dégrada-
tions faites aux lanternes, sous peine, dans chacun des cas
spécifiés et pour chaque lanterne, de trois livres d'amende
et, en outre, de répondre aux entrepreneurs des lanternes
et des carreaux brisés ou brûlés par leur faute. Ils étaient
tenus de fermer tous les soirs les boîtes des lanternes, d'en
garder les clefs toute l'année, de les ouvrir eux-mêmes ou
de les faire ouvrir par des personnes commises par eux
lorsque les entrepreneurs auraient besoin de réparer les
lanternes ou de les retirer. Ils étaient responsables des dé-
gradations faites aux boîtes, faute d'être fermées.
UNE ORDONNANCE SUR LA VOIRIE^ DE TOULOUSE. 259
Les propriétaires ou locataires, les chapitres, abbayes, col-
lèges, séminaires et autres corps et couimunautés chargés
sans distinction de la descente des lanternes, ainsi que les
particuliers, devaient les descendre au premier avertisse-
ment des dizainiers et pour cela se trouver chez eux au
moment de l'éclairage, ou charger d'autres personnes ou
des voisins d'en faire la descente sous peine de trois livres
d'amende et « d'être » l'ait des boîtes à leurs frais et dépens
en cas de récidive. Les particuliers, corps et communautés
qui obtiendraient à l'avenir la permission de placer des
boîtes pour se dispenser de descendre les lanternes devaient
faire réparer le plus tôt possible et tenir réparées avec de
bonnes serrures et clefs lesdites boîtes et les ponlies ados-
sées au mur, sinon ils seraient privés de la faculté d'avoir
des boîtes et contraints, sous peine d'une amende de
cinq livres, de recevoir à leurs fenêtres la corde des lanternes
pour les descendre. Les habitants n'étaient tenus de des-
cendre les lanternes que pendant un an, après lequel cette
obligation passait tour à tour à leurs voisins. Le capitaine
de la santé leur délivrait sans frais un certificat portant
qu'ils avaient descendu la lanterne à leur tour pendant un
an. Quand les boîtes étaient communes à plusieurs particu-
liers, corps ou communautés, ceux à la maison de qui elles
étaient adossées devaient, au premier avertissement du ca-
pitaine de la santé, les réparer en entier, sauf leur recours
contre les autres contribuants, et sans que le refus ou le
retard de ceux-ci suspendît le service des lanternes; sinon
on devait y pourvoir à leurs frais et dépens.
Il était défendu de casser les .lanternes, les cordes et les
boîtes avec des pierres ou autrement sous peine d'enquis et
de punition exemplaire, si c'était la nuit, de vingt livres
d'amende, si c'était pendant le jour, et de plus grande, le
cas échéant, au profit des entrepreneurs. Les contrevenants
étaient en même temps responsables des dc^gradations des
lanternes et des boîtes.
Le commissaire de la santé devait veiller avec souci à
l'exécution de tout ce qui concernait l'éclairage et, pour
260 MÉMOIRES.
exciter son zèle, on lui attribuait la moitié des amendes.
Depuis le règne de Louis XIV, depuis l'organisation de la
police à Paris, les municipalités des grandes villes prirent
des mesures relatives à la propreté et à l'hygiène de leur
cité. Les capitouls de Toulouse suivirent l'exemple qui leur
était donné de divers côtés; ils publièrent plusieurs ordon-
nances sur ces questions, et celle de 1769 ne fait que les
résumer et les compléter.
Pour assurer d'une manière efficace le nettoiement des
rues, il était enjoint à tous les habitants, de quelque qualité
et conditions qu'ils fussent, même aux abbayes, chapitres,
collèges, séminaires et autres corps et communautés de toute
espèce, de faire balayer chaque jour, avant huit heures du
matin, le devant de leurs maisons ou murs de clôture, de
nettoyer les ruisseaux, de faire mettre les immondices le
long des murs et non au bord des ruisseaux, ni sur les pla-
ces publiques, notamment sur celle de Saint-Georges. Ils
ne pouvaient entraîner les immondices, lors des pluies, dans
le courant des ruisseaux, sous peine de dix sous d'amende,
du double en cas de refus, et de plus grande s'il y avait lieu.
Ils devaient aussi, et sous les mêmes peines faire arroser le
devant de leurs maisons ou murs de clôture deux fois par
jour pendant l'été, savoir : à huit heures du matin et à deux
heures de l'après midi, à la distance de deux pieds des murs
des maisons.
Les charrieurs publics devaient enlever chaque jour, dans
la matinée, les immondices de leur quartier, même en hiver
les neiges et glaces amoncelées et les porter aux lieux dési-
gnés à cet effet, nettoyer au balai la place où les immondices
auraient été ramassées et avoir à leurs tombereaux une clo-
chette, afin que les habitants, avertis par ce moyen, fissent
à la hâte balayer le devant de leurs maisons, sous peine con-
tre les charrieurs de dix livres d'amende, du double s'ils
récidivaient et d'être privés, à la troisième contravention,
de l'effet de leur bail qui serait adjugé à un autre. Leurs
tombereaux devaient être tenus en bon état, les planches de
derrière plus élevées, afin que les immondices ne pussent
UNE ORDONNAMGE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 261
point se répandre dans les rues, et, pour s'assurer qu'ils
remplissaient leurs obligations à cet égard, leurs tombereaux
étaient visités tous les mois. Les préposés au nettoiement des
places i)ul)liques où se tenaient les marchés étaient obligés
de les nettoyer chaque jour après le marché, et après avoir
ramassé les immondices au milieu desdites places, ils de-
vaient les faire enlever le même jour, sous peine d'une
amende de cinq livres.
Les jardiniers, revendeurs et revendeuses ne pouvaient
laisser ou jeter dans les rues, les cosses de fèves, de pois, de
haricots, les feuilles et jambes d'artichauts; il leur était en-
joint de les balayer, de les amonceler le long des murs de
leurs maisons et de les faire enlever dans les vingt-quatre
heures. Les particuliers qui feraient mettre dans les rues
de la ville et des faubourgs des fumiers, des pailles, des
feuilles de mûriers, devaient les faire enlever dans les vingt-
quatre heures qui suivraient leur dépôt.
L'ordonnance réglementait même les tombereaux des par-
ticuliers. Ils devaient avoir deux pans de largeur dans œu-
vre sur le devant, deux pans quatre pouces sur le derrière,
deux pans et quart de profondeur sur six pans de longueur
dans œuvre, et les planches de derrière deux pans de hauteur
sous peine de confiscation et de vingt livres d'amende. Les
planches de derrière devaient être bien jointes et serrées
pour ne pas laisser tomber sur la voie publique les matières
transportées, sous peine d'une amende de cinq livres. La
même amende serait également décernée contre les charre-
tiers et conducteurs qui, transportant des fumiers, des foins,
des pailles et autres choses, les laisseraient se répandre dans
les rues.
Nos ancêtres étaient beaucoup moins exigeants que nous
en matière d'hygiène, mais ils ne la négligeaient pourtant
pas complètement, et l'ordonnance des capitouls va nous en
fournir plusieurs preuves. Pour empêcher que l'air ne fût
infecté par les urines et matières fécales, les propriétaires
des maisons où il n'y avait point de latrines étaient tenus
d'en faire construire pour eux et pour leurs locataires dans
262 MEMOIRES.
trois mois pour tout délai, sous peine de cent livres d'amende
et d'être les portes de leurs maisons murées jusqu'à l'entière
construction desdites latrines. Les clauses qui pouvaient
avoir été insérées dans les baux ou sous-baux à loyer des
maisons ou qui pouvaient l'être à l'avenir, portant que les
locataires n'auraient point l'usage des latrines, étaient décla-
rées nulles et de nul effet, comme illicites et contraires à la
bonne police et au bien public. Malgré ces conventions, les
locataires ou sous-locataires auraient l'usage des latrines et
les propriétaires étaient tenus de leur en céder les clefs sous
peine d'une amende de cinquante livres et d'être privés du
loyer de leurs maisons. Il était défendu de construire des
latrines dont les urines et matières fécales s'écouleraient dans
les rues sous peine de démolition, de cent livres d'amende
contre les propriétaires et de pareille amende contre les
ouvriers, payable même par corps. Ceux qui en avaient fait
construire de semblables étaient tenus de les démolir inces-
samment. On ne pouvait non plus en construire sur les murs
de la ville. Les particuliers, chapitres et les autres corps ou
communautés qui en avaient sur lesdits murs, le long des
promenades ou des fossés de la ville, notamment depuis la
porte du château jusqu'à celle de Saint-Etienne, devaient les
faire démolir dans les huit jours qui suivraient la publica-
tion de l'ordonnance, sous peine de cent livres d'amende et
d'y être mis des ouvriers à leurs frais et dépens. 11 était
enjoint aux gadouards, sous peine de prison, de nettoyer les
latrines pendant la nuit, de commencer à dix heures du soir
en hiver et à onze heures en été, de discontinuer leur travail
avant le jour et de faire transporter les matières fécales aux
lieux accoutumés, sans les répandre dans les rues. Il était
défendu de porter dans les rues ou places publiques, de jour
ni de nuit, des matières fécales, des urines et autres ma-
tières puantes, de jeter par les fenêtres de pareilles ma-
tières, des balayures, décombres, terres, ni même des eaux,
sous peine de cinq livres d'amende dont les maîtres seraient
responsables pour leurs domestiques. On ne pouvait garder
dans les maisons les eaux croupies et corrompues, elles
UNE ORDONNANTE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 263
devaient ,être vidées dans les ruisseaux dans lesquels on
jetterait au plus tôt un ou deux seaux d'eau claire pour les
faire écouler.
Les laitiers étaient tenus de jeter le petit-lait pendant la
nuit dans les ruisseaux des rues et les fabricants d'amidon
de répandre dans les ruisseaux, également pendant la nuit,
Teau corrompue de leurs fabriques et d'y jeter tout de suite
de l'eau claire pour la faire écouler.
Les particuliers ne pouvaient garder chez eux des lièvres,
des lapins, des pigeons, sous peine de confiscation et de cinq
livres d'amende. Il était défendu sous la même peine de lais-
ser vaguer dans les rues, places et faubourgs, la volaille, les
oies, les canards et les cochons. Ceux qui avaient des oies
chez eux devaient nettoyer fréquemment les lieux où ils les
tenaient. 11 était interdit de laver les lits dans les rues et
places publiques ou de les porter à cet effet à la rivière, à
moins que ce ne fût loin des abreuvoirs et des endroits où
l'on puisait de l'eau pour boire. Les blanchisseuses ne pou-
vaient, sous peine d'amende et de prison en cas de récidive,
laver au-dessus et autour des abreuvoirs, des radeaux et
autres lieux où l'on allait chercher de l'eau pour l'usage des
habitants. Les particuliers ne pouvaient aller se haigner
dans ces endroits-là. Il était défendu de jeter dans la rivière
ou dans les égouts, dans les fossés des remparts, dans le
fossé mayral des Trente-six-Ponts ou auprès des murs des
promenades, des matières fécales, des immondices, des or-
dures, des fumiers, des décombres, des bêtes mortes. Les
dizainiers devaient (aire /connaître, sur-le-champ, au capi-
taine de la santé, les chiens, chats et autres bêtes mortes qui
se trouveraient dans leurs quartiers, afin de les faire enlever
par lesgadouards. Les tanneurs ne pouvaient mettre à sécher
des peaux fraîches dans leurs boutiques ou sur les rues,
places et autres endroits, au dedans et au dehors de la ville,
sous peine d'une amende de dix livres, de plus forte et même
de confiscation desdites peaux, en cas de récidive. Il était
aussi interdit aux bouchers, aux chevrotiers de faire sécher
au devant de leurs maisons et sur les rues des peaux, des
264 MÉMOIRES.
fressures, des graisses, mais ils pouvaient les exposer dans
leurs maisons.
Le pavage était assez négligé; il était cependant d'autant
plus nécessaire de l'entretenir en bon état qu'il n'y avait pas
do trottoirs : aussi les capitouls imposent-ils aux habitants
certaines obligations sur ce point-là. Tous les propriétaires,
même les chapitres, abbayes, collèges, séminaires, corps et
communautés religieuses de tout sexe étaient tenus de faire
réparer, aussitôt après la publication de rord'onnance, les
trous et ornières qui se trouvaient le long de leurs maisons,
murs de clôture et possessions et même la totalité du pavé, si
c'était nécessaire. Ceux qui avaient des maisons sur les pla-
ces publiques et carrefours feraient également réparer le
pavé depuis leurs maisons jusqu'à une étendue de douze
pans, l'entretien du surplus demeurant à la charge de la
ville. Le directeur des travaux publics devait indiquer la
pente à donner au pavé et les proportions des gondoles ser-
vant à conduire les eaux de Tintérieur des maisons dans les
rues. Dans le cas où les particuliers n'exécuteraient pas ces
travaux, le capitaine de la santé marquerait les endroits à ré-
parer; le directeur des travaux publics indiquerait la pente
et la proportion des gondoles, et les capitouls ordonneraient
les travaux. Les paveurs avertiraient les propriétaires qui
auraient la faculté d'employer des paveurs à leur choix,
vingt-quatre heures après l'avertissement, ou fourniraient
aux paveurs désignés par les capitouls les cailloux et le
sable nécessaires. A défaut d'option par les propriétaires, les
travaux seraient faits à leurs dépens par les paveurs prépo-
sés par les capitouls. Les conditions dans lesquelles les pa-
veurs exécuteront les travaux sont nettement déterminées :
soit qu'ils fassent à neuf, soit qu'ils réparent le pavé, ils
devront mettre pour le moins quatre pouces de sable neuf de
rivière, sous les cailloux, poser les cailloux de joint et non de
plat, n'y laisser que six lignes au plus de joints, bien garnir
.de sable lesdits joints et battre le pavé à refus de la demoi-
selle « uniment et sans flache » sous peine d'une amende de
vingt livres et d'être condamnés à refaire le pavé à leurs
UNE ORDONNANCE SUH LA VOIRIE DE TOULOUSE. 265
dépens, de double peine et môme de prison s'ils récidivent.
Les paveurs devaient enlever les décombres vingt-quatre
heures après avoir terminé leur ouvrage, sous peine de cinq
livres d'amende et d'en être l'enlèvement fait à leurs frais.
Le prix du pavage était fixé à quarante-cinq sous la canne
carrée de pavé neuf, y compris la fourniture de sable et de
cailloux; à vingt-cinq sous la canne de pavé refait avec
fourniture de ce qui était nécessaire; à dix sous par canne
pour la main d'œuvre lorsque la fourniture du sable et des
cailloux serait faite par les particuliers. Les travaux devaient
être reçus par le directeur des travaux publics et, en cas de
malfaçon, les paveurs seraient condamnés à vingt livres
d'amende et la réfection du pavé serait exécutée à leurs frais.
Les paveurs devaient se faire inscrire au greffe de la police
et ne pas travailler sans avoir satisfait à cette disposition.
Ils ne pouvaient s'absenter sans permission et ils étaient
tenus d'indiquer le lieu où ils iraient travailler et la durée de
leur absence. Nul ne pourrait désormais exercer le métier
de paveur sans avoir travaillé pendant un an sous des
paveurs dont les noms seraient inscrits au greffe. Pour met-
tre le pavé à l'abri de détériorations trop rapides, il était
défendu aux boulangers, pâtissiers, hacheurs de bois et
autres de fendre du bois sur le pavé des rues sous peine de
dix livres d'amende. C'est dans le même but qu'il était inter-
dit aux rouliers d'atteler à leurs charrettes plus de trois
chevaux ou mulets sous peine d'une amende de cent livres
et de la confiscation des charrettes, chevaux ou mulets.
Quant à ceux qui se serviraient de charrettes à quatre roues,
ils pourraient employer le nombre de chevaux qu'ils juge-
raient à propos.
L'ordonnance renferme un certain nombre d'autres pres-
criptions qui ne se rattachent pas à l'une quelconque des
divisions indiquées ci-dessus, mais qu'il importe cependant
de signaler. Il était défendu de charger, d'enlever les pla-
ques ou écriteaux qui étaient placés au coin des rues et qui
annonçaient le nom desdites rues. Les enseignes ne pou-
vaient être posées qu'à la hauteur de quinze pans depuis le
10» 8ÉRÎK. — TOME X. 20
266 MÉMOIRES.
pavé de la rue jusqu'à la partie inférieure du tableau. Il
était interdit à toutes personnes de se baigner en assemblée
de différents sexes autour des abreuvoirs, des radeaux et
autres lieux où Ton allait chercher de Feau, sous peine d'une
amende de vingt-cinq livres et de prison. Gomme les char-
retiers montraient une obstination effrénée à dégrader les
chemins en y déposant sans cesse à la dérobée diverses ma-
tières, il leur était très expressément défendu de transporter
sur les chemins du gardiage et dos environs de la ville ou
dans les rues des faubourgs ou sur les promenades publi-
ques, des fumiers, immondices, pailles, terres, décombres,
tuileaux et autres matériaux sous peine de huit jours de
prison, de confiscation des charrettes ou tombereaux, de
cent livres d'amende, payables même par corps. L'amende
devait appartenir au dénonciateur qui serait tenu secret.
Nul ne pouvait faire de dépôt dans les rues sous peine de
vingt-cinq livres d'amende. Il était interdit de déposer
sur les chemins, ou près des chemins, des bêtes mortes tel-
les que chevaux et bêtes à cornes. Il fallait les enterrer à
trois pieds de profondeur sous peine de dix livres d'amende
dont bénéficierait le dénonciateur. Les propriétaires dont
les possessions aboutissaient aux fossés des grands chemins
étaient obligés de les faire curer chaque année sur l'éten-
due de leurs possessions dans toute leur largeur et avec la
pente nécessaire à l'écoulement des eaux, comme aussi de
les élargir et de les approfondir, s'il le fallait, en confor-
mité des règlements de la province. Les possesseurs dont
les fonds aboutiraient aux fossés mayraux devaient les faire
curer tous les ans dans la partie qui bordait leur propriété
et leur donner la largeur, la profondeur et la pente néces-
saires, afln qu'ils eussent la capacité requise pour recevoir
les eaux. Les propriétaires ne pouvaient combler les fossés
des chemins, sous prétexte d'aller à leurs propriétés, mais
ils avaient le droit de faire sur ces fossés des ponts plus éle-
vés pour laisser toujours libre le cours des eaux; ils ne pou-
vaient non plus faire dans lesdits fossés des amas de paille,
de fumier ou d'autres choses. Les pasteurs n'avaient pas le
tJNE ORDONNANCE SUR LA VOIRIE DE TOULOUSE. 267
droit de faire paître les bestiaux dans les fossés des chemins,
on sur les tertres ou sur les haies, sous peine de dix livres
d'amende. Les porliers de la ville devaient, sous peine
d'amende arbitraire et de destitution, fermer les portes de la
ville à neuf heures du soir en hiver et à dix heures en été,
les ouvrir à quatre heures du matin en été et à six heures
en hiver, en outre les tenir ouvertes en tout temps, même
les jours de dimanche et de fêtes, sauf celles de Montoulieu
et de Montgaillard, dont le guichet serait seul ouvert ces
jours-là, sous peine d'être poursuivis comme concussion-
naires.
Cette ordonnance de 1769, parles nombreux détails qu'elle
renferme, est une page de l'histoire toulousaine Grâce à elle,
nous comprenons mieux ce qu'était la ville de Toulouse, ce
qu'elle aurait dû être, nous vivons un peu avec nos ancêtres;
et je ne crois pas que nous ayons à regretter ce qu'on est
convenu d'appeler le bon vieux temps. La rue offrait peut-
être un peu plus de pittoresque, les coureurs d'aventures
avaient peut-être le moyen de satisfaire plus facilement leur
goût, mais les inconvénients signalés sont si nombreux et de
telle nature, que nous devons nous féliciter de ne plu-s avoir
à les subir. On ne peut pas dire cependant que quelques-uns
d'entre eux n'existent plus à notre époque.
Certaines prescriptions de 1769 auraient besoin d'être
renouvelées; c'est qu'en effet il ne suffit pas de légiférer pour
changer les mœurs d'un pays, quid leges sùie moribii^.
L'une des choses qui frappent le plus dans cette ordonnance,
c'est la multiplicité, l'exagération des amendes, la facilité
avec laquelle on peut mettre les habitants en prison et aussi,
ce qui n'existe plus, je crois, dans les règlements actuels, la
responsabilité des ouvriers qui, sur l'ordre du propriétaire,
exécutent un travail contraire aux prescriptions des capi-
touls. Mais qu'on se rassure, les règlements, surtout sous
l'ancien régime, sont faits pour ne pas être appliqués; c'est
pour cela, sans doute, qu'ils étaient toujours si sévères. On
aimait mieux faire peur que faire mal, on était arbitraire et
violent par habitude et doux par tempérament. L'ordonnance
268 MÉMOIRES.
de 1769 n'eut pas un meilleur sort que beaucoup d'autres,
elle ne fut que très vaguement exécutée, elle dut être renou-
velée et complétée en 1781. Et, pourtant, si les capitouls
s'étaient montrés plus rigoureux, s'ils avaient su défendre
les habitants contre eux-mêmes, comme ont trop souvent à
le faire les administrations municipales, la ville de Tou-
louse se serait plus vite transformée et elle aurait ainsi
mieux justifié son titre de capitale du Languedoc.
PROBLÈMES DE MÉGANIQUE. 269
METHODES DE RESOLUTION
DES
PROBLÈMES DE MÉGANIQUE
D'APRÈS L'ENSEIGNEMENT DE DESPEYROUS
Par Ulysse LALA *
Associé correspondant-résidant de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres
de Toulouse.
INTRODUCTION
Le développement actuel des sciences physiques et indus-
trielles et la nécessité corrélative d'instituer des enseigne-
ments spécialement adaptés aux besoins des physiciens et des
ingénieurs déterminent une transformation complète des
cours de mécanique rationnelle qui constituent logiquement
la base du haut enseignement scientifique.
« C'est qu'en efifet, la mécanique est la plus parfaite des
sciences rationnelles issues des sciences d'obsey^vation :
elle emprunte aux sciences abstraites les méthodes rigou-
reuses et se retrempe, à chaque pas, aux sources fécondes
de r expérience en demandant aux faits la vérification des
conceptions nécessairement incomplètes qu'on peut faire en-
trer dans le calcul. Elle a l'avantage de posséder à la fois
les deux leviers les plus puissants de l'esprit humain, Vana-
lyse mathématique et Vexpérience; envisagée à ce point de
vue, c'est la science par excellence, celle qui peut le plus
contribuer à la puissance intellectuelle et matérielle d'un
1. Lu dans la séance du 13 mai 1910.
270 MÉMOIRES.
pays ^ » Et il est absolument essentiel « de donner les
résultats par des méthodes simples, générales, et gous la
forme définitive, sous laquelle ils sont appliques '^ », dans
des « problèmes concrels, souvent plus difficiles à manier
que les spéculations théoriques^ ».
Le modèle nouveau des cours de mécanique est fourni par
un magistral ouvrage récent dû à la plume particulièrement
autorisée d'un professeur de l'Université de Toulouse ^, dans
lequel l'auteur, prenant « à peu près exactement le contre-
pied de l'enseignement officiel français* » et trouvant que
la culture purement mathématique de «. la mécanique dans
ses parties les plus abstraites'^ » constitue une « éducation
mécanique... absurde pour les physiciens et les ingénieurs^ »,
développe l'exposition complètement transformée de la méca-
nique en utilisant, dans ce but, « toutes les ressources des
mathématiques'^ », mais en n'oubliant jamais que « la mé-
canique est une science expérimentale qu'on doit apprendre
au laboratoire en faisant des expériences ' », car « il existe
des manipulations de mécanique comme de physique, par
la simple raison que la mécanique est le chapitre premier
de la physique"^ », ne différant « de celle-ci ni par ses métho-
des, ni par ses résultats^ ».
Dans l'Avant propos de ce cours de Mécanique ration-
nelle et expérimentale, mais cependant non technique, le
maître qui l'a écrit, trop modeste, oubliant (peut être parce
que développée insuffisamment à son gré) l'organisation,
faite sur son initiative, de manipulations de mécanique
au laboratoire d'enseignement de la physique à la Faculté
des sciences de Toulouse, déclare que « nulle part en France
1. A. Cornu, L'Ecole Polylech7iique {Revue générale des sciences
pures et appliquées, VII, 1896, p. 899).
2. A. Cornu, loc. cit., p. 902.
3. H. Douasse, Cours de mécanique ralio/Dielle et expérimenCale.
1 vol. in-8o, 692 p.; Delagrave, éd. (1910).
4. H. Bonasse, loc. cil., avant-propos, p. 1.
5. Id., ibid., pp. 1 et 2.
6. Id., ibid.,'i>. 2.
7. Id., ibid., p. 3.
PROBLÈiMES DE MÉCANIQUE. 271
la mécanique n'est enseignée comme une science expéri-
mentale ' ». Et, en effet, à ce sujet, M. André Pelletan,
inspecteur général des mines, sous directeur de l'Ecole na-
tionale supérieure des mines, s'occupant de l'Ecole polytech-
nique, a pu récemment écrire les lignes suivantes^ :
« En ce qui concerne les travaux pratiques de mécanique,
le règlement des études ne contient qu'une phrase, d'ailleurs
énigmatique; la voici : « Les élèves sont appelés à voir de
près le fonctionnement des machines en mouvement. » Tout
le monde est appelé à voir de près des machines en mouve-
ment, même au milieu des rues de Paris; ce n'est pas là un
privilège ni un programme d'instruction. S'agit-il de ma-
chines fonctionnant à l'Ecole même? J'y ai bien découvert
un petit appareil à vapeur, égaré là par le hasard de je ne
sais quelle donation; le conservateur des collections a placé
cet objet sous verre, comme si c'était une nouveauté rare et
délicate qu'il fallait mettre à l'abri des curiosités indiscrètes.
Mais l'appareil est hors d'usage; ce n'est certainement pas
lui qu'on offre en spectacle. Gomment donc faut-il interpréter
le texte sybillin arrêté par le conseil de perfectionnement?
11 signifie simplement que les élèves sont invités, quand ils
en ont l'occasion, à s'approcher des machines et à les re-
garder tourner. C'est à cela que se borne leur instruction
mécanique pratique. >
Aujourd'hui, un enseignement raisonnable de mécanique
rationnelle doit consister « à regarder autour de soi et à
expliquer à ses élèves ce qu'on a vu et ce qu'il faut voir. Pas
une science physique n'est aussi proche de nous, n'a des
applications plus vulgaires et tombant plus naturellement
sous notre observation journalière... Tou^ les jours, nous
expérimentons les conséquences d'un frottement plus ou
moins grand, ne serait-ce qu'assis à notre table de travail
1. H. Bonasse, Cours de niécanique, etc., avant-propos, p. 3.
2. A. Pelletnn, La fornidlion des ingénieurs en France et à
V étrange)' (Revue p[«';néralo des sciences pures et applifpu^es, XXI,
HIIO, p. 281); extrait d'une conférence donnée à la Technique mo-
derne, le 9 mars 191Q.
272 MÉMOIRES.
pour éviter que notre fauteuil ne s'échappe de dessous notre
séant, ne serait-ce que pour faire tenir en place les tableaux
qui ornent nos murs, pour huiler la pendule ou la serrure,
pour régler le pèse- lettres. L'enseignement supérieur de la
mécanique consiste précisément à assembler et à déduire
d'un petit nombre de principes tous ces faits d'expérience
vulgaire auxquels nous ne pouvons échapper. Les plus vul-
gaires, comme la toupie, le billard et la bicyclette, ne sont
ni les plus faciles, ni les moins intéressants ^ »
En jetant un regard en arrière sur le passé si récent pour
essayer de se rendre exactement compte des méthodes d'en-
seignement considérées maintenant comme de simples exer-
cices de mathématiques pures et des résultats pratiques que
ces méthodes permettaient d'obtenir, on est frappé de ce fait
que les préoccupations actuelles n'étaient peut être pas abso-
lument étrangères à certains professeurs de mécanique. 11 en
était, en particulier, ainsi pour Despeyrous, dont on conser-
vera toujours le souvenir dans cette Académie et à la Faculté
des sciences de Toulouse, où, s'efForçantde justifier complète-
ment le titre « ^mécanique rationnelle et appliquée » de la
chaire qu'il occupa- pendant dix ans (1872-1882), il donna
un magistral enseignement théorique et pratique. La biblio-
thèque de la mairie de Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-
Garonne), où sont déposées les œuvres de Despeyrous, pos-
sède le Programme de mécanique rationnelle en 103 feuil-
les doubles détachées, et le Program^ne de mécanique appli'
quée en 30 feuilles doubles détachées (carton n«4)^ de ces
leçons qui exigeaient deux années scolaires pour leur déve-
loppement et dont la haute valeur fut consacrée par un pré-
cieux hommage posthume. Le Cours de mécanique de Des-
peyrous 3, imprimé après le décès de l'auteur, fut, en effet.
1. H. Bouasse, Cours de mécanique, etc., avant-propos, p. 5.
2. Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-
Lettres de Toulouse, 8« série, t. VII, 1885 (2« sein.), p. 112.
3. Deux volumes, A. Hermann, éd.; — t. I (1884), x-369 pages, plus
76 pages de notes (Darboux); t. II (1880), 460 pages, plus 146 pages
de notes (Darboux).
PROBLÈMES Di: MKCANIQUE. 273
indiqué comme ouvrage à étudier par les candidats dans les
instructions relatives au concours de l'agrégation des lycées
pour les sciences mathématiques.
Cette constatation officielle et répétée de la valeur de
l'enseignement d'un maître regretté n'étonnait nullement
ceux qui avaient eu la bonne fortune de suivre, à la Faculté
des sciences de Toulouse, les leçons de ce professeur remar-
quable par sa science profonde et par la respectueuse affec-
tion dont Tentouraient ses élèves, auxciuels ils ne marchan-
dait, d'ailleurs, ni sa bienveillance, ni son dévouement.
Le cours de Despeyrous, aujourd'hui épuisé, croyons-nous,
enrichi de fort nombreuses (22) et très intéressantes notes
de réminent secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences,
M. Darboux, doyen honoraire de la Faculté des sciences de
Paris, constituait, en effet, le meilleur des guides pour des
étudiants sur le point de devenir des maîtres. Aussi, a-t-on
peut-être le droit de signaler, avec peine, certaines lacunes
présentées par la partie de cet ouvrage qui reproduisait,
disait-on, l'enseignement de Despeyrous.
Le très regretté professeur, préoccupé de maintenir le
niveau* élevé de ses leçons, perfectionnait constamment son
cours, et les auditeurs des dernières aimées s'étonnaient de
ne pas retrouver dans l'ouvrage imprimé certains points sur
lesquels le maître insistait pourtant avec soin. C'est ainsi,
par exemple, que l'on constatait l'absence de diverses ques-
tions touchant à la physique mathématique : étude des cor-
des vibrantes comme application des principes généraux du
mouvement des systèmes de points matériels; — vibrations
des gaz dans les tuyaux cylindriques, propagation du son
dans l'espace, mouvement ondulatoire d'un liquide pesant
et homogène, en hydrodynamique; — la thermodynami-
que, etc.
De plus, au point de vue de l'exposition, les méthodes
n'étaient pas toujours les dernières adoptées par Despeyrous.
Les é(| nation s différentielles du mouvement d'un corps so-
lide, en particulier, ne sont [)as établies, dans le cours im-
primé, par la méthode exposée pour la première fois en
274
MEMOIRES.
1880-1881 par Despeyrous, méthode que l'on trouve dans les
Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-
Lettres de Toulouse^. Oïl doit faire la même remarque rela-
tivement aux théorèmes généraux du potentiel et à l'attrac-
tion des ellipsoïdes, questions que Despeyrous exposait,
dans les derniers temps, ainsi qu'on peut les lire dans les
mêmes Mémoires^. L'ordre adopté dans le livre pour la
distribution des matières n'était même pas conforme au plan
général du cours que Despeyrous avait lui même résumé
en un tableau, synoptique qu'il communiquait à ses élèves ^
I. statique
ou lois
de la composition
des forces
et des couples.
Etude
de l'équilibre.
.1. 8e série, tome III, 2^ semestre 1881, pp. 145-168. — Voir aussi,
même série, tome IV, 2^ semestre 1882, pp. 81-87.
2. 7e série, tome VJII, pp. 221-242, 1876, et tome X, pp. 374-396,
1878.
3. Tableau synoptique du cours de mécanique rationnelle
de Despeyrous.
Livre I, — Composition des forces et des couples.
Appendice au livre I : Centres de gravité.
Livre IL — Equilibre d'un point matérieL
Livre III. — Equilibre d'un système de points maté-
riels.
Livre IV. — Equilibre d'une masse fluide en hydro-
statique.
Livre V. — Loi générale de l'équilibre ou principe des
vitesses virtuelles.
Livre VI.- Attraction ( }■ Tliéorie du potentiel
des corps. ^- Application a 1 attraction
^ ( des ellipsoïdes.
II. Cinématique. Livre VII. — Composition des vitesses, soit de trans-
ou étude l lation, soit de rotation,
du mouvement / Livre VIII. — Mouvement d'un point matériel,
indépendamment / Livre IX. — Mouvement d'un système de points maté-
de ses causes. \ riels (corps solide).
/ Livre X. ~ Mouvement d'un point matériel.
Livre XI. — Mouvement d'un système de points maté-
riels.
Livre XII. — Mouvement d'un corps solide.
Livre XIII. — Mouvements relatifs.
Livre XIV. — Mouvement d'une masse fiuide ou hydro-
dynamique.
III. Dynamique
ou
étude' des causes
qui produisent
des effets connus
et réciproquement,
étude
des effets produits
par des causes
connues. '
Livre XV. — Thermo-
dynamique.
1. Physique générale déduite
d'une seule hypothèse.
2. Résumé de la théorie expé-
rimentale de la chaleur.
3. Etude générale de la ther-
modynamique.
4. Théorie des gaz.
PROBLÈMES DE MÉGANIQUE. 275
Enfin, dans un ouvrage étudié par de futurs professeurs,
on aurait vu, avec satisfaction, figurer sous une fornie
quelconque: note, appendice,..., le résumé des méthodes de
résolution des problèmes de mécanique, groupées, d'une ma-
nière très personnelle, par Despeyrous, qui revenait fort
souvent, dans ses conférences, sur cet ensemble do procédés
aux(iuels, disait-il, « aucun problème de mécani(|ue ne peut
échapper », et dont on ne trouve pas trace dans le catalo-
gue des œuvre» de Th. Despeyrous, déposées à la Bibliothè-
que de la mairie de Beaumont-de-Lomagne*.
Gomme les problèmes de mécanique proposés par Des-
peyrous à ses élèves^ n'étaient pas de simples « sujets de
1. Mémoires de VAr.adémie des Sciences, I. et B.-L. de Toulouse,
8e série, t. VJI, 1885 {2^ semestre), pp. 110 et suiv., appendice à
l'Eloge de Despeyrous, par Tillol.
2. Type de problèmes posés par Despeyrous :
Soient 0 et Oj, deux treuils à axes horizontaux et parallèles. Un
cordon sans masse est enroulé plusieurs fois sur le cylindre OB de
l'un d'eux; l'une des extrémités de ce cordon étant accrochée sur ce
cylindre et l'autre extrémité étant tirée par un poids de masse m. Un
second cordon, sans masse, est également enroulé sur la grande roue
OjAi du deuxième treuil, l'une des extrémités de ce cordon étant ac-
crochée sur cette grande roue et l'autre extrémité étant tirée par un
poids de masse n^^. Enfin, un o^ cordon, sans masse, est enroulé[plu-
sieurs fois et sur la grande roue OA du premier treuil et sur le cylin-
dre O^B^ du second, les extrémités de ce 3« cordon étant accrochées et
sur la grande roue OA et sur le cylindre Ojl^,. — On demande la loi
du mouvement <le ce système, en tenant compte de la résistance de
l'air que l'on supposera proportionnelle au carré de'la vitesse angu-
laire <le chacun des treuils? On calculera les tensions de chacun des
cordons. Voir la ligure pour le sens de chaque enroulement (21 juil-
let 1881 : licence es sciences mathématiques).
276 MÉMOIRES.
Spéculations mathématiques^ », les méthodes dont nous par-
lons, d'ailleurs connues individuellement, présentent par le
groupement de Despeyrous un très vif intérêt pédagogi-
que, et nous avons cru faire œuvre utile en les reconstituant
d'après de personnelles et très complètes notes de cours.
En présentant ce travail à l'Académie des Sciences, Ins-
criptions et Belles-Lettres de Toulouse, qui a compté Des-
peyrous parmi ses membres les plus distingués, nous vou-
lons affirmer une double dette de reconnaissance à l'égsrd
d'un maître vénéré et de l'Académie qui nous faisait récem-
ment le grand honneur de nous inscrire parmi ses associés
correspondants résidants.
1. H. Douasse, Cours de mécanique, etc; avant- propos, \). 1.
PROBLEMES DE MECANIQUE. 277
I.
Problèmes de statique.
Une ligure variable composée d'un certain nombre de corps
liés entre eux, étant donnée, on a, au point de vue statique,
deux questions à résoudre :
le»" Problème : Déterminer les conditions cC équilibre du
système, relativement à des forces données;
2® Problèmr : Déterminer la figure d'équilibre correspon-
dant à des forces données.
Les problèmes de statique, ramenés ainsi à deux types, sont
résolubles par deux méthodes, dites des forces intérieures et
du travail vit^tuel, que nous allons examiner successivement.
MÉTHODE DES FORGES INTÉRIEURES.
Que le système donné se compose d'un seul corps ou de plu-
sieurs en nombre quelconque n liés entre eux d'une manière
également quelconque, il faudra, pour déterminer les condi-
tions d'équilibre :
l" Examiner, avec soin, quelles sont les variables qui déter-
minent la position d'équilibre ou la figure géométrique de cet
équilibre; appelons h le nombre de ces variables.
2» Déterminer les i équations, entre ces h variables, qui résul-
tent de la constitution du système donné; cette seconde partie
est, comme la première, du domaine de la géométrie.
30 Chercher les forces intérieures susceptibles de remplacer
les i équations de liaison, c'est-à-dire les forces qui mesurent
les résistances que doivent offrir les liens pour que l'équilibre
puisse exister : forces égales et contraires aux tensions, ou con-
tractions ou pressions qu'éprouvent ces liens dans l'état d'équi-
libre, sous l'action simultanée de forces données, dites forces
278 MEMOIRES.
eœté7'îeweSy qui sont appliquées aux divers point du système
considéré; désignons par h le nombre de quantités qui .mesu-
rent ces forces intérieures.
4** Enfin, considérer conune libre chacun des n corps du sj^s-
tème donné et écrire les six équations d'équilibre relatives à
chacun d'eux. Ces équations sont :
X=zO ^
Y = 0 ^ pour R = 0
ZzzO ]
lu — yZ — zY — 0)
U—z^ — œZ —0 \ pour G =0
N = ^Y— î/X = 0 \
pour le point de coordonnées x, y, z, soumis à la force résul-
tante R(X, Y, Z) et au couple résultant G([., M, N). On a
ainsi 6w équations.
Gela fait,
1er Problème. Si le système donné est de forme déterminée
et connue, on obtiendra les équations nécessaires et suffisantes
pour que ce système, avec cette figure donnée, soit en équi-
libre sous l'action simultanée des forces extérieures également
données, en éliminant les h quantités qui mesurent les forces
intérieures, entre les 6n équations d'équilibi'e, ce qui donnera
6^ — h équations nécessaires et suffisantes pour l'équilibre.
2« Problême. Si, au contraire, on veut connaître la figure
d'équilibre qui convient aux forces extérieures données, il suf-
fit de joindre à ces 6n — U équations d'équilibre, les i équations
de liaison et de résoudre ces 6n — h -{- i équations par rapport
aux h quantités qui déterminent la figure cherchée. Ce second
problème est déterminé si
hz=z6n — h -\-'i;
indéterminé si
/i > 6n — /i -h i;
enfin, il y a 6n — /i + ^ — h équations de condition si
/i < 6n — h -\- i.
PROBLÈMES DE MECANIQUE. 279
Remarques : I. — Le choix des k variables qui déterminent
la position du système a une très grande importance au double
point de vue de la facile détermination des équatioiis d'équili-
bre et de la simplicité de ces équations.
II. — Dans certains cas, il est possible de déterminer immé-
diatement les 6n — h équations d'équilibre, ou du moins quel-
ques-unes d'entre elles dans lesquelles n'entrent pas les forces
intérieures. Pour cela, le système étant rendu préalablement
libre et invariable, il suffira d'exprimer que la somme des for-
ces estimées suivant une droite quelconque est nulle. Si en fai-
sant ce calcul on est obligé d'introduire quelques forces inté-
rieures, on les éliminera des équations formées par ce calcul et
l'on obtiendra ainsi quelques-unes des 6n — h équations
d'équilibre à trouver.
III. — Le système donné est plan, Qn doit être remplacé
par 3n.
IV. — Signalons l'utilité, au point de vue pratique, du calcul
des forces intérieures.
MÉTHODE DU TRAVAIL VIRTUEL.
Considérons un système forma de n points auxquels sont
appliquées des forces extérieures données. La position de ces
n points est déterminée par 8n coordonnées rectangulaires, et
si on représente par i le nombre d'équations de liaisons du
système donné, ce système est dit à liaisons complètes si
^ = 3^ — 1
valeur maximum de i, et à liaisons incomplètes^ si on a
i<nn — 1.
Si l'on peut exprimer, à l'aide des 3n coordonnées rectangu-
laires déterminant la position des n points, les i équations de
liaisons du système donné
L=:0 M = 0 N=:0
280 MEMOIRES.
on pourra appliquer immédiatement léquation générale d'équi-
libre
S (Xoœ -f Yhy + Zhz) + aSL + ^BM + vBN + = 0
ou l'équation identique
SPSi? + Ihh + [i.5M -f vBN + =0.
En développant, on aura une équation, à Sn termes, de la
forme
UM, + U2a?/. + -i-VsnOZn-O.
On égalera à zéro les coefficients de chacune des 3n variations
BiT,, Bi/^, ^Zi, ^oon lyn Izn, 06 qui (ionuera 3n équations
U, = 0 U2 = 0 U3n = 0.
11 suffira d'éliminer entre ces 3n équafions, les i facteurs
indéterminés X, [x, v, , qui n'y entrent d'ailleurs qu'au pre-
mier degré, pour obtenir les 3n — i équations nécessaires et
suffisantes pour l'équilibre.
1^^ Problème. — Les équations demandées sont ces "en — i
équations.
2^ Problème — On joindra à ces 3n — i équations d'équili-
bre, les i équations de liaisons
L = 0 MznO N=:0
et on aura ainsi 3n équations pour déterminer les ^n coordon-
nées qui donnent la figure d'équilibre demandée.
Remarques : I. — Il est utile de calculer les i paramè-
tres X, (j., V, , car ils donnent, à un facteur près, les intensi-
tés, et, par suite, les directions des forces intérieures qu'il faut
connaître si l'on veut calculer les résistances que doivent
ofl"rir les liens pour l'équilibre.
II. — S'il est possible de trouver 1i coordonnées de nature
convenable Gj 62 Ô3 Oi, qui déterminent la position du sys-
PROBLÈMES DE MÉGANIQUE. 281
tème donné, en tenant coinpte de sa constitution, de ses liai-
sons, l'équation d'équilibre est
SPojt? = 0 .
Développée, cette équation devient
v,aei + ¥2^62 + + ViBe&^o.
Par suite, pour le problème direct, les équations d'équilibre
sont
V, zzO ¥2 = 0 Vk — O.
La solution du problème inverse résultera de la résolution de
ces h équations par rapport aux h variables ôj O2 0^-.
III. — La méthode exposée dans la remarque II, qui précède,
ne détermine nullement les résistances que doivent offrir les
liens pour que le système soit en équilibre sous l'action simulta-
née des forces qui l'attaquent. Dans la plupart des cas, on par-
vient néanmoins à les trouver, en décomposant les forces exté-
rieures en leurs composantes; les unes, appelées forces actives
contribueraient au mouvement, s'il n'y avait pas d'équilibre ; les
autres, nommées foixes 7'ésistantes ou passives, produisent
seulement les réactions des liaisons.
IV. RexMarque générale. — On arrive, dans certains cas, à
trouver les équations d'équilibre, soit en réduisant les forces
au plus petit nombre possible, soit en les décomposant.
Calcul de ZVop. — Divers cas sont à considérer :
lef Cas. — En coordonnées rectilignes et rectangulaii^es
oOf 2/, z^ on a
^P^p =: S(XS.r + YS|/ + Zhz),
X, Y, Z désignant les composantes, suivant les axes, de la
force P.
En coordonnées polaires r, 0, tj^, on a
SP8p = 2:(BSr -f- HrSO + Wr sin 0 Z^) ,
10e SÉRIE. — TOME X. 21
282 MÉMOIRES.
R, ©, W étant les composantes de la force P, suivant le rayon
vecteur r, suivant une perpendiculaire à ce rayon dans le plan
azimutal et suivant une perpendiculaire à ce plan.
2*^ Cas. — Si la force P appliquée au point m{x, y, z) est diri-
gée suivant la droite mA, A étant un point quelconque fixe
pris sur cette droite, le travail virtuel de cette force est
=FP5/?,
p désignant la distance mA; le signe — se rapporte au cas où
cette force est dirigée de m vers A, et le signe + à celui où elle
est dirigée en sens contrairjB de A vers m.
3^ Cas. — Si la force P agit suivant la perpendiculaire à une
droite fixe ou à un plan fixe, et si p désigne la longueur de la
distance du point d'application de cette force P à cette droite ou
à ce plan, le travail virtuel de cette force est
le signe — étant pour le cas où la force P agit de son point
d'application vers le pied de la perpendiculaire, et le signe -f-
pour le cas contraire.
4» Cas. — Forces de la nature : 1» Actions mutuelles entre
des points, dirigées suivant leur distance et fonctions de cette
distance; 2» attraction ou répulsion émanée d'un centre fixe,
dirigée suivant la droite qui joint ce centre d'émanation au
point matériel, et fonction de la longueur de cette droite.
Soit F(r) l'intensité d'une force de la nature; posons
Y—jY{r)dr;
le travail virtuel de la force est
le signe — étant relatif au cas de l'attraction et le signe -f- à
celui de la répulsion.
PROBLÈMES DE MECANIQUE. 283
Si dans un système de points ou de corps il y a plusieurs
forces de la nature F(>-), Fi(r,), F2(r2), et si l'on pose
V = f¥(r)dr + fF,{r,)ai\ + fF^{r>,)dr^ +
la somme des travaux virtuels de ces forces est encore
le signe — ayant toujours lieu dans le cas de l'attraction, et le
signe H- dans celui de la répulsion. La fonction V est appe-
lée le potentiel des forces.
Remarque. — Si toutes les forces de la nature se réduisent à
la pesanteur, la quantité oV se réduit à
Zy désignant la distance verticale du centre de gravité du sys-
tème donné, et g l'intensité de la pesanteur.
Théorème. — Quand un système n'est sollicité que par des
forces de la nature, V étant le potentiel de ces forces, on doit
avoir pour l'équilibre de ce système
SV = 0.
pour tous les déplacements compatibles avec les liaisons du
système. Si les équations de cette liaison ne contiennent pas
le te7nps explicitement ^ l'équation précédente entraîne l'équa-
tion
Donc, pour toute position d''équilibre, le potentiel V des for-
ces est, en général, maximaoM minima. Le théorème consiste,
en ce que si V est maxima, l'équilibre est stable^ et si V est
minima, l'équilibre est instable.
284 MÉMOIRES.
IL
Mouvement d'un point.
Pour la détermination des équations différentielles du mou-
vement d'un point, nous examinerons successivement le cas
d'un point libre et celui d'un point gêné par des obstacles fixes.
POINT LIBRE,
I. — En coordonnées cartésiennes x^ ?/, z^ rectangulaires ou
obliques, si l'on désigne par X, Y, Z, les composantes, suivant
les axes, de la résultante des forces accélératrices qui animent
le mobile, on a
(1)
IL — Dans plusieurs cas, on peut, avec avantage, substituer
aux trois équations (1) les trois suivantes
^— T
dt ~
^ = F (2)
S6 = 0 1
dans lesquelles v désigne la vitesse du mobile, p le rayon de
courbure de sa trajectoire et T, F, Sô les composantes de la
résultante des forces accélératrices respectivement suivant la
PROBLÈMES DE MÉGANIQUE. 285
tangente à la trajectoire, la normale principale ou rayon de
courbure et la binormale ou perpendiculaire élevée au plan
osculateur de la trajectoire au point où se trouve le mobile.
Ces trois équations (2) ont l'avantage de contenir explicite-
ment quelques-unes des quantités à trouver 5, r, p qui ne sont
qu'implicitement renfermées dans les équations (1).
Dans le cas où T, F, Sô ne contiennent pas le temps explici-
tement, il est très utile d'éliminer l'élément dt du temps et de
prendre pour variables indépendantes ou t?, ou 5, ou l'angle de
la tangente avec une droite fixe, selon que l'une de ces quanti-
tés rendra intégrables quelques-unes des équations (2).
III. — Si l'on prend, pour déterminer la position du mobile,
les coordonnées polaires r, 6, (]>, l'angle ô étant compté à partir
de l'axe des z et l'angle ^ à partir de l'axe des œ^ les équations
différentielles du mouvement sont
rdt
1 d.
r sin 6 dt
dans lesquelles R, 0, ^ désignent les composantes de la résul-
tante des forces accélératrices qui animent le mobile, respecti-
vement, suivant le rayon vecteur, suivant la perpendiculaire à
ce rayon vecteur dans le plan azimutal dans le sens de l'angle 6
et suivant la perpendiculaire à ce plan dans le sens de l'angle (];.
Si la trajectoire du mobile est plane, contenue dans le plan
des œy par exemple, les équations (3) se réduisent à deux
dh
H
rdtl dt\ '
Remarques. — La nature du mouvement, étudiée A priori,
fait connaître, -en général, le système de coordonnées qu'il faut
286 MÉMOIRES.
adopter, ou rectilignes, ou polaires, ou en partie rectilignes et
en partie polaires.
Pour favoriser la solution du problème proposé, il est utile
de se servir soit du principe des forces vives, soit du principe
(les aires, lorsque ces principes ont lieu pour le problème
donné, car ils conduisent à des intégrales premières des équa-
tions dififérentielles du second ordre du mouvement. Le prin-
cipe des aires a lieu pour tout plan dans lequel le couple des
forces accélératrices situé dans le plan est nul.
Pour les problèmes relatifs à des forces centrales, il y a
grand avantage à utiliser les équations
dw"^ -HZ =P 2^dr Principe des forces vives ;
r^rfO z= Cdt Principe des aires.
(4)
Formules de Binet.
qui se réduisent à deux distinctes ; les signes supérieurs élant
relatjfs au cas de l'attraction et les signes inférieurs à celui de
la répulsion. La lettre R désigne la force dirigée suivant le cen-
tre fixe pris pour pôle; G est la constante (double de l'aire
décrite dans l'unité de temps) du principe des aires; enfin,
w représente la vitesse, car, en astronomie, la lettre v est réser-
vée pour la longitude comptée à partir du nœud ascendant.
POINT GENE PAR DES OBSTACLES FIXES.
Considérons maintenant le mouvement d'un point gêné par
des obstacles fixes, c'est-à-dire assujetti à rester sur une courbe
ou sur une surface fixes.
Dans l'un et l'autre cas, on peut rendre le point libre, en
joignant aux forces accélératrices données qui animent le
PROBLÈMES DE MÉCANIQUE. 287
mobile, les réactions, soit de la courbe, soit de la surface, et,
par suite, l'on doit se servir de l'un quelconque des trois systè-
mes d'équations différentielles (1), (2), (3).
Dans le cas du mouvement d'un point sur une courbe, l'équa-
tion unique
di
,=T (5)
donne la solution complète de la question, T désignant la
somme des forces accélératrices qui animent le point, estimées
suivant la tangente à la courbe donnée. Cette équation exige
seulement, qu'à l'aide des équations connues de la courbe don-
née, on puisse exprimer x, ?/, ^, en fonction de l'arc 5.
METHODE DE LAGRANGE.
Cette méthode, très générale, consiste, en désignant par F »a
fonction
X — 4-Y— -4- Z —
à appliquer les équations différentielles du second ordre
d. dT
dtd^[
d. dT
dt do; '
d. dT
dt d^'
(0)
dans lesquelles T est la moitié de la force vive, c'est-à-dire la
puissance vive du mobile.
Elle exige :
1« Que l'on choisisse trois (Oj, Ô2, O3), ou deux (Oi, 62) ou une
seule (0,) coordonnées de nature quelconque selon que le point
est libre ou assujetti à rester sur une surface ou sur une courbe.
Ces coordonnées tiendront compte de la nature des obstacles.
288 MÉMOIRES.
surface ou courbe, et devront être appropriées le mieux possi-
ble à la nature de la question proposée:
2» Que Ton détermine les valeurs des anciennes coordon-
nées œ^ ?/, z, du point, en fonction du temps t et de ces nouvel-
les coordonnées 9i, Oj, O3;
3° Que l'on calcule la puissance vive T du mobile et la fonc-
tion désignée par Fe relative aux forces accélératrices données,
en fonction du temps t, des 0 et des 0' ;
4® Enfin, que l'on forme les équations (6) au nombre de 3,
lorsque le point est libre; de 2, quand il est assujetti à rester
sur une surface; d'une, quand le point est obligé de demeurer
sur une courbe.
Remarques : I. — Cette méthode de Lagrange, la plus remar-
quable de toutes, est aussi la plus générale, car elle est applica-
ble à tout système de coordonnées, cartésien, polaire, géodé-
sique, .. ..; elle est, en outre, la mieux appropriée à la question
proposée, puisqu'elle fournit les équations différentielles les
plus faciles à intégrer.
IL — Les réactions des liens physiques n'entrent pas dans
les équations différentielles de Lagrange, desquelles, en effet,
elles ont été éliminées par le choix des coordonnées 6. Quand
on voudra calculer ces réactions, il faudra recourir aux autres
méthodes déjà exposées; mais ce calcul n'exige que des diffé-
rentiations.
OBSERVATIONS.
I. — Lorsqu'un point est gêné par des obstacles, il y a, dans
certains cas, avantage à se servir du iwincipe de d'Alembert.
IL — Quand un point fait partie d'un système animé d'une
vitesse de rotation w, autour d'un axe fixe, on peut se servfr
des équations différentielles du mouvement relatif d'un
point; — ou encore, on peut faire abstraction de ce mouve-
ment, pourvu que l'on joigne aux forces données deux-nouvel-
les forces : la force centinfuge tù^r et la force tangentielle r —
at
dirigée en sens contraire de cette rotation. La lettre r désigne
ici la distance du point mobile à l'axe de rotation.
PROBLÈMES DE MÉGANIQUE. 289
III.
Problèmes de dynamique.
Pour mettre en équations un problème de dynaniuiue, nous
pouvons recourir à trois métliodes : celles de cVAlenibert^ des
f07xes intérieures et de Lagrange.
MÉTHODE DE d'aLEMBERT.
l®"" Procédé : Principes de d'Alembert et du travail virtuel
combinés. — S'il est facile, d'après l'énoncé de la question à
résoudre, de découvrir les i équations de liaison du système
entre les ?tn coordonnées rectangulaires
OCiViZ^ X2Î/2Z2 œnVriZn
de ses n points, le principe de d'Alembert combiné avec celui
du travail virtuel donne immédiatement les 3n équations dif-
férentielles du deuxième ordre entre lesquelles il faut éliminer
les i facteurs indéterminés qui s'y trouvent.
Les Sn — i équations que l'on obtient ainsi, donnent, par
leur intégration, la solution complète de la question proposée.
On favorisera cette intégration en se servant, quand ils auront
lieu, des principes du centre de gravité, des aires et des for-
ces vives^ puisque ces principes s'expriment par des équations
intégrales de ces Sn — i équations différentielles.
2« Procédé : Par les forces perdues. — La seconde manière
d'appliquer la méthode de d'Alembert consiste à exprimer qu'.à
chaque instant, les forces perdues., résultantes des forces
motrices et des forces effectives prises en sens inverse, se font
équilibre avec les liaisons du système. Elle doit être appliquée
quand on connaît préalablement les conditions d'é(iuilibre du
système donné.
290 MÉMOIRES.
MÉTHODE DES FORCES INTÉRIEURES.
Elle consiste à considérer chacun des n points du système
donné comme libre sous l'action des forces qui l'animent, et
sous l'action des forces intérieures égales et contraires aux
résistances que doivent offrir les liens dans l'état de mouve-
ment. On doit employer cette méthode quand l'énoncé de la
question fait découvrir facilement ces résistances.
METHODE DE LAGRANGE.
On applique les équations différentielles du deuxième ordre
de Lagrange. Gela exige :
10 Que l'on choisisse h coordonnées 61, O2, O3, , Ojt, de
nature quelconque qui déterminent, en tenant compte des liai-
sons du système donné, la position de ce système, ces coordon-
nées étant fonctions du temps et indépendantes;
2^ Que l'on détermine la somme des puissances vives T en
fonction des 61, 62, 63, 0* et de leurs dérivées du premier
ordre par rapport au temps t, 6',, O'a, O'a, , O'/fc, ainsi que la
fonction
à l'aide des coordonnées 0^, O2, 63, , 0^^
Remarques : I. — Cette troisième méthode, la plus impor-
tante de toutes, conduit, en général, aux équations différentiel-
les les mieux adaptées à la question et les plus faciles à inté-
grer. Pour cette intégration, il faudra se servir, quand ils
auront lieu, des principes, soit du centre de gravité, soit des
aires, soit des forces vives^ puisque ces principes s'expriment
par des intégrales des équations différentielles de la question.
1. Voir Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et bel-
les-lettres de Toulouse, 8» série, t. IV^ 2^ semestre 1882, pp. 81-87.
PROBLÈMES DE MÉCANIQUE. 291
II. — Les réactions qu'offrent les liens n'entrent pas dans les
équations différentielles de Lagrange, desquelles elles sont éli-
minées par le choix des h coordonnées 0. Quand on voudra les
calculer, ce qui n'exige que des différentiations, il faudra recou
rir à la seconde méthode, celle des forces intérieures.
OBSERVATION.
On met quelquefois un problème de dynamique en équation
en se servant du théoi^ème des quantités de mouvement :
-Sm— -= SX
dt dt
IK4r-'S)=K«-''')-
IV.
Mouvemeh^ d'un corps solide.
ROTATION AUTOUR D'UN AXE FIXE.
On doit successivement considérer le corps à l'état initial,
puis à un instant quelconque du mouvement.
Prenons l'axe fixe de rotation pour axe des z et l'origine pour
centre de réduction, désignons par R» et G» la force unique et le
couple unique auxquels se réduisent les forces d'impulsion et
appelons de même R et G la force et le couple uniques prove-
nant des forces motrices.
Pendant la durée du choc, H et G sont négligeables relative-
ment à Rï et Gî, et le principe de d'Alembert fournit les six
équations suivantes
Xi + X, -f X2 + nnùç^Vi = 0
Yi + Y, 4- Y2 — niiùQX^ zz 0 ^ (l) Pour les forces;
- ■ =%'
z, + z. + z, rz 0 1
292 MÉMOIRES.
L< — ¥2^ 4- «0 /// zxdm =: 0
Mt + Xzh + (ùo fff zydm = 0 \ (!') pour les couples.
Ni — Gcoo = 0
Dans ces équations Xj, Yi, Zi, sont les composantes rectan-
gulaires de Rt ; L», M», Nj, les composants du couple G,;
^n 2/1 -2^1, les coordonnées du centre de gravité du corps dont la
masse est m; Xi, Y^, Z^, les composantes de la pression R, de
l'axe au point pris pour origine et X2, Y2, Z2 les composantes
de la pression R2 de Taxe au point situé à la distance h de l'ori-
gine. Ces pressions R, et R2 mesurent la fixité de Taxe durant
l'impulsion. Enfin, on a
La dernière équation (!') fait connaître la vitesse angulaire Wq de
rotation initiale ; les cinq autres équations déterminent les com-
posantes des forces d'ébranlement Ri et R2 durant le choc, ou
plus exactement les cinq quantités Xi, Yi, X2, Y2, Zi + Zç^.
Durant le mouve?nent normal^ les forces motrices, réduites
à R(X, Y, Z) et G(L, M, N), agissant seules, on a les six équa-
tions
X+ Xj + X2 + co^w?^, ^mpi —0 \
Cl II
Y + Yi -f Y2 + i^^my, -f ~ m^i =0 ^ 0)
Z -f Zi + Z2 =0
d(ù
L — hY2 — 0)2 fffzydm +-^ Ç f izocdm^z 0
M -f /iXa + (o'^Jffzœdm + ^fff^y^^ = ^ | (1')
N-G^ =0
dt
dont les cinq premières font connaître X^, Yi, X2, Y2, Zi -}- Zj,
c'est-à-dire les résistances Ri (relative à l'origine) et R2 (rela-
tive au point ^ iz: 0, 1/ = 0, 2 = /i) que doit offrir l'axe, pendant
PROBr.ÊMES DE MÉGANIQUliî. 293
le mouvement, pour que la rotation s'effectue. La sixième donne,
à elle seule, l'accélération de la vitesse de rotation w à un ins-
tant quelconque ^, c'est-à-dire la loi du mouvement*.
ROTATION AUTOUR D UN POINT FIXE.
Prenons pour origine le point fixe et pour axes de coordon-
nées les trois axes principaux d'inertie qui se croisent en ce
point. En désignant par Ri(Xt, Y^, Zi) et Gi(Li, Mf , Ni) la force
et le couple unique dus aux forces d'impulsion et par R|
(Xj, Yi, Zi) la tixité que doit offrir au début le point fixe (ori-
gine), Vétai initial du corps et Vébranlement du point fixe
durant le choc sont déterminés par les six équations
Xi + Xt — m(q.Zi — roVt) zz 0 )
Y, + Y, — m{roX, - PoZ^) = 0 (II)
Z, -{-Zi —?n{poyt — qoœi)—0 ]
Li — Apo = 0 1
Mi— B^o = 0 (ir)
Né— Gro=0 )
dans lesquelles m est toujours la masse du corps, Xi, ?/,, ^, les
coordonnées de son centre de gravité, tandis que A, B, G repré-
sentent les moments principaux d'inertie par rapport aux
axes ox, oij^ oz et Po, q^, ro, les composantes de la vitesse angu-
laire initiale wo. Cette vitesse angulaire d'impulsion wo est dé-
terminée en grandeur, car
et en direction, ses cosinus directeurs étant
£? i2 I»
1 » 1
G)o 0)0 (i)0
1. Applications : treuil, machine d*Atwood, pendule composé, etc.
294 MÉMOIRES.
ce qui fait connaître, par suite, la position de l'axe instantané
de rotation initial. Tout cela résulte uniquement des trois der-
nières équations {II'). Les trois premières (II) donnent ensuite
Xi Yi, Z,, c'est-à-dire, sans indétermination, la résistance Ri que
doit offrir le point fixe durant le choc.
Le mouvement normal est déterminé par les six équations
suivantes :
X + Xi — m[^i -J — 1/. -^— 0)2^?, ^p{pœ, 4- QVi + rzy)] = 0 j
Y + Y, ^m[^, — — ^1 -^ — ^^^1 + Q{P^i 4- QVi + rz,)] — 0 | jes forces;
Z + Z, — ^[2/i-J — ^1 J~^^^i -Vripoc-^qy, + r^,)] = 0 )
aJ-,.(B-C) = L
b5-..(G^A)=zM Pardples.
G J-2^^(A-B)i=N
Les trois dernières équations (2'), intégrées, donneront des
composantes p, g, r, relativement aux axes principaux d'iner-
tie (fixes dans le corps et mobiles avec lui) de la vitesse angu-
laire 0) du corps à un instant quelconque t. Cette vitesse est
alors
iù zzY p"^ -\- q^ -^ r^ .
En outre, l'axe instantané de rotation à l'instant ty est égale-
ment déterminé, car ses cosinus directeurs sont
p q 7-
Faisons remarquer que les oonstarates introduites par l'inté-
gration se détermineront à l'aide des c'onditions initiales de la
question.
t^ROBLÈMES DE MÉCANIQUE. 295
Connaissant ainsi à chaque instant ;?, q^ r, et en plus les
coordonnées Xx^ 2/1, ^t, du centre de gravité, les trois premières
équations (2) serviront à déterminer la résistance R,(Xi, Y,, Z,)
que doit offrir le point fixe (orij^ine) à un instant quelconque t
du mouvement.
Observons maintenant que les axes de coordonnées choisis
(principaux d'inertie) étant, par suite de leur fixité dans le
corps, mobiles avec lui, il est indispensable de connaître leur
position à un instant quelconque. La position (qui détermine
celle du corps) des axes principaux d'inertie est liée à la
vitesse w par les -trois équations d'Euller
p^z — cos ç + -^ sin ô sin tp
g = — — sin 9 + -^ sin e cos 9 (2'')
^^ = ^ + ^1'°''-
Ces équations différentielles du premier ordre en 9, ô, ^,
angles* qui font connaître la position des trois actes principaux
d'inertie par rapport à trois axes rectangulaires fîœes passant
aussi par le centre de pirouettement (origine) donnant, par inté-
gration, ©, 0, ^, en fonction du temps ^, définissent la position
du corps à un instant quelconque. Le problème est alors com-
plètement résolu.
Remarque. — Si le corps est abandonné à lui-même après
l'action des forces d'impulsion, les forces motrices sont nulles,
ce qui entraîne
GzzO.
Par suite, les seconds nombres des équations (2'), compo-
sants de ce couple nul G, sont également nuls et les équa-
tions (2') s'intègrent aisément. Elles donnent, dans ce cas,
1. Mémoires de V Académie des sciences, inscriptions et belles^
lettres de Toulouse, 8« série, t. III; 2e semestre 1881, p. 163.
296 MÉMOIRES.
^'^ ' ABC 0)^0)
dt HZ
/[/i(B + G)-G?— BC(o2][/i(G + A) — G?-GAg)2J[/î(A + B) — GI-AB(
La quadrature qui reste à effectuer, pour laquelle les varia
blés sont séparées, et où
^^=A+B-+G-
ne peut être faite qu'au moyen des fonctions elliptiques. Mais
observons qu'il n'est pas nécessaire d'intégrer cette quadrature
pour établir les beaux théorèmes découverts par Poinsot et
constituant la théorie géométrique du cas actuel.
Equations de Résal. — Elles sont relatives à un corps symé-
trique par rapport à un axe oz et tournant autour d'un point o
de cet axe. La condition corrélative
A = B
fait prendre aux équations déterminant la position du corps à
un instant quelconque t la forme très simple suivante
(2"r: Asi„e^ + (2A-C)J-cos6-Cn- = M
Dans ces équations,
(h
dt
et donne l'angle décrit par le corps autour de oz en vertu de sa
rotation p7'opre^.
1. Applications : tore, balance gyroscopique.
PROBLÈMES DE MÉCANIQUE. 297
CORPS SOLIDE LIBRE OU GÊNÉ.
On ramène le mouvement d'un corps gêné par des obstacles
à celui d'un corps libre enjoignant aux forces qui animent le
corps celles que font naître ces obstacles.
Le corps solide étant libre, ou rendu libre, on prendra pour
centre de réduction des forces qui l'animent son centre de gra-
vité. Le mouvement se décomposera alors en deux : l'un de
translation du centre de masse produit par la résultante uni-
que R (X, Y, Z) et régi par les équations
l'autre de rotation autour du centre de gravité iP,, œ^^ 3:,, consi-
déré comme fixe, produit par le couple résultant unique
G(L, M, N). Les équations de ce mouvement de rotation
sont (2') et (2"j, ou s'il y a lieu (2'"). Le problème de la toupie
est une application de ce dernier cas.
Remarque. — La valeur de la force unique R dépend, dans
certains cas, de celle du coui)le G. Dans ce cas, les deux mou-
vements ne sont pas indépendants. Mais, dans la nature, la
force et le couple étant indépendants, il en est de même des
deux mouvements fictifs substitués au mouvement complexe.
lÔ» SÉRIE. — TOME X. â2
298
MEMOIRES.
APPENDICE.
PROBLEME DU MECANIQUE.
Nous allons appliquer les méthodes indiquées précédemment
au problème de dynamique suivant :
Loi du inouvement de deux points matéyHels pesants k
et Aj, 7^éunis par un cordon inextensible, sans poids ^ et assu-
jettis à rester sur deux plans inclinés adossés^ dont V inter-
section est horizontale.
La force gm qui anime le point A peut se décomposer en
deux : gm cos a perpendiculaire au plan incliné, détruite par la
résistance de ce plan qu'elle presse, n'ayant aucun rôle dans le
mouvement, gm sin a parallèle à la ligne de plus grande pente
du plan et concourant au mouvement. Raisonnement et conclu-
sion analogues pour Ai.
Prenons G pour origine des coordonnées. Le plan mené par
ce point perpendiculairement à l'intersection horizontale de
deux plans inclinés coupe ceux-ci suivant les lignes de plus
grande pente GP, GQ, le long desquelles va s'effectuer le mou-
vement. Posons
xzziGP^ ^iiziGAi.
PROBLÈMES DE MECANIQUE. 299
Ce ne sont pas là deux inconnues distinctes à déterminer, car
elles sont liées par la relation
œ -\- ûciznl (1).
MÉTHODE DE d'Alembert. 1^' Procédé : Principe de d'Alem-
hert combiné avec celui des vitesses virtuelles. — Dans le cas
général, l'équation générale du mouvement est
Ici, le mouvement étant rectiligne, on n'a qu'une dimension à
considérer, et en observant que
X =1 gm sin a Xi == gm^ sin a, ,
l'équation du mouvement se réduit à
gm sin ^ — '^^-Jn) ^^ + (^^^i sin a, — mi — ^-j S./, =:0.
De l'équation de liaison (1), il résulte, / étant une constante
lx, — — lx (!')
et l'équation du mouvement peut s'écrire
(d'^x d^x \
gms'in *— "~^ — ^^' ^'" ^» + ^»"^) ^^ = ^•
Elle doit avoir lieu quel que soit S^; donc on a
d^x d^x
^(msina— m, sinajzzm— —m^ — ^,
ce qui, en tenant compte de J'é(juation'(l) de liaison, qui donne
rf^jp, _ d'^x
dl^ dt
d")
300 MÉMOIRES.
se lédiiit à
g(m^\n a — nii sin aj) =z (m + ^^i) — r^, (2)
d'où l'on tire
d?x
dt^ 7n -\- mi
(w sin a — WiSinai). (2')
Telle est l'équation du mouvement. Il est inutile de l'inté-
grer, car elle nous montre que l'accélération — - étant cons-
(a/C
tante, le mouvement du point A est uniformément accéléré.
Par suite, à cause de (1"), il en est de même pour le point A,,
Si l'on a m sin a > mi sin a, ,
le point A descend, car son accélération — ^ est positive; alors
A, monte.
Si, au contraire, m sin a < rrii sin a^,
d^x
c'est Al qui descend et A qui monte, car — — est négatif.
(XI
2^ Procédé : Par les forces perdues. — Ecrivons que les
forces perdues, résultantes des forces motrices et des forces
effectives prises en sens inverse, se font équilibre avec les
liaisons.
Pour le point A, la /brce motrice qui produit le mouvement
est gin sin a; la force accélératrice de ce point étant — r-,
dt^
d^x
sa force effective est m —j; celle-ci devant être prise en sens
contraire, on a pour force perdue du point A
d^x
gm sin a — m -— j,
d^x
car les deux forces gm sin a et — m. -—■ , dont la force
dt^
PROBLÈMES DE MÉCANIQUE. 301
perdue est la résultante, agissent suivant la même droite. De
même la force perdue du point Ai est
grUi sina, —m, — — -.
Les forces perdues doivent se faire équilibre avec les liaisons
du système qui consistent ici en un cordon de longueur cons-
tante l passant sur une poulie. Il faut donc que les forces qui
tirent le cordon de chaque côté soient égales, condition qui
donne
d'^x . d^x.
gm sin a — m — - = gnii sin a, — m, — -* ,
c'est-à-dire, en tenant compte de (l"), l'équation (2) trouvée
plus haut. Par suite, mêmes conséquences.
Méthode des forces intérieures. — Elle possède l'avantage
de déterminer les relations du système. Dans le cas actuel,
nous connaissons les forces normales^ gm cos a et gm^ cos a,
détruites à chaque instant par les plans inclinés, mais il faut
encore trouver les tensions T et Tj des brins G A et G A, dans
l'état de mouvement.
Eh joignant à la force gm sin a qui anime A, la tension T
dirigée de A vers G, ce point A peut être considéré comme libre,
et réquation de son mouvement est
d'^x
m —-1 zz gm sin a — T .
dt^
De même l'équation du mouvement Ai est
mi -^ z= gmt sin ai — T, , -
le point A, étant libre sous l'action de la force gmt sin a, et de
la tension Ti dirigée de A| vers G. Or, dans l'état de mouvement,
ou a
302 MÉMOIRES.
car il faut qiril y ait équilibre entre les forces introduites, et les
deux forces T de G vers A. et Ti de G vers Aj, agissant en G sur
les deux brins d'une poulie, ne peuvent se faire équilibre que
si elles sont égales. Exprimant cette égalité des tensions T
et T,, il vient
d^x . d^x
m — ^ — gm sin a = nit —— — gm sin qli
ut Oit
ce qui, à cause deFéquation de liaison (1"), nous redonne l'équa-
tion (2) avec ses conséquences connues.
Mais de plus, dans la méthode actuelle, nous pouvons calcu-
ler la tension T du cordon; on a, en effet,
T(t X
— gm sin a — — ,
d^x
ce qui, en remplaçant-— -par sa valeur (2'), devient
cit
T = ^ — -i- (sin a 4- sin ai)
m + mi
et nous montre que la tension T, la même pour les deux brins
du fil, ne varie pas avec le temps.
dx
Méthode de Lagrange. — La vitesse du point A étant — ,
(dx\^
— -j ; de même, la force vive de Ai est
dx dXi
dt dt
PROBLÊMES DE MÉGANIQUE. 303
en vertu de l'équation (l) de liaison. On a donc
T-^-+-')0
N'ayant, à cause de la relation (1), qu'une inconnue œ^ nous
n'avons besoin que d'une équation telle que
dt db' dd ~ * *
Ici, 0 = ^, 6— J;
et par suite,
dT ^ ^ ^dx dT ^
L'équation de Lagrange est donc
d. r dx"]
--^ (m -f ^i) -Tf = somme des forces suivant Cx ,
c'est-à-dire
d^x
{m + ^i)-3T^ = p^ sin a — gmi sin aL^ ,
ce qui est précisément l'équation fournie par les autres métho-
des. Observons, enfin, que dans le procédé actuel, les tensions
sont éliminées.
DE l'inutilité de LA TRANSPIRATION DES PLANTES. 305
DE L'INUTILITE
DE
LA TRANSPIRATION DES PLANTES
Par LECLERG DU SABLONL
En physiologie végétale on appelle transpiration le déga-
gement de vapeur d'eau par les plantes; on distingue avec
soin la transpiration de la sudation qui est un dégagement
d'eau à l'état liquide; les deux phénomènes se produisent
dans des conditions entièrement différentes. C'est une opi-
nion classique adoptée par la presque unanimité des phy-
siologistes et des agronomes que la transpiration est une
fonction de la plus grande utilité pour la plante et qui joue
un rôle essentiel dans sa nutrition. C'est cette opinion que
je vais discuter.
On admet généralement que la transpiration :
1° Permet à la plante d'absorber par ses racines les sels
minéraux qui lui sont nécessaires;
2** Etablit dans la tige un courant ascendant qui rend pos-
sible l'arrivée de l'eau et des sels, absorbés par les racines,
jusque dans les feuilles les plus élevées;
3' Augmente l'élaboration de matière organique par les
parties v(»rtes.
.rexaminerai successivement ces trois points et je recher-
1. Lu dans la séance du 19 mai 1910.
306 MÉMOIRES.
clierai ensuite la véritable fonction des stomates qui sont la
porte de sortie ordinaire de la vapeur d'eau.
Absorption des sels minéraux. — La plante doit emprun-
ter au sol un certain nombre de sels minéraux qui sont indis-
pensables. Or, on sait que, dans les conditions ordinaires de
la végétation, Peau évaporée à la surface des feuilles, est
remplacée par l'eau absorbée par les racines. La transpira-
tion détermine donc l'absorption d'eau par les racines. Mais
en résulte- t-il que la transpiration détermine, en même
temps, l'absorption des sels qui sont en dissolution dans
l'eau du sol? Pour cela, il faudrait admettre que le liquide
qui imprègne le sol entre tel quel dans les racines, avec les
sels qu'il dissout, comme il entrerait dans une éponge des-
séchée. Nous allons voir que cela est contraire à la fois
aux lois de l'osmose et aux résultats de l'expérience.
Lorsqu'une membrane perméable sépare deux solutions
d'un même sel, le passage du sel à travers la membrane se
fait toujours de la solution la plus concentrée vers la solu-
tion la moins concentrée, de façon à établir l'égalité de con-
centration. D'autre part, le passage de l'eau à travers une
pareille membrane, se fait de la solution dont le pouvoir
osmotique total est le plus faible vers la solution, dont le
pouvoir osmotique est le plus fort. Prenons un exemple
pour fixer les idées. Soit deux liquides A et B, séparés par
une membrane perméable sur laquelle ils exercent la même
pression et renfermant en dissolution divers corps et notam-
ment du chlorure de sodium.
Supposons d'abord que le chlorure de sodium ait la
même concentration en A qu'en B ; ce sel ne traversera donc
pas la membrane perméable. Mais si, en vertu des autres
substances dissoutes, la concentration moléculaire totale est
plus forte en A qu'en B, l'eau passera de B en A. Dans ce
cas, A empruntera à B de l'eau sans lui prendre le chlorure
de sodium dissous dans cette eau.
Dans une seconde hypothèse, admettons que la concentra-
tion du chlorure de sodium soit plus forte en B qu'en A; le
chlorure passera de B en A. Mais si, en même temps, la con-
centration moléculaire totale est la même des deux côtés de
la membrane, il n'y aura pas passage d'eau. Donc A emprun-
tera à B du chlorure de sodium sans lai prendre de Peau.
Supposons enfin que, la concentration du chlorure de
sodium étant toujours plus forte en B qu'en A, la concentra-
tion totale soit supérieure en B; alors A recevra du chlorure
de sodium de B et B recevra de l'eau de A. L'eau traversera
la membrane en sens inverse du chlorure de sodium.
Les corps dissous, et les liquides qui les dissolvent, tra-
versent donc les membranes indépendamment les uns des
autres. Le corps dissous peut traverser sans le dissolvant et
le dissolvant sans le corps dissous. 11 est facile de faire à la
plante vivante l'application de ces principes.
Pour pénétrer à l'intérieur des cellules, le liquide du sol
doit traverser d'abord la membrane de cellulose qui est
est toujours perméable, puis la membrane protoplasmique
que l'on considère quelquefois comme semi-perméable, c'est-
à-dire comme imperméable pour les substances dissoutes.
Mais, en réalité, la membrane protoplasmique est seule-
ment très peu perméable, au moins dans le cas des cellules
absorbantes de la racine; la seini-perméabilité, à peu près
complète, ne se rencontre que dans des cas assez rares.
Les membranes, que les liquides du sol ont à traverser
pour pénétrer dans la plante, sont donc des membranes
perméables, mais très peu perméables. Gela posé, suppo-
sons la transpiration arrêtée et la plante saturée d'eau,
toutes les cellules ayant atteint leur maximum de turges-
cence. L'absorption d'eau par les racines est alors complè-
tement suspendue. En sera-t-il de même de l'absorption des
sels dissous dans le liquide où plongent les racines?
Considérons plus spécialement un phosphate assimilable,
le phosphate de calcium ou de potassium par exemple. On
sait que, lorsqu'un pareil sel arrive dans les cellules vivan-
tes qui doivent l'utiliser, celles de la feuille en général, il
entre dans des composés organiques solides ou tout au moins
colloïdes et n'existe plus en tant que sel minéral; son pou-
308 MÉMOIRES.
voir osmotique devient donc nul à l'intérieur de la plante.
A l'extérieur, au contraire, ce pouvoir est appréciable, si
faible soit-il. Le phosphate sera donc absorbé de façon à
égaliser le pouvoir osmotique à l'intérieur et à l'extérieur de
la plante. Mais le sel absorbé sera bientôt précipité et fera,
par conséquent, place à une nouvelle absorption, sans qu'il
soit nécessaire qu'une quantité quelconque d'eau entre dans
la racine.
On voit donc que, dans le cas où la transpiration et par
suite l'absorption d'eau par les racines sont suspendues, les
sels qui sont précipités dans les cellules vivantes, au fur et
à mesure de leur absorption peuvent être enlevés au milieu
extérieur jusqu'à complet épuisement de ce dernier. Or, les
sels utiles à la plante sont toujours précipités au moment de
leur utilisation ; donc l'entrée de sels utiles peut s'effectuer
sans qu'il y ait absorption d'eau par les racines et, par con-
séquentv sans qu'il y ait transpiration par les feuilles.
Si, au contraire, le sel absorbé est inutile à la plante et
reste à l'état soluble dans la cellule vivante, son absorption
cessera dès que son pouvoir osmotique sera le même à l'in-
térieur et à l'extérieur.
Quels sont maintenant les changements qui surviendront
dans l'absorption par les racines, si l'on suppose que les
feuilles transpirent d'une façon intense? Les cellules per-
dant de l'eau, leur pouvoir osmotique augmentera et ne sera
plus équilibré par leur turgescence affaiblie; il y aura donc
absorption d'eau. Mais rien ne sera changé dans les condi-
tions d'absorption des sels, cette absorption dépendant uni-
quement de la différence de concentration à l'intérieur et à
l'extérieur de la racine.
Une expérience' déjà ancienne de Schlœsing (1869) peut
servir de démonstration' expérimentale aux considérations
quijprécèdent, bien qu'elle n'ait point été faite dans ce but.
Deuxrpieds de Tabac comparables sont cultivés dans des pots
semblables; mais l'un. A, est sous cloche, dans une atmos-
phère saturée qui rend la transpiration minime; l'autre, B,
laissé à l'air libre, transpire abondamment.
DE l'inutilité de LA TRANSPIRATION DES PLANTES. 309
Les cendres de ces deux plantes ont été analysées avec
précision. L'acide phosphorique qui passe pour Télénient
le plus utile aux plantes, était plus abondant en A dans la
plante qui ne transpirait pas qu'en B dans la plante qui
transpirait ; l'acide sulfurique et la potasse qui sont considé-
rés aussi comme jouant un rôle très important, sont à peu
près aussi abondants en A qu'en B. Pour ce qui concerne les
éléments minéraux utiles, l'expérience de Schlœsing confirme
donc pleinement les conclusions auxquelles l'application des
lois de l'osmose nous avait conduits directement.
Mais les éléments minéraux inutiles ou tout au moins
très peu utiles, tels que la silice, la chaux, le chlore, sont
beaucoup plus abondants en B, dans la plante qui a transpiré.
On peut expliquer ce résultat en, admettant qu'à l'air libre
les conditions sont devenues plus favorables à la précipita-
tion de certains sels minéraux et notamment des sels de
chaux. Schlœsing a trouvé, en effet, qu'en B les acides
organiques étaient plus abondants, et l'on sait que l'un des
rôles de sels de chaux dans la plante est de précipiter sous
forme de sels insolubles les acides organiques qui se produi-
sent en excès.
L'augmentation d'absorption des sels sous l'influence de
la transpiration a donc porté presque uniquement sur les
sels qui n'étaient pas nécessaires; on peut donc admettre
que cette augmentation a été inutile pour la plante. Nous
verrons, d'ailleurs, tout à l'heure, que la plante qui n'a pas
transpiré a prospéré plus que l'autre au point de vue de la
formation de matière organique.
L'exemple des plantes aquatiques va nous donner une
autre démonstration do l'inutilité de la transpiration pour
l'alimentation minérale de la plante. Dans ce cas, en effet, il
n'existe rien de comparable au courant établi par la trans-
piration; la circulation se fait uniquement par diffusion
d'une cellule à l'autre, et l'absorption d'eau est rigoureuse-
ment nulle tant que la plante ne change pas de volume; les
tissus sont toujours saturés. Les plantes aquatiques sont
cependant celles qui renferment le plus de cendres. La
310 MÉMOIRES.
Renoncule aquatique en a jusqu'à 28 p. dOO du poids de sa
matière sèche, alors que la plupart des plantes aériennes
en ont moins de 5 p. 100.
Dans ce cas, la plante étant constamment saturée d'eau,
il est bien évident que les substances dissoutes sont entrées
indépendamment de l'eau. L'absorption des aliments miné-
raux n'est donc nullement liée à celle de l'eau, mais seule-
ment à l'utilisation ou à la précipitation, sous une forme
quelconque, des sels déjà absorbés. L'accumulation de cer-
taines substances minérales dans les plantes tient à ce que
les conditions sont favorables à la précipitation de ces subs-
tances, ces conditions favorables pouvant se produ-ire, soit
dans les plantes qui transpirent beaucoup, soit dans celles
qui ne transpirent pas du tout, comme les plantes aquati-
ques.
Transport des sels absorbés. — Le courant ascendant établi
dans la tige par la transpiration est-il nécessaire pour que les
sels absorbés par les racines soient élevés jusqu'aux feuilles?
Pour répondre à cette question, il suffit de se reporter au
mécanisme maintenant connu de l'ascension de la sève.
La transpiration seule ne peut déterminer l'ascension
d'un liquide à une hauteur supérieure à la pression atmos-
phérique, c'est-à-dire environ 10 mètres. Dans la réalité,
cette hauteur est encore bien moindre si l'on tient compte
des obstacles que rencontre la sève pour traverser les tissus.
Ewart a en effet montré que la pression nécessaire pour
élever de l'eau dans une tige, est égale à une colonne d'eau
égale à plus de six fois la hauteur de la tige. La transpira-
tion seule est donc impuissante à faire monter la sève dans
les arbres élevés.
On sait que l'eau peut s'élever dans les tissus vivants à
une hauteur indéfinie, grâce au pouvoir osmotique des cel-
lules du bois, et grâce surtout à ce fait que le poids des
colonnes liquides renfermées dans les vaisseaux est supporté
par le squelette de la plante, de telle sorte que la pression
hydrostatique est sensiblement la même au sommet de l'arbre
DE l'inutilité de LA TRANSPIRATION DES PLANTES. 311
qu'à la base. La transpiration, en diminuant le pouvoir
osmotique des cellules de la feuille, contribue seulement à
rendre le courant ascendant plus rapide. Mais lorsque la
transpiration est arrêtée, le courant n'en continue pas moins
tant que la turgescence des cellules n'est pas complète.
D'autre part, le dégagement de vapeur d'eau est à peu
près nul pendant l'hiver chez les arbres à feuilles caduques;
et cependant, on sait qu'au printemps, avant Téclosion des
bourgeons, les réserves de la racine émigrent partiellement
jusqu'à l'extrémité des tiges. Ce courant est, il est vrai,
beaucoup plus lent que celui qui se produit pendant la trans-
piration, mais son existence montre que le transport des
matières solubles peut se faire indépendamment de la trans-
piration.
Formation de matière sèche. — C'est une opinion classi-
que parmi les agronomes que le poids de la matière organi-
que élaborée par une plante est en raison de la quantité d'eau
transpirée. Hellriegel et d'autres auteurs ont cherché à éta-
blir expérimentalement une relation qui relie ces deux quan-
tités. Dans les conditions où les expériences ont été faites, la
formation de 1 gramme de matière sèche correspond à l'éva-
poration d'unequantité d'eau comprise entre 200 et 300 gram-
mes. Les plantes vigoureuses forment d'ailleurs plus de
matière sèche que les plantes faibles, pour une môme quan-
tité d'eau transpirée.
Dans une expérience de Hellriegel, citée dans la plupart
des traités d'agronomie, un pied d'Orge cultivé en pot avec
1 gr. 640 de nitrate de calcium avait formé 1 gramme de
matière sèche pour 292 gramme d'eau transpirée. Tandis
que pour un autre pied comparable, mais cultivé sans nitrate,
1 gr. de matière sèche correspondait à 867 grammes d'eau
transpirée, soit environ trois fois plus.
On sait les conséquences qui ont été tirées de cette expé-
rience. L'emploi des engrais permettrait aux plantes de
mieux utiliser l'eau fournie par le sol; dans les pays secs,
les engrais aideraient ainsi de lutter contre la sécheresse.
312 MÉMOIRES.
Un examen attentif de ces expériences, d'ailleurs exactes,
permet de leur donner une interprétation toute difl'érente. Il
est facile de montrer qu'il n'existe aucune relation nécessaire
entre la formation de matière sèche et la température, l'in-
tensité de ces deux phénomènes variant sous l'influence de
causes différentes. Dans une jeune plantule en germination,
la transpiration est intense et cependant on sait que le poids
sec diminue; ici les deux phénomènes sont inverses loin
d'être proportionnels. De même une Betterave transpire
beaucoup pendant la seconde année de sa végétation, alors
que le poids de sa matière sèche diminue.
L'expérience de Schlœsing, citée tout à l'heure, montre
aussi l'absence de relation entre la transpiration et la for-
mation de matière sèche. Dans la plante A, qui est sous cloche,
la formation de 1 gramme de matière sèche de feuilles corres-
pond à 177 grammes d'eau transpirée; tandis que dans la
plante B, qui est à l'air libre, 1 gramme de matière sèche
formée correspond à 772 grammes d'eau transpirée, soit
plus de quatre fois plus.
L'assimilation et la transpiration, dépendant de causes
différentes, sont donc deux phénomènes indépendants. On
conçoit qu'ils restent dans un rapport constant si les condi-
tions extérieures restent invariables; mais dès que les cir-
constances changent, le rapport change.
Il est facile de s'expliquer le résultat de l'expérience de
Hellriegel. Le pied d'Orge cultivé sans nitrate forme
1 gramme de matière sèche pour 867 grammes d'eau trans-
pirée, tandis que le pied cultivé avec nitrate forme
1 gramme de matière sèche pour 292 grammes d'eau. Mais
il faut remarquer que le pied sans nitrate n'a produit que
1 gr. 105 de matière sèche, ce qui correspond à une trans-
piration de 956 grammes seulement; tandis que le pied cul-
tivé avec nitrate a donné 25 gr. 504 de matière sèche cor-
respondant à 7451 grammes d'eau transpirée.
Si rOrge sans nitrate a transpiré plus que l'autre à éga-
lité de poids sec, c'est simplement parce que les tiges et les
feuilles étaient peu vigoureuses et avaient une surface plus
DE l'inutilité de ^IA THANSPIll^TION DES PLANTES. 313
grande par rapport à leur volume; la transpiration est, en
effet, proportionnelle à la surface plutôt qu'au volume ou
au poids. Donc toutes les circonstances qui augmenteront la
vigueur d'une plante devront, toutes choses égales d'ail-
leurs, diminuer la transpiration par unité de poids. C'est ce
que l'expérience vérifie.
On voit ce qu'il faut penser des conséquences tirées de
l'expérience de Hellriegel relativement au rôle des engrais
dans les pays secs; l'emploi des engrais, et notamment des
nitrates, devant permettre une meilleure utilisation de l'eau,
fournie par le sol en quantité souvent trop faible. Mais le
pied d'Orge cultivé avec nitrate a dû, pour mener à bien sa
végétation, emprunter au sol 7451 gr. d'eau, tandis que le
pied sans nitrate s'est contenté de 956 grammes. Si l'eau
avait été mesurée parcimonieusement, le pied avec nitrate
aurait souffert le premier, et pour une quantité d'eau
moyenne, son développement aurait été arrêté, tandis que
le pied sans nitrate aurait continué de végéter. L'emploi
des engrais, très utile incontestablement pour augmenter la
récolte, augmente donc aussi le besoin d'eau. On constate
d'ailleurs fréquemment, dans les pays secs, que l'emploi des
engrais chimiques est préjudiciable aux récoltes si la pluie
est insuffisante.
Rôle des stagnâtes, — La vapeur d'eau sort des plantes
presque uniquement par de petits orifices appelés stomates
et formés par 1 ecarlement de deux cellules épidermiques.
Pendant longtemps, sur la foi des expériences de Boussin-
gault, on a admis que l'émission de vapeur d'eau était la
seule fonction des stomates. Celait là une raison de plus
pour admettre que la transpiration était utile pour la plante,
11 est, en efl'et, sans exemple qu'un organe dont la présence
est aussi générale que celle des stomates ne corresponde
qu'à une fonction nuisible.
On a dû renoncer à cette manière de voir. Blackman a, en
eflet, montré que les expériences de Boussingault, tout en
étant matériellement exactes, avaient été faites dans de
IQe SÉRIE. — TOME X. 23
314 MEMOIRES.
mauvaises conditions et devaient être interprétées autre-
ment. En réalité, les échanges gazeux de la respiration et
de l'assimilation du carbone s'effectuent non point à travers
la cuticule, comme le pensait Boussingault, mais par l'ou-
verture des stomates, et c'est là le véritable rôle des stomates.
Il est facile en effet de montrer que le développement
des stomates est en raison directe de l'intensité des échanges
gazeux de l'assimilation et non en raison directe de l'émis-
sion de la vapeur d'eau. Examinons les cas les plus typiques
à ce point de vue.
Divers auteurs, et notamment Lothelier, ont comparé les
plantes poussées dans un air sec à celles qui, toutes choses
égales d'ailleurs, sont restées dans une atmosphère saturée.
On a trouvé deux structures très différentes adaptées à des
conditions de milieux différentes. Or, le nombre des stoma-
tes est à peu près le même dans les deux cas; on doit en
conclure que la fonction correspondant aux stomates n'a pas
varié. L'assimilation et la respiration ont, en effet, à peu
près la même intensité dans l'air sec et dans l'air humide.
La transpiration, au contraire, très forte dans l'air sec,
devient nulle dans l'air saturé. Dans ce cas, les stomates ne
se conduisent donc pas comme les organes de la transpira-
tion. Si cette conclusion n'a pas été celle des auteurs ayant
étudié la question, c'est que ceux-ci avaient l'idée préconçue
que les stomates étaient les organes de la transpiration.
Les plantes adaptées à un milieu sec sont particulièrement
instructives au point de vue qui nous occupe. Toute leur
organisation semble converger vers un but unique : ralentir
le dégagement de vapeur d'eau. Si les stomates étaient les
organes de la transpiration, le moyen le plus simple serait
de les supprimer. Or, il n'en est rien ; les stomates subsis-
tent dans les plantes des pays secs, mais ils sont disposés de
telle sorte que l'oxygène et le gaz carbonique puissent cir-
culer librement, tandis que la vapeur d'eau sort le plus
difficilement possible. Le moyen le plus ordinairement em-
ployé est d'entretenir une atmosphère saturée de vapeur
d'eau dans le voisinage de l'ouverture des stomates. La
315
sortie de la vapeur est ainsi retardée sans que celle de
Toxygène soit entravée.
Les plantes aquatiques ont souvent servi d'exemple pour
montrer que les stomates seraient bien les organes de la
transpiration. En effet, les plantes qui vivent submergées ne
transpirent point et sont en même temps dépourvues de
stomates. D'autre part, elles respirent et assimilent; on de-
vrait donc s'attendre à y voir subsister les stomates si ceux-ci
sont essentiellement les organes de l'assimilation et de la
respiration.
A cela on peut répondre que, si les plantes aquatiques
n'ont pas de stomates, elles n'ont pas de cuticule à la sur-
face de leurs feuilles. Les échanges gazeux peuvent donc te
produire par osmose à travers les parois de l'épiderme,
comme, l'ont montré les expériences de Deveaux. Les sto-
mates, comme organes de la respiration et de l'assimilation,
sont donc inutiles aux plantes aquatiques. La cuticule, qui
rend les parois des cellules épidermiques imperméables, est
indispensable aux plantes aériennes pour empêcher une
trop grande déperdition d'eau qui n'est pas à redouter chez
les plantes aquatiques.
En somme, les stomates ont pour rôle et pour fonction de
permettre l'entrée et la sortie du gaz carbonique et de
l'oxygène, et si, en même temps, ils laissent échapper de la
vapeur d'eau, c'est qu'il est impossible qii'il en soit autre-
ment. S'il m'était permis de comparer les stomates à un or-
gane du corps humain, je les comparerais aux poumons
qui ont pour fonction de faire entrer l'oxygène et sorlir
l'acide carbonique, mais qui ne peuvent remplir ce rôle
qu'en rejelant en même tenips une certaine quantité de va-
peur d'eau. La transpiration pulmonaire, comparable à la
transpiration des plantes, a lieu aussi bien en hiver, lorsque
l'organisme a besoin de toute sa chaleur, qu'en été lorsqu'il
a intérêt à en perdre.
Le fait que le dégagement de vapeur d'eau par les plan-
tes augmente beaucoup, toutes choses égales d'ailleurs,
dès que les tissus sont tués, nous montre encore que la trans-
:Uf) MÉMOIRES.
piration ne doit pas être considérée comme une véritable
l'onction vitale.
Il résulte de l'ensemble de cette discussion que le dégage-
ment de vapeur d'eau n'est utile à aucune des fonctions
essentielles de la plante. Souvent même la transpiration de-
vient un danger contre lequel l'organisme se défend par
des adaptations variées. Chaque fois que les conditions exté-
rieures deviennent favorables au dégagement de vapeur, la
plante s'ingénie à retenir par tous les moyens possibles
l'eau qu'elle a eu quelquefois tant de peine à extraire du
sol. Ce que l'on doit considérer comme une fonction utile à
la plante, ce n'est donc pas le dégagement, c'est la réten-
tion de vapeur d'eau.
Toulouse, Imp. Douladoure-Pbivat, rue S* Rome, 39. —8306
LA RÉSISTANCE DES VOLANTS DE MACHINES. 317
LA RÉSISTANCE DES VOLANTS DE MACHINES
Par m. VERSEPUYV
La généralisation de l'emploi des turbines à vapeur comme
moteurs et de la commande des machines outils ou des engins
divers par réceptrices électriques, permettra de réduire l'impor-
tance des masses animées d'un mouvement alternatif. On
pourra ainsi, dans un grand nombre de cas, éviter l'exagération
des dimensions des volants destinés à compenser les causes
d'irrégularité dans la production ou l'utilisation de l'énergie
mécanique, malgré l'augmentation toujours croissante de la
puissance instantanée des engins.
C'est ainsi que dans les aciéries on peut commander un
train de laminoirs absorbant une puissance instantanée de
10,000 chevaux par une réceptrice électrique d'une puissance de
1,000 chevaux, actionnée par le courant produit par une station
centrale.
On intercale, à cet elfet, entre la ligne de distribution d'éner-
gie électrique et le laminoir, trois dynamos ou alternateurs.
La première réceptrice de 1,000 chevaux reçoit le courant de
la ligne et actionne une génératrice de dimensions beaucoup
plus robustes. Le courant produit par le groupe convertisseur,
ainsi constitué, est envoyé dans une dernière réceptrice
1. Lu «lans la séance du \C) juin 1910.
318 MÉMOIRES.
d'importance encore croissante et qui commande l'engin mé-
canique.
On a ainsi remplacé le volant unique des énormes machines
h vapeur qui actionnaient les grands laminoirs par une série de
volants électro mécaniques constitués par les i-iduits ou rotors
des quatre dynamos ou alternateurs intercalés entre le moteur
de la station centrale et la machine-outil.
Un bon alternateur ou dynamo pouvant, sans inconvénient,
supporter pendant quelques instants un courant d'intensité
double du régime normal, on voit qu'on pourra, grâce à la com-
binaison ci-dessus, produire sur le laminoir, pendant un instant
très court mais suffisant, l'effort instantané de 10,000 chevaux
nécessaire, en ne demandant au moteur de la station centrale
qu'un supplément d'énergie incapable de nuire aux enroule-
ments des génératrices et réceptrices électriques.
On paiera, bien entendu, les avantages de cette transformation
en tenant compte des rendements successifs de chaque organe.
Si l'on admet que^ce rendement soit, par exemple, de 0,85 pour
chaque dynamo ou alternateur et également de 0,85 pour les
lignes, on voit qu'il faudrait, pour vaincre un supplément de
résistance demandant un supplément d'effort instantaiié de
9,000 chevaux pendant une seconde, demander à la génératrice
de la station centrale un supplément de 1,000 chevaux pendant
vingt secondes environ, ce qui ne présente pratiquement aucun
inconvénient, surtout si cette génératrice, d'une puissance très
supérieure, actionne différents trains de laminoirs, ou si la
station centrale, comme c'est le plus souvent le cas, envoie sur
des barres omnibus le courant produit par plusieurs généra-
trices accouplées en parallèle et qui se partagent les supplé-
ments de demande d'énergie.
On peut donc corriger assez aisément, grâce à cette méthode,
les variations les plus considérables dans la puissance instan-
tanée absorbée par les engins d'utilisation.
Il n'en sera pas ainsi s'il s'agit de variations du même ordre
dans la production de l'énergie motrice.
Les grands moteurs à gaz utilisés dans les usines métallur-
giques pour actionner des machines soufflantes ou des' généra-
LA RÉSrSTANXE DKS VOLANTS DE MACHINES. 319
triées électriques et actionnés par le gaz des hauts-fourneaux,
atteignent des puissances de 5,000 chevaux. Si l'on considère
que certains de ces moteurs sont à quatre temps et à double
effet, c'est-(à-dire ne reçoivent sur chaque face du piston qu'une
impulsion tous les deux tours de l'arbre, on voit quelle irrégu-
larité initiale doit être corrigée par le vohint, et quelle masse il
faut bii donner pour obtenir des coeflicients d'irrégularité qui ne
dépassent pas — -.
Le calcul de la masse à donner au volant pour obtenir ces
coefficients ne présente d'ailleurs aucune incertitude. Il n'en est
pas de même du calcul de ses dimensions au point de vue de la
résistance à l'éclatement.
M. Bertrand de Fontviolant, dans son cours de mécanique
appliquée à l'Ecole centrale des Arts et Manufactures, enseigne,
comme ses prédécesseurs, que la jante du volant doit être con-
sidérée comme une frette maintenant l'ensemble sous les efforts
dus à la force centrifuge et à la pesanteur.
Si la frette vient à se desserrer, on fait alors intervenir
comme secours la résistance des bras et celle du moyeu ou de
ses assemblages. Mais on n'admet pas que l'on puisse calculer
sans incertitude la tension des bras et consi iérer que leur
action puisse soulager la tension dans la jante, tant que les
assemblages de la jante ne sont pas desserrés.
Cette doctrine prudente a été critiquée récemment et on a
proposé, à l'étranger, d'appliquer au calcul des volants la théorie
mathématique de l'élasticité pour déterminer dans quelle pro-
portion travaillent simultanément les bras et la jante. Le but
poursuivi étant, bien entendu, de permettre de construire des
volants de dimension toujours croissante en diminuant les
(•oefticients de sécurité admis jusqu'à ce jour pour le travail du
métal.
Nous croyons que celte nouvelle méthode de calcul est, no-
tamment, inapplicable aux volants en fonte coulée. Pour per-
mettre d'écriie les é(juatiuns qui donnent les allongements
corres[)ondaiils de la j;m((; ni des bras, et, [)ar suite, leur ttMisioii
réciproque, cette métliod»' deuiandc d'admeltre que le volant est
320 MPJMOIRES.
symétrique par rapport à l'axe d'un bras quelconque et par
rapport à la bissectrice de l'angle compris entre deux bras
consécutifs.
Or, il n'en est pas ainsi pour les volants venus de fonderie et
qui sont presque toujours fondus en deux pièces ; il suffit de
considérer l'axe d'un bras voisin de la coupure pour voir que la
masse d'un 1/2 volant n'est pas symétrique par rapport à un
axe quelconque.
On suppose encore que, par suite de la symétrie générale du
système, l'angle au centre A( 0 Aa est invariable. — Or, cet
angle peut varier par suite de la nature de l'assemblage en B
(barrette en 2 articulations qui permet une variation angulaire
des bras et une déformation des extrémités des 1/2 jantes)
{fig- 2).
Enfin, la méthode ne tient pas compte des états moléculaires
qui peuvent résulter de la gêne apportée au retrait de la fonte
pendant le refroidissement dans le moule. Ce retrait est supé-
rieur à un centimètre par mètre lorsqu'il est libre, soit —t.
Or, la méthode conduit à considérer des allongements li-
néaires de :
1
4 X 10*
La valeur du retrait peut donc être 400 fois plus grande que
celle de l'allongement hypothétique calculé.
Si l'on examine le retrait d'un volant fondu avec un moyeu
d'une seule pièce, on voit que les bras, en se refroidissant, ten-
dent à tirer également sur la jante, sauf à casser si la contrac-
tion est trop gênée. C'est pour éviter cet accident de fonderie,
assez fréquent, que l'on donne souvent aux bras des poulies et
volants, en une seule pièce, la forme courbe ci-contre.
Si, au contraire, comme c'est le cas pour un grand volant, le
moyeu est en deux pièces, les quatre bras fixés à un 1/2 moyeu
ne peuvent exercer, de par leur position, des actions égales sur
la jante, et, par suite de la différence des surfaces d'appui sur le
LA RÉSISTANCE DES VOLANTS DE MACHINES. 321
sable du moule, c'est le 1/2 moyeu qui, appelé par les bras a et
&, tend à se rapprocher de l'arc mn.
Fig. 1.
322 MÉMOIRES.
Dans le refroidissement, les bras c ei d ont leurs actions sur
le moyeu équilibrées en partie, et le retrait peut y donner lieu,
plus facilement que dans les bras a et b, k des tensions anta-
gonistes.
On ne peut songer à calculer les tensions ou compressions
qui peuvent résulter des ditférences de retrait pour un volant
considéré.
Fig. 3.
Mais il convient de faire remarquer que ces tensions ou com-
pressions initiales peuvent exister, qu'elles amènent parfois la
cassure des pièces pendant le refroidissement et qu'elles peu-
vent être très supérieures aux efforts calculés par la nouvelle
méthode.
On voit en particulier que, si le retrait a été gêné dans les bras
c et cl et facilité dans les bras a et &, il peut en résulter que les
bras c ei d travaillent comme la corde tendue d'un arc, ou, si
l'on préfère, comme l'entrait d'un arbalétrier formé par la jante,
et que les bras a et b, sous la tension de l'entrait, peuvent tra-
vailler à la compression comme deux poinçons {fîg. 3).
Si celte compression initiale engendre un raccourcissement
des bras a et ^ supérieur à -—: c'est-à-dire 1/W de milli-
mètre par mètre (grandeur non mesurable en pratique, étant
donné les irrégularités de fonderie), ce raccourcissement sera
suffisant pour annuler tout l'effet attendu des composantes dans
les bras.
LA RÉSISTANCE DES VOLANTS DE MACHINES. 323
Nous considérons donc la nouvelle méthode proposée comme
incertaine et dangereuse, et la théorie mathématique de l'élasti-
cité inapplicable dans l'espèce, parce ({ue s'appiiyant sur des
hypothèses contraires à la nature du métal mis en œuvre.
Il est certain que l'on est gêné dans la construction des
grands volants en fonte coulée par les coefticients de sécurité
admis actuellement et par la vitesse limite à la jante. Aussi
a-t-on proposé ou de frotter les volants en fonte ou de les rem-
placer par des volants en feuilles d'acier découpées, super-
posées et solidarisées par des boulons transversaux ; et il semble
que cette construction, qui a donné toute satisfaction pour la
constitution des induits des dynamos et alternateurs, pourra
s'étendre très rationnellement à la construction des volants des
grands moteurs k gaz.
324
MEMOIRES.
CALCUL D'UN VOLANT
EXPOSE DE LA METHODE DE CALCUL ELASTIQUE.
Examinons d'abord les forces extérieures auxquelles est
soumise la jante lorsque le volant est en mouvement. Nous
uir^f
avons d'abord les forces centrifuges dirigées suivant les rayons
et uniformément réparties sur la circonférence. Si p est cette
CALCUL d'un volant. ' 325
force par unité de longueur d'arc mesuré sur la fibre neutre de
la jante, nous aurons :
(I) p :zzm . 10^ . r
ou m =z masse de l'unité de longueur :
w zz vitesse angulaire ;
r zz rayon du cercle de la fibre neutre de la jante. Nous
désignons dorénavant ce cercle par la lettre G.
D'autre part, si G représente le poids de l'unité de longueur
de jante, n le nombre de tours du volant à la minute et ^ iz: 9,81
l'accélération de la pesanteur,
on a :
G 2tm
En substituant ces valeurs dans la formule précédente, celle-
ci devient : ,
G /2TMy
ou
(2) p = 0.00112n2G . r .
Supposons d'abord le volant dépourvu de ses bras.
Toutes les forces centrifuges p produisent alors dans la jante
une tension générale constante, et leur courbe de pression
coïncide avec le cercle G. Tout le long de ce cercle la tension T
a pour valeur :
(3) T-pr.
Gette tension a pour effet d'allonger la circonférence de la
jante et, par suite, d'augmenter son rayon.
Si maintenant nous examinons l'influence des bras du
volant sur la jante, nous voyons que ceux-ci s'opposent à cet
326
MEMOIRES.
allongement de rayon ; on en conclut que chaque bras est sou-
mis à un effort de tension. Soit P cet effort de tension.
En résumé, les forces extérieures qui sollicitent la jante
sont :
1° Les forces centrifuges p uniformément réparties sur la
circonférence;
2^ Les forces P, dirigées vers le centre de l'anneau, qui agis-
sent au point d'allache de chaque bras et dont la valeur est à
calculer {fig. 4).
Fig. 5.
Pour étudier l'influence des forces P, supposons d'abord la
jante articulée aux différents points d'application Ai A2 A3
de ces forces. Chacune d'elles se décompose alors en deux
forces S, dirigées suivant les côtés adjacents du polygone ré-
gulier inscrit dans le cercle C et dont les sommets sont les
points Al A2 A3
On a alors deux courbes de pression superposées.
La première est due uniquement aux forces centrifuges p et
coïncide avec le cercle G. L'effort correspondant est une tension
T zz pj\ qui agit au centre de gravité de chaque section.
La deuxième courbe de pression est due aux forces P : c'est
CALCUL d'un volant. 327
le polj'goiie réj^ulier A, A2 A3 Suivant chacun de ces côtés
agit une force S qui est égale à
(4) S -
2 sin
a étant la moitié de l'angle que forment entre eux deux bras
consécutifs.
Une section quelconque mn résiste donc :
10 A un effort de tension qui agit au centre de gravité M de
la section et qui est égal à T =z pr. ;
2« A un effort S qui agit suivant la corde A A2 du cercle G.
Cette force S engendre dans la section 7nn d'abord un effort de
compression N que l'on peut, sans erreur sensible, supposer
égal à S et qui agit lui aussi au centre de gravité M. On a, par
conséquent, à cause de la relation (4) :
(5) N
2 sin
Le signe négatif indique les efforts de compression.
La force extérieure engendre de plus, dans la section mn
un moment fléchissant. Pour calculer ce moment, considérons
dans la figure ci-dessus le secteur Ai OA2 formé par les deux
bras consécutifs OAi et OA2. Soit OB la bissectrice de l'angle
Al OA2, a l'angle de la section mn avec l'axe OB.
Le moment dû à la force S dans la section mn est alors
égal à :
M, = S [r cos 9 — r cos a]. )
ou (6)
M| m S . r [cos 9 — cos a] . )
Dans l'hypothèse que nous venons de faire d'une articulation
aux points A, A2 , les moments sont nuls en ces points. En
réalité, chacune des coupes OA, OA2 OA3..., faite suivant l'axe
d'un bras, est sollicitée par un moment d'encastrement que
328
MEMOIRES.
nous désignerons par Mo. Ce moment et la force P (ou la
force S) sont les deux inconnues du problème.
Supposons enlevée la partie de l'anneau qui est à gauche de
la coupe mn, et considérons comme positifs les moments qui
tournent autour du point M dans les sens des aiguilles d'une
montre {fig. 5). Le moment M^ de la rotation (6) est par consé-
quent négatif, et le moment total dans la section sera en gran-
deur et en signe :
m
M zz Mo Sr (cos o — cos a).
Fig. 6.
Considérons maintenant un élément de l'anneau limité par
deux sections infiniment voisines mn et m'n' inclinées d'un
angle ç sur l'axe OB et formant entre elles un angle c^cp. Sous
l'influence du moment M, l'une de ces sections tournera par
rapport à l'autre d'un angle AS qui est égal à
(8)
A3=:— — — ou El AS = M.ds
Jbii
ou ds zz r.d 9 est la longueur de l'élément, E zn coefficient
d'élasticité du métal, I le moment d'inertie de la section par
rapport à un axe passant par son centre de gravité (voir /îg. 6).
CALCUL d'un volant. 329
Eq remplaçant M par sa valeur tirée de la relation (7), il
vient :
E . I . Aa = [Mo — S . r . (cos ç — cos a)] rrfç
Par raison de symétrie, il faut que la somme des rotations de
tous les éléments compris entre A et B soit nulle.
On a donc :
A [Mo — Sr fcos cp — cos a)j rd(^ = 0
d'où l'on tire
(9) Mo a — Sr (sin a — a cos a) = 0
et puisque
(4) S =
Pr(sina-«cosa)^^
2. sin a
(10) P.r(sina-acosa)_
2x sin a
Dans l'hypothèse d'une articulation aux points Ai A2 A3,
nous avons vu que la courbe des pressions dues aux forces P
était le polygone régulier Ai A2 A3 En réalité, à cause du
moment d'encastrement Mo, la force S est déplacée parallèle-
ment à elle-même d'une quantité ^> = — ^ et la ligne des pres-
sions réelles des forces P est un autre polygone régulier
A\ A'2 A' 3 dont les côtés sont parallèles à ceux du premier de
ces polygones et distants de ceux-ci de la longueur cons-
* * ^ Mo
tante h zn — .
Ce rapport —^ peut se déduire de la formule (9) et ne dépend,
comme on le voit, que de l'angle a. Par conséquent, la courbe
des pressions réelles des forces P est indépendante de la di-
mension des bras. Elle ne dépend pas non plus de l'intensité
des forces centrifuges/?.
10« SÉRIE. — TOME X. 24
330 MÉMOIRES.
La formule (10) ne donne que le rapport de Mo et de P, et
pour pouvoir calculer chacune de ces inconnues, il faut par
conséquent déterminer une autre condition qui nous permette
de poser une nouvelle équation entre ces deux inconnues.
A cet effet, examinons le déplacement du point Ai dû aux
déformations par rapport à l'axe OB supposé fixe (fig. 5 et 6).
Nous ne considérons que le déplacement de ce point norma-
lement à OR. Ce déplacement est égal «à la moitié de l'allonge-
ment que subit la corde Aj A2 : désignons-le par Aa.
Fig. 7.
Il est clair que, par suite de la symétrie générale du système,
l'angle au centre Ai OA2, formé par les deux bras OAi et OA2,
ne peut pas varier quelles que soient les déformations que
subissent l'anneau et ses bras. Il faut donc que l'allongement
de la demi-corde a corresponde à un allongement àr du rayon,
tel que l'on ait :
(Voir fig. 7) - = —
oaa zur sin a. On en conclut que :
Aa
(11) ^r —
sin a
CALCUL d'un volant. 331
L'allongement Ar que subit le bras est évidemment propor-
tionnel à la tension P qui agit dans son axe, et nous pouvons
poser
^r — c.P.
Où c est une constante qu'on peut calculer et qui ne dépcni
que des dimensions longitudinales et transversales des bras.
En combinant les équations (1 1) et (12), on voit que l'on a :
(13)
^a
sin a
c.P — ^^
Dans cette équation il s'agit d'exprimer l'allongement ^a en
fonction des forces centrifuges p et des deux inconnues P et
Mo.
Fig. 8.
L'allongement total de la moitié de la corde A, A2, c'est-à-dire
de la longueur a = r sin a, provient de trois causes diffé-
rentes :
332 MÉMOIRES.
l» On a d'abord la déformation Aa, due à la tension générale
T = p,r.
Si Q désigne la section de la jante, cet allongement sera
égal à
Ta
ou, puisque la demi-corde ainr sin a
7?.r2 sin a
(14) Aa, -=
DE
2<* Ensuite, on a la déformation Aaj due à l'effort de com
pression
(5) N = ^«.
Cette déformation est donnée par la formule
^^^ = ÔË^
d'où l'on tire
-Pr
(15j . «2
2QE
3<^ Enfin, il nous reste la déformation Aa3 due aux mo-
ments M. Pour la calculer, nous considérerons, comme nous
l'avons déjà fait plus haut (/?^. 6), l'élément de la jante limité
par les deux coupes mn et, m'n' représentées dans la figure 8
où 9 et c?9 indiquent les mêmes valeurs que précédemment.
Nous avons vu que, si l'on suppose la section mn fixe,
la section m'n' tournera autour de son centre M d'un angle
égal à
MAs
ou
AS =
El
A5 = rd(D
et
(7) M zi: M« ~ Sr (cos ? — cos a)
CALCUL d'un volant. 333
Par suite de cette rotation, le point Ai, invariablement lié à la
section m'n' ^ vient en A'i. Si nous projetons le point M' sur
la coicle Ai Aj en M" et le point k.\ en A"i, les deux triangles
Al A'i A"i et Al M' M'' sont évidemment semblables, et on a :
AiA% __ AiA'i
M' M" ~ A,M'*
Dans cette foiliiule, A^ A"i représente l'allongement da de la
corde dû à la rotation AB. De plus, on a :
M' M" =: r (cos cp — cos a)
A A'
Quant au rapport ^ /, il est égal à l'angle A3, puisque cet
A-i A
angle est infiniment petit. On a donc :
da ^ M As
= Ao z=
r(cos9 — cos a) ~ E.I.
u en remplaçant M et As par leurs valeurs données plus haut
da [Mo — S>' cos cp — cos a)]
r (cos © — cos a) E . i .
ce qui donne :
rd^
da =z [Mo (cos ç — cos a) — Sr (cos ç — cos a)-] c^^p .
Il en résulte que l'allongement total A<23 dû aux moments,
est égal à l'intégrale de l'expression précédente étendue à tous
les éléments compris entre Ai et B, c'est-à-dire cette intégrale
prise entre les limites O et a. Donc :
«3 = rr-j- / [Mo (cos ç cos a) — Sr (cos 9 — cos a)2j rfjp .
On trouve, en etl'ectuant cette intégrale définie :
Aa3 = rr-f Mo (sin a — % cos a) — Sr
l'^ • t L (a -f- 2 a cos^ a — W COs a sin a) J
334 MÉMOIRES.
P
OU en remplaçant S par —-. — (4) et Mo par sa valeur donnée
dans la formule (10) :
Pr^rsin a — aCOSa)- (a + Sacos^a — 8 cos a sin a)1
^a^
ri
El L 2 a sin a ~ 4 sin a j
ce qui donne en réduisant
,^^, , Pr^r(2sin2a — asinacosa — «a^)"!
(1^^ « =Ërl^ ïTihT^^ J-
L'allongement total ^a de la demi-corde est égal à
où les trois valeurs du second nombre sont respectivement
données par les relations (14) (15) (16).
Par conséquent, on a :
P.r^sina Pr P/'^(2sin2a — asina.cosa — a^
^ "^ ^^ — QË 2QË + ~ËÎ 4a . sin a '
Calculons maintenant l'allongement d'un bras dû à la force P.
Si les dimensions transversales de ce bras varient suivant des
lignes droites, on peut calculer leur allongement au moyen de
leur section moyenne sans commettre d'erreur sensible.
Soit Qi cette section moyenne, l'allongement ^^ du bras
sera :
Q,.E
Qr
P.r
r étant la longueur théorique du bras qui est égale au rayon.
Nous avons vu que l'on avait • (13)
/^oN sin a
(13) -^ = ^'''
il en résulte l'équation
P • ^^^ _ 2ÛE sin a P . r^ (2 sin^ g — a sin oc . cos a — a?) _ QjE
^^^ "ÔË" ~ P^r Ëï 4asin2a ~~ P . r
dans laquelle il n'entre plus que la seule inconnue P.
DÉVELOPPEMENT POST EMBRYONNAIRE DES MYRIOPODES. 335
LE DÉVELOPPEMENT POST-EMBRYOMAIRE
DES MYRIOPODES
ET SES RAPPORTS AVEC LA S Y ST É M A T I Q.U E
Par M. Jules CHALANDE'.
Un naturaliste et écrivain distingué, qui consacra sa
thèse en doctorat à Tétude des Myriopodes, Fabre, d'Avignon,
dont on vient de fêter le jubilé, écrivait en 1855 : « Les
Myriopodes semblent un défi jeté par la nature à nos arran-
gements systématiques ». Il est difficile, en effet, pour ces
animaux, non seulement de baser une règle de classification
sur les modifications de tels ou tels organes, mais encore
de pouvoir établir des lois générales qui ne subissent de
nombreuses exceptions à tous les degrés de l'échelle. Si
nous voulions donner une description, un peu poussée, du
développement post-embryonnaire de ces êtres, il nous fau-
drait décrire autant de groupes que de familles et parfois
même suivre l'évolution d'une simple espèce en dehors du
genre auquel elle appartient. Nous nous bornerons donc
ici à envisager seulement les phases de développement qui
peuvent s'appliquer d'une manière générale et sans restric-
tions à chaque famille; nous avons du reste déjà publié le
résultat détaillé de nos recherches sur l'évolution de ces
animaux^.
1. Lu dtins la séance du 23 juin 1910.
2. Recherches biologiques et analomiques su7' les Myriapodes
(Société d'histoire naturelle de Toulouse, J905).
336 MÉMOIRES.
Nous ferons abstraction des Pauropodes et des Lysiopeta-
lides, sur lesquels nous n'avons pu poursuivre l'étude du
développement post-embryonnaire faute de matériaux de
travail; et comme on'^doit toujours se garder de faire des gé-
néralités quand on traite des Myriopodes, nous entendons
restreindre nos conclusions aux espèces européennes et plus
particulièrement françaises, les exotiques pouvant nous réser-
ver des surprises.
Les Myriopodologistes ont généralement adopté, dans ses
grandes lignes, pour les espèces européennes, la classifica-
tion de R. Latzel, 1880-84.
® / l»' Ordre : Chilopoda.
f Se
] Li
Scutigeridae.
thobiidae.
Q , . Scolopendridae.
g* I [ Geophilidae.
'C \ 2^ Ordre : Symphyla Scolopendrellidae.
jg / 3« Ordre : Panropoda Paiiropodae.
S. 0. Pselaphognatha... Polyxenidae.
•ô / l / Glomeridae.
S 1 I \ Polydesmidae.
rt \ 4« Ordre : Diplopoda. \ S. 0. Chilognatha \ Chordeumidae.
^ ■ / Lysiopetalidae.
\ Inlidae.
S. O. Colobognatlia Polyzonidae.
Par leur structure externe, comme par leur organisation
interne, les Myriopodes peuvent cependant être répartis en
deux grands groupes : Ghilopodes etDiplopodes, les Symphy-
les et les Pauropodes, quoique formant deux ordres parfaite-
ment caractérisés, se rattachant étroitement aux Diplopodes.
Ces deux groupes sont tellement distincts, qu'un Myrio-
podologiste américain, Bollman, a tenté de distraire le
groupe des Ghilopodes de la classe des Myriopodes et de les
rattacher aux Hexapodes. Disons tout de suite que cette clas-
sification serait trop artificielle et que les Hexapodes ont plus
d'affinité avec les Diplopodes qu'avec les Ghilopodes.
Un des principaux caractères de l'organisation interne
qui précise cette division en deux groupes est l'orientation
de l'appareil génital et sa superposition par rapport aux
autres organes. Si l'on ouvre, dans la cuvette à dissection,
DEVELOPPEMENT POST-EMBRYONNAIRE DES MYRTOPODES. 337
la cavité somatique d'un Ghilopode par la face dorsale, on
trouve successivement :
1° Le vaisseau dorsal, ou appareil vasculaire;
2° L'appareil génital ;
3° Le canal digestif;
4^ La chaîne ganglionnaire ventrale.
Dans le groupe des Diplopodes, on trouve, au contraire :
1° Le vaisseau dorsal ;
2** Le canal digestif;
3^ L'appareil génital;
4" La chaîne ganglionnaire ventrale.
L'appareil reproducteur est ainsi logé au-dessus du canal
digestif chez les premiers et au-dessous chez les seconds.
En outre, chez les Ghilopodes, il se déverse en arrière, dans
le dernier sagment du corps, par un orifice unique, tandis
que chez les Diplopodes il se déverse en avant, par deux
orifices pairs, situés entre le second et troisième segment.
Nous verrons cependant que l'étude du développement
post-embryonnaire vient détruire l'équilibre de ces groupe-
ments et qu'une partie des Ghilopodes se rattache étroitement
aux Diplopodes par leur mode d'évolution.
On doit considérer dans la vie des Myriopodes quatre
périodes bien distinctes :
1° La Période embryonnaire; évolution de l'individu
dans l'œuf avant 1 eclosion.
2° La Période de développement post-embryonnaire ,
qu'on a comparée à la période de métamorphose des
Hexopodes, mais qui cependant en diffère complète-
ment;
3*^ La Période de maturation, pendant laquelle se déve-
loppent les organes génitaux ;
4<* La Période adulte^ réservée uniquement à la repro-
duction.
388 MEMOIRES.
Si Ton suit ces diverses périodes, on assiste, selon les
individus, à deux modes d'évolutions :
1^ Le développement direct;
2"^ Le développement par gemmation.
!«'■ Mode : Développement direct.
Les Scolopendridae et quelques Geophilidae se dévelop-
pent selon ce mode. La manifestation de la deuxième pé-
riode se réduit au développement des formes acquises au
sortir de l'œuf, et la troisième période, qui comporte seule-
ment révolution de l'appareil génital interne, ne produit
aucune modification externe.
Le développement est direct, il se poursuit et s'achève
complètement dans Toeuf avant l'éclosion. Les jeunes, à leur
naissance, sont pourvus d'autant de segments et de paires
de pattes que l'animal adulte et leur nombre est toujours
fixe pour les individus d'une même espèce. Il en est de même
pour les ocelles et pour les artictes antennaires.
2® Mode : Développement par gemmation.
Ce mode de développement se manifeste chez une partie
des Ghilopodes {Lithobiidae, Scutigeridae et la plupart des
Geophilidae) et chez les Sjmphyles, les Diplopodes et les
Pauropodes.
Les Myriopodes de ce groupe présentent un mode de dé-
veloppement post-embryonnaire très spécial et fort intéres-
sant au point de vue de leur filiation et de leur affinité avec
les groupes voisins, développement que nous appellerons
gemmaire, et que l'on a comparé à tort à la métamorphose
des Insectes, dont il diffère fondamentalement, quoique
semblant présenter une certaine analogie.
DÉVELOPPEMENT POST-EMBRYONNAIRE DES MYRIOPODES. 339
Ici, nous n'assistons pas à une transformation modifiant
plus ou moins profondément, non seulement les formes gé-
nérales de l'animal, mais encore ses organes et son genre
de vie, comme dans la métamorphose des Hexapodes. Il n'y
a pas transformation, mais bourgeonnement d'un nouvel
être, à la suite du premier.
Oïl doit, en effet, considérer chez ces Arthropodes deux
parties absolument distinctes, tant par leur origine que par
leur organisation et le rôle qui leur est dévolu. L'individu
est en quelque sorte constitué par deux êtres, l'un d'origine
ovulaire qui apparaît au sortir de l'œuf et qui rappelle l'or-
ganisation des Hexopodes, l'autre d'origine gemmaire, qui
n'existe pas au moment de la naissance, mais qui bourgeon-
nera à la suite du premier pendant la période de développe-
ment post-embryonnaire et rappellera l'organisation des
Annelides.
La partie d'origine ovulaire, que nous appellerons Pro-
some, est conformée pour la conservation de l'individu; c'est
là que se trouveront, dans leur grand développement, les
organes essentiels à la vie végétative.
La partie d'origine gemmaire, que nous appellerons Me-
tasome, sera la reproduction, en un nombre fixe ou variable
de somites, des pénultièmes segments du Prosome et sera
conformé plus spécialement pour la conservation et la
reproduction de l'espèce. C'est là que se développeront, pen-
dant la période de maturation, les organes génitaux; c'est
là encore qu'apparaîtront, pendant cette même période, chez
la plupart des mâles des Diplopodes, les organes copula-
teurs, indépendants de l'appareil génital et provenant de la
transformation de une ou plusieurs paires de pattes. Et c'est
précisément dans le premier ou deuxième segment d'origine
gemmaire (sauf chez les Glomeridae) que ces pattes copula-
trices bourgeonneront, marquant par leur présence la
limite entre les deux parties d'origines différentes, le Pro-
some et le Métasome.
Les Symphyles, ces êtres si spéciaux par leur organisation,
qui possèdent des glandes filières comme les Araneïdes, qui
340 MÉMOIRES.
se rattachent aux Diplopodes par la disposition de leur appa-
reil génital et forment, par la simplification de leur appareil
respiratoire, le passage entre ces derniers {Inliclae) et les
Hexapodes {Thysanours) , et qui par leur intime parenté
avec les Gampodidae doivent être regardés avec ceux-ci
comme étant les plus proches de la forme ancestrale des
Myriopodes et des Hexapodes, n'échappent pas aux règles
de ce mode de développement.
Les Lithohiidae et les Scutigeridae^ quoique intimement
liés aux Scolopendridae, tant par leurs formes externes
que par leur organisation interne, subissent aussi les mêmes
lois générales de développement que les Diplopodes.
Les Scolopendridae^ au contraire, représentent le type
du développement direct; chez eux, l'évolution s'accomplit
entièrement dans l'œuf, avant l'éclosion, indice d'une forme
supérieure.
Le développement par gemmation procède chez tous les
Myriopodes d'une même origine, suit les mêmes phases et
aboutit aux mêmes fins. Il débute, après une première mue,
par la segmentation ou dédoublement du segment pénul-
tième, ou, pour mieux dire, par le bourgeonnement entre ce
segment et l'anal d'un nouveau segment. Il se poursuit par
le bourgeonnement successif d'autres segments, toujours
entre le nouveau pénultième et l'anal, et la croissance des
pattes, chaque stade de développement étant accompagné
d'une mue qui a pour objet de débarrasser l'individu de la
cuirasse dermique de ses sclérites, ou de ses anneaux, dont
la rigidité s'opposerait au travail du bourgeonnement et du
développement des nouveaux éléments en formation. C'est
pendant le repos qui précède chaque mue que s'élabore ce
travail.
Les nouveaux anneaux se dédoubleront à leur tour, suc-
cessivement en deux segments simples chez les Ghilopodes,
ou resteront composés de deux somites chez les Diplopodes
et les Pauropodes. En dehors de cette particularité caracté-
ristique qui scinde les Ghilopodes et les Diplopodes, on
trouvera des divergences très marquées dans l'organisation
DÉVELOPPEMENT POST-EMBRYONNAIRE DES MYRIOPODES. 341
initiale de l'individu au sortir de l'œuf provenant de l'évo-
lution embryonnaire et dans l'arrêt déflnitif du développe-
ment post-embryonnaire. On remarquera aussi entre chacun
de ces groupes des différences notables dans le nombre des
anneaux qui bourgeonnent à chaque stade de développe-
ment, et dans le nombre de ces stades. Ces divers groupes
correspondent aux familles établies par la systématique ac-
tuelle, mais non aux groupements en sous-ordres.
L'évolution embryonnaire produit à l'éclosion trois types
bien distincts.
Dans le premier, l'individu est pourvu à sa naissance
d'un grand nombre de segments pédigères, nombre qui
sera très variable selon les espèces et les individus, et il n'y
aura pas accroissement des artictes antennaires dont le
nombre sera toujours fixe. On trouve ce type chez certains
Geophilides.
Dans le second, l'individu est pourvu à sa naissance de
7 paires de pattes et de 8 segments, et il y aura accroisse-
ment non limité d'articles antennaires. Ce type est repré-
senté par les Lithohiidae et les Scutigeridae et par l'ordre
des Symphyles.
Dans le troisième, l'individu possède, au moment de la
naissance, 3 paires de pattes seulement, nombre qui rappelle
une origine commune avec les Hexapodes et 5 à 7 seg-
ments. Il n'y aura pas accroissement des artictes antennai-
res dont le nombre sera toujours fixe. Ce type est repré-
senté par l'ordre des Diplopodes.
l^"* Type.
Geophilidae (eœ p.).
Caractères : Individus pourvus à leur naissance d'un grand nom-
bre, très variable, de segments pédigères.
Quelques somites seulement d'origine gemmaire.
Prosome et métasome non différenciés et composés,
pour les individus d'une même espèce, d'un nonil^re
\;iii;il)Ie de somites.
342 MÉMOIRES.
Pas d'accroissement antennaire.
Apparition dans les deux sexes, pendant la période de
maturation, d'organes génitaux accessoires dans le
dernier segment du corps, près de l'orifice génital.
Ce premier type est représenté par les Geqphilidae, ou
du moins par un grand nombre d'entre eux, car certains
semblent échapper à la règle.
L'évolution directe dans Tœuf n'est pas complète; la
deuxième période se manifeste par le bourgeonnement suc-
cessif de quelques segments, peu nombreux et en nombre
variable, entre le segment pénultième et l'anal et la crois-
sance d'une paire de pattes sur chacun d'eux. La troisième
période (période de maturation) produit en même temps que
révolution de l'appareil génital interne, l'apparition dans le
dernier segment du corps, près de l'orifice génito-excrémen-
tiel, d'organes génitaux complémentaires externes, qui
semblent en voie d'atrophie.
Les jeunes, au sortir de l'œuf, sont pourvus d'un grand
nombre de segments pédigères, et sauf l'accroissement des
quelques segments pénultièmes, ne sont différenciés de l'ani-
mal adulte que par leur forme plus petite.
Dans certains groupes de cette famille, le nombre des
segments est très variable pour les individus d'une même
espèce, et cette variabilité provient, autant que nous avons
pu le constater, de la segmentation post- embryonnaire.
On voit par ce qui précède que seuls les Geophilidae se
rattachent à deux modes de développement, et l'on peut,
pour cette raison, et aussi parce que leur développement
anamorphotique est très peu accentué, les considérer
comme un groupe intermédiaire et en période de transition.
L'évolution s'accomplit presque entièrement dans l'œuf, et
c'est seulement par un reste d'atavisme que nous voyons se
produire, chez certains, pendant la période post-embryon-
naire, le bourgeonnement des quelques segments du me-
ta some.
développement post-embryonnaire des myriopodes. 343
2« Type.
Chilopodes {ex p.) et. Symphyles.
Caractères : Individus pourvus à leur naissance de 7 paires de
pattes.
La moitié environ des comités d'origine gemmaire.
Prosome et métasome composés, pour les individus
d'une même espèce, d'un nombre toujours fixe de
somites et ordinairement différenciés entre eux par
la dispos^ition des scutelles dorsales.
Accroissement antennaire et ocellaire non limité pour
les individus d'une même espèce.
Apparition chez les femelles, pendant la période de ma-
turation, d'organes génitaux accessoires dans le der-
nier segment du corps, près de l'ouverture génitale
(sauf chez les Symphyles).
Dans ce groupe, c'est seulement l'arrêt de Taccroisse-
ment gemmaire, qui, au point de vue du développement, sé-
pare les Chilopodes de l'ordre des Symphyles.
Chez les Symphyles, l'accroissement s'arrêtera lorsque
l'individu sera pourvu de 12 segments pédigères. Chez les
Chilopodes {Lithobiidae et Scutigeridaé), il s'arrêtera seu-
lement lorsque la 15® paire de pattes sera formée. Mais tan-
dis que le nombre des artictes des tarses sera toujours fixe
chez les Lithohiidae^ sauf dans le genre exotique Germa-
tobius^ chez les Scutigeridae il subira un accroissement
considérable et non limité.
En considérant la similitude du mode de développement
embryonnaire et post-embryonnaire des trois familles qui
composent ce groupe, on est frappé de l'hétérogénéité de
leurs formes externes et de leurs organisations anatomi-
ques qui indiquent trois origines distinctes Les Symphyles,
comme nous l'avons déjà dit, se rapprochent de la forme
ancestrale des iMyriopodes et dos Hexapodes par leur pa-
renté avec les Campodidae et sont intimement liés avec les
Diplopodes. Les Scutigeridae ont une grande affinité avec
344 MÉMOIRES.
les Aranéïdes, et les Lithohiidae, type caractéristique des
Chilopodes, n'ont aucun lien commun avec les Diplopodes,
si ce n'est pas leur mode d'accroissement gemmaire.
3« Type.
Diplopodes.
Caractères : Individus pourvus à leur naissance de 3 paires de
pattes.
La moitié environ, ou un plus grand nombre, de somi-
tes d'origine gemmaire.
Pas d'accroissement antennaire.
Accroissement ocellaire non limité pour les individus
d'une même espèce.
Apparition, chez les mâles, pendant la période de ma-
turation (sauf chez les Polyxenidae), d'organes copu-
lateurs, provenant de la transformation de une ou
plusieurs paires de pattes et placés dans le 7e seg-
ment, marquant ainsi la limite entre le Prosome et
le Metasome, ou (chez les Glomeris) de pattes copu-
latrices supplémentaires, situées dans le segment
pénultième.
Chez les Diplopodes, c'est également l'arrêt de l'accroisse-
ment gemmaire qui précise les divisions adoptées par la
systématique, sans cependant s'accorder avec le classement
en sous-ordres des Pselaphognatha, Chilognatha et Colo-
bognatha. Le nombre des segments acquis pendant la pé-
riode de gemmation est ïixe ou variable, et cette particu-
larité, qui a une valeur incontestable, scinde le sous-ordre
des Chilognatha.
1®"^ Groupe : Accroissement gemmaire fiœe.
Pselaphognatha et Chilognatha {eœ p.).
Dans ce groupe, qui comprend les Pselaphognatha {Po-
lyxenidae) et une partie des Chilognatha {Glomeridae,
Polydesmidae et Chordeumidae), l'accroissement gemmaire
DÉVELOPPEMENT POST EMBRYONNAIRE DES MYRIOPODES. 345
est fixe, c'esl-à-dire qu'il s'arrête, pour les individus d'une
même espèce, à un nombre toujours invariable de segments
et de paires de pattes.
Cet accroissement s'arrêtera :
1° Chez les Polyœenïdae, à 11 segments et 13 paires de
pattes.
2*^ Chez les Glomeridae, à 12 ou 13 segments, selon les
genres et 17 paires de pattes.
3" Chez les Polydesmidae, à 19 ou 20 segments et 29 à
31 paires de pattes, selon les genres.
4« Chez les Chordeumidae^ à 30 segments et 49 ou 50 pai-
res de pattes selon les genres.
Chez, les Polyxenides et les Glomerides le prosome et le
métasome ne seront pas différenciés à l'âge adulte.
Chez les Polydesmides et les Ghordeumides, ils seront
différenciés chez le mâle, par la présence des pattes copula-
trices dans le 7® segment.
2*' Groupe : Accroissement gemmaire variable.
Chilognatha {ex p.) et Colobognatha.
Dans ce second groupe, l'accroissement gemmaire n'est
pas limité, c'est-à-dire qu'il est d'un nombre variable de
segments et de paires de pattes, pour les individus d'une
même espèce.
Le métasome, qui sera composé d'un nombre souvent
considérable d'anneaux, sera différencié du prosome par la
présence des pattes copulatrices dans le 7® segment.
Ce groupe est représenté par la grande famille des luli-
daeei celle des Polyzonidae. 11 écarte les lulidae des autres
familles du sous-ordre des Ghilognathes {Glomeridae, Poly^
desmidae et Chordeumidae) chez lesquels l'accroissement
gemmaire est ffxe et les rapproche des Polyzonides.
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DÉVELOPPEMENT POST-EMBRYONNAlKE DES MYRIOPODES. 347
• RÉSUMÉ.
Au point de vue tout spécial de l'évolution, les Scolo-
pendridae constituent, par leur développement direct, un
groupe isolé autant des autres Gliilopodes que des Symphy-
les, des Diplopodes et des Pauropodes.
Dans le groupe à développement gemniaire, les Geophilù
dae forment un type de transition, prêt à se séparer de ce
groupe.
Les autres Chilopodes (Scutigeridae et Lithobiidae) ainsi
que les Symphyles forment un type qui ne diffère de celui
des Diplopodes que par le développement initial acquis au
moment de la naissance et provenant du développement em-
bryonnaire.
Chez les Diplopodes, l'accroissement gemmaire, non li-
mité, sépare les Iulidae des autres familles du sous-ordre
des Ghilognathes et les rapproche des Golobognathes.
LES POSTULATS DE LA MÉCANIQUE. 349
LES POSTULATS DE LA MÉCANIQUE
ET LES ÉQUATIONS DITES DE DIMENSIONS
Par iM. P. JUPPONT.
I. — Les équations de déflmtjox.
La précision avec laquelle les formules mathématiques expri-
ment les rapports numériques simples ou complexes entre
grandeurs mesurables les rend particulièrement précieuses
pour la représentation des phénomènes physiques.
Cette traduction concise des résultats d'expérience à Taide
des symboles, signes et règles du calcul, que Galilée fut l'un
des premiers à utiliser, a été l'un des instruments les plus
féconds du progrès scientifique.
Mais la mathématique a fait mieux encore ; par sa pénétra-
tion dans les définitions des grandeurs, elle a pernlis de repré-
senter algébriquement les notions fondamentales en fonction
de leurs éléments constitutifs; et le rapprochement de ces for-
mules et équations les unes avec les autres est devenu un pro-
cédé d'analyse remarquable, en même temps que la réduction
du nombre des grandeurs choisies comme base des définitions
a fourni une synthèse progressive des faits que nous savons
exprimer algébriquement.
La synthèse ainsi réalisée devient d'autant plus satisfaisante
que les grandeurs fondamentales sont plus simples et que leur
noMihre est i)lus petit; et hi synthèse sera complète si nous
réduisons à deux le nombre des grandeurs simples communes à
350 MÉMOIRES.
toutes les définitions, puisque deux est le minimum de termes
que puisse comporter une relativité ou un rapport.
Si ce but idéal est atteint, nous disposerons alors d'un instru-
ment critique dont l'acuité et la précision ne sauraient être
dépassées en principe par aucun autre mode d'investigation,
puisqu'à la simplicité absolue des constituants s'ajoute la
rigueur mathématique de la définition de tous les composés
que les deux éléments constitutifs permettent d'expliciter.
La science classique donne actuellement aux grandeurs mé-
caniques et physiques trois composants : la masse M de la loi de
Galilée ou postulat de la force, la longueur L et le temps ï.
Ces grandeurs dites fondamentales sont en même temps con-
sidérées comme absolues et comme entièrement indépendantes
les unes des autres, de sorte que si notre univers avait des
dimensions différentes, la masse de la matière ne serait pas
changée.
Ces hypothèses sont la base du système G. G. S. et les expres-
sions mathématiques qui représentent des grandeurs quel-
conques en fonction M, L et T sont dites : équations de dimen-
sions.
La notion de dimension remonte au début du dix-neuvièmo
siècle.
Pour vérifier les résultats du calcul, Fourier, dans sa Théorie
de la chaleur^, attribua une dimension à chaque grandeur, en
s'inspirant du principe de l'homogénéité mathématique.
Le célèbre géomètre dit, en effet : « Les ternies d'une même
équation ne pourraient être comparés s'ils n'avaient pas le
même exposant de dimension. »
C'est à l'aide de cette donnée féconde que Fourier a étudié les
expressions dans lesquelles figurent les coefficients calorifiques
de conductibilité ainsi que la capacité calorifique qu'il représen-
tait comme suit en fonction de la longueur, du temps et de la
température.
1. Mémoires de V Académie des sciences, 1811; Théorie analyti-
que de la chaleur, 182 î; Œuvres de Fourier, publiés par G. Dar-
boux. Paris, 18S8, t. I, p. 137; Théorie de la chaleur, 160 à 163.
Temps 1
Tenipéialiire 0
— 1
— 1
— 1
— 1
0
— 1
LES POSTULATS DE LA MÉGANIQUE. 351
Longueur L
h Conductibilité spécifique — 1
h Conductibilité superlicique — 2
c Capacité de chaleur = CD (1). . —3
Q, représentant la quantité de chaleur, lapplication des idées
de Fourier donne les équations de dimensions,
^' - LTO
L2T0
Q
^~L30
et l'on en tire les relations
h zn —■ c znLh
L h
C zz: k — .
Jlj"
Les recherches théoriques de Fourier ne s'appliquent qu'aux
grandeurs calorifiques ; la chaleur n'y est pas liée à l'énergie
et ne pouvait l'être à cette époque, puisque « l'ouvrage » de
Cyrnot sur la Puissance motrice du feu est de 1824 et que
l'équivalent mécanique de la chaleur a été calculé pour la pre-
mière fois par Mayer en 1842.
La généralisation de la notion de dimension n'a pu se faire
(ju'après la découverte des principes de la thermodynamique et
la mesure mécanique des manifestations de l'électricité.
Ce sont les applications de la dimension aux grandeurs
électriques qui l'ont vulgarisée, et elle est devenue classique
1. c capacilé spécifique pour la chaleur (no 26) et I>, densité qui,
pour ce géomèlre, est le nombre irunilé de poids (jui é({uivalent au
poids de l'unité de volume.
352 MÉMOIRES.
avec le traité d'Eve rett : Les Applications du système d'unités
C. G. S.
Cet ouvrage, dont le manuscrit fut revu par Glerck Maxwell
et le professeur G. -G. Foster, a été publié en 1875, sous les
auspices de la Société de Physique de Londres.
Modifié et complété en 1879, l'année même de la mort de
Maxwell, ce traité parut sous le nom d' « Unités et constantes
physiques », titre conservé dans les éditions ultérieures et les
traductions qui en ont été faites, notamment en français, en
1888, par M. Jules Raynaud, professeur à l'Ecole supérieure de
télégraphie.
C'est dans cet ouvrage que l'on a appliqué systématiquement,
pour la première fois, les symboles et les opérations de la mul-
tiplication et de la division, aux équations qui expriment une
relation physique en fonction de la masse, de l'espace et du
temps.
Dans la préface de son ouvrage, Everett estime que les avan-
tages de ce mode de calcul sont démontrés par ses applications
à la solution des problèmes les plus difficiles sur les unités ; et
il ne craint pas d'aborder après Maxwell la recherche de l'ex-
pression physique de divers coefficients thermiques, bien qu'au-
jourd'hui encore, aucune équation ne soit adoptée pour la repré-
sentation physique de la température.
Dans sa Theo7^y of Heat, Maxwell avait esquissé une très
intéressante étude de ces coefficients, qu'il sait être des gran-
deurs et non de simples valeurs numériques, comme on le dit
trop souvent, par suite de l'indécision qui subsiste encore sur
la définition de la température comme grandeur physique.
Dans les essais de Maxwell sur la signification du coefficient
de conductibilité ou conductibilité spécifique thermique, la
nature physique du coefficient est logiquement liée aux diverses
définitions de la quantité de chaleur, c'est-à-dire aux hypo-
thèses faites sur la nature de la chaleur.
L'examen de cette tentative nous permettra, par analogie, de
mieux saisir comment le coefficient que l'on fait actuellement
intervenir dans les lois de Newton et de Coulomb sont intime-
ment liées aux procédés mis en oeuvre pour mesurer la matière
LES POSTULATS DE LA MECANIQUE. 353
OU l'électricité qui figure dans la formule représentative, de la
loi de l'inverse du carré de la distance; il montrera, en outre,
commentées coefficients peuvent avoir une valeur numérique
ou une signification physique suivant les définitions adoptées
et les hypothèses mécaniques qui interviennent dans les égalités
par lesquelles le phénomène décrit est lié avec la grandeur
dynamique à laquelle on le rattache.
Si Q est l'unité de chaleur, L l'unité de longueur, T l'unité de
temps et 6 l'unité de température, l'expression du coefficient
de conductibilité /j, tel qu'il a été défini par Fourier, est repré-
sentée par Maxwell à l'aide de l'équation
- LLTei •
Pour bien marquer que les termes constitutifs de cette rela-
tion sont, non pas des nombres, mais les grandeurs auxquelles
les nombres s'appliquent, Maxwell enfermait entre [ ] les sym-
boles de ces grandeurs.
Nous ne conserverons pas cette précaution graphique, car
il est entendu que dans tout ce qui va suivre, les symboles
MLTO, etc., représentent des grandeurs et non pas des nombres.
Une remarque est cependant nécessaire : le terme équation
de dimensions empoyé par Maxwell est impropre, car le mot
« dimension » a déjà une signification très répandue; il déter-
mine les composantes de l'espace, longueur, largeur, hauteur ;
il ne saurait s'appliquer à M et à T que l'on ne peu,t assimiler à
L; c'est pourquoi j'ai proposé le terme équation de défînitioti.
Cette dernière expression a l'avantage de ne rien préjuger quant
au rôle physique ou mathématique des grandeurs qui rentrent
dans l'expression; il en indique seulement la fonction représen-
tative, ce qui ne saurait donner lieu cà une confusion. L'expres-
sion « équation de définition » me paraît également préférable à
« équation physique » qu'Everelt employa pour les distinguer
des équations numériques, puisque l'emploi des « équations de
définition » peut s'appliquer aux grandeurs cinématiques et
mécaniques, aussi bien qu'aux grandeurs physiques.
354 MÉMOIRES.
Pour les raisons ci-dessus, je persisterai, dans ce qui suit, à
employer l'expression « équation de définition » au lieu et place
d' « équation de dimensions ».
II. — Les dimensions des grandeurs thermiques
ET LA MÉGANIQUE CLASSIQUE.
Dans la formule qui exprime la conductibilité thermique en
fonction des grandeurs fondamentales, donnons successivement
à la chaleur^ avec Maxwell, les diverses définitions connues :
Si la chaleur est considérée comme équivalente à l'énergie
mécanique
Q tO travail f ML^T-^,
on a :
ML^T-^ Mli
^ LT9 ^'P^'
C'est la mesure dynamique de la conductibilité.
Si Q est la chaleur qui élève de un degré centigrade, l'unité
de masse, d'après Maxwell,
MO M
dans cette hypothèse, h est indépendant de 6.
C'est la mesu7^e calorimétyHque de h.
Si Q est la chaleur qui élève de un degré centigrade l'unité de
volume, toujours d'après Maxwell,
^ LT6 ^ T '
C'est la mesuj^e thermométtHque de h, qui, comme la mesure
calorimétrique, est indépendante de 6.
(*) Le signe =|= exprime l'équivalence et non l'égalité njalhéma-
tique.
LES POSTULATS DE LA MÉCANIQUE. 355
Si l'on pose en principe que /{ dépend de la constitution phy-
sique des corps, ces trois expressions doivent être équivalentes,
sinon la thermométrie serait contradictoire à la calorimétrie et
à la thermodynamique, et l'on doit avoir :
TH "^ LT "^ T ^^^
La mécanique classique ne peut interpréter ces équations,
puisqu'elle ne connaît pas l'expression de 6 en fonction de
M, L et T.
III. — Les définitions des grandeurs thermiques
ET 4C LA MÉGANIQUE NATURELLE ».
A diverses reprises, j'ai entretenu l'Académie des résultats
que l'on obtient en considérant les lois de Kepler, non plus
comme des équations numériques, mais comme des lois physi-
ques contenant la mesure de la matière et notamment de la
masse gravifique, en fonction de la longueur et de la durée, élé-
ments distincts de la masse qui cesse d'être une grandeur irré-
ductible. J'ai exposé comment cette idée m'avait conduit au
système à deux grandeurs, c'est-cà-dire à la représentation de
toutes les grandeurs physiques en fonction de l'espace et du
temps. Par une coïncidence remarquable, cette conséquence
d'hypothèses physiques se trouve être d'accord avec les induc-
tions philosophiques les moins contestées depuis Kant, savoir:
que l'espace et le temps considérés comme principes de nos
connaissances a priori, sont les deux formes pures de nos
intuitions sensibles, dans lesquelles nous trouvons tout ce qui
peut être découvert par l'expérience.
Mes hypothèses sont ainsi d'accord avec la philosophie pour
représenter tous les phénomènes en fonction des deux seuls
éléments universels, le temps et l'espace.
La Mécanique naturelle, c'est-à-dire la mécanique basée
sur les définitions physicfues résultant des lois de Kepler, va
356 MÉMOIRES.
nous fournir la vérilication de l'équivalence des formules (a),
vérification que la mécanique classique ne peut tenter.
Je rappelle que la définition de la masse est M ={= 7^:^ et que
la température 6 =|= L^T-^.
Remplaçons M par sa valeur dans chacune des expressions,
nous avons :
X2 X36 ' T^ LT "^ T '
qui, simplifications faites, nous donne :
Gomme L^T-^ =]= 6 pour la « mécanique naturelle », on a :
L2 L2 L2
^ T r^i3 T Tjr •
Les deux premières expressions sont identiques et identifient
la conductibilité dynamique à la conductibilité calori^nétrique.
C'est là un premier résultat en faveur de mes hypothèses.
Gomment expliquer l'équivalence
Remarquons que
L2 L2
Ï3 "^ T •
L2 L2 J_
comme
X2 T j^3
et exprime une densité, nous trouvons que
c'est-à-dire que les conductibilités calori7nétriques et dynami-
ques sont à la conductibilité thermo^nétrique dans le rapport
LES POSTULATS DE LA MÉGANIQUE. o"')?
de la densité du corps observé; cette relation résulte des dé lii-
tions successives de la quantité de chaleur par rapport à la
masse et au volume des corps, dont la température a varié d'un
degré.
La mécanique naturelle nous fournit donc directement l'iden-
tification des équations de dimensions qui résultent des trois
définitions que Maxwell a données de la conductibilité ther-
mique.
Remarquons que les trois valeurs de la conductibilité four-
nissent les égalités
— t- (1)
T^e ' LT ^^
T36 ^ T * ^ ^
De l'équation (1) nous tirons
ce qui confirme mon hypothèse sur les dimensions de la tempé-
rature.
M
Il est bon de remarquer que h =|= =-^ est homogène à la vis-
cosité, ce qui permet des inductions sur le mécanisme de la
conductibilité calorifique.
Les équations (2) et (3) ont besoin d'être corrigées pour être
interprétées, car Maxwell ne^ tient pas compte de la spécificité
du corps pour la chaleur.
Pour une substance donnée, nous avons (c étant la capacité
calorifique de l'unité de masse et c^ la capacité calorifique de
l'unité de volume) :
cM t c,V .
Gomme M =z Vc?
cNd t c,V
cd^ c^. (b)
358 MÉiMOlRES.
La chaleur spécifique volumique d'un corps donné est égale
au produit de la chaleur spécifique massique multipliée par la
densité.
Introduisons cette remarque dans les formules (1), (2), (3).,
nous avons :
ML ^ cM
ï^+r7f ^^''
Lf t ^1 TjT 2 bis
ML_^ L2
L'équation 1 bis nous donne :
U
^fc-. (4)
Si l'on admet que c est un nombre, on retrouve l'hypothèse
L'équation 2 bis nous donne :
Mf—UfdLK (5)
Nous retrouvons la définition de la masse par rapport k d et
L', comme conséquence de l'équation (b) qui relie c et c,.
L'équation 3 bis nous donne :
ot ^
CiLT2
Cj = cd
ot ^
Or. - = L^
doù et^, = ^. (6)
LES POSTULATS DK LA MÉCANIQUE. 350
Pour que (4) et (6) soient homogènes, il faut que c soit mi
nombre.
Cette dernière condition relative à c peut être explicitée plus
directement encore; en divisant L par et en multipliant par T
les deux membres de 3 bis, nous trouvons :
Comme
il en résulte :
I ' 1
c^ — cd, ôt^ et Tfq'fd,
Si l'on admet que c est un nombre, on retombe sur l'interpré-
tation physique "que nous donnons aux lois de Kepler, c'est-
à-dire que l'on retrouve la définition de la masse, placée à la
base de la « mécanique naturelle ».
IV. — Les dimensions des grandeurs électriques et la
MÉGANIQUE GLASSIQUE.
Examinons maintenant les conséquences auxquelles la mé-
canique classique aboutit lorsquelle représente les grandeurs
électro-statiques et électro-magnétiques, en fonction de M, L
et T, par l'identification de la force de Galilée aux efforts qui se
développent entre charges électriques. Le résultat de l'applica-
tion du postulat de la force de Galilée aux masses électriques
fournit les équations dites de dimensions des grandeurs élec-
triques dont les principales sont rappelées dans le tableau
ci-dessous :
360
MEMOIRES.
Nature de la grandeur.
Quantité. .
Intensité. .
Capacité. .
Potentiel . .
Résistance
Dans
le système
électro-statique.
mI lIt"'
mI lI t"'
L
mI lI t"'
j _i j
Dans
le Système
électro-magné-
tique.
4 4
M 2 L2
d -l -1
M2 L2 T
13-2
M2 L2 T
L T-
Rapport
E.S.
E.M.
LT-1 =r V
L2T-2 — 1)2
1
L-i T = -
V
On remarque tout d'abord que l'on obtient des expres-
sions mathématiques différentes, suivant que la grandeur
est fournie par les masses électro-statiques m et la loi Coulomb
F zz: ^ , ou par laction des pôles magnétiques F =: -r-^, ces
pôles étant fournis par les phénomènes électro-dynamiques et
mesurés par les lois d'Ampère et de Faraday.
Pour interpréter ces formules, on a pris l'habitude d'écrire
les formules fondamentales de l'électricité sous la forme :
1 pp'
F = — • — r-j- en electro-statique et F
U
en électro-ma-
gnétique, et l'on dit :
h est le pouvoir inducteur spécifique, ja la perméabilité ma-
gnétique, et l'on ajoute, si/j = 1 le pouvoir inducteur spécifique
est un nombre, la mesure est faite dans le système électro-sta-
tique; si [A := 1, la perméabilité magnétique est un nombre; la
mesure est faite dans le système électro-magnétique.
Cette coriection a posieriotH des formules de l'électrotechni-
que n'est pas, logiquement, satisfaisante.
En effet, le rapport des grandeurs électro-statiques aux gran-
deurs électro-magnétiques correspondantes est fonction d'une
vitesse que l'expérience a montré être la vitesse de la lumière;
l'intensité électro-statique, par exemple, n'est donc pas un mul-
tiple numérique de l'intensité électro-magnétique, mais bien une
grandeur physique différente ; il en résulte que la nature de la
LES POSTULATS DE LA MÉCANIQUE. 361
grandeur varie avec le système de mesure, ce qui est inad-
missible.
L'introduction des coefficients h et \). (dont les dimensions
sont inconnues), corrige mathématiquement la contradiction,
^qui demeure entière au point de vue physique, car, dans l'infi-
nité d'hypothèses qui remplissent la condition k'j.'zz-^^ l'ex-
périence ne permet pas de choisir celle qui satisfait aux exigen-
ces de la réalité.
D'autres solutions a posteriori ont été proposées. M. Peliat a
indiqué l'usage de coefficients complémentaires, MM. Vaschy
et Brylinski préfèrent l'emploi d'une quatrième unité; mais
jusqu'à présent toutes ces hypothèses se heurtent à l'objection
grave qu'elles ne sont que des corrections en quelque sorte
métaphysiques, d'une contradiction physique indiscutable.
D'autre part, si l'on examine les équations de dimensions en
elles mêmes et qu'avec Everett on les considère comme des
équations physiques, il est permis de se demander la significa-
tion objective qui correspond par exemple au symbole L"" qui
est la sj d'une longueur.
Il ne s'agit pas ici , de la valeur numérique de la y clu
nombre exprimant la valeur de la longueur expérimentale
observée, par exemple, la distance qui sépare deux corps élec-
Q2
trisés sur lesquels on vérifie la loi de Coulomb F =: — . Dans
Li
l'équation qui nous occupe \Jl est la v de cette grandeur,
puisque, par convention, on applique les opérations mathémati-
ques aux grandeurs et non à leur qualificatif numérique.
La formule yL ne peut avoir aucune signification objective,
car yL X y L = L voudrait dire que la longueur est une
grandeur réductible en des élémenls autres que des longueurs
infinitésimales; que par exemple elle est formée de deux autres
grandeurs L"* dont la combinaison, par multiplication, four-
nit la longueur; comme la combinaison multiplicative de deux
longueurs fournit une surface dont la mesure est le produit des
mesures des deux éléments constitutifs de cette surface.
Cette conséquence est contradictoire avec la notion de lon-
10e SÉRIE. — TOME X. 20
362 MEMOIRES.
gueur, puisque la combinaison additive de deux longueurs
fournit une autre longueur qui est le total des deux éléments
ajoutés bout à bout, et inversement, le partage d'une longueur
en tronçons, quelle que soit leur mesure ultime, ne saurait
fournir que des éléments linéaires de même nature que la lon-
gueur dont ils dérivent.
De plus, comme les opérations arithmétiques
V^L, v/l, ^L..., etc.,
sont mathématiquement en nombre infini, il serait possible
de constituer la longueur au moyen d'une infinité d'éléments
de nature différente. Que les géométries, à dimensions fraction-
naires qui en résultent, soient logiquement possibles, au même
titre que les géométries à plus de trois dimensions, c'est certain ;
mais qu'elles correspondent à une réalité spaciale, c'est beau-
coup moins probable.
1 3
Ces éléments purement abstraits L"", L'', etc., ne correspon-
dent, en effet, à aucune réalité objectivable ; ce sont des abstrac-
tions créées de toute pièce par l'imagination scientifique, comme
la Sirène ou les Muses, par l'imagination poétique, les méta-
phores, les images par l'imagination littéraire.
On ne peut donc attribuer le caractère représentatif de la
réalité aux expressions L% L"*, etc., puisque l'hypothèse opé-
ratoire d'où ces éléments résultent, fournit des grandeurs con-
tradictoires avec la nature ultra simple de la longueur, dont
le dernier élément est le point géométrique linéaire à une
dimension.
La même critique s'applique avec plus de force encore aux
13 5
termes M% M% M% etc., puisque pour la mécanique classique
la masse est par définition une grandeur simple, constante,
absolue, par conséquent irréductible et indépendante de l'espace
et du temps, dans lesquels elle demeure invariable, quelles que
soient les circonstances dans lesquelles la matière manifeste
ses propriétés énergétiques.
LES POSTULATS DE LA MÉGANIQUE. 363
Cette observation pourrait s'appliquer au temps ; mais, chose
digne de remarque, le temps T ne figure dans les équations de
Maxwell qu'avec des exposants entiers; et bien que nous ne
sachions pas à quoi peut correspondre un terme T^, au point
de vue objectif, la difficulté philosophique n'est pas la même
4 4
que pour les termes en L'* ou M^, puisque la représentation
du rôle du temps a pour grandeur ultra simple la notion de
temps elle-même, et non une composante de la grandeur fon-
damentale, comme cela se produit pour la masse et la longueur.
V. — Les définitions des grandeurs électriques
ET LA « méganique NATURELLE. »
La « Mécanique naturelle », qui a pour base les lois de
Kepler, considérées comme lois physiques*, définit directement
la masse M =t= L^T-' à l'aide de la loi : le cube des grands
axes est pi^opoiHionnel au carré des temps des révolutions,
tandis que la loi des aires L^ zz b'T, fournit une mesure nou-
velle de la matière à laquelle j'ai donné le nom de quantité
q t L^T-^
.M ^ .^ , ., ^ L^ L ^ L2
Le rapport — est une vitesse ;etM=t= — 7TT=t=7pr.'î?-
Ces données essentielles rappelées, examinons maintenant
comment la mécanique naturelle interprète les équations de
dimension des grandeurs électriques.
Dans ces équations remplaçons M par L^ï-^; nous trouvons :
1. Voir à ce sujet mes différentes études : Mémoires de l'Académie
des Sciences... de Toulouse, 1901, pp. 5^06 et suiv,; 1903, pp. 177 et
suiv.; 1904, pp. 33 et suiv.
364
MEMOIRES.
Nature de la grandeur.
Quantité. .
Intensité. .
Capacité. .
Potentiel. .
Résistance
Dans
le système
électro-statique.
L3 T-2
L3T-S
L
L2T-2
L-iT
Dans
le système
électro-magné-
tique.
L2T-1
L2 T-2
L-1 T2
L3T-3
LT-i
Rapport
V
V
On remarque de suite que la quantité électro-statique est équi-
valente à la masse de la loi de Kepler et que la quantité électro-
magnétique est homogène à la quantité de la loi des aires.
Nous retrouvons en électricité deux définitions de la quantité
d'électricité, homogènes aux deux définitions de la matière qui
nous ont été fournies par les lois astronomiques. La première
de ces définitions, « la masse », est universelle et s'applique à
toutes les niasses matérielles ainsi qu'à toutes les charges élec-
triques. Cette équivalence de la loi de Kepler L^ =: ôT^, à la loi
de Coulomb n'est pas surprenante, puisque, dans les deux cas,
on mesure les conditions du mouvement d'une manifestation
énergétique, périodiquement reproduite sur une courbe du
deuxième degré, suivant les lois du mouvement uniformément
varié.
La deuxième définition, la quaiitité, est spécifique, c'est-
à-dire spéciale à chaque manifestation énergétique, puisque la
constante de la loi des aires varie avec chaque planète.
Comment peut-il y avoir analogie entre la quantité de matière
et la quantité électro-magnétique ?
Aujourd'hui, la réponse à cette question est devenue facile.
La base de l'électro-magnétisme est l'action d'un feuillet
magnétique sur un pôle placé en son centre. Or, il est admis,
sinon démontré, que le courant électrique est produit par le
déplacement des ions négatifs, dans le circuit conducteur, siège
du courant, qui, au cas particulier du feuillet magnèlique, est
LES POSTULATS DE LA MÉGANIQUE. 365
un circuit fermé entourant le pôle magnétique sur lequel il agit.
Là encore, nous retrouvons l'image du phénomène astrono-
mique, et l'on comprend qu'il puisse y avoir une analogie entre
la loi des aires de la gravitation et la surface balayée par le
vecteur qui réunit un ion négatif au pôle magnétique autour
duquel il se déplace.
Gomme, d'autre part, l'ion paraît être constitué par un noyau
central électropositif, entouré d'ions électro-négatifs beaucoup
plus petits que lui, par conséquent que la molécule, conformé-
ment aux spéculat'ujns des philosophes, paraît être une image
réduite de notre système solaire, la mécanique naturelle prend
un caractère synthétique qu'on ne peut négliger.
En effet, les grandeurs fondamentales
MtL^T-2
qui sont la traduction de faits astronomiques, donnent exacte-
ment les mêmes principes aux mouvements astronomiques, à
la mécanique et aux phénomènes électriques.
VI. — Quelques avantages de la « mécanique naturelle ».
Mais la mécanique naturelle, outre qu'elle n'a pas besoin
des postulats de la force, offre une autre supériorité sur la mé-
canique classique : c'est qu'en dehors de la masse, mesure
universelle de la matière, elle fournit une mesure qualitative
q fL^T-* qui différencie les diverses sortes de molécules les
unes des autres, comme la valeur du coefficient de la loi des
aires caractérise individuellement les planètes.
La mécanique naturelle servira donc plus logiquement que la
mécanique classique toutes les branches de l'énergétique, et
notamment la chimie, la thermodynamique, l'étude de la diffu-
sion, etc.
Un exemple précisera cette conséquence.
M U-
La viscosité a pour dimension ;;. =|= YTr^ t ^ '•> comme la densité
366 MÉMOIRES.
d f ML-3, il en résulte que le rapport -^-tfTpTFtTfrt^i la
grandeur q =f= L^T-*, n'est pas utilisée par la mécanique classi-
que comme mesure des propriétés spécifiques de la matière;
cette mécanique ne peut donc expliquer la portée générale du
rapport ^ .
La mécanique naturelle montre au contraire de façon directe,
que ce rapport est une mesure indirecte de q de chaque molé-
cule, c'est-à-dire une caractéristique du mouvement propre
des ions négatifs autour de leur noyau central.
J'avais indiqué il y a quelques années l'homogénéité
F t MLT--2 1 L*T-4 1 i^ X g t ^1^'.
La remarque précédente sur le rapport ^ = ^ nous permet
d'écrire F := ^, c'est-à-dire de fournir l'expression de la force
(m
transmise par un milieu, en fonction des propriétés physiques
de ce milieu.
Ce résultat est d'ailleurs en concordance avec ce fait que la
conductibilité thermique est elle-même une fonction directe de
la viscosité.
La mécanique naturelle permet donc de s'affranchir, dans
certaines limites, de la condition de Vinaltérance^ des milieux
qui pèse d'autant plus lourdement sur les interprétations de la
mécanique classique que ses postulats ne tiennent pas compte
du rôle des milieux.
Cette insuffisance des ."principes classiques permet de com-
prendre pourquoi l'idée de masse absolue est en contradiction
avec l'expérience dans laquelle Kauffmann a montré que la
masse des ions varie avec leur vitesse et peut devenir infinie si
les électrons sont au voisinage de la vitesse de la lumière, soit
300000 kilomètres par seconde.
1. P. Juppont, Essai d'Energétique (Mémoires de l'Académie des
sciences de Toulouse, 1901, p. 235).
LES POSTULATS DE LA MÉGANIQUE. 367
Les bases de la mécanique naturelle ne sont pas en contra-
diction avec ce résultat, puisqu'elles font de la masse une gran-
deur relative M f L^T-*, fonction du temps et de l'espace, c'est-
à-dire des conditions du mouvement qui sont essentiellement
dépendantes du milieu dans lequel il se produit.
Cette remarque conduit à rechercher si l'électricien a le droit
de corriger la formule de la force électro-maguétique F' zz h" F
(ou la force observée F' = h" force théorique F d'accord avec
les postulats classiques) en disant que pour certaines vitesses v
des ions, la masse des ions augmente, ce qui revient à écrire
M' =t=K" M, en faisant h" plus grand que l'unité.
Pour solutionner cette importante et délicate question, exa-
minons les principes suivis par le mécanicien dans l'étude des
mouvements réels des corps dans l'atmosphère. L'artilleur
constate que le projectile n'obéit pas à la loi de Galilée, mais il
n'écrit ni F' ^zh" F, ni son équivalent FTzz/i" Mv, v étant la
vitesse initiale du projectile.
Il attribue à la présence de l'air la production d'une force rd-
sistanteF" ,Qi\\QGY\{¥T -¥" T -—Mv' ,v' èid.ni la vitesse obser-
vée. Le mécanicien écrit donc : impulsion initiale FT, moins
impulsion résistante F" T, mesure la quantité de mouvement
observée Mv'.
Il assimile ainsi la résistance de l'air, qui est le total de l'ac-
tion d'un ensemble de tourbillons, à une force unique passant
par le centre de gravité du projectile.
L'image mathématique, du fait, devient
(F — F") T — Uv'-,
c'est-à-dire, si F — F" = F' ,
Ce mode de correction a pour résultat de mettre les données
de l'expérience d'accord avec le postulat de la force; mais il ne
prouve pas la rigoureuse exactitude de l'invariabilité de la
masse, car la formule de balistique couramment admise est
loin de représenter exactement les faits qui se produisent dans
le mouvement d'un projectile à travers l'atmosphère.
368 MÉMOIRES.
Il est, en effet, une autre représentation plus satisfaisante des
mouvements d'un projectile dans l'air, c'est d'écrire
FT = Mv' + Smv" ,
c'est-à-dire: l'impulsion initiale est à chaque instant égale à la
quantité de mouvement du projectile {Mv') augmentée de la
somme des quantités de .mouvements des molécules déplacées,
au moment considéré {^mv").
C'est évidemment un mode de représentation plus physique
et une image plus exacte des faits.
Mais Sm, c'est-à-dire le décompte des molécules déplacées,
est impossible ; et la vitesse v" de chacune d'elles ne peut être
appréciée.
L'insuffisance de nos moyens d'investigation a évidemment
empêché l'adoption de cette expression des phénomènes balis-
tiques.
Si l'on remarque que v" est une fonction de î;',on peut écrire
v"zza!;', le coefficient numérique a étant une fonction incon-
nue de î;' ; on a par conséquent
FT=:(M + Sam)i?'.
Cette forme représentative des effets balistiques est particu-
lièrement intéressante, car si nos sens ne nous révélaient pas
la présence de l'air, indispensable à notre existence, et si nous
postulions la loi de Galilée pour les corps graves, nous serions
amenés à interpréter les expériences sur les projectiles en di-
sant : « la masse d'une balle varie avec sa vitesse de translation,
comme celle des électrons dans les expériences de Kaufmann,
puisque le produit am est une fonction de la vitesse v'. »
La différence d'échelle entre les deux phénomènes par rap-
port à nos sens ne nous permet pas d'apprécier s'il y a identité
dans les deux cas et par conséquent de conclure que l'ion en-
traîne d'autant plus d'éther que sa vitesse est plus grande; mais
la certitude que le projectile déplace de l'air et l'impossibilité où
nous sommes de savoir si l'électron entraine de l'éther permet-
t:nt de comprendre pourquoi, guidé par ses sens, l'artilleur cor-
LES POSTULATS DE LA MÉCANIQUE. 869
rige la formule de la force par un procédé que l'électricien ne
peut pas employer.
L'un et l'autre adoptent l'interprétation la plus commode dans
l'état actuel des principes de la mécanique.
Cette commodité aboutit à des résultats contradictoires; et,
pas plus l'un que l'autre, ces résultats ne nous permettent d'af-
firmer ou de nier l'exactitude du postulat de la force. La con-
naissance que l'expérience nous donne de la réalité totale est
trop insuffisante dans les deux caspourautoriser une induction
rigoureuse susceptible d'être érigée en principe absolu.
Nous savons que les lois de Kepler, prises pour définition de
la mesure de la matière et la « mécanique naturelle » qui en
découle,, lèvent la contradiction et homogénéisent les grandeurs
électriques à des grandeurs mécaniques.
Si les résultats que nous avons énoncés n'étaient pas suffi-
sants pour justifier nos hypothèses, il est d'autres moyens de
démontrer que les lois de Kepler ne peuvent être de simples
formules numériques.
La mécanique classique nous dit que dans les deux lois de
Kepler :
L^t^'T,
les coefficients b et b' sont des nombres.
Divisons ces équations membre à membre, nous trouvons :
ce qui veut dire que le temps est réductible à l'espace.
Cette conséquence absurde suffit pour faire rejeter les hypo-
thèses classiques.
Il est facile de prouver que le coefficient b de la loi L"» f ^T^
est bien la masse de Galilée.
La formule de la force de Galilée est :
FfMLT-V (1)
370 MÉMOIRES.
La deuxième loi de Kepler est :
L3 f &T2 .
De cette dernière expression nous tirons : T-^ f &L-^
Portons cette valeur de T-^ dans la définition de Galilée,
nous trouvons :
^^§- («)
Pour la mécanique classique, puisque b est un nombre, la
formule (c) n'a pas de signification possible.
Pour la mécanique naturelle, qui fait <??=(= M par définition, la
formule (c) devient immédiatement
Ft^> (2)
c'est-à-dire la loi de Newton, la loi de la gravitation universelle,
et identifie de façon évidente la masse terrestre à la masse pla-
nétaire, en même temps qu'elle montre l'impossibilité d'intro-
duire un coefficient physique dans la loi de Newton, [sous
peine de détruire l'homogénéité de l'équation (2) avec ,1a force
de Galilée (1) et les lois de Kepler.
Si on admet, pour les mêmes raisons, que la troisième loi de
Kepler donne la définition de la quantité q =t= L^T-\ on trouve,
ainsi qu'il a été déjà rappelé, le rapport mécanique
M . L .
qui est en harmonie avec les résultats des deux systèmes de
mesures électriques.
Non seulement la mécanique naturelle jette une lumière
assez vive sur les équations de définitions des grandeurs ther-
miques, alors que la mécanique classique ne peut les interpréter,
mais encore elle explique les deux systèmes d'équations de
définitions des phénomènes électriques, et, par ses hypothèses
fondamentales, lève les contradictions entre le système élec-
tro-statique et le système électro-dynamique, contradiction que
la mécanique classique est impuissante à supprimer.
LES POSTULATS DE LA MECANIQUE.
371
VII. — Vérification expérimentale de la définition
Nous ajouterons une dernière vérification à toutes les précé-
dentes.
La définition de la masse de Kepler peut se mettre sous la
M t ^, t Y • T "^ ^^ •
La constante ^, de la loi des aires pour chaque planète, est liée
à la masse par une vitesse linéaire v qui, en l'espèce, ne peut
être que la vitesse moyenne de translation de chaque planète
sur son orbite.
Si nos hypothèses sont exactes, le produit qv, pour chaque
planète, doit être une constante comme le rapport L^T-^.
Les traités d'astronomie ne donnant pas la valeur des cons-
tantes de la loi des aires, nous avons fait le calcul de la valeur
L'T-* de chaque planète et de la vitesse moyenne annuelle sur
son orbite, en tenant compte de l'excentricité, d'après les don-
nées de y Anmmii^e du Bureau des longitudes.
Les résultats de ces calculs sont contenus dans le tableau
suivant :
Noms
des planètes.
M = L3T-»
? = L>T-.
l - "-
Produits q v
L»T-« X LT-«
Mercure. . .
1
0,608830
1,59007
0,9681
Vénus
1,000001
0,850413
1,17575
0,999873
La Terre. . .
1
1
0,999985
0,999985
Mars
0,999998
1,22898
0,810213
0,995736
Jupiter. . . .
1,000916
2,27832
0,43827
0,99852
Saturne. . .
1,00024't
3,08332
0,32353
0, 99754 i
Uranus
1,000004
4,37287
0,228134
0,99759
Neptune. . .
1,000021
5,48176
0,18240
0,99087
372 MÉMOIRES.
Ces résultats montrent que nos hypothèses sur la masse et la
quantité gravifiques, sur leur signification physique et sur
M
leur rapport —, sont numériquement d'accord avec les faits,
puisque la constance du produit L^T-* X LT-^ est sensible-
ment du même ordre que la constance deL^T-^.
Il semble que les excentricités qui varient de 0,0089 pour
Neptune à 0,2056 pour Mercure soient, indépendamment de
l'inexactitude de la mesure des éléments de chaque planète, la
cause principale des écarts que l'on constate entre les valeurs
calculées de la constante de chacune des planètes si le milieu
interplanétaire ne joue aucun rôle.]
VIII. — Conclusions.
Tout ce qui précède tend à démontrer que le postulat de la
force, c'est-à-dire la notion de masse considérée comme une
grandeur absolue et indépendante, doit être abandonnée dans
les phénomènes physiques. Le postulat classique ne peut et ne
doit être appliqué que dans le cas où les corps se déplacent dans
le vide absolu, c'est-à-dire dans l'hypothèse irréalisable de la
suppression complète des milieux.
La Mécanique naturelle basée sur la transformation des
lois de Kepler, en définitions physiques, a donc l'avantage :
10' D'être d'accord avec la philosophie qui ne reconnaît que
l'espace et le temps comme principes de nos connaissances
a priori ; et suivant le langage de Kant, comme formes pures
de nos intuitions sensibles, dans lesquelles nous trouvons tout
ce qui peut être découvert par l'expérience;
2» De montrer que la mécanique classique supprime le rôle
des milieux et ne peut s'appliquer aux phénomènes physiques ;
30 D'être d'accord avec les expériences de Kaufmann;
40 De lever toute contradiction entre les mesures électro-sta-
tiques et électro-dynamiques ;
5° De donner une dimension à la température;
60 De s'appliquer aux phénomènes de la masse pesante et à
LES POSTULATS DR LA. xMÉCANIQUE. 373
ceux de l'éther électro-optique; par suite, d'offrir la possibilité
d'une synthèse mécanique qui embrasse tous les faits expéri-
mentaux mesurables dans l'espace et le temps.
Cette synthèse, qui aboutit à des équations de déflnition sim-
ples et facilement interprétables, est d'autant plus acceptable,
que la définition de la masse M ^ L^T-- fournit directement la
notion de potentiel v^ ^ ML— ^ =(= L^T— 2, et par suite la définition
générale de l'énergie \V =1= Mv^ "f M^L-*, d'où l'on déduit les
deux définitions classiques de la force :
W ML M^
L ' T2 ' L2 '
La dynamique est logiquement liée à la statique.
On place l'énergie à la base de la mécanique *, et si l'on pos-
tule le principe de la conservation de l'énergie, la force, au lieu
d'être une notion « première, irréductible, indéfinissable... dont
nous avons l'intuition directe 2 », devient, ce qui me parait plus
exact, une grandeur essentiellement secondaire, complexe,
éphémère, abstraite et définissable, puisqu'elle est la dérivée
du travail par rapport au chemin sur lequel il est dépensé ou
produit; ce qui est d'ailleurs conforme à l'intuition de la force,
que nous donne l'expérience musculaire, lorsque nous voulons
soulever un poids ou déplacer un corps quelconque.
Au point de vue de l'enseignement, enfin, la mécanique natu-
relle a l'avantage considérable de remplacer des postulats abs-
traits par des définitions déduites de faits simples et indiscutés,
et par suite de donner à la science, des principes généraux,
expérimentaux, plus facilement saisissables et compréhensi-
bles que des inductions rigoureusement indémontrables.
1. P. Juppont, Critique de la Mécanique classique (Mémoires de
l'Académie des Sciences... de Toulouse, 1903, pp. 177 et suiv.).
2. Poincaré, La Science et Vhijpothèse, p. 129.
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
DU DIMANCHE 4 DÉCEMBRE 1910
DISCOURS D'OUVERTURE
Par m. MAUREL
PRESIDENT
Il est du sort des Sociétés savantes, et c'est même là un
de leurs plus heureux privilèges, d'être en voie incessante
de rénovation. Grâce au renouvellement successif de leurs
membres, renouvellement qui les rajeunit au fur et à mesure
qu'elles sont menacées de vieillir, elles jouissent de cet
avantage inestimable de pouvoir compter leur existence par
des siècles, et néanmoins de conserver toute l'ardeur de la
jeunesse et l'activité féconde de l'âge mûr.
Gomme les organismes vivants, auxquels on les compare
souvent, elles naissent et se développent. Mais plus favo-
risées que ces derniers, grâce à leur rénovation, elles résis-
tent mieux au temps, si bien qu'elles semblent pouvoir le
braver. La nôtre est née depuis plus d'un siècle et demi, et
cependant ses productions littéraires et scientifiques prou-
vent bien qu'elle est loin d'avoir vieilli. Mais cette dif-
férence dans la durée n'est pas la seule que les Sociétés
savantes présentent avec ces organismes. Tandis que, pour
ces derniers, les éléments nouveaux qui entrent dans leur
constitution, perdent toute individualité et qu'ils sont aussitôt
confondus dans le tout commun, pour les Sociétés savantes,
leurs membres, en y entrant, ne perdent rien de leur per-
376 SÉANCE PUBLIQUE.
sojinaiilé, ils n'abdiquent aucun de leurs droits et ne cèdent
rien de ce qui touche à leur préférence ou à leurs senti-
ments.
Toutefois, ce n'est pas en vain qu'ils participent à la vie
intime de celte Société. Celle-ci, par son caractère, par ses
traditions et aussi jpar ses personnalités dominantes, exerce
toujours, quoique souvent à leur insu, une certaine action
sur eux : c'est l'influence inévitable du milieu. Mais, d'autre
part, cette action est réciproque, et ce membre souvent, à
son tour, impressionne la Société dans le sens de son carac-
tère, de ses^ qualités et cela parfois d'une manière telle que
cette influence lui survit. La Société, tout en restant au fond
la même, subit donc ces influences successives, et conserve
les^ traces plus ou moins profondes de ces différentes impres-
sions; et comme les divers membres qui se succèdent sont
forcément de leur temps, la Société elle même, sans vieillir,
reste adaptée à son milieu. C'est là l'heureux résultat de sa
constante rénovation. Elle reste jeune et de son temps parce
qu'elle se renouvelle.
Or, l'année qui vient de s'écouler est une de celles pen-
dant lesquelles ce travail de rénovation s'est accompli de la
manière la plus intense : six de ses membres l'ont quittée,
et elle compte dix membres nouveaux.
Heureusement que parmi les membres qui manqueront à
nos séances, trois ne nous ont quittés que pour prendre une
situation meilleure; aussi, tout en les regrettant, l'Aca-
démie ne peut qu'applaudir à leur succès.
M. Renault n'a passé que trois années (1907) parmi nous;
mais déjà nous avions pu apprécier ses solides qualités; et
l'Académie le^lui.^avait témoigné en le nommant son secré-
taire adjoint. M. Renault a été appelé à Paris pour professer
au collège RoUin. L'Académie est convaincue qu'il saura,
dans ce nouveau milieu, se faire, par l'étendue de ses
connaissances et son caractère, une place aussi honorable
que celle qu'iljs'était acquise parmi nous. Sur sa demande,
l'Académie, dans sa dernière séance, l'a compris parmi ses
membres correspondants. Elle est heureuse de pouvoir con-
DISCOURS d'ouverture. 377
tinuer à le compter parmi les siens, et elle lui envoie ses
meilleurs souhaits de santé et d'avenir.
M. Roule nous appartenait depuis 1897. Ses travaux de
zoologie générale, et notamment ceux qui concernent les
reptiles et les poissons, Pavaient placé depuis quelques
années parmi les zoologistes les plus estimés, et ils l'avaient
désigné pour occuper la chaire du Muséum national qui lui
a été confiée.
M. Roule est encore jeune; et l'autorité qu'il a déjà acquise
en zoologie ne fera sûrement que grandir dans ce haut
enseignement. L'Académie, heureuse de l'avoir compté
parmi les siens, lui envoie ses félicitations et l'assure de son
plus durable souvenir.
M. Mathias est des nôtres depuis 1896. Mais sa participa-
tion à notre vie académique ne s'apprécie pas par sa durée.
Il a, en eflet, marqué son passage parmi nous d'une ma-
nière toute particulière.
Presque dès son entrée, en 1900, il fut nommé secrétaire
adjoint; et vous devez vous souvenir avec quel zèle et quelle
compétence il en remplit les ("onctions. Aussi, à la mort de
notre regretté secrétaire perpétuel, M. Roschach, en 1909,
l'Académie ne crut pouvoir mieux faire que de le lui donner
pour successeur; et c'est dans ces nouvelles fonctions qu'il
s'est fait dans l'Académie une place tout à fait exceptionnelle.
Je crois inutile de rappeler devant vous le soin qu'il mettait
à nous rendre compte de notre volumineuse correspondance
scientifique et aussi du dévouement qu'il déployait quand il
s'agissait de la vie scientilique ou des intérêts de l'Aca-
démie.
Mais les travaux de M. Mathias sur le magnétisme ter-
restre avaient, depuis quelques années, appelé l'attention de
l'Autorité sur lui; et elle a tenu à lui confier un service qui
lui permettra de continuer ses importantes recherches. Elle
l'a appelé à diriger l'observatoire de Clermont Ferrand, en
lui confiant en même temps la chaire de physique de cette
Faculté.
Le départ de M. Mathias est une grande perte pour l'Aca-
IQe SKRIE. — TOME X. 27
378 SÉANCE PUBLIQUE.
demie. Aussi, se rappelant tous les services qu'il lui a
rentliis, elle a jugé qu'elle ne pouvait pas se contenter, en
s'en tenant aux règlements, de placer M. Mathias parmi ses
membres correspondants, et, par un vote unanime, elle lui
a conféré le litre de secrétaire perpétuel honoraire, en
témoignage de sa reconnaissance.
Mais, Messieurs, ces trois membres de l'Académie n'ont
fait que s'éloigner de nous; et tout en regrettant leur départ,
nous ne pouvons, je l'ai dit. que nous réjouir avec eux de
leur avancement. Mais il en est autrement des trois autres
membres qui nous ont quittés.
L'Académie a eu le regret, en effet, pendant cette année,
de perdre deux de ses membres correspondants : le D'" Bastié,
de Graulhet (Tarn), et le D' Débeaux, de Toulouse.
Le D"" Bastié nous appartenait depuis trente ans; il avait
été nommé correspondant après nous avoir communiqué plu-
sieurs travaux sur le Languedoc, comprenant son histoire,
sa géologie, son agriculture, son archéologie et son hygiène.
Depuis, du reste, il fut plusieurs fois notre lauréat; et,
malgré son grand âge, il n'a cessé de travailler et souvent
pour nous.
M. Débeaux, pharmacierf principal de l'armée en retraite,
déjà lauréat de notre Académie, avait reçu le titre de mem-
bre correspondant en 1899, après un travail important sur
la Flore agenaise qui lui valut de grands éloges de notie
directeur actuel, M. Fabre, qui fut le rapporteur des prix
de cette année.
L'Académie envoie aux familles de ces deux regrettés col-
lègues, avec les regrets que lui inspire leurs pertes, Tassu-
rance de ses sentiments de sincère condoléance.
Enfin, tout dernièrement, un nouveau deuil, celui du
D'" Jules Basset, est venu attrister l'Académie. Ce regretté
collègue nous appartenait depuis 1869; il comptait donc
quarante et un ans d'académicien. Assidu à nos séances
jusqu'à ces dernières années, il avait pris une part active à
ses travaux.
Sa modestie lui avait fait refuser plusieurs fois les hon-
DISCOURS d'ouverture. 379
neurs de la présidence; et ce ne fut que sur les instances
réitérées de quelques uns d'entre nous qu'il entra au Bureau
en 1895. Il fut notre directeur pendant deux années et
occupa le fauteuil de la présidence pendant les deux années
suivantes, en 1897 et 1898. Enfin, en 1907, il devint membre
libre.
En 1909, lorsque l'Académie eut Theureuse idée d'ofirir
un souvenir à ceux de ses membres, quand ils compteraient
quarante ans d'académicien. Basset fit partie de la première
promotion; et il put comprendre que l'estime que l'Académie
avait pour lui n'était pas étrangère à la décision qu'elle
avait prise.
Il a laissé dans nos mémoires plusieurs travaux impor-
tants. Tels sont ceux sur Le rhu7natisme pulmonaire;
Uart de faire des grands hom^nes; Vart de procréer les
sexes à volonté; La question des tours et de l'assistance
temporaire aux filles- mères; La contagion de la tuber-
culose, et enfin L'évolution de la littérature, des sciences
et des arts pendant le dix-7ieuvième siècle.
Dans toutes ses publications, outre la connaissance appro-
fondie du sujet et une documentation puisée aux premières
sources, on trouve toujours le mot propre, la mesure dans
Texpression, et en môme temps la correction et l'élégance
de la phrase.
Mais sans rien enlever à ses travaux scientifiques, c'est
encore plus par ses qualités d'académicien que par ses pro-
ductions que J. Basset a marqué sa place [)armi nous,
et que, pour faire un retour vers ce que je disais en com-
mençant, qu'il a laissé la trace de son passage.
Tous, en effet, à ce point de vue, nous avons pu apprécier
sa parfaite urbanité, l'aménité de son caractère et la cour-
toisie qu'il savait mettre, quand il avait a exposer ou à
défendre ses opinions.
C'est à ces qualités dominantes de Basset que l'Académie
rend hommage encore une fois. Elles resteront attachées
à son souvenir.
L'Académie adresse à sa compagne, à son fils, à sa fille
380 SÉANCE PUBLIQUE.
et à tous les siens, avec Fassnrance de la grande estime
qu'elle professait pour notre regretté collègue, l'expression
de ses vives sympathies
Enfin, Messieurs, depuis notre dernière séance, un nou-
veau deuil, que l'Académie sent vivement, est venu la
frapper. Elle a perdu son secrétaire particulier, qui depuis
trente-un ans avait su alléger assez toutes les fonctions du
Bureau, pour que leur seule charge paraissait être de les
accepter.
Darnaud a succombé à une affection implacable, jeudi
soir, à dix heures, au moment où nous levions la dernière
séance. Malgré ses souffrances, il n'a cessé de s'occuper
de notre Académie, si bien que le jour même de sa mort il
demandait les diplômes de nos lauréats pour les compléter.
Observateur scrupuleux de nos règlements et soucieux
de conserver nos traditions, il savait, avec beaucoup de
discrétion et de tact, nous les indiquer, quand il voyait que
nous pouvions les oublier. Son exactitude pour tout ce qui
faisait partie de ses obligations n'a pas été mise en défaut
une seule fois pendant les trente-une années qu'il nous a
appartenu. Aussi, par ces solides qualités, correction, ponc-
tualité et scrupuleuse honnêteté, Darnaud avait-il conquis
l'estime et la sympathie de tous les membres de l'Académie
et surtout de ceux qui ont passé à son Bureau. Sa mort est
une véritable perte pour nous.
En ce qui me concerne, après l'avoir vu à l'œuvre depuis
plus de vingt ans, j'avais conçu pour lui une véritable
affection; aussi est-ce de tout cœur que je rends hommage à
toutes ses qualités qui sont celles d'une nature d'élite et qui
ont fait de lui un homme et un fonctionnaire accomplis.
L'Académie adresse à sa mère et à sa compagne, qui si
souvent l'aida dans ses fonctions de secrétaire, l'assurance
de sa sympathie et de ses sentiments de sincère condoléance.
Messieurs, l'Académie a eu cette année à renouveler
une partie importante de son Bureau. Il est vrai que sur
ces six membres, trois lui restent à des titres différents.
Notre bibliothécaire, M. Crouzel, conserve ses fonctions,
DISCOURS d'ouverture. 381
et nous espérons que nous pourrons pendant longtemps
encore bénéficier de sa grande compétence.
Le baron Desazars de Montgailhard, notre directeur, va
prendre le fauteuil de la présidence en apportant à ces
fonctions l'autorité incontestée que lui donne sa situation
dans le monde littéraire et que justifie l'étendue ainsi que
la variété de ses connaissances.
Notre ancien Président va prendre les fonctions de Tréso-
rier perpétuel; et il remercie l'Académie de cette marque
d'estime.
Enfin M. Fabre entre au Bureau comme Directeur, et
l'Académie sait qu'elle peut compter sur son zèle et son
dévouement.
Il reste, pour compléter le Bureau, à nommer notre
Secrétaire perpétuel et notre Secrétaire adjoint, ce qui aura
lieu bientôt.
Tels sont les disparus, soit de notre Académie, soit de
son Bureau; et si pour tous leur absence doit nous inspirer
de légitimes regrets, les lois de la rénovation, par contre,
nous permettent d'envisager l'avenir avec confiance.
Dix membres nouveaux, en effet, sont entrés cette année
à l'Académie ; et, elle l'espère, ils lui apporteront, outre le
talent qui a motivé leur nomination, l'activité scientifique
sur laquelle elle a compté en les choisissant.
L'Académie a reçu cette année quatre membres titulaires :
1** Dans la sous-section de zoologie, M. Girard, professeur
à rÉcole vétérinaire;
2° Dans la sous- section de chimie, M. Hérisson-Laparre,
ingénieur en chef des Poudres et directeur de la Poudrerie;
3° Dans la classe des inscriptions et belles-lettres, M. Thou
verez, professeur à la Faculté des lettres;
4*^ Dans la sous-section des sciences médicales, M. le pro-
fesseur Jeannel, doyen de la Faculté de médecine.
Enfin, parmi ses correspondants locaux, elle a admis
dans la classe des sciences :
1° Le docteur Bardior, professeur i\!j:vô<j:o à la Faculté de
médecine de Toulouse;
382 SÉANCE PUBLIQUE.
2° Le docteur Baylac, également professeur agrégé à la
même Faculté;
3** M. Dop, chargé cFun cours à la Faculté des sciences;
4® M. Gros, inspecteur primaire;
5*^ M. Lala, maître de conférences à la Faculté des scien-
ces;
6"^ M. Mengaud, professeur au lycée.
Au nom de l'Académie, je renouvelle à ses nouveaux
membres titulaires et correspondants les souhaits de bien-
venue.
Tous sont dans la plénitude de leur talent. Beaucoup sont
encore jeunes, et l'Académie compte sur eux pour lui appor-
ter leur féconde collaboration, de telle manière que, grâce
à eux toujours de plus en plus active, et son heureuse
influence grandissant de plus en plus, elle puisse voir passer
les années sans en sentir le poids, et, par la continuité de
sa rénovation, toujours rester jeune.
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 383
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET
DOYEN HONORAIRE DE LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITE DE TOULOUSE
Par Henri DUMERIL.
La Franche-Comté, écrivait Francis Wey, il y a quelque
soixante-dix ans, « est la terre classique des géomètres, des
mathématiciens, des artilleurs et des ingénieurs^ ». Et vous
trouverez la même observation répétée dans maint ouvrage
sur les provinces françaises. 11 faudrait ajouter que cette
terre de mathématiciens est aussi une terre de jurisconsul-
tes. Nous ne nous en étonnerons pas si nous considérons,
avec Leibniz, que la science du droit a d'étroites analogies
avec les sciences dites exactes par excellence. C'étaient des
Comtois, les TouUier, les Proudhon, les Oudot, les Valette,
les Bugnet, bien d'autres encore parmi les commentateurs
les plus connus de nos codes et les professeurs les plus dis-
tingués de nos écoles de droit. C'est du Jura que nous est
venu, avec toutes les qualités de sa race et du terroir natal
— qualités qu'il ne dépouilla jamais, — le regretté confrère
à la mémoire duquel je rends aujourd'hui, en votre nom, un
sincère mais insuffisant hommage^.
1. Les Français peints par eux-mêmes, Province, 1841, t. II, p. 37.
2. Je dois remercier ici tous ceux qui m'ont fourni des renseigne-
ments pour la présente notice, et plus spécialement M. Louis Moli-
nié, conseiller à la cour d'appel de Rouen, gendre de M. Paget, et
M. l'abbé Louis Perrad, son neveu : je me suis plus d'une fols con-
tenté de les copier, n'espérant pas pouvoir mieux dire.
384 SÉANCE PUBLIQUE.
François-Joseph Paget naquit à Morbier fJura) le 25 dé-
cembre 1837, pendant la nuit de Noël. Situé dans une des
régions les plus montagneuses et les plus pittoresques de la
France, Morbier n'est, en réalité, qu'un faubourg supérieur
de Morez, et Morez lui-même, à quelques lieues de Saint-
Claude, son chef-lieu d'arrondissement, est « un des centres
les plus actifs de la France entière, une ruche de travail-
leurs répandant par le monde les produits de l'ingéniosité
de ses enfants* ». L'horlogerie, toutes sortes d'industries à
demi-patriarcales, en petits ateliers plutôt qu'en usines,
entretiennent chez les populations de ces bourgades, au
milieu d'une nature aussi inclémente que grandiose, une
vie industrielle intense.
Les Paget étaient de modestes terriens, venus peut être,
mais en tout cas depuis fort longtemps, depuis des siècles,
de Normandie, fortement enracinés en ce coin des hauts
plateaux jurassiens^. Estimés pour leur honnêteté et leur
cordialité, arrivés par un travail opiniâtre à cette petite
aisance qui, au village, permet de vivre sur sa terre et de sa
terre, ils comptaient au nombre des notables de l'endroit.
Le père des cinq garçons dont François-Joseph était le
cadet avait été un des héros obscurs de. l'épopée napoléo-
nienne ; il avait fait sept ans de dures campagnes en Espa-
gne, puis, avec Soult, autour de Toulouse. Libéré vers les
Gent-Jours^, riche seulement de rhumatismes contractés aux
1. Ardouin Dumazet, Yoyage en France, 23e série, ch. xix.
2. Le nom de Paget est répanda en Angleterre; c'est notamment le
nom de famille des marquis d'Anglesey. M. Paget se disait en plai-
santant leur parent. Lors de la saison des bains, lorsqu'il allait
rejoindre ses enfants à Dieppe, où son gendre était président, souvent
des Anglaises s'informaient des origines et de la famille de ce
M. Paget, de Toulouse.
3. Voici ce que dit, dans son éloquente brièveté, le certificat qui lui
fut délivré plus tard et auquel sont épinglées deux médailles : « Entré
au 25e jéger le 20 avril 1808. Conscrit de 1809. Caporal le 5 avril 1813.
Prisonnier de guerre le 31 mars 1813 en Espagne. Rentré le 2 avril 1813.
Campagnes 1809, 1810, 1811, 1812, 1813 en Espagne. »
]V[. Paget avait ce certificat encadré, tout près de son bureau, dans
son cabinet de travail de l'Union,
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 385
bivacs, il vint reprendre an pays les mancherons de la
charrue et la grande blouse de cultivateur. Il y choisit comme
compagne une fine et avisée paysanne de sa commune.
Joseph devait hériter des qualités distinctives de l'un et de
Taulre.
Les cinq enfants grandissaient ensemble. Le plus jeune,
le matin, chaussait ses sabots et accompagnait un des aînés
à réglise neuve de Morbier, où le premier baptême célébré
avait été le sien. On passait ensuite en classe. Le maître
d'école avait pour lui des soins particuliers; bien plus tard,
membre du jury d'agrégation de droit, son ancien élève
devait s'échapper toute une journée de Paris pour aller
revoir, dans un village de Seine-et-Oise, le vieil instituteur.
Le soir, on rentrait au Vallon, où habitaient les parents.
Or, il arriva qu'un jour... Mais ici il me faut revenir quel-
que peu en arrière pour mieux faire comprendre l'événe-
ment le plus décisif peut-être de la carrière de notre con-
frère. Au dix- huitième siècle, trois de ses grands-oncles
maternels avaient quitté Morbier pour aller chercher fortune
à Saint-Domingue. Ils s'y étaient établis et avaient prospéré
comme colons. Survint la tourmente qui bouleversa l'île lors
de la Révolution française. Un des frères Mayet-Tissot —
deux avaient disparu on ne sait comment — regagna, en
compagnie de nièces, la métropole. Après l'avoir parcourue
en divers sens, il se fixa aux portes de Toulouse. Il y acheta
une vaste propriété, eut une maison en ville et une large
part des actions du moulin du Bazacle.
Une de ses nièces entra par son mariage dans la famille
Duportal. Il en maria une autre à François PageL un neveu
qu'il avait mandé du Jura et à qui il laissa la majeure partie
de sa fortune. Celui-ci menait, sous la Restauration et la
monarchie de Juillet, la vie de gentilhomme campagnard ;
agriculteur, éleveur, chasseur, il devint maire de Saint-Jean-
de l'Union et le resta jusqu'à sa mort, fier, un peu roguo
même, dit on, se risquant parfois à jouer au personnage.
C'était l'oncle paternel de Joseph.
Or, il arriva qu'un jour — je reprends ici le fil de mon
386 ^ SÉANCE PUBLIQUE.
récit — une scène curieuse suivit la rentrée des enfants au
Vallon.
L'oncle de Toulouse était arrivé depuis quelques jours. Il
se sentait vieillir; sans héritiers directs, il avait songé à
demander au foyer de son frère un enfant pour animer le
sien, peut-être pour faire de lui son successeur. Il avait
parlé de ses projets à l'ancien soldat et obtenu son adhésion.
Sur cinq chaises alignées, il fit ranger devant lui ses neveux
qu'il considéra longuement. Son choix s'arrêta sur le plus
jeune, qui osait à peine souffler sous l'insistance de ce
regard. « C'est celui-ci que j'emmène », décida-t-il. Au dire
du curé et de l'instituteur consultés, la préférence était jus-
tifiée. La maman ne voulait pas céder son Benjamin; on
resta sourd à ses plaintes : Joseph devrait suivre son oncle
dans le Midi.
L'entant n'avait pas dix ans; jamais il n'avait perdu de
vue SOS horizons familiers. Le transplanter subitement très
loin des siens, dans le milieu tout différent qu'était le lycée
de Toulouse, eût été maladroit, dangereux peut-être. On le
comprit. On lui fit passer au préalable une année scolaire
dans une institution du chef-lieu du département. Ces neuf
mois, suffisants pour ménager la transition entre la liberté
des champs et la discipline alors austère d'un lycée de
grande ville, laissèrent peu de traces dans la mémoire de
l'enfant.
Mais ses souvenirs abondaient, affluaient à la moindre
évocation quand il parlait de son voyage, de son arrivée à
Toulouse, des bonnes années d'études qu'il y avait passées.
Le père conduisait le petit montagnard descendant des pla-
teaux du Jura vers les plaines ensoleillées. Le beau voyage
que fit le plus jeune des deux voyageurs ! Ainsi que le Petit
Chose, il n'oublia jamais le nom du capitaine commandant
le vaisseau qui le porta de Lyon en Avignon. Tout petit et
menu, comme il s'était caché dans un coin pour s'y reposer
tranquille, il causa une grosse inquiétude à son père et à
l'équipage, qui le cherchaient en vain. Un moment on le
crut tombé dans le Rhône.
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 387
La diligence, malgré ses cahots, ne lui plat pas moins que
le bateau : si joyeusement tintaient les grelots et claquaient
les fouets! Les voyages ne manquaient pas de variété, en
1847. L'enfant alla même en cacolet sur les confins de la
Provence et du Roussillon*.
A Toulouse commença une vie tout à fait nouvelle.
L'oncle était quelque peu exigeant; il avait vivement res-
senti les lacunes de sa propre éducation, au point de s'es-
sayer à apprendre tout seul le latin. Il voulait faire de son
neveu un savant. Peut-être exagéra-t-il, et s'il eût eu affaire
à une nature moins bien douée, eût-il complètement man-
qué son but. Les plaisirs de son âge étaient parcimonieuse-
ment mesurés au jeune lycéen ; la modeste allocation de
50 centimes par semaine ne fut jamais augmentée. Les
vacances même, il venait chaque matin de Belbèze à Tou-
louse suivre des cours, et l'après-midi il rédigeait ses de-
voirs. Mais sa robuste santé, tant physique que moTale,
résistait à tout, et puis, à côté de l'oncle, il y avait la tante,
la tante avec la grâce alanguie et la douceur triste des créo-
les; délicate, maladive même, elle n'était pas de celles qu'ai-
grit la mauvaise santé. Elle était toujours là pour calmer les
impatiences de son mari et atténuer l'effet de ses brusque-
ries. Eloigné de sa mère, l'enfant sut pourtant ce qu'est la
sollicitude maternelle.
Le lycée, d'ailleurs, avait la meilleure part de son temps.
Quand il y entra — l'établissement était encore collège
royal, — il y eut bien d'abord quelques tiraillements. Les
bâtiments lui avaient paru bien tristes, les cours bien étroi-
tes, auprès des vastes et lumineux horizons des Alpes fran-
çaises^. De jilus, le vent révolutionnaire qui soufflait sur la
France agitait même les basques des habits à queue de
morue et menaçait l'équilibre des chapeaux hauts de forme
que revêtaient obligatoirement nos collégiens. Des mutine-
ries éclatèrent; les pensionnaires réclamaient contre leur
1. Voyez l'allocution prononcée à la distribution des prix du Petit-
Lycée de Toulouse en 1897.
2. Allocution déjà citée.
388 SÉANCE PUBLIQUE.
uniforme. Mais ces velléités de révolte cessèrent vite. L'étude
et les bonnes camaraderies ne tardèrent pas à guérir toute
nostalgie. Si les succès de Joseph Paget en 1848-49 ne ré-
pondirent pas, en septième, à ceux qu'il avait obtenus Tannée
précédente dans le deuxième cercle — il est vrai qu'il avait
sauté par-dessus la huitième, — les années qui suivirent lui
apportèrent régulièrement une moisson toujours plus riche
de lauriers. En rhétorique (1854-1855), il a douze nomi-
nations, dont le premier prix d'excellence; en logique
(1855 56), le palmarès mentionne à son actif dans sa classe,
avec un second prix, cinq premiers, dont le prix d'excellence
et le prix d'honneur, et, de plus, le prix d'honneur (disser-
tation française) au concours entre les cinq lycées de l'Aca-
démie de Toulouse. Disons en passant que le troisième
accessit, dans ce même concours, était décerné à Léon
Gambetta, du lycée de Gahors. Quatre gros volumes, les
œuvres de Bossuet, offerts par l'inspecteur général adminis-
trateur de l'Académie, M. Laferrière, échurent au jeune
lauréat comme récompense de sa dernière et plus éclatante
victoire scolaire. Ce que les palmarès ne disent point, c'est
la communion de pensées qui s'était établie, dans cette
année de philosophie, entre son professeur et lui, commu-
nion profitable à l'un comme à l'autre. Quelque temps après,
M. Delondre^ ayant quitté notre ville, demandait à son
ancien élève les notes prises à son cours, estimant que nulle
part il ne pourrait trouver son enseignement de Toulouse
plus fidèlement reproduit.
Le baccalauréat ne comportait alors qu'une seule série
d'épreuves à la fin de la philosophie. Paget le passa tout
naturellement, sans s'en être beaucoup préoccupé probable-
ment, le 4 août 1856; il fut reçu, avec la mention assez
1. Depuis professeur à la Faculté des lettres de Douai, mort pré-
maturément en 1860. M. Garo loue chez lui « un spiritualisme circons-
pect, vraiment scientifique par rexaclitude des connaissances, par
la précision serrée des arguments, par la netteté de la raison, qui
s'applique tout entière et s'emploie à démêler ces ditiiciles problè-
mes ». Mémorial de V Association des anciens élèves de VEcole nor-
male (1846-1876), p. 177.
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 389
bien, par un jury dont quelques membres étaient à cette
époque fort craints des candidats douteux : MM. Sauvage,
Gatien-Arnoult, Delavigne et Molins.
L'oncle se déclara satisfait, et désormais il laissa les cou-
dées plus franches à l'adolescent. Les habitudes du travail
étaient prises, et pour la vie.
A récole de droit, de nouveaux succès attendaient le jeune
bachelier: éloge au premier examen de baccalauréat en
1857, au second examen de baccalauréat en 1858, à la sou-
tenance de sa thèse de licence en 1859; mention de droit
romain au concours de licence. Et les travaux juridiques ne
lui faisaient pas négliger une culture moins spéciale.
Notre Faculté des lettres avait organisé des conférences
de littérature française à l'usage des étudiants en droit,
conférences à la suite desquelles étaient décernées des ré-
compenses. En 1857, Paget obtenait une seconde mention;
en 1858, un second prix; en 1859, un premier prix. Notre
distingué confrère M. le baron Desazars de Montgailhard,
son camarade et son rival, lauréat des mêmes concours,
pourrait vous dire ce qu'étaient ces exercices littéraires
dont plus d'une fois j'ai entendu regretter la disparition.
Le nouveau licencié considérait maintenant ses études
théoriques comme terminées. Il se fît inscrire au barreau,
mais plaida peu, se consacrant principalement à la direc-
tion du domaine de l'Union ; son existence, pensait-il, de-
vait être désormais celle d'un propriétaire foncier. Et, dès
1861, il épousait M"« Lucie Dardé, celle à laquelle nous en-
voyons aujourd'hui l'expression de notre sympathie res-
pectueuse et attristée. De cette union devait naître une fille
que nous ne séparons pas de sa mère en lui témoignant nos
regrets.
Les circonstances devaient bientôt faire prendre à la car-
rière de Paget une direction tout à fait imprévue. L'oncle
mourut, ne laissant qu'une faible part de sa fortune au
neveu qu'il avait élevé. Tous les projets d'avenir étaient
changés. Le goût de l'étude était resté le même. Sur les
390 SÉANCE PUBLIQUE.
conseils de ses amis, MM. Ernest Constans et Henri Bonfils,
notre confrère rentra résolument à l'Ecole de droit. Le
i^^ mai 1867, il était reçu avec éloge à son premier examen
de doctorat; le 15 novembre 1867, il passait le deuxième
examen avec quatre blanches et une rouge; enfin, le 24 dé-
cembre de la même année, l'éloge récompensait encore la
soutenance de sa thèse. Trois épreuves difficiles brillamment
subies en huit mois! Voici comment, dans son rapport sur
les travaux de la Faculté de droit de Toulouse, en novem-
bre 1868, s'exprimait Adolphe Ghauveau : « M. Paget, lau-
réat de la Faculté, qui a été l'un de ses plus dignes repré-
sentants au dernier concours d'agrégation et s'est fait
remarquer comme un candidat plein d'avenir, M. Paget a
présenté une thèse sur le Payement de Vindu en droit
romain et en droit français. Remarquablement écrite, très
complète, cette monographie, par Télévation de la pensée,
trahit un esprit mûr, sérieux, ami des sommets, et on s'ex-
plique aisément qu'elle soit l'œuvre d'un premier lauréat
d'un concours de philosophie entre les lycées de l'Acadé-
mie (1856). Mais, comme on est toujours porté à exagérer
ses qualités, on pourrait dire que M. Paget est quelquefois
un peu vague, un peu indécis, qu'il craint de conclure et de
se prononcer trop nettement, chose pourtant nécessaire dans
une science qui n'est pas spéculative, mais d'application
continuelle, et dans laquelle le résultat est un besoin pres-
sant et quotidien^ ».
Gomme l'indiquent les premières lignes que je viens de
citer, aussitôt après avoir été reçu docteur, Paget se mit à
préparer l'agrégation des Facultés de droit. Il fut nommé
agrégé le 11 mai 1870, avec le numéro 2.
Entre temps, il avait publié un livre, première monogra-
phie française sur une matière délicate du droit civil.
V essai sur la mise en demeure et ses effets est la plus
considérable de ses publications. Il est dédié à Gustave Hum-
1. Pp. 25-26.
2. Le premier du concours était M. Guillouard, qui devait être plus
tard le continuateur de Demolombe.
ÉLOGE DE M. JOSEPH PÀGKT. Sdi
bert, alors professeur de droit romain à la Faculté de droit
de Toulouse, dont renseignement avait laissé sur l'esprit de
son élève une ineffaçable empreinte'. Après une bibliogra-
phie du sujet et une introduction, quatre chapitres traitent
successivement de la Notion générale delà demeure, de la
Mise en demeure, des Effets de la demeure Qi de la Ces-
sation de la demeure. Au chapitre ii, l'auteur discute la
maxime fameuse Dies interpellât pr^o ho)7iine et montre
qu'elle n'a jamais été celle des jurisconsultes romains. Mais
je ne veux pas m'attarder ici à des considérations d'ordre
juridique; j'ai pour cela deux bonnes raisons. D'une part,
vous pourriez à bon droit mettre en doute ma compétence,
et, d'autre part, dans une enceinte plus spécialement réser-
vée aux discussions de ce genre, une voix autorisée dira
avec sa netteté et son éloquence coutumières les mérites du
■jurisconsulte 2. Je préfère citer la conclusion de l'œuvre,
conclusion qu'il n'est pas besoin d'être spécialiste pour en-
tendre; déjà s'y révèlent les idées maîtresses que Paget de-
vait toute sa vie défendre et propager... « Qu'on ne parle
plus de réprimer les exigences du créancier, ou de protéger
l'emprunteur contre ses propres entraînements ! Ces résolu-
tions peuvent paraître justes en morale, elles sont fausses
en droit. Le créancier n'a nul besoin que la loi le favorise;
il suffit qu'on respecte les obligations librement contractées.
Et quant à la protection accordée à l'emprunteur, elle mé-
rite à tous égards le blâme le plus complet. Ce serait le cas
assurément, pour ce protégé malgré lui, de s'insurger con
tre son protecteur ; car cette ingérence dans les conventions
privées lui est en définitive plus nuisible qu'utile. On doit
appliquer ici (dans la question des dommages-intérêts pour
retard dans le payement d'une dette) à fortiori les mêmes
1. Victor Molinier et Théophile Hue contribuèrent beaucoup égale-
ment à sa formation juridique. Son éloge du premier est inséré dans
nos Mémoires, année 1889.
2. M. le doyen Deloume, secrétaire perpétuel de l'Académie de Lé-
gislation, doit prononcer au sein de cette Académie l'éloge de son
«ioUègue.
392 SÉANCE PUBLIQUE.
raisons que dans la question de la liberté du taux. Les ca-
pitalistes garderont leur argent s'ils ne peuvent pas éluder
ce danger par des stipulations détournées plus onéreuses
encore. Puisque la loi se tourne contre eux, en vertu de
cette idée fausse et dès longtemps absurde qu'il faut proté-
ger les débiteurs, ceux-ci ne trouveront à emprunter que
plus difficilement. Tel est le résultat inévitable de ce sys-
tème de protection dont nous faisons abus. Cette immixtion
,constante du pouvoir, quel que soit son nom, dans nos affai-
res personnelles, tue notre initiative et paralyse les transac-
tions. C'est un signe incontestable de la faiblesse de notre
esprit que ce besoin de protection à tout propos. Nous en
avons fait, pour tous les actes de notre vie, une habitude
pernicieuse ; nous nous plaignons souvent de n'avoir pas
assez de liberté, et nous semblons nous faire un devoir de
restreindre celle que nous pourrions exercer facilement et.
sans danger. Le plus sûr moyen de nous former à l'exercice
des libertés politiques est de faire d'abord l'apprentis-
sage, bien retardé, de nos libertés civiles ^ »
Henri Rozy, appréciant dans la Revue critique de légis-
lation et de jurisprudence^ la monographie en question,
insistait avec raison sur la critique de l'article 1153 limi-
tant au taux légal de l'intérêt les dommages dus pour le cas
de retard du payement d'une somme d'argent; il ajoutait :
« M. Paget, qui aime les idées élevées, la généralisation du
droit, les aperçus philosophiques, a donné à toutes ses dé-
monstrations une forme nette, mais en même temps élé-
gante, qui sait toujours attacher et retenir le lecteur. »
Henri Bonflls fit un compte rendu non moins élogieux
dans la Revue de législation ancienne et moderne^ fran-
çaise et étrangère^ : « Ouvrage fortement conçu et vigou-
reusement écrit », disait-il. Il signalait, entre autres méri-
tes, l'ordonnance de l'œuvre. « Au lieu de suivre la division,
devenue banale, en deux ou trois, fractions, destinées l'une
1. Pp. 274-275.
2. T. XXXVn, 20e année, 1870, pp. 186-189.
3. 1870-71, pp. 325-332.
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 393
au droit romain, Tautre au droit moderne, la troisième au
droit philosophique ou rationnel, M. Paget a préféré fondre
ensemble ces divers aspects d'un même sujet. » Je n'aurai
pas la témérité de rien ajouter à de telles appréciations.
Cependant, le nouvel agrégé faisait ses premiers pas dans
la carrière qu'il ne devait plus quitter. Le 2 juin 1870, il
était attaché à la Faculté de droit de Douai. Un de ses
concurrents, admis le sixième, M. Emile Alglave, reçut la
même destination. Le poste était assez recherché, surtout à
cause de la proximité de Paris.
Douai, qui dispute à Gaen le titre d'Athènes du Nord,
avait longtemps désiré une Ecole de droit ^ Cette Ecole,
alors nouvellement créée, était destinée à n'avoir qu'une
courte existence. Née en 1865, elle devait, pour des raisons
que je me garderai d'apprécier, étant un peu douaisien, dis-
paraître, ou plutôt être transférée à Lille, en 1887. Une
Ecole nationale d'industries agricoles a été, en 1893, donnée
comme compensation à la vieille ville universitaire.
Paget trouva dans celle-ci, sous le ciel doux, mais bru-
meux de la Flandre, le meilleur accueil, accueil qui adou-
cit pour lui le regret d'être, au moins temporairement,
éloigné de Toulouse. Malheureusement, la guerre franco-
allemande éclata presque aussitôt après. Douai, alors place
forte, put plus d'une fois se croire, dans le cours du funeste
hiver 1870-71, menacé par l'armée du général de Gœben.
J'ai retrouvé, dans la correspondance de mon père, des let-
tres du Recteur de l'Académie de Douai, M. Jules Fleury,
datant de cette époque. Le 25 janvier 1871, quelques jours
après la capitulation de Péronne et la bataille de Saint-Quen-
tin, il écrivait : « Le flot qui menace de nous engloutir monte
de plus en plus. Notre situation me rappelle un fait de
l'histoire d'Ecosse, qui, autrefois, m'avait beaucoup frappé.
1. Dès 1822, M. de Cîimi)igneullos, substitut du j)rocureur général»
publiait des réflexions sur l'utilité d'établir un enseignement du droit
dans cette ville. Voyez Mémoires de V Académie d'ArraSy 1908,
p. 153.
10e SÉRIK. — TOME X. 28
394 SÉANCE PUBLIQUE.
Dans les Lçiierres de religion, des femmes presbytériennes
furent attachées par les Jacobites à des poteaux plantés à
l'extrémité de la plage la plus rapprochée de la mer. On
voit le flot montant baigner le pied des victimes, puis la
poitrine, puis tout fut dit. Ce qui nous menace, c'est une
mer de feu', et nos remparts impaissants seront peut-être
les poteaux auxquels nous périrons. » Malgré toutes les in-
quiétudes et toutes les menaces, les établissements d'ensei-
gnement supérieur continuaient à fonctionner. Les inscrip-
tions de novembre avaient même été assez nombreuses à la
Faculté de droit. Plus rares étaient certainement les présen-
ces, et bien des étudiants combattaient dans les rangs des
mobiles. Paget faisait son cours et en même temps son ser-
vice de garde national avec l'armée de ligne par le plus ri-
goureux des hivers, donnant à tous l'exemple d'une régula-
rité et d'un zèle que rien ne lassait.
Heureusement pour la Flandre et l'Artois, l'armistice
arriva; heureusement pour Douai surtout, où l'on tentait pé-
niblement de reformer l'armée du Nord, mais sans sérieux
espoir de succès.
Les mois terribles de la guerre, puis de la commune pas-
sés, la France se ressaisit. Le relèvement de la patrie fut
chez tous les honnêtes gens la préoccupation dominante.
Paget, chargé, en sa qualité de nouveau venu, du rapport
sur les concours de la Faculté de droit en 1871, ne pouvait
manquer de se faire l'écho de cette préoccupation dans un
noble langage. « ...Vous leur direz l'exemple de ces grands
jurisconsultes de Rome qui, sous le despotisme des empe-
reurs, enseignaient et pratiquaient le droit; qui préféraient
mourir que de se souiller par l'éloge d'un fratricide, et qui,
par la force de leurs vertus, reculaient de trois siècles la
chute d'un empire. — Vous réveillerez ces honnêtes gens,
mauvais citoyens, qui végètent, croient vivre entre un
coffre-fort et l'égoïsme de quelques affections privées, qui
1. La même lettre donnait quelques détails sur le bombardement
de Mézières. Le collège de Gharleville en avait notamment souffert.
Un professeur avait péri avec sa famille.
ELOGE DE M. JOSEPH PAGET. 395
parlent de dévouement et de patrie et n'en connaissent que
les noms *. »
Vous me pardonnerez de retenir un moment votre attention
sur ce rapport. J'eii veux citer un autre passage où Fauteur
affirme la supériorité du Droit romain sur le Droit français
et donne de sa préférence des motifs que l'on peut discuter
mais qu'il est intéressant de connaître. « Le Droit romain
suit la stricte raison et la logique des faits; il veut au droit
des signes matériels qui frappent les sens et portent avec
eux révidence; il hait l'abstraction et n'en tient nul compte.
— Notre droit, au contraire, qui se ressent des emprunts
faits aux brouillards de la Germanie, préfère souvent la fic-
tion à la réalité, et, trop spiritualiste, ouvre aux difficultés
et aux controverses des horizons sans fin'. »
A signaler aussi, dans un autre ordre d'idées, les pre-
mières lignes, contenant les compliments et remerciements
d'usage : « Mes premières paroles sont pour le chef éminent
de cette Académie, dont la bonté parfaite n'a pas besoin d'élo-
ges, mais dont je veux proclamer ici la haute et impartiale
justice. Je fais à mes nouveaux collègues mes remerciements
de bienvenue; et je confonds, dans l'expression de ma recon-
naissance, nos chers voisins de la Faculté des lettres, qui
m'ont reçu comme un vieil ami, et nos collègues du Lycée
de Douai, au milieu desquels j'ai trouvé la plus cordiale
sympathie ^.. »
La cordialité de la vie universitaire dans Tantique cité
flamande revit dans ces lignes; retenons-les. Certes, à Douai
comme ailleurs, il a pu y avoir des caractères difficiles
ou peu sociables, des rivalités, des brouilles, — il y en a au
sein des familles, au sein même des Académies, — mais
nulle part peut-être ne dominait au même point un esprit
général d'entente. N'y a-t-il pas des villes où les membres
des diverses Facultés et les maîtres de l'enseignement se-
condaire se connaissent à peine de nom ?
1. P. 54.
2. p. 52.
3. Pp. 39-40.
396 ' SÉANCE PUBLIQUE.
Quelque bien accueilli qu'il eût été sur les rives de la
Scarpe, Paget n'oubliait pas celles de la Garonne. Il était
devenu le seul maître de la propriété de l'Union, où le rat-
tachaient tous les souvenirs de son adolescence. Renonçant
à la perspective d'une titularisation prochaine à Douai, il
demanda à rentrer dans sa petite patrie d'adoption.
Les Facultés de notre ville d'ailleurs, ne l'oublions pas,
plus que maintenant peut-être, grâce au système alors en
vigueur de Véventuel, faisant dépendre en partie les émolu-
ments du personnel du nombre des étudiants et des examens,
les Facultés de notre ville, dis je, étaient considérées à cette
époque comme Facultés dC avancement , et les postes n'y
étaient le plus souvent donnés qu'après des services plus
ou moins longs dans d'autres établissements d'enseignement
supérieur. Il fut transféré à Toulouse le 30 juin 1873, heu-
reux d'y retrouver, comme collègues, la plupart de ses an-
ciens maîtres et plus d'un ancien condisciple.
L'année suivante, j'arrivai à Toulouse vers la fin de no-
vembre, licencié frais émoulu de la 1^'aculté de droit de
Dijon. Paget était alors chargé des conférences facultatives
pour la première année de doctorat, consacrée surtout à
l'étude du droit romain. Je puis retracer fidèlement son por-
trait tel qu'il m'est apparu alors. De taille peu élevée,
d'apparence encore fort jeune, le teint frais, les cheveux et
la barbe — il variait souvent alors la coupe de celle-ci —
d'un blond clair, les yeux très bleus, réfléchis, toujours gra-
ves, la bouche d'ordinaire souriante, ne se départant guère
de son calme extérieur même lorsqu'il sentait le plus vive-
ment, vêtu sans prétention mais avec une correction impec-
cable, il contrastait singulièrement avec la jeunesse exubé-
rante, volontiers bruyante, qui remplissait les bâtiments,
plus délabrés qu'antiques, de l'école à cette époque. La con-
férence ne comptait d'ailleurs qu'un auditoire restreint, sut-
fisamment attentif et plein de déférence pour son directeur.
Celui-ci accueillit dès l'abord par des paroles encouragean-
tes le fils d'un collègue; et pendant près de trente-cinq ans
les sentiments de bienveillance amicale de la part du maître.
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 397
de respect reconnaissant du côté de l'élève n'ont jamais
varié.
Les qualités d'ordre et de méthode de Paget se révélaient
bien vite à nous dans ces séances plus intimes que les cours
ordinaires. Je me rappelle encore les notes qu'il apportait,
d'une écriture posée, admirablement nette, avec des divi-
sions à l'encre rouge, et le petit Corpus juris elzévir, où il
trouvait tout sans peine, tandis que nous labourions d'un
pouce encore inexpérimenté les marges de nos énormes Ga-
hsset. Son caractère, ses idées ne se manifestaient pas moins
clairement. Comme il aimait à faire ressortir la beauté mo-
rale du fragment de Papinien assimilant à l'impossibilité le
caractère illicite d'une condition : « Quae facta laedunt pieta-
tem, existimationem, verecundiam nostram, et (ut genera-
liter dixerim) contra bonos mores fiunt : nec facere nos
posse credendum est^ ! » Volontiers, en bon Toulousain aussi
bien qu'en romaniste fervent, nous parlait-il de Gujas, la
meilleure gloire peut-être de la cité palladienne, qui, l'un
des premiers, associa l'histoire et les lettres à Texégèse des
textes. — Il n'enseignait pas le Droit romain en 1875 comme
on l'enseigne aujourd'hui, mais sa manière nous paraissait
alors bien plus jeune et plus vivante que celle du professeur
beaucoup plus âgé, chargé du cours de Pandectes. Nul
enseignement peut-être n'a plus évolué que celui du Droit
romain. Ce droit mort est allé très vite : die Toten reiten
schnell. C'est aussi de ces morts qu il faut qu'on tue. N'est-on
pas en train de le tuer aujourd'hui, en lui donnant une
place de plus en plus restreinte dans les programmes et en
ouvrant toutes grandes les portes de l'école aux bacheliers
sans latin? — Mais le discrédit des études anciennes, clas-
siques ou juridiques, commençait à peine à se faire sentir
au moment dont je parle, et si cette décadence devait préoc-
cuper les dernières années de mon ancien maître 2, il n'y
songeait guère encore.
1. Fr. 15, Dig., De conditionihus inslilulionum, 28, 7.
2. « C'est un signe de nos temps troublés, de nos idées de justice
perverties, des atteintes journellement portées ù lu sécurité des per-
398 SEANCE PUBLIQUE.
L'année suivante, il dirigea les conférences de la seconde
année de doctorat avec la même conscience que celles de
Tannée précédente : avec moins de conviction peut-être; il
ne se cachait pas, nous l'avons déjà vu, de préférer le Droit
romain au Droit français.
Les titularisations se font parfois attendre longtemps à
Toulouse. Notre confrère en fit l'expérience; il dut attendre
dix ans, jusqu'au 21 avril 1883, avant de remplacer comme
professeur de Droit romain M. Massol, mis à la retraite. Et
même alors sa nomination n'alla pas sans quelques difficul-
tés. Durant ces dix ans d'attente il avait été, comme l'étaient
souvent les agrégés, ballotté d'enseignement en enseigne-
ment; en dernier lieu, il avait été chargé d'un cours
d'histoire générale du Droit français, création nouvelle
(l«^mars"l881 ^).
Il ne devait plus quitter une chaire qui lui permettait de
poursuivre ses études de prédilection. De temps à autre,
suivant les exigences qu'imposaient au personnel de la Fa-
culté des programmes souvent modifiés, il y joignit quelques
enseignements accessoires, mais pour des périodes relative-
ment courtes. Jamais son ardeur ne se lassa : il considérait
la tâche du maître, non comme une profession, mais comme
sonnes et à la propriété que l'amoindrissement qu'on a fait subir déjà
et dont on nous menace encore dans ces études fondamentales. Rela-
tion de cause à effet, ou simple coïncidence de phénomènes sociaux,
le jour où le droit romain sera rayé de nos programmes, le sens ju-
ridique (je pourrais dire le sens moral) sera bien près de disparaître.
Heureusement, cette éventualité est encore lointaine et peut être écar-
tée par d'heureux retours au bon sens et à l'honnêteté. » Mém. de
l'Acad. des Sciences de Toulouse, 1894, p. 195.
1. Devenu titulaire à quarante-six ans, il ne fut promu à la se-
conde classe que quelques mois avant le décret qui l'admit à faire
valoir ses droits à la retraite. Les règles actuelles de l'avancement,
dans l'enseignement supérieur, n'ont plus guère de défenseurs; la pé-
nurie du budget est la seule raison de leur maintien. Paget reçut
d'ailleurs, en leur temps, des distinctions qui mériteraient vraiment
le nom d'honorifiques si elles étaient toujours aussi bien données : il
fut officier d'Académie en 1880 , officier de l'Instruction publique
en 1885, chevalier de la Légion d'honneur en 1891, chevalier du Mé-
rite agricole en 1907,
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 399
un véritable sacerdoce; il y mettait toute son exactitude,
toute sa science, toute sa conscience. Le seul reproche que
j'aie entendu lui adresser les nombreux élèves qu'il a for-
més, c'est que les débutants avaient quelque peine à le sui-
vre. La chose est fréquente chez les spécialistes. Habitués à
considérer un ordre d'idées donné, ils en viennent à regar-
der comme facile pour tous ce que la réflexion et l'habitude
leur ont rendu si aisé à eux-mêmes.
Il aimait les jeunes gens, s'intéressant à leurs études, les
écoutant toujours avec la même courtoisie bienveillante, in-
dulgent pour eux — irai-je jusqu'à dire le fond de ma pen-
sée? peut-être trop indulgent pour eux — jusque dans leurs
écarts.
La Faculté n'est pas le seul champ ouvert à l'activité d'un
professeur. Les Sociétés savantes, à Toulouse, ont des liens
étroits avec l'Université, et si parfois il y a entre elles et
celle-ci de petites « hargnes et riotes » dues à des suscep-
tibilités trop en éveil, il ne s'est jamais agi que de querelles
de sœurs. Paget entrait à l'Académie de législation en 1876;
secrétaire adjoint dès 1878, il était élevé à la présidence
en 1887 et, en prenant possession du fauteuil, il prononçait
une courte allocution où, après avoir justifié la théorie en
face de la pratique, après avoir proclamé son affection pour
les conceptions de l'idéal qui font oublier les misères humai-
nes, il ajoutait : « Je désire que noire Académie ait ce mé-
rite de propager une doctrine libérale, de progrès et large-
ment spiritualiste; qu'elle fasse autorité par sa haine des
préjugés, par son unique préoccupation des principes, lais-
sant aux juges du fait le soin de les concilier avec les con-
ditions dans lesquelles gravite la taiblesse humaine; qu'elle
étende son domaine par son amour de toutes les vraies liber-
tés, entre lesquelles la liberté de la pensée suffira à rendre
ce domaine infini '. » Le Recueil de l'Académie de législa-
tion contient de nombreux mémoires et rapports sortis de
sa plume.
1. Recueil de V Académie de législation, 1887-88, p. 18.
400 SÉANCE PUBLIQUE.
C'est le 24 janvier 1884 que vos suffrages l'appelèrent à
siéger parmi vous. Et je ne puis oublier — ça été une des
joies de ma vie — que le même jour vous avez admis au
même honneur son ancien élève, heureux de le retrouver
toujours le même dans un milieu nouveau. Quand je dis
vous^ je me conforme à l'usage qui confond les académiciens
et la compagnie elle même; celle-ci seule, hélas! jouit d'une
immortalité relative. De la section des lettres qui nous
accueillait alors, combien peu restent aujourd'hui! Deux
membres libres, et c'est tout. Un quart de siècle à peine a
suffi pour ce renouvellement presque complet.
Ce que fut pour nous Paget pendant sa carrière acadé-
mique, vous le savez. Aussi assidu à nos séances que le lui
permettaient ses multiples occupations, il prit pendant quel-
ques années une part des plus actives à vos travaux comme
membre du bureau. Notre secrétaire perpétuel, Gatien-
Arnoult, après avoir été plus de vingt ans l'âme de l'Aca-
démie ^ avait cessé d'habiter ordinairement Toulouse; nous
ne voulions pas accepter sa démission, tenant à lui conserver
jusqu'à la fin un titre qu'il avait si longtemps et si digne-
ment porté. Cependant la tâche eût été trop lourde pour un
seul secrétaire adjoint. On en nomma deux, et Paget devint,
en 1885, secrétaire pour l'ordre des lettres. Bientôt après,
Catien- Arnoult mourait et était remplacé comme secrétaire
perpétuel. Pour reconnaître les services rendus par Paget,
ses confrères le nommèrent directeur trois années consécu-
tives, puis par deux fois président. Je dois une mention
particulière au discours qu'il prononça à l'ouverture de la
séance publique du 24 mai 1891 ; c'est un bel éloge du
régime de communauté entre époux. Le romaniste montrait
en cette circonstance qu'il savait, quand la cause de la
famille était en jeu, faire abstraction de ses préférences pour
la législation romaine, et l'homme du Nord se retrouvait
sous l'enfant adoptif du Midi. Les travaux dont il a enrichi
nos Mémoires se réfèrent naturellement à des questions
1. Elu membre en 1832, il était devenu secrétaire perpétuel en 1864.
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 401
d'ordre juridique; mais comme il était également naturel
dans cette enceinte, ce sont les idées générales qui domi-
nent; les discussions de détail y tiennent peu de place.
Nous y retrouvons constamment les préoccupations de l'au-
teur et l'affirmation de ses doctrines individualistes. L'in-
dividualisme est fort attaqué aujourd'hui, de droite et de
gauche. Je n'ai pas à me constituer son défenseur, mais je
tiens à mettre en garde contre une confusion trop fréquente.
Pour beaucoup de ses adversaires, l'individualisme n'est
autre chose que l'égoïsme : « Chacun pour soi. » C'est là
une accusation que les individualistes repoussent de toutes
leurs forces. Si l'individu exige d'être respecté, s'il veut le
champ libre à son activité et à ses efforts, il est conscient
aussi de ses devoirs envers les autres individualités. Il aime
la liberté d'autrui aussi bien que la sienne propre. Il ne veut
pas qu'on le confisque, il se donne. Les lois sont nécessaires
parce que l'homme est imparfait, mais elles peuvent facile-
ment devenir un mal ; le législateur ne doit légiférer qu'avec
des précautions infinies ^
L'individualiste tient généralement à une forte constitution
de la famille; c'est la famille qui est la meilleure forteresse
de l'individu. Ne nous étonnons donc pas de voir Paget en-
tretenir volontiers ses confrères de ce sujet toujours actuel.
Je rappellerai notamment sa lecture sur les Dfvits des en-
fants naturels dans la succession de leurs père et mère (1896).
C'est là, il le fait bien ressortir, un des chapitres les plus
délicats et les plus changeants des législations de tous les
temps. Peut-on, sans encourager les situations irrégulières,
sans ébranler la famille légitime, lui assimiler la famille
simplement naturelle? Peut-on, d'autre part, sans injustice,
faire souffrir des innocents d'une faute qui n'est pas la leur?
Un court aperçu historique est suivi d'un examen détaillé
de la loi du 25 mars 1896. Je cite la conclusion malgré son
étendue. Qu'on partage ou non les appréhensions de l'au-
1. Voyez un article de M. Aug. Deschamps, Revue d'histoire des
doctrines économiques, i908, no 2, pp. 210-212 (Compte l'endu d'un
livre de M. Bochaux, L'Ecole individualiste. Le Socidlisme d'Étal).
402 SÉANCE PUBLIQUE.
teur, ses paroles appellent la réflexion et, en tout cas, le
font mieux connaître qu'un portrait intellectuel tracé par
une plume même plus habile que la mienne. « Notre légis-
lateur a été bien inspiré quand il a voulu améliorer le sort
des enfants naturels, mais il a parfois dépassé la juste me-
sure. — Les imperfections de la loi du 29 mars 1896 tien-
nent au vice organique de notre pouvoir législatif. Le Parle-
ment est formé de deux assemblées dont les préoccupations
politiques dominent tous les actes. Précédemment, pour une
grande réforme, on avait, dans une longue et minutieuse
enquête, pris l'avis des Cours judiciaires et des Facultés de
droit. 11 est sorti de cette élaboration une loi qui donne lieu
à peu de critiques : l'esprit, le dispositif, la forme de la loi
de 1891 sont généralement approuvés '. — Peut-on prédire le
même succès à la loi de 1896? — Je ne le pense pas : on a
voulu flatter les sentiments ou même les passions populaires;
— certaines expressions semblent avoir trahi la pensée du
rédacteur; — certaines assimilations, certaines communautés
de droit soulèveront fatalement des conflits. — En somme, il
y a dans la loi nouvelle de hautes et bonnes idées de justice
et d'humanité. Mais parfois transpire un esprit d'hostilité et
comme un parti pris d'abaissement de ce qui est légitime,
c'est-à-dire conforme à l'ordre et à la tradition. Un souffle
d'anarchie tend à pénétrer dans l'édifice social. Qu'on y
prenne garde : c'est un symptôme grave, alors surtout qu'il
vient d'en haut. Plus que jamais, il importe de s'unir pour
défendre les principes sur lesquels reposent, depuis tant de
siècles, la famille et la société. »
La propriété, elle aussi, est une des institutions les plus
précieuses à l'individualiste; il désire voir se multiplier le
nombre des propriétaires, mais il se défie de tout ce qui rap-
pelle ou annonce le communisme. Deux ans avant le Mé-
moire sur les enfants naturels, Paget nous avait lu une
dissertation intitulée : Observations historiques et ration-
nelles sur la propriété individuelle; ai-je besoin de dire
1. Il avait fait de celte loi l'objet d'une communication en 1891.
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 403
qu'il prend vigoureusement la défense de cette institution
presque inconnue des temps barbares et que tous les pou-
voirs tendant à l'absolutisme ont cherché à restreindre ou à
battre en brèche?
Bien peu de temps avant qu'il nous quittât pour toujours,
dans une communication qui n'a malheureusement pas été
imprimée ^ il traitait de l'instabilité des principes des insti-
tutions politiques, instabilité plus grande que jamais depuis
un siècle, quoique tous les gouvernements aient prétendu à
l'éternité, et c'était encore pour lui une occasion de nous
exposer ses prévisions et ses craintes.
Ainsi que je le disais tout à l'heure, l'individualiste qui
sait ce qu'il doit aux autres, comme il entend qu'on res-
pecte sa propre personnalité, fait constamment don de lui-
même. Nul ne s'est donné plus que Paget. C'est sans comp-
ter qu'il a prodigué son temps et ses peines partout où il a
cru pouvoir rendre des services.
A la Faculté d'abord, dont il fut le doyen pendant douze
ans, du 16 novembre 1888 au 15 novembre 1900, ses qualités
natives d'ordre et de méthode s'exerçaient quotidiennement
dans cette besogne administrative qui répugne à d'autres
natures d'esprit; nul détail ne lui était étranger. Evidem-
ment, il serait fort exagéré, ridicule même, d'attribuer au
seul doyen la* prospérité d'une Ecole de droit; il serait
injuste de ne pas reconnaître qu'il y contribue générale-
ment pour sa bonne part. En 1888-1889, le chiffre des ins-
criptions avait été, à la Faculté de Toulouse, de 1,472, prises
par 722 étudiants; en 1899-1900, on comptait 1,756 inscrip-
tions et 986 étudiants. Je ne dois pas oublier le souci cons-
tant que montra le doyen de maintenir la dignité et l'indé-
pendance du corps qu'il représentait. Avec d'incontestables
avantages, Torganisation actuelle des Universités laisse par-
fois les Facultés un peu trop désarmées, à leur gré, à ren-
contre de l'administration supérieure, représentée i)ar le
1. lu décembre 1907.
404 SÉANCE PUBLIQUE.
recteur, président du Conseil. M. Paget sut toujours, sans
jamais se départir de la plus stricto correction et sans per-
dre de vue l'intérêt général, ne rien sacrifier des intérêts
qu'il était plus spécialement chargé de défendre. Ici encore,
je craindrais d'empiéter sur un domaine qui n'est pas le
mien si je m'étendais trop sur l'histoire de son décanat.
Depuis la fondation du Lycée de jeunes filles de Tou-
louse jusqu'à l'heure de la retraite, il y professa la législa-
tion usuelle. J'ai eu entre les mains les cahiers de quel-
ques-unes de ses élèves. Le programme est bien vaste, les
heures de cours sont bien peu nombreuses ; il insistait spé-
cialement, à ce qu'il m'a paru, sur les principes du droit
civil. Je n'affirmerai pas que son enseignement ne passât
pas de temps à autre par-dessus la tête du jeune auditoire
auquel il s'adressait. Mais là encore il s'acquittait de sa
tâche avec son zèle accoutumé, aimant à retrouver les filles
sur les bancs où s'étaient jadis assises pour l'écouter les
mères. A l'Ecole supérieure de commerce, à partir de 1903,
ses leçons ne furent pas moins appréciées.
La Commission administrative des hospices civils le
compta parmi ses membres du 26 janvier 1891 au
25 avril 1899. 11 en fut le vice-président de 1893 à 1899.
Le public ignore souvent combien sont délicates les fonc-
tions d'un administrateur des hospices dans une grande
ville. Combien d'intérêts divers et parfois en conflit à conci-
lier ! Les hospices et hôpitaux sont ou devraient être avant
tout consacrés au soin des malades, à l'entretien des enfants,
des incurables, des vieillards sans ressources. Mais ce sont
aussi des champs d'études et d'expérience — in anima non
vili — pour les médecins et les étudiants en médecine. La
gestion d'un patrimoine considérable, souvent encore insuf-
fisant, exige une surveillance incessante; ne faut-il pas as-
surer l'avenir tout en pourvoyant aux besoins actuels? La
Commission est composée d'éléments divers, de compétence
et de bonne volonté inégales, dont l'origine même est dif-
férente. Par eux, la politique — où n'entro-t-elle pas? —
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAG ET. 405
s'introduit là où elle n'aurait que faire. La question du
recrutement du personnel, toujours difficile, se complique
depuis longtemps déjà de la question de laïcisation. Dans
certains quartiers des hôpitaux, les causes de désordre sont
permanentes. Paget trouva dans ce nouveau rôle bien des
occasions de déploj^er son activité et son énergie. Chargé
tout spécialement de la surveillance des propriétés rurales
appartenant aux hospices, il contribua à les relever. A la
suite de la crise phylloxérique, les fermages étaient tombés
à 28,600 francs en 1892. Ils remontaient à 38,000 francs en
1899. De nombreux legs étaient en souffrance depuis un cer-
tain nombre d'années. Ses démarches pressantes les firent au-
toriser et encaisser. Des libéralités nouvelles furent aussi,
grâceà sa diligence, acquises rapidement aux hospices, de telle
sorte que la dotation en rentes 3 p. 100 qui, en 1893, était
tombée à 122,000 francs par suite d'aliénations successives %
fut reconstituée en grande partie au bout de peu d'années;
elle s'élevait en 1900 à 138,000 francs. « M. Paget, m'écri-
vait naguère un administrateur, était très aimé par le person-
nel. On lui a reproché parfois, peut être avec quelque raison,
de manquer de souplesse vis-à-vis des puissants du jour. On
peut dire qu'à rencontre de ce qui se passe ordinairement,
s'il fut raide à l'égard des forts, il fut plein de bonté et de
bienveillance pour les petits. Nos employés no l'ont pas ou-
blié''*... > Gomment il fut amené à donner sa démission en
1899, je n'ai pas à le rappeler; les luttes continuelles finis-
sent par décourager les plus vaillants ^
Notre distingué confrère, M. Massip, vous dirait mieux
que moi ce qu'il- fut au Comité d'inspection et d'achat de la
bibliothèque municipale (1885 1899). Vous ne vous étonne-
1. AUénalions faites pour combler les déficits des hospices de 1887
à 1892 (environ 500,000 francs de capital).
2. La môme note se fait partout entendre. Il y a quelques jours à
peine, un appariteur de la Faculté de droit me parlait avec une émo-
tion et une affection vraiment touchantes de son ancien doyen.
3. Il fut longtemps aussi memhre du Bureau de la Miséricorde ou
commission de surveillance des prisons de Toulouse.
406 SEANCE PUBLIQUE.
rez pas qu'il aimât les livres; je me rappelle lui avoir entendu
dire, il y a bien longtemps, que si le sort avait voulu qu'il
fût commerçant, il eût été sûrement libraire.
La politique, a dit un sage, est la plus noble des vocations
et le plus ignoble des métiers. A l'époque où Paget faisait
ses premières armes à la Faculté de droit de Toulouse, nom-
bre de professeurs se sentaient attirés... par la plus noble
des vocations, naturellement. Paget prit franchement, cou-
rageusement, parti pour ceux qui se réclamaient des idées
les plus voisines des siennes, mais il ne chercha pas à les
imiter. Il avait ses fonctions en trop haute estime pour dé-
sirer les quitter; et puis, il lui aurait été difficile d'accepter
en bloc, aveuglément, un programme tout fait, imposé par
des hommes influents ou de puissants comités. Le mandat
législatif, les hautes positions administratives ne paraissent
pas l'avoir jamais beaucoup tenté. Il n'était pas homme
pourtant à se dérober quand il croyait pouvoir rendre des
services à la chose publique. Ces services, il les pouvait
rendre sans renoncer à sa chaire, non seulement dans les
domaines divers où nous l'avons vu déjà prodiguer son
temps et ses soins, mais aussi dans le domaine de l'admi^
nistration communale. Au sein d'un état idéal, cette der-
nière n'aurait rien à démêler avec la politique; mais en fait,
dans nombre de villes et même de villages, les programmes
des candidats aux conseils municipaux sont beaucoup plus
étendus et ambitieux, font des appels bien plus pressants à
l'esprit de parti que ne le comporterait le jeu régulier des
institutions; les élections prennent tournure d'élections
législatives au petit pied.
Ces considérations générales ne s'appliquent guère à la
commune de l'Union, laquelle paraît justifier son beau nom.
Paget, élu maire en 1879, demeura en fonctions jusqu'à sa
mort. Son affabilité et son obligeance ont laissé chez ses ad-
ministrés un souvenir durable; la sévère économie de sa
gestion permit à la commune d'amasser un petit capital,
chose à noter à une époque où les capitaux de tant de mu-
ELOGR DE M. JOSEPH PAGET. 40?
nicipalités sont affectés du signe négatif, comme disent, je
crois, les algébristes.
Notre confrère ne se désintéressait pas des affaires com-
munales de Toulouse, bien plus compliquées assurément
que celles de l'Union, et je ne puis passer sous silence une
série de faits que je me bornerai d'ailleurs à relater som-
mairement. Il avait été, en 1885, vice-président du Comité
de la Caisse des écoles^ récemment fondée. Le 2 août 1891,
présidant la distribution des prix des écoles communales,
au cours Dillon, il prononçait un discours où il insistait sur
les idées qui lui tenaient le plus à cœur. « Il est du devoir
d'un professeur de droit, disait-il, d'affirmer hautement le
véritable caractère do la liberté et de la propriété — choses
saintes, conditions de vie pour les personnes comme pour
les sociétés — que l'intérêt, l'ignorance ou le crime discu-
tent cependant et tentent trop souvent d'obscurcir. — La
liberté est le principe moral de toutes nos actions, la propriété
individuelle en est la fin. » Suivent une courte critique du
communisme et du socialisme d'Etat et un rappel de la Décla-
ration des Droits de l'homme. « Habituez-vous de bonne
heure, poursuit-il, à ne compter que sur vous-mêmes et
non sur la providence d'une association; c'est abdiquer
ou s'amoindrir que s'abstraire dans un groupe et subir la
volonté de quelques meneurs. La liberté ne consiste pas à
enchaîner les autres avec soi, mais à pouvoir faire tout ce
qui ne nuit pas à autrui. Soyez partout et toujours les défen-
seurs du droit, et vous serez les apôtres de la liberté. »
Cette allocution fut, à droite et à gauche, l'objet de criti-
ques dont nous trouvons l'écho dans les journaux des jours
suivants : la Dépêche du 3 août 1891 la fait précéder des
lignes ci-après : « M. Paget, doyen de la Faculté de droit,
que M. le Préfet avait délégué à la présidence sur la propo-
sition de l'administration municipale, a prononcé le discours
suivant dont nous lui laissons toute la responsabilité. Nous
ne saurions laisser passer sans réserves les théories qu'il a
développées, et nous devons ajouter que l'auditoire en a
paru surpris... »
408 SÉANCE PUBLIQUE.
Le Messager du 4 août 1891 l'appréciait comme suit :
« Tout ce qu'on peut reprocher à M. Paget, c'est que, parlant
du droit, il ne soit pas remonté à sa vraie source qui est
Dieu. On peut aussi trouver que son langage était un peu
bien relevé pour des enfants et qu'il convenait plutôt à des
étudiants. »
Quoi qu'il en soit de ces jugements divers, les paroles
prononcées sur le cours Dillon, devant un auditoire im-
mense, par le doyen de la Faculté de droit, eurent un grand
retentissement et révélaient un profond dissentiment de
doctrines avec la municipalité alors à la tête de la ville de
Toulouse. Quelques années après, lorsque cette municipalité
eut été remplacée par une Commission et qu'il fallut procé-
der à de nouvelles élections, Paget fut mis en tête d'une
liste dite républicaine progressiste; étaient en concurrence
avec elle trois autres listes dites : d'Union toulousaine, de
Protestation républicaine (Union radicale-socialiste), et de
Protestation de la Fédération toulousaine socialiste. Le scru-
tin du 13 janvier 1895 ne donna aucun résultat définitif; le
second tour du 20 janvier ne trouva plus en présence que
la liste progressiste et la liste radicale-socialiste. Celle-ci
fut élue en entier. Paget, qui avait échoué, mais dans des
conditions très honorables, puisque le ballottage lui avait
donné près de 12,000 voix sur 25,700 votants environ, ne
renouvela pas sa tentative.
Mais j'ai hâte de quitter un terrain où nous n'aimons
guère ici à nous aventurer et de revenir dans une atmos-
phère plus calme. Les années, en se succédant, apportaient
au foyer de notre confrère de nouvelles joies et de nouveaux
objets d'intérêt. Le 6 février 1889, sa fille épousait un jeune
magistrat d'avenir, M. Louis Molinié, et le 27 mars 1891 la
naissance d'un petit-fils, Jean Molinié, venait combler ses
vœux; chez lui, les affections familiales occupaient toujours
le premier rang. Et puis, avec quel plaisir, toujours renou-
velé, il allait se retremper, aussitôt qu'il le pouvait, à l'air
de la campagne! Chaque année, dès le mois de juin, il
s'installait dans sa propriété de Belbèze, ne revenant à Tou-
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 409
louse que les jours où le devoir professionnel l'y appelait. Il
goûtait pleinement le contraste entre la grande ville bruyante,
poudreuse, étouffante, et les coteaux paisibles, aux croupes
un peu molles, qui dominent la rive droite de l'Hers. De la
vieille maison familiale, entourée d'épais massifs de verdure
— oasis d'ombre close sur la coUine ensoleillée, — on dé-
couvre à travers les arbres la vallée, large et riante, d'un
côté tranquille, presque déserte, semée sur l'autre rive de
villas sans nombre, jusqu'au bas du plateau de la Colonne.
Au delà, un peu à droite, sur un horizon souvent noyé de
brume, les clochers des Jacobins, de Saint-Sernin, des Mini-
mes, jalonnent la partie visible de Toulouse. Combien il était
heureux de vivre au sein de cette nature reposante, au
milieu des siens, vivant la vie de gentilhomme campagnard,
inspectant ses champs ou soignant son vin ! En septembre,
la scène changeait ; chez son gendre, dans le Roussillon, il
retrouvait la pleine montagne. Chaque matin, chaussé d'es-
padrilles, il faisait une ascension de quelques heures, respi-
rant à pleins poumons un air qui pour lui était presque
l'air natal. Par une inconséquence tellement fréquente que
nous la rencontrons tous les jours sans nous en étonner, cet
homme, bon entre les meilleurs, aimait la chasse, amuse-
ment barbare aux yeux des profanes; animé d'une ardeur
toujours la même, il parcourait ses champs, à la recherche
d'un lièvre problématique ou d'une caille égarée.
Ainsi s'écoulaient les jours et les années. L'heure de la
retraite s'approchait sans que le poids de l'âge courbât le
corps ou diminuât la vigueur d'esprit de notre confrère. Ce
n'est guère qu'en 1907 que nous avons remarqué, sans trop
d'inquiétude, un peu d'amaigrissement, une pâleur inusitée
sur ses traits d'ailleurs toujours calmes et reposés. Pour
beauTioup d'hommes vieillis dans les fonctions publiques ou
dans les affaires, le jour où ils se retirent et où ils entrent
dans une existence tout à fait nouvelle est le début d'une
crise pénible^ parfois fatale; avec les habitudes d'esprit de
Paget et les multiples emplois qu'il savait donner à son acti-
vité, rien de semblable ne paraissait à craindre. Et pour-
10» SÉRIE. — TOME X. 89
410 SÉANCE PUBLIQUE.
tant le terme de cette vie si bien remplie n'était ^as éloigné.
C'est en pleine montagne qu'est venue le surprendre la
maladie qui l'a terrassé. Ses regards ont pu encore, presque
au dernier moment, embrasser les cimes qu'il aimait tant et
parmi lesquelles il revivait ses années d'enfance.
Le mardi 29 septembre 1908, à Toulouse, il rendit le der-
nier soupir, et le jeudi suivant, par une belle matinée d'au-
tomne, un long cortège de parents et d'amis, qui eût été
bien plus nombreux à une autre époque que celle des vacan-
ces, suivi de la population entière de l'Union, accompagnait
sa dépouille au cimetière de Saint-Jean-Kyrie-Eleison. C'est
là qu'il repose, en face du vaste horizon tant de fois con-
templé. Il avait exprimé le désir qu'aucun discours ne fût
prononcé à ses obsèques; sa volonté n'a été qu'à moitié res-
pectée. M. le recteur Perroud, au nom de l'Université de
Toulouse, M. Hippolyte Laurens, au nom de l'Association
des anciens élèves du Lycée, dont Paget avait été le prési-
dent et à laquelle il n'avait jamais cessé de s'intéresser vive-
ment, dirent quelques brèves paroles d'adieu ^ M. le doyen
Hauriou s'est fait à son tour l'interprète des regrets de la
Faculté de droit dans son rapport au Conseil de l'Univer-
sité^.
L'espace me manque pour reproduire ici plus d'un pas-
sage qui mériterait d'être cité et contribuerait à vous faire
mieux connaître et apprécier le caractère de notre confrère,
« homme de l'Est transporté parmi ceux du Sud-Ouest,
Franc jeté au milieu des Latins ».
Il y a quelques années, l'Académie se livrait, ainsi qu'il
arrive périodiquement, à l'exercice un peu stérile d'une revi-
sion de ses règlements. Paget se prononça pour la suppres-
sion de l'éloge des membres défunts. Une sorte de pressen-
1. Voyez le Bulletin de l'Association des anciens élèves du Lycée
de Toulouse, juillet-août-septenibre 1908, pp. 29 et suiv.— Voyez aussi
Ja notice publiée dans le Bulletin de la Société de géographie de
Toulouse, t. XXVII, pp. 409-410. Paget avait également présidé cette
Société, en 1886, fort peu de temps après sa fondation.
2. Pp. 25 et suiv.
ÉLOGE DE M. JOSEPH PAGET. 411
liment l'avertissait-il qu'il ne trouverait paimi nous (ju'iin
biojiiM'aphe in(liLî:i'(» dr lui? Nul phi^ qii/> moi — hhm' (m; à
cette époque u\ coinl) Itu sa lUiiiiièi' de \oir — .*)*t'>l mn-
vamcu de cette insulfisance. Je n'ai pas hésité cependant à
me charger de la tâche pour laquelle vous avez t'ait appel à
ma bonne volonté. La gratitude envers le maître, le collègue,
l'ami, ne me permettait pas de m'y dérober, si lourde qu'elle
fût pour moi. Je serais trop heureux si, dans cette faible
esquisse, vous reconnaissiez pourtant les principaux traits
d'une figure bien digne de retenir les regards. En un temps
où, Dieu merci, les qualités du cœur et la vigueur de les-
prit se rencontrent encore souvent, mais où manquent sur-
tout les caractères, Paget sut être ferme, presque rigide. La
vieille devise de ses compatriotes n'est elle pas : « Comtois,
rends-toi ! — Nenni, ma foi ! »^ ? 11 réussit à se garder de
deux reproches auxquels les plus honnêtes gens n'échap-
pent que difficilement aujourd'hui : le reproche d'arrivisme
et celui de parasitisme; il ne rechercha la faveur d'aucun
homme ni d'aucun groupe; jamais il n'a voulu moissonner
dans le champ du public. Que nous partagions ou non ses
convictions, son souvenir doit nous rester présent et son
exemple nous fortifier.
PUBLICATIONS DE M. J. PAGET
Du payement indu en Droit romain et en Droit français. Toulouse,
Chauvin, 1867.
£ssai sur la mise en demeure et ses effets. Paris, Thorin, 4870.
Rapport sur les concours de la Faculté de droit de Douai, 1871.
Rapport sur les concours de la Faculté de droit de Toulouse, 1874.
Rapports sur les travaux de la Faculté de droit de Toulouse, de 1887-
1888 à 1899-1900.
1. 11 a défini lui-même son idéal dans l'allocution plus haut citée
aux élèves du Petit Lycée de Toulouse : « Gagner dans l'accomplisse-
ment du devoir l'estime de nous-mème et des autres. » « Sachez vou-
loir, ajoutait-il, et résolument, dans la droite ligne, marchez au but. »
412 SÉANCE PUBLIQUE.
Discours prononcé à la distribution des prix des écoles normales de
Toulouse. {Dépêche de Toulouse du 3 août 1891.)
Discours prononcé à la distribution des prix du Petit Lycée de Tou-
louse, 1897 {Télégramme de Toulouse, 31 juillet 1897).
Dans le Recueil de l'Académie de Législation :
Mémoire à propos d'un ouvrage de M. A. Bonnet, président de Cham
bre à la Cour d'appel de Poitiers : Sur les partages d'ascendants ;
t. XXVII, 1878-79.
Rapport sur les concours ordinaires de l'année 1878, t. XXVII.
Les institutions et la législation des Gaulois, à propos d'une bro-
chure de M. J, Lefort; t. XXX, 1881-82.
Sur la formation de notre Droit public et privé, à propos d'un
ouvrage de M. Beaune sur le Droit coutumier ; t. XXXI, 1882-83.
Discours d'installation à la présidence ; t. XXXVI, 1887-88.
Rapport sur le concours du prix du Ministre ; t. XXXVI, 1887-88.
Rapport sur les Contrats dans le Droit coutumier ^ de M. Henri
Beaune ; t. XXXVIII, 1889-90.
Rapport sur une étude sur la Législation charitable en Hollande,
de M. Léon Lallemand ; t. XLV, 1896-97.
La législation hospitalière ; t. XLVII, 1898-99.
Éloge de M. Gustave Humbert; t. XLVIIl, 1899-1900.
Abandon de la propriété d'un immeuble; t. L, 1901-1902.
Dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions
et Belles-Lettres de Toulouse :
Rapport sur les concours de la classe des Lettres, 1884.
Éloge de M. Victor Molinier, 1889.
Discours d'ouverture de la séance publique, 1er juin 1890.
Droits du conjoint survivant, 1891.
Discours d'ouverture de la séance publique, 24 mai 1891.
Code civil du Japon, 1892.
Observations historiques et rationnelles sur la propriété indivi-
duelle, 1894.
Les droits des enfants naturels dans la succession de leurs père et
mère, 1896.
Nouveau Code civil du Japon^ 1898.
N. B. — Je ne puis répondre que la liste ci-dessus soit complète ;
elle ne mentionne d'ailleurs que les travaux imprimés, non les com-
munications faites aux Académies toulousaines sans être reproduites
dans leurs Mémoires.
RAPPORT GÉNÉRAL SUR LES CONCOURS DE 1910. 413
RAPPORT GENERAL
SUR
LES CONCOURS DE 1910
Par m. F. TOURNEUX.
Messieurs,
A défaut de la compétence presque universelle qu'eût
exigé l'accomplissement de la mission que vous avez bien
voulu me confier, j'ai dû m'inspirer largement des indica-
tions fournies par les rapporteurs de vos Commissions spé-
ciales; c'est donc en somme leur œuvre bien plus que la
mienne que je vais avoir l'honneur de vous présenter.
L'Académie avait à décerner cette année le prix Gaussail
et le prix Ozenne, pour lesquels les travaux de l'ordre scien-
tifique pouvaient seuls concourir; elle disposait, en outre,
de prix d'encouragement sous forme de médailles de
bronze, d'argent ou de vermeil, permettant de récompenser,
suivant leu